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des Cours. Tout ce qui n'est pas combattu fait toujours un point de doctrine parmi nous; mais je me suis moins attaché à faire des citations d'arrêts qu'à rappeler les véritables principes, et les diverses dispositions de la loi nouvelle qui régit maintenant le Commerce français.

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D'ailleurs, la doctrine qui résulte des arrêts (ainsi » que l'observe un des plus célèbres orateurs du barreau), est grandement mélée de pour et de contre, >> et le plus souvent leur décision tient à des circon» stances particulières qui repoussent toute application qu'on en voudrait faire à d'autres espèces où les » mêmes accidens de fait ne se rencontreraient pas. » Au lieu d'établir les principes invariables de la matière, ajoute M. Dupin l'aîné, on voit des auteurs » modernes parcourir en détail toutes les espèces ju» gées par les divers arrêts, adoptant presque toujours » avec complaisance toutes les décisions qu'ils y trou» vent, au risque d'être démentis six mois plus tard, » par d'autres arrêts qui auront cassé les premiers ou jugé en sens inverse.

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» Avec cette méthode, on écrit de plus gros livres, » on les fait plus vîte, on les vend plus cher; mais, » comme on a professé une doctrine moins pure, elle >> est aussi moins durable. » (1)

(1) Voyez M. Dupin l'aîné, dans sa savante Dissertation sur la vie et les ouvrages de Pothier, pag. 108.

En effet, on ne connaîtra jamais bien la législation, et sur-tout la législation commerciale maritime, si on ne la cherche uniquement que dans les décisions des tribunaux et dans quelques consultations isolées. La source la plus sûre et la plus féconde réside dans l'esprit de la loi, dans l'examen approfondi des principes qu'elle établit, dans les usages nautiques, dans le langage des navigateurs.

Pour mieux connaître et apprécier cet esprit, et pour faciliter l'étude de ces principes, cet ouvrage sera suivi d'un Vocabulaire des termes de marine et des noms de chaque partie d'un navire.

C'est en quelque sorte à la vue d'un grand port, si je puis m'exprimer ainsi, en face des navires, au milieu des armemens, que j'ai travaillé à cette tâche importante. Puissé-je avoir dit tout ce qu'il était possible de concevoir dans un cadre aussi rétréci, sur un sujet d'un aussi grand intérêt pour la prospérité du commerce et de la navigation !....

PRÉFACE.

M. Valin (1) est le seul qui ait exécute le projet hardi de commenter l'Ordonnance de la marine. Le succès a justifié son entreprise. Il a ouvert la carrière; il a aplani mille difficultés; et par le recueil des édits, déclarations et réglemens intervenus depuis l'Ordonnance, qui, sans le secours de cet auteur, seraient restés ensevelis dans la poussière des greffes, il a rendu au public le même service que rendit au peuple romain Cnæus Flavius, en divulguant les fastes et les formules.

Si M. Valin n'a pas donné à la partie concernant les contrats maritimes, toute l'étendue dont elle paraît susceptible, c'est parce que son dessein s'était horné à expliquer chaque article de l'Ordonnance, sans s'arrêter à des dissertations qui ne peuvent entrer que dans des traités particuliers.

Parmi les contrats maritimes, il en est deux qui ont mérité

(1) René-Josué Valin, rochelais, avocat, procureur du roi de l'Amirauté et de l'Hôtelde-Ville, membre de l'Académie de sa patrie, se distingua par son savoir et sa probité. On a de lui, 1o. un Commentaire sur la Coutume de la Rochelle, 1768, imprimé en cette ville, 3 vol. in-4; 2°. l'Ordonnance de la marine, de 1681, 2 vol. in-4°., 1760; 3°. Traité des prises, 1763, 2 vol. in-8°. Cet estimable écrivain mourut en 1765. (Dictionnaire historique).

TOM. I.

Lois rhodiennes.

l'attention spéciale des jurisconsultes : l'assurance et le contrat à grosse aventure.

Le droit civil développe très-bien les principes du contrat à la grosse; mais il est muet au sujet du contrat d'assurance. Ce fut principalement pour ce dernier contrat que les rédacteurs de l'Ordonnance eurent recours aux lois du moyen âge et aux usages de nos voisins. Il serait à souhaiter qu'à l'exemple de M. Pussor, ils ousscut, par un procès-verbal, rendu compte de leurs décisions. Un mot de leur part eût éclairci divers points de cette Ordonnance, la plus belle, sans contredit, de toutes celles de Louis XIV, mais en plusieurs articles, la moins à portée du commun des lecteurs.

Les anciennes lois maritimes sont les sources qui furent ouvertes aux rédacteurs de l'Ordonnance, et dans lesquelles doivent puiser ceux qui veulent remonter aux principes. Elles renferment des règles d'autant plus sûres, qu'elles dérivent de la nature des choses. Ces règles font partie du droit des nations; elles sont par conséquent de tout âge et de tout pays. Non opinione, sed naturâ jus constitutum est. Cicéron, de Legibus, lib. 1, cap. 10.

Les Rhodiens s'étaient rendus célèbres par leur commerce et leurs victoires navales. La navigation était l'objet de leurs lois. Elles étaient si sages, qu'elles tenaient lieu de droit des gens parmi les habitans des îles de la mer Egée. Elles furent adoptées par les Romains, et Cicéron en fit l'éloge dans son oraison pro lege Manilliâ, cap. 18.

Elles ne sont point parvenues jusqu'à nous. Il suffit de par

courir les prétendues lois rhodiennes, dont la traduction latine, accompagnée d'un petit commentaire, se trouve, avec le texte grec, à la suite de Peckius et Vinnius, pour être convaincu qu'elles sont apocryphes (1). Il y est parlé de serment prêté sur l'Evangile. Le glossateur, pour se tirer d'embarras, dit que cela a été ajouté par les chrétiens: Additum hoc à christianis. C'est au § 15 du tit. 1.

Les mêmes lois sont dans le recueil des Basiliques, édition de Fabrot, tom. 6, pag. 647 et 655.

On prétend que ce fut lors de la première guerre punique Droit romain. que les Romains adoptèrent les lois rhodiennes (2). C'est en

effet alors qu'ils commencèrent à étendre leur domination hors de l'Italie, et qu'ils eurent par conséquent besoin du commerce maritime.

Peu à peu ils firent passer dans leurs propres lois ce qu'il y avait d'essentiel dans celles des Rhodiens. On vit paraître l'édit du préteur, de exercitoriâ actione, et toutes les décisions répandues dans le cours du droit au sujet de la navigation.

Le contrat à la grosse était parfaitement bien connu des Romains, ainsi qu'on le voit par les titres de nautico fœnore. Mais le contrat d'assurance (du moins tel qu'on l'entend aujourd'hui).

(1) Vide Cujas, sur la loi 2, ff ad leg. rhod., de jactu., lib. 34. Pauli ad edictum. Gibalinus, lib. 2, cap. 1, art. 5, tom. 1, pag. 237. Bouchaud, Théorie des traités du commerce, ch. 6,

sect. 3.

(2) Cujas, d. loco. Gravina, etc.

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