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Il n'eft queftion, que de voir tout ce qui appartenoit à la charge de Grand Baillif, les droits qu'il avoit en cette qualité fur les dix Villes Imperiales, & en quelle maniere la Maison d'Infpruck exerçoit ladite charge, & joüifloit de ce droit. Il n'y a point de doute, que le même appartient au Roi, que Sa Majefté en doit joüir fans aucune difficulté & que fi Jesdites Villes ne fe vouloient pas rendre à la raifon, alors fadite Majefté pourroit les y contraindre, & fe promettre même l'affiftance des Alliez, fi elle étoit néceffaire: Il faut auffi confiderer d'un autre côté ce que lesdites Villes étoient obligées de rendre a l'Empereur & à l'Empire, comme Etats immediats, & penfer qu'elles font tenues de fatisfaire encor aux mêmes devoirs en ladite qualité, puifque le dit Paragraphe, Teneatur &c. donne affez à entendre, que la même qualité d'Etats immediats leur a été confervée, & que l'on ne fçauroit toucher cette immediateté, fans que tout l'Empire fe declare contre nous, & nos Alliez mê◄

mes.

Il me fouvient, que parlant autrefois avec feu Monfieur de Servien fur cette

même difficulté, & lui difant mes petits fentimens à peu près dans les mêmes termes, que je le fais maintenant, il me dit que nous aurions toûjours affez de droit fur lesdites Villes pour le faire valoir avec l'épée, lorfque quelque occafion favora ble s'en prefenteroit. On pourroit maintenant dire la même chofe, mais la conjoncture, où le trouvent aujourd'hui les affaires de ces quartiers ici, n'eft pas propre pour entreprendre une pareille affaire par cette voye-là, & il y a apparence, que lesdites Villes ne fe foumettront à cette Souveraineté, que par la force.

Il me femble au contraire, qu'il eft tout à fait du service du Roi, d'affermir toûjours de plus en plus le grand credit & la reputation, que Sa Majefté s'eft acquife dans tout l'Empire, & de conferver faffection de la plupart des Electeurs & Princes qui le composent.

L'on pourroit fans doute rifquer cet avantage, & rendre Sa Majefté fufpecte, même à fes Alliez, & à fes meilleurs amis. Il y a déja affez de perfonnes dans l'Empire mal affectionnées à la France, & qui ne voyent qu'à regret la part, que le Roi a dans les affaires d'Allemagne, les

quelles

quelles tâchent de perfuader aux autres, qu'il ne faut pas tellement s'opposer aux deffeins de l'Empereur, qu'il ne faille authi prendre garde, que le Roi ne mette le pied fi avant dans l'Empire. Ces gens-là ne manqueroient pas de faire fonner bien haut eette entreprife, fi on la vouloit tenter, & d'en faire craindre les confequences, qui ne pourroient être que tres prejudiciables au bien des affaires de Sa Majesté.

Il me femble, qu'il eft même tout-afait à propos de ne pas faire connoître, qu'on en ait la moindre pentée, parce qu'on fe rendroit fufpect, & on fe perfuaderoit peut-être, que l'on couveroit ce deffein en France, pour le faire éclorre, quand une occafion favorable s'en offriroit.

Les affaires fe confervant dans l'Empire à l'égard du Roi, comme elles font maintenant, & comme il y a apparence qu'elles fe maintiendront font efperer quelque chofe de plus grand & de plus avantageux, que ces droits à difputer fur les dix Villes Imperiales, où apparemment plufieurs Etats s'interefferoient, outre lesdites Villes, la Nobleffe libre &

les

les voisins de l'Alface. L'on n'a jufques aujourd'hui de la part du Roi parlé d'autre chofe, que de maintenir la liberté de l'Empire contre les entreprises de la Cour de Vienne, & ç'a été une des plus fortes raisons, qui ait obligé la plûpart. des Electeurs, Princes & Erats de l'Empire, de confiderer le Roi, comme le principal defenfeur de ladite liberté, & de s'allier avec Sa Majefté. Il y auroit à craindre, fi l'on pouffoit cette prétention fur lesdites Villes Imperiales, que les mêmes Electeurs, Princes & Etats ne changeaffent de fentiment, & ne repaffaffent dans le parti qu'il ont quitré, où quelques uns d'eux ont été attâchez fi long temps, & où ils ont joui au moins d'une apparence de liberté, qu'ils appre◄ henderoient de perdre tout à fait, dans la penfe qu'ils auroient, que l'on voudroit commencer par lesdites Villes à affujettir peu à peu les Etats de l'Empire: Il n'y auroit pas au moins faute de gens, qui tâcheroient d'en imprimer la crainte par tout où ils pourroient,

Ce font là mes petits fentimens ; & quoi qu'il femble, que je foutienne ici une cause contre les interêts du Roi, je

n'ai pas pû m'empêcher de les déclarer ingenument, les croyant plus conformes au bien du fervice de Sa Majefté, qui m'a commandé de les lui faire fçavoir. Si elle juge toutesfois à propos, que je foutienne ici de fa part cette pretention felon l'inftruction, qui m'a été envoyée; je le ferai tant auprès de Monfieur l'Electeur de Mayence, que des Deputez, qui font ici, le plus vigoureufement & le mieux qu'il me fera poffible; mais je ne fçaurois m'empêcher de reiterer encore, que la fuite en fera dangereuse.

Fait à Francfort le 21 Aons 1661,

LES

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