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fur les maximes de la Guerre, & qui ne cherchoient point à s'agrandir par la deftruction & la ruïne de leurs Voifins; que les Païs Conquis ont été plûtôt à charge qu'à profit, & que par lá les Conquerans ont vû diminuer leur pouvoir, & par confe quent auffi leur crédit, dont on ne manque pas de preuves dans les Exemples anciens & modernes. En fecond licu, il eft à remarquer que jufqu'ici on n'a pû encore parvenir à ce grand But, ci-deflus mentionné, par aucun Traité cù V. H. P. & leurs Alliez aient pû trouver leur tranquilité réciproque: Et en 3. lieu, que par cette raison il ne refte d'autre voie, que celle de pouffer vigoureufement la Guerre.

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Pour cet effet, il eft néceffaire de bich confidérer, qu'encore que la France, par tous les défaftres & toutes fes défaites, par la perte de fes vielles Troupes les plus aguerries, & de beaucoup d'Etats & Païs qu'elle poffedoit au commencement. de cette Guerre, & fur tout par la chute du crédit public, fe foit affoiblie & apauvrie; neanmoins, il lui refte encore affcz de forces pour mériter que les Alliez y faffent attention. Caroutre que les Pays

de fon ancienne Domination font en eux mêmes d'une grande importance & fort puiffans, ainfi qu'on l'a vû dans les temps précedens; elle domine encore en Allemagne fur le Haut Rhin, fur la Saare & fur la Mofelle jufqu'à Traerbach: Elle a julqu'à la vue des Suiffes, des ForterefLes, par le moyen defquelles elle a communication avec la Savoye, & peut faci lement fecourir fes Frontiéres de l'un & de l'autre côté, & infefter continuellement les Alliez, s'ils ne fe tiennent pas bien fur leurs gardes. Le Duché de Lorraine eft encore effectivement fous la puiffance de l'ennemi, par le moyen de la Garnifon qu'il tient à Nanci, & des grands chemins, d'une lieue de large, qu'il s'y eft appropriez. Il en eft mênie du Duché de Bar, fi Important par fa fituation, & par fes revenus en Vin & en Sel; & de plufieurs Provinces & Villes dans le Pais-Bas, qui neanmoins font extremement néceffaires aux Alliez, pour leur fervir de bonne & fuffifante Barriére, & pour éloigner la France des Frontiéres de cet Etat. Il en eft de même, fur tout, des Indes, de la plus grande partie de l'Espagne, des Ifles de Sicile & autres far

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la cote de Tofcane, du Comté de Nice, du Duché de Savoye. Avec tous ces Pays que l'Ennemi pofféde, il a encore d'autres reffources qu'une expérience de 50 ans ne permet pas de négliger: Reffour ces qu'il employe actuellement, en tâchant de mettre en oeuvre & de raffembler tous les moyens imaginables, pour fe tirer de la preffe où il eft, ainfi qu'il l'a fait avec fuccés dans cette derniere Campagne, à l'é gard de l'efpagne, de l'Allemagne & de l'Italie. I tâche de fe conferver dans les Païs-Bas tout ce qu'il y pofféde encore, & non feulement de le garantir des irruptions de Alliez, mais auffi de reconquerir, s'il lui eft poffible, ce qu'il y a perdu, à quoi il n'épargne ni empreflement, ni ardeur, ni foins. De forte que par ces raifons, il eft d'une néceffité abfolue de pouffer la Guerre de la même maniere qu'on a fait pour obtenir les fuccés cideffus marquez, en employant toutes les forces qu'on a, & toute l'application poffible, avec ardeur & zéle, avec concorde & conftance, dans l'efpérance & la ferme confiance que par cette voie, les Armes de V. H. Puiffances & de leurs Alliez continueront à profpérer, & qu'en

peu de temps on fera en état de cimenter lé repos fi néceffaire, avec la fûreté fi défirée, & de fe mettre à couvert des Entreprises d'un Voifin fi puiffant & fi re doutable..

Il faut neanmoins teconnoître avec des fentimens de compaffion, que de fi grands efforts faits par les Provinces pour cette fin depuis quelques Années, & que la néceffité exige encore pour l'Année prochaine, font fort rudes & penibles à fuporter; & qu'outre le nombre extraordinaire d'Impôts, dont les bons Sujets de cet Etat ont été comme accablez, ainfi qu'on l'a déja dit, ils ont encore par divers accidens & par les fâcheufes fuites de la Guerre, foufert une grande diminution ou ceffation de gain, en divers moyens qu'ils avoient de fubfifter; & qu'en d'autres ils n'ont pas peu reçû de dommage. Les Finances publiques des Provines & de la Généralité, avec les Impofitions Extraordinaires ci deffus mentionnées, n'ayant pû fuffire pour les dépenfes & les groffes charges de la Guerre, on a été obligé de les charger de nouveau par des Negociations réiterées de Deniers, pour la facilité defquelles il a fallu même

avoir recours à des moyens, qui n'avoient point été connus ni pratiquez en d'autres temps à l'égard des Finances publiques. Mais outre qu'ordinairement ce qu'on eft forcé de faire, & qu'on ne peut eviter, eft charginant & onereux, il arrive encore que les moyens qu'on eft obligé d'y employer, font d'abord fâcheux, qui qu'ils fervent ensuite à en tirer de l'utilité & de l'avantage; de même que dans P'Agriculture, le Semeur pleure quelquefois dans les commencemens de fon travail, mais enfuire on le voit revenir tout joyeux, quand il eft chargé de gerbes. Les grandes chofes ne s'acquiérent ordinairement qu'à haut prix, & l'Honneur & la Glorie ne fe laiffent aborder que par des chimins fcabreux & efcarpez. Dans la Guerre, la Conftance n'eft pas moins réceffaire que le courage & la valeur des Heros. Cette République même n'a été ̃ fondée, & ne s'eft foutenue que par les derniers efforts de nos Ancêtres, & par leur parience & leur fidelité: Et fi lon te remet devant les yeux, les grands & incfperez avantages qui ont été obtenus par ces efforts, on y trouvera non feulement de quoi fe confoler, mais aufli tour ftI 6

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