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>> impossibles; n'exigeons pas du ci-devant souverain » un amour impossible de la souveraineté nationale; >> trouvons tout simple qu'il apporte son veto aux >>> meilleurs décrets! Mais que les magistrats du peu>>ple, que le directoire de Paris, que les mêmes >> hommes, qui ont fait fusiller, il y a quatre mois, >> au Champ-de-Mars, les citoyens signataires d'une » pétition individuelle contre un décret qui n'était >> pas rendu, inondent l'empire d'une pétition qui » n'est évidemment que le premier feuillet d'un

grand registre de contre-révolution, une souscrip» tion à la guerre civile, envoyée par eux à la si>> gnature de tous les fanatiques, de tous les idiots, » de tous les esclaves, de tous les voleurs des qua>>> tre-vingt-trois départements, en tête desquels sont >> les noms exemplaires des membres du directoire » de Paris; pères de la patrie! il y a là une telle com>>plication d'ingratitude et de fourberie, de préva>>rication et de perversité, d'hypocrite philosophie >> et de modération perfide, que nous nous rallions >> à l'instant autour des décrets et autour de vous! » Continuez, fidèles mandataires! et si on s'obstine » à ne pas vous permettre de sauver la nation, eh >> bien! sauvons-nous nous-mêmes! Car enfin la >> puissance du veto royal aura un terme, et on n'em» pêche pas avec un veto la prise de la Bastille.

» Il y a longtemps que nous avons la mesure du >> civisme de notre directoire : quand nous l'avons

>> vu par une proclamation incendiaire, non pas >> rouvrir les chaires évangéliques à des prêtres, mais des tribunes séditieuses à des conjurés en sou>> tanes! Leur adresse est un écrit tendant à avilir >>> les pouvoirs constitués; c'est une pétition collec»tive; c'est une incitation à la guerre civile et au >> renversement de la constitution. Certes, nous ne >> sommes pas les admirateurs du gouvernement >> représentatif, sur lequel nous pensons comme >> J.-J. Rousseau; mais si nous en aimons peu cer»tains articles, nous aimons encore moins la guerre >> civile. Autant de motifs d'accusation! La forfai>>ture de ces hommes est établie. Frappez-les! Mais >> si la tête sommeille, comment le bras agira-t-il? »Ne levez plus ce bras; ne levez plus la massue na» tionale pour écraser des insectes. Un Varnier, un » de Lâtre! Caton et Cicéron faisaient-ils le procès à » Céthégus ou à Catilina? Ce sont les chefs qu'il faut poursuivre! Frappez à la tête. » Cette verve d'ironie et d'audace, applaudie moins par des battements de mains que par des éclats de rire, ravit les tribunes. On vota l'envoi du procès-verbal de la séance à tous les départements. C'était élever législativement le pamphlet à la dignité d'acte public, et distribuer l'injure toute faite aux citoyens, pour qu'ils n'eussent qu'à la jeter aux pouvoirs publics. Le roi trembla devant le pamphlétaire; il sentit par ce premier usage de sa prérogative bafouée que la consti

tution se briserait dans sa main chaque fois qu'il oserait s'en servir.

Le lendemain, le parti constitutionnel, plus en force à la séance, fit rapporter l'envoi aux départements. Brissot s'en indigna dans sa feuille, le Patriote Français. C'était là et aux Jacobins, plus qu'à la tribune, qu'il donnait le mot d'ordre à son parti, et qu'il laissait échapper sa pensée républicaine. Brissot n'avait pas les proportions d'un orateur; son esprit obstiné, sectaire et dogmatique était plus propre à la conjuration qu'à l'action; le feu de son âme était ardent, mais il était concentré. Il ne jetait ni ces lueurs ni ces flammes qui allument l'enthousiasme, cette explosion des idées. C'était la lampe de la Gironde, ce n'était ni sa torche ni son flambeau.

XX.

Les Jacobins, un moment appauvris par le grand nombre de leurs principaux membres élus à l'Assemblée législative, flottèrent quelque temps sans direction, comme une armée licenciée par la victoire. Le club des Feuillants, composé des débris du parti constitutionnel dans l'Assemblée constituante, s'efforçait de ressaisir la direction de l'esprit public. Barnave, Lameth, Duport étaient les meneurs de ce parti. Effrayés du peuple, con

vaincus qu'une seule assemblée sans contre-poids absorberait inévitablement le peu qui resterait de la royauté; ce parti voulait deux chambres et une constitution pondérée. Barnave, qui portait son repentir dans ce parti, était resté à Paris et avait des entretiens secrets avec Louis XVI. Ses conseils, comme ceux de Mirabeau à ses derniers jours, ne pouvaient plus être que de vains regrets. La Révolution avait dépassé tous ces hommes. Elle ne les voyait plus. Cependant ils gardaient un reste d'influence sur les corps constitués de Paris et sur les résolutions du roi. Ce prince ne pouvait se figurer que des hommes si puissants hier contre lui fussent déjà si dénués de force. Ils étaient son dernier espoir contre les ennemis nouveaux qu'il voyait surgir dans les Girondins.

La garde nationale, le directoire du département de Paris, le maire de Paris lui-même, Bailly, et enfin la partie de la nation intéressée à l'ordre les appuyaient encore; c'était le parti de tous les repentirs et de toutes les terreurs. M. de La Fayette, madame de Staël et M. de Narbonne avaient de secrètes intelligences avec les Feuillants. Une partie de la presse leur appartenait. Ces journaux popularisaient M. de Narbonne et le poussaient au ministère de la guerre. Les journaux girondins ameutaient déjà le peuple contre ce parti. Brissot semait contre eux les soupçons et les calomnies; il les

désignait à la haine du peuple. « Comptez-les, >> nommez-les, disait-il. Leurs noms les dénoncent; >> ce sont les restes de l'aristocratie détrônée qui >>> veulent ressusciter une noblesse constitutionnelle, >> établir une seconde chambre législative, un sénat >> de nobles, et qui implorent, pour arriver à leur » but, une intervention armée des puissances! Ils >> sont vendus au château des Tuileries, et ils lui » vendent un grand nombre de membres de l'As>> semblée. Ils n'ont parmi eux ni hommes de génie, » ni hommes de résolution. Leurs talents, c'est la » trahison; leur génie, c'est l'intrigue. »>

C'est ainsi que les Girondins et les Jacobins, alors confondus, préparaient contre les Feuillants les émeutes qui ne devaient pas tarder à disperser ce club.

Pendant que les Girondins agissaient ainsi, les royalistes purs ne cessaient pas, dans leurs feuilles, de pousser aux excès, pour trouver, disaient-ils, le remède dans le mal même. Ainsi on les voyait exalter les Jacobins contre les Feuillants, et verser à pleines mains le ridicule et l'injure sur les hommes du parti constitutionnel, qui tentaient de sauver un reste de monarchie. Ce qu'ils détestaient avant tout, c'était le succès de la Révolution. Leur doctrine de pouvoir absolu recevait un démenti moins humiliant pour eux du renversement de l'empire et du trône que d'une monarchie constitutionnelle préservant à

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