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son plan n'est pas connu, qu'il faut du temps pour le développer, l'examiner, démontrer ; que fût-il immédiatement soumis à notre délibération, son- auteur a pu se tromper; que fût-il exempt de toute erreur, on peut croire qu'il s'est trompé ; que quand tout le monde a tort, tout le monde a raison; qu'il se pourroit donc que l'auteur de cet autre projet, même en ayant raison, eût tort contre tout le monde , puisque sans l'assentiment de l'opinion publique, le plus grand talent ne sauroit triompher des circonstances.... Et moi aussi je ne crois pas les moyens de M. Necker les meilleurs possibles; mais le ciel me préserve, dans une situation si critique, d'opposer les miens aux siens. Vainement je les tiendrois pour préféra bles; on ne rivalise pas, en un instant, une popularité prodigieuse conquise par des services éclatans, une longue expé rience, la réputation du premier talent de financier connu; et, s'il faut tout dire des hasards une destinée telle qu'elle n'échut en partage à aucun autre mortel. » «H faut donc en revenir au plan de M. Necker. »'.

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« Mais avons-nous le temps de l'exami

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de sonder ses bases, de vérifier ses calculs ?... Non! non, mille fois non. D'insignifiantes questions, des conjectures hasardées, des tâtonnemens infidèles : voilà tout ce qui, dans ce moment, est en notre pouvoir. Qu'allons-nous donc faire par le renvoi de la délibération? Manquer le moment décisif, acharner notre amour-propre

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changer quelque chose à un ensemble que nous n'avons pas même conçu, et diminuer par notre intervention indiscrète Finfluence d'un ministre dont le crédit financier est et doit être plus grand que le nôtre Messieurs, certainement il n'y a là ni sagesse, ni prévoyance.... Mais du moins y a-t-il de la bonne foi »

«Oh! Si des déclarations mains solemnelles ne garantissoient pas notre respect pour la foi publique, notre horreur pour L'inf me mot de banqueroute, j'oserois scrutter les motifs secrets, et peut-être, hélas ! ignorés de nous-mêmes, qui nous font si imprudemment reculer au moment de proclamer l'acte d'un grand dévouement, certainement inefficace s'il n'est pas rapide et vraiment abandonné. Je dirois à ceux qui se familiarisent peut-être avec l'idée de manquer aux engagemens publics,

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par la crainte de l'excès des sacrifices, par la terreur de l'impôt Qu'est-ce donc que la banqueroute, si ce n'est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts Mes amis, écoutez un mot, un seul mot. »

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« Deux siècles, de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est prêt de s'engloutir ; il faut le combler ce gouffre effroyable. Eh bien! voici la liste des propriétaires françois ; choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens. Mais choisissez; car ne faut-il pas qu'un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple? Allons. Ces deux mille notables possèdent de quoi combler le deficit. Ramenez l'or dre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume. Frappez, îmmolez sans pitié ces tristes victimes, précipitez les dans l'abîme; il va se fermer Vous reculez d'horreur ..... Hommes inconséquens ! Hommes pusillanimes! Eh! ne voyez-vous donc pas qu'en décrétant la banqueroute, ou, ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d'un acte mille fois plus criminel, et chose inconcevable !

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gratuitement criminel. Car enfin cet hor rible sacrifice feroit du moins disparoître. le deficit. Mais croyez-vous, parce que vous aurez pas payé, que vous ne devrez plus · rien? Croyez-vous que les milliers, les millions d'hommes qui perdront en un ins tant, par l'explosion terrible ou par ses contre-coups, tout ce qui faisoit la consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la sustenter, vous laisseront pai siblement jouir de votre crime ? »

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«Contemplateurs stoïques des maux incal culables que cette catastrophe vomira sur la France; impassibles égoïstes qui pensez que ces convulsions du désespoir et de la misère passeront comme tant d'autres, et d'autant plus rapidement, qu'elles seront plus violentes, êtes vous bien sûrs que tant d'hommes sans pain vous laisseront savon. rer les mets, dont vous n'aurez voulu di minuer, ni le nombre, ni la délicatesse.... Non, vous périrez, et dans la conflagration universelle que vous ne frémissez pas d'al lumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vosdétestables jouissances.» «Voilà où nous marchons... J'entends par ler de patriotisme, d'élans du patriotisme, d'invocations du patriotisme. Ah! ne pros

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titues pas ces mots de patrie et de patrios tisme. Il est donc bien magnanime l'effort de donner une portion de son revenu pour sauver tout ce que l'on possède ! Eh! Messieurs, ce n'est là que de la simple arithmétique, et celui qui hésitera ne peut désarmer l'indignation que par le mépris que doit inspirer sa stupidité. Oui, messieurs, c'est la prudence la plus ordinaire, la sagesse la plus triviale, c'est votre intérêt le plus grossier que j'invoque. Je ne vous dis plus comme autrefois : donn rez vous les premiers aux nations le spectacle d'un peuple assemblé pour manquer à la foi publique? Je ne vous dis plus: eh! quels titres avez vous à la liberté, quels moyens vous resteront pour la maintenir, si des votre premier pas vous surpassez les turpitudes des gouvernemens les plus corrompus ? Si le besoin de votre concours et de votre surveillance n'est pas le garant de Votre constitution?...Je vous dis vous serez tous entraînés dans la ruine universelle, et les premiers intéressés au sacrifice qure Te gouvernement vous demande, c'est vous

mêmes. »

<< Votez donc ce subside extraordinaire, qui, puisse-t-il être suffisant! Votez le

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