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troubles ailleurs; de même que fit Louis XI., Roi de France, qui, pour se tirer du mauvais état où le tenoit la Maison de Bourgogne avec d'autres Princes, jufques là que fa Capitale couroit rifque d'être infultée, aima mieux employer tous fes foins à exciter la divifion entre les Princes Liguez, que d'expofer le Royaume au fort d'une Bataille.

. Mais quoique cela lui réüffit alors, on voit pourtant aujourd'hui, que nonobtant tous les artifices, les fubtilitez, & les rufes mifes en pratique, la Grande Alliance ne laiffe pas de fubfifter: Et il fera encore néceffaire qu'elle continue pour le maintien de la fûreté commune foit que la Guerre dure, ou qu'on la voie bientôt finir par une heureuse paix. Car à l'égard de la Guerre, les Hauts Alliez ont fort bien compris, & à temps, ce que les Etats d'Italie & autres pays de la Méditerranée ont autrefois, à la verité, compris, mais par malheur trop tard, fur l'acroisement de la Puiffance Romaine: Savoir que fi chacun étoit obligé de combattre en particulier contre les grandes forcer de la France, ils ne manqueroient pas d'être fubjugucz l'un après l'autre, &

qu'on

qu'on auroit, raifon de craindre qu'ils ne périffent tous: Et à l'égard de la paix qui fe pourra faire, quand même elle feroit conforme au but de la Grande Alliance, tel qu'on l'a ci-devant exprimé, neanmoins, il refteroit encore affez de forces à la France pour la rendre redoutable à chacun des Hauts Alliez en particulier; outre qu'il ne lui faudra que peu de temps pour reprendre les premieres forces.

Auffi fut il reprefenté plus au long l'Année derniere, que depuis plus d'ua demi-Siecle, cette Couronne n'a eu befoin chaque fois que de fix années, pour fe remettre en état de recommencer de nouveaux troubles. De plus, fans employer ici les raifonnemens qui se f pourroient faire fur l'humeur toûjours inquiete & remuante de la Nation, qui depuis plus de 200 ans à fait regarder fon voisinage comme incommode & dangereux, & fur les Maximes que la France a conftamment fuivies pour étendre fa Domination ; il n'a que trop paru, même par l'experience, combien peu de fonds on peut faire fur un Traité de Paix, qui caufera la féparation des Hauts-Alliez. Car, pour ne point faire mention de ce

que la France, après les Traitez folemnels de Weftphalie & des Pirenées, a entrepris également contre l'Empereur & l'Espagne en divers Païs, cette Couronne, après la Paix de Nimegue, qui n'avoit pas été conclue tout à fait à la fatisfaction générale de tous les Hauts-Alliez, infetta de nouveau dans un même temps (on ne fait fous quels prétextes) & l'Empire, & l'Italie, & les Païs-Bas. De forte que ni la raifon, ni l'experience ne permettent pas d'efpérer, qu'encore que la prefente Guerre prit fin d'une maniere avantageuse, la paix fût pour cela plus affermie que les précedentes, à moins que Jes Hauts-Alliez ne demeurent après le Traité comme auparavant, dans une bonne & fincére intelligence, toûjours étroitement unis par la continuation de leurs Alliance, & fuffisamment armés, pour, en cas de befoin, étreindre les Noeuds de cette Alliance; & par là fe garantir de toutes nouvelles inful

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tes.

Ces précautions feront d'autant plus néceffaires, qu'à la fin de Guerre, les animofitez ci devant formées, qui ont tubfifté depuis plus de 40 ans, & éclaté

par

par trois Guerres fucceffives, ne s'éteindront pas fitôt. Car dés long-temps on a remarqué, que lorfqu'il y eu diverfes fois des démêlés & des Guerres entre quelques Nations, quoique ces Guerres aient paru affoupies & terminées, la haine & le reffentiment en ont fi long-temps duré, que la Crainte a eu bien de la peine à faireplace au retour tardif de la Confiance. D'où il faut conclure, qu'il n'y a point d'autre fûreté à espérer pour les Hauts-Alliez, que dans le matien de leur Allian ce, & dans les mesures qu'ils prendront de concert, pour fournir à temps, en cas de néceffité, un nombre convenable de Troupes.

}

Enfin après tout ceci, en confiderant plus particulierement ce qu'il eft à propos de faire pour l'Année prochaine, il eft a est remarquer; Premierement, que comme il a été déja dit plufieurs fois, le grand but de V. H. P. & de leurs Alliez dans cette Guerre, eft le maintien de la Liberté Commune, & l'avancement de la fûreté de cet Etat: Vues qui ne font pas moins légitimes que néceffaires, & defquelles dépend ou la profperité, ou la ruine de ces Province: Car outre qu'en géné

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général il est très facheux de fe voir dans un état d'incertitude, il eft certain qu'il n'y a rien de plus opposé à la profperité des Etats & des Republiques qui, comme celle-ci, fondent en grande parties & même en très grande partie, leur foû ien fur le Commerce, les Manufactures & la Navigation; & qui non feulement font obligées de faciliter par toutes les voyes imaginables à leurs Habitans & Sujets, ces moyens par l'efpérance du gain, mais encore de leur faire poffeder fans inquiétude, & en repos, ce qu'ils ont gagné, ou ce que leurs Ancêtres leur ont acquis & epargné. C'est par là que le nombre du peuple s'augmente, & par ce nombre ile luftre & la Poiffance des Princes & des Etats, infiniment mieux que par les Con quêtes, dont la multiplication eft comme celle des branches à un Arbre, qui en tirant la féve & la force, affoibliffent le tronc, & le rendent moins capable de -fe foûtenir contre les orages & le mauvais temps. On a éprouvé plufiers fois, que Les Conquêtes qui ne font pas faites pour fervir de Barriére, & pour couvrir des Frontiéres, ont été fort préjudiciables aux Républiques » qui n'étoient par fondées ε t

fur

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