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M. le comte Saint-Aulaire a ajouté : c'est ainsi que l'a entendu la commission :

(2) Dans la proposition, toutes les diffamations, toutes les injures étaient dévolues aux tribunaux correctionnels et se trouvaient distraites de la juridiction des cours d'assises; cette exception me paraît trop étendue, a dit M. le duc de Broglie; elle va plus loin que l'art. 14 de la loi du 26 mai 1819, l'art. 14 ne réservait aux tribunaux que, pu

(1) L'art. 69 de la Charte ne parle que des «délits de la presse », l'art. 1er de la présente loi y joint ceux qui seront commis par tout autre moyen de publication; parce que, a dit M. le comte Siméon, dans son rapport, ils sont de la même nature que ceux de la presse. Ils sont un abus du droit de blier ses opinions.

Le citoyen qui les publie par des écrits à la main, par des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes, s'il est prévenu d'avoir abusé de son droit, doit trouver dans les cours d'assises les mêmes garanties que celui qui a manifesté ses opinions par la voie de la presse.

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M. le comte Siméon, rapporteur, a dit en outre : «Il a paru nécessaire de ne pas se borner à dire que les cours d'assises jugeront les délits de la presse, fallait pour faire entendre ce qu'on veut comprendre dans leur compétence, designer quels sont ces délits; ce sont ceux énoncés dans l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819: j'y avais joint les cas prévus par les lois du 9 juin 1819 et 18 juillet 1828, mais il a été remarqué dans la commission que ces deux lois ne font autre chose qu'imposer des obligations, dont l'infraction n'est point un délit, mais seulement une contravention à la police de la presse la commission n'a pas pensé que ces contraventions puissent être considérées comme des delits, et qu'il n'y a par conséquent pas de raison de les faire juger par la cour d'assises; en conséquence, elle a rayé de l'art. 1er les mots : « Ou » prévus par les lois du 9 juin suivant, et du 18 » juillet 1828 concernant les journaux et écrits » périodiques.» Cependant on a insisté dans la discussion générale, et l'on a dit que les faits déclares punissables par les lois du 9 juin 1819 et 18 juillet 1828, quoique qualifies contraventions étaient de véritables délits, puisqu'ils étaient punis de peines correctionnelles; mais on a répliqué que sans doute à raison de la peine, ils étaient des délits; mais qu'ils n'étaient point « délits de la presse » dans la véritable acception des termes, car on désignait par là les délits résultant de la nature et du sens des écrits imprimés, et non ceux qui pouvaient être commis en contrevenant aux règles prescrites, pour la publication d'un journal,»

Quelques pairs paraissaient croire que la rédaction pourrait s'entendre en ce sens, que les délits de la presse énoncés dans l'art. 1o de la loi du 17 mai 1819, seraient seuls jugés par les cours d'assises, et ils disaient avec raison que tous les délits de la presse devaient être portés devant le jury; mais M. le duc de Broglie, ministre de l'instruction publique, a fait observer que le mot «<< énoncés »

d'une

part, la diffamation ou l'injure verbales contre toute personne, délit trop léger pour mériter la solennité des assises, et d'autre part, la diffamation et l'injure, contre les personnes privées, par une voie de publication quelconque; mais il laissait à la connaissance du jury la diffamation contre les ministres, contre les fonctionnaires publics et tous les agens de l'autorité. C'est cette disposition que je réclame en ce moment. Ce sont les art. 20 et suivans de la loi de 1819, qui disposent que le prévenu de diffamation envers les fonctionnaires publics sera admis à prouver par toute voie quel- ' conque la vérité des faits qu'il a allégués, même par la voie testimoniale, sauf la preuve contraire par les mêmes voies; et que la preuve imputes met l'auteur à l abri de toute peine.

des faits

J'ai concouru à faire insérer ces dispositions dans la loi de 1819; je les réclamais alors comme simple membre de cette Chambre et dans l'intérêt de la liberté; je les réclame aujourd'hui comme ministre du Roi, et dans l'intérêt du gouvernement. II importe à la liberté comme au gouvernement que ces dispositious tracent la ligne de démarcation' entre la diffamation publique et la diffamation privée.

Ainsi, l'injure et la diffamation verbales contre << toute personne, » même contre les fonctionnaires; l'injure et la diffamation « écrite ou imprimée contre les particuliers»; sont exceptées de la regle générale écrite dans l'art. 1er, qui attribue aux cours d'assises la connaissance des délits de la presse.

L'injure, la diffamation, écrite ou imprimée, contre les corps ou fonctionnaires publics, seront portées devant les cours d'assises. C'est la reproduction des art. 14, 20 et suivans de la loi du 26 mai 1819. Voy. ci-après, art. 5.

M. Vatimesnil a proposé à la Chambre des députés un amendement tendant à soumettre au jury la diffamation commise entre particuliers par la voie de la presse; d'après les observatious qui lui ont été faites, il a retiré son amendement.

M. Dubouchage a fait remarquer que la dispo sition de l'art. 69 de la Charte est absolue, universelle; que la commission s'est écartée de cet article quand elle a décidé que la diffamation et l'injure contre de simples particuliers continueront à être

propos d'user des droits qui leur sont attribués par les articles 15 et 16 de la loi du 25 mars 1822 (1).

4. La poursuite des délits mentionnés en l'article 1er de la présente loi aura lieu d'office

et à la requête du ministère public, en se conformant aux dispositions des lois des 26 mai et 9 juin 1819 (2).

5. Les articles 12, 17 et 18 de la loi du 25 mars 1822 sont abrogés (3).

jugés par les tribunaux de police correctionnelle. M. le comte d'Argout lui a répondu qu'il est fort probable que l'intention de la nouvelle Charte a été de ne renvoyer devant les cours d'assises que les crimes et délits de la presse concernant l'ordre public, et non pas les attaques et les injures dirigées contre des particuliers.

En effet, si on leur appliquait les dispositions de la présente loi, on se trouverait dans l'embarras que voici : c'est qu'aucune affaire ne pouvant être portée devant la cour d'assises sans que la Chambre de mise en accusation ait préalablement autorisé les poursuites, il en pourrait résulter qu'un particulier serait arrêté par cette Chambre dans les poursuites en réparations de dommages dont il se plaindrait.

La Charte ne pourrait être interprétée dans ce sens, que les dommages faits par la presse à des particuliers devraient être portés devant la cour d'assises, parce que les formes de la procédure dans ce cas, ne sont pas applicables à cette espèce

de délit.

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(1) M. de Martignac, rapporteur de la commission de la Chambre des députés, a ainsi justifié cette disposition.

« Le cas d'offense envers les Chambres est un de ces faits graves qui inséressent la société entière; les débats qui s'agitent à l'occasion de ces faits peuvent faire naître des questions qui touchent au droit d'examen et de contrôle, dont chaque citoyen est investi; il semble que le jugement de ces questions doit rentrer dans les attributions réglées en principe par la Charte, et qu'il n'est pas sans inconvénient de la conférer à ceux au prejudice desquels le droit aurait été exercé dans ses limites ou hors de ses limites.

>> Votre commission ne s'est pas dissimulé tout ce qu'il y avait de juste et de sérieux dans ces objections, mais elle s'est déterminée par des considérations d'un autre ordre, qu'il vous appartiendra d'apprécier.

»I importe de conserver aux Chambres une indépendance et une liberté dont elles ont besoin pour remplir, dans l'intérêt du pays, la haute mission dont elles sont chargées; cette indépendance existerait-elle, si elles n'avaient pas le pouvoir de veiller à leur propre dignité, et si elles étaient obligées de recourir à l'autorité du gouvernement pour se faire respecter? Qu'arriverait-il, et à quel étrange rôle les Chambres ne descendraientelles pas, si, après avoir dénoncé l'offense et requis la poursuite devant la cour d'assises; elles voyaient leur plainte négligée et abandonnée par les conclusions du ministère public.

» L'intérêt des Chambres est un intérêt général, car elles représentent le pays; leur action libre et forte est une nécessité de notre ordre social, et personne ne contestera, qu'en France, la puissanc● réelle d'un corps soit inséparable de sa dignité. La loi doit donc assurer aux Chambres les moyens de

faire respecter la leur, et ce moyen doit être, au besoin, indépendant de l'action du gouvernement. Car, autrement, ce serait les placer elles-mêmes dans une dépendance incompatible avec leur nature et leur destination.

(2) C'est à dire que le ministère public articulera dans son réquisitoire, et qualifiera les provocations attaques, offenses, outrages, écrits diffamatoires ou injures, à raison desquels la poursuite est intentée, et que s'il y a ordre de saisir l'écrit, l'imprimé ou les presses dénoncés, l'ordonnance et le procès verbal de saisie seront dénoncés dans les trois jours; qu'on suivra, en un mot, toutes les formes établies, pour que la poursuite soit prompte, régulière, et sur tout ne soit pas vexatoire (1er rapport de M. le comte Siméon).

C'est à dire encore, que toutes les fois que ces délits intéressent les corps ou personnes que la loi a désignés, le ministère public ne peut poursuivre que de leur aveu, et qu'il doit observer dans la poursuite toutes les règles prescrites par ces lois. (a rapport de M. le comte Siméon).

(3) L'abrogation de l'art. 17 de la loi du 25 mars 1822 était commandée par la force même des choses; c'est en effet, cet article qui attribua aux tribunaux de police correctionnelle la connaissance des délits de la presse, que la loi actuelle rend aux cours d'assises.

Quant à l'art. 18, qui, dans tous les cas, prohibe la preuve testimoniale pour établir la réalité des faits injurieux ou diffamatoires, il n'était pas absolument incompatible avec le principe de la loi actuelle; mais M. le comte Siméon a fait remarquer qu'il était tout à fait contraire à l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819, qui admettait pour certains cas la preuve testimoniale, et que, puisqu'on revient à la foi du 26 mai 1819, il faut la prendre en entier, et ne pas tronquer ses principes et ses conséquences. Puisque le jugement de la diffamation contre tout ce qui n'est pas simple particulier sera porté aux jurés ; la commission a pensé qu'il faut leur donner tous les moyens de se convaincre s'il y a ou non diffamation.

L'art. 12, enfin, dont l'abrogation est également prononcée, établissait la censure pour les dessins gravés ou lithographiés. M. de Barante en a demandé l'abrogation; aucune objection ne s'est élevée contre sa proposition, quant au fond; mais on a fait remarquer que l'abrogation de l'art. 12 de la loi du 25 mars 1822 ne pouvait trouver place dans une loi relative à la compétence, en matière de délits de la presse; cette considération avait déterminé la Chambre des pairs à repousser la proposition de M. de Barante la Chambre des députés a pensé, au contraire, qu'elle devait être accueillie, et la Chambre des pairs s'est ensuite rangée à cet avis.

M. Jacquinot Pampelune a fait remarquer que l'art. 17 de la loi du 25 mars 1822 contient des dispositions qu'il importe de conserver, notamment celle qui porte que les injures, contre les

6. La connaissance des délits politiques est pareillement attribuée aux cours d'assises (1).

7. Sont réputés politiques les délits pré

vus :

1° Par les chapitres I et II du titre Ier du livre III du Code pénal,

2o Par les paragraphes 2 et 4 de la section III, et par la section VII du chapitre III des mêmes livre et titre ;

36 Par l'article 9 de la loi du 25 mars 1822 (2).

agens diplomatiques étrangers, et les hauts fonctionnaires publics, ne peuvent être poursuivies qu'autant qu'il y a plainte de leur part.

M. le ministre de l'intérieur a répondu : la question est jugée par l'article précédent, cet article renvoie à la loi du 26 mars 1819, qui règle tous les cas de procédure dont il s'agit.

M. Jacquinot a reconnu que l'observation du ministre était juste; mais il a pensé que, sous un autre rapport, il était nécessaire de ne pas abroger absolument l'art. 17 de la loi du 25 mars 1822, et qu'il convenait de conserver la disposition qui attribue la connaissance des appels des tribunaux correctionnels à la cour royale, chambre civile et chambre correctionnelle réunies. On comprend que cette attribution ne se trouverait conservée que pour les délits qui, aux termes de l'art. 2 de la présente loi, doivent être jugés par les tribunaux correctiounels.

1

Mais M. de Schonen a soutenu que cette attribution extraordinaire était inutile, qu'il fallait rester dans le droit commun. Les délits de diffamation, entre les particuliers, se poursuivent, a-t-il dit, dans les formes ordinaires, et l'appel est porté devant la Chambre des appels de police correctionnelle; cette garantie est suffisante, je ne vois pas pourquoi l'on sortirait du droit commun, la réunion des deux chambres est souvent difficile, et entrave le cours de la justice.

Je dois faire remarquer que les art. 200 et 201 du Code d'instruction criminelle, auxquels avait dérogé l'art. 17 de la loi du 25 mars 1822, reprennent toute leur force, et sont seuls la règle de compétence à consulter en cas d'appel.

(1) A la Chambre des députés, M. de Schonen a demande si la procédure qui serait suivie en matière de délits politiques serait celle qui a lieu en matière de délits de la presse, ou bien celle qui a lieu en matiere ordinaire?

M. le rapporteur lui a répondu : Toutes les fois que la loi ne contient pas une dérogation expresse, c'est la règle générale qui est suivie; or, comme il n'y a eu aucune proposition de faite en ce qui touche les délits politiques, ces délits, quant à leur procédure, rentrent dans le droit commun.

M. de Martignac, rapporteur de la commission de la Chambre des députés, a fait remrquer que, parmi les délits mentionnés au chap. 2 du liv. 3 du Code pénal, il en est qui, par leur nature même, ne peuvent être commis que par des magistrats de l'ordre judiciaire. De ce nombre est l'empiétement des autorités judiciaires sur l'autorité administrative, ce qui fait l'objet de la section 4 du chapitre 2.

Aux termes du Code d'instruction criminelle (art. 479 et 483), a-t-il ajouté, les magistrats ne sont pas justiciables du tribunal de police correctionnelle, des règles particulières de compétence

sont établies pour eux suivant la hiérarchie, et il ne peut être question, dans le projet qui nous occupe, de rien changer, sur cette matière, à l'ordre établi. Pour éviter toute équivoque sur ce point nous vous proposons de rédiger ainsi l'art. 6:

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« Tous les délits politiques, attribués par la >> législation actuelle « aux tribunaux de police >> correctionnelle », seront à l'avenir jugés par les » cours d'assises. »

Ainsi, les délits commis par les magistrats de l'ordre judiciaire, et qui, aux termes des articles précités du Code d'instruction criminelle et de l'art. 10 de la loi du 20 avril 1810, doivent être portés directement devant la cour royale, auraient, dans le système de la commission, continué à être portés devant la cour, et par conséquent l'attribution générale faite aux cours d'assises des délits politiques aurait, à leur égard, souffert exception.

La Chambre a pensé que tous les citoyens, magistrats ou autres, devaient être jugés par le jury à raison des délits politiques; en conséquence, elle a rejeté la proposition de la commission. Les art. 479 et 483 du Code d'instruction criminelle se trouvent donc non pas abrogés, comme on l'a dit dans la discussion, mais modifiés; ils ne sont pas abrogés, car ils conservent toute leur force, et les règles de compétence qu'ils établissent devront être suivies toutes les fois qu'il s'agira de délits « non politiques >> commis par des magistrats.

Mais, si les magistrats coupables d'un délit politique doivent être traduits devant la cour d'assises; en d'autres termes, si, pour ce cas, les règles de compétence déterminées par les art. 479 ei 483 sont changées, les règles spéciales d'instruction, établies à l'égard des délits commis par des magistrats, doivent-elles aussi être considérées comme abrogées? Je ne le pense pas. La présente loi n'a qu'un seul objet, celui de changer la compétence; elle substitue les cours d'assises aux tribunaux correctionnels et aux cours royales: elle ne dispose, en aucune manière, sur les formes d'instruction. Sans doute, le seul changement sur la compétence entraîne nécessairement des changemens dans les formes de l'instruction; ceux-là, il n'est pas besoin de le dire, sont nécessaires, indispensables; mais toutes les règles spéciales, relatives à l'instruction et à la poursuite, qui ne sont pas incompatibles avec le renvoi aux cours d'assises, me paraissent devoir être observées.

(2) Que doit-on entendre pas « délits politiques?>> Le législateur n'a pas cru possible de donner une définition précise, et l'on conçoit combien il eût été difficile d'en offrir une qui ne laissât rien à désirer en clarté, en exactitude et en précision. On s'est rappelé l'adage omnis definitio periculosa. Il restait une ressource, celle d'offrir une nomenclature exacte et complète de tous les délits auxquels peut être appliquée la qualification de politi

ques »; mais encore ce moyen était environné de graves inconvéniens: d'une part, les omissions sont possibles en pareille occasion; de l'autre, on est forcé de reconnaître que les circonstances peuvent donner à un délit le caractère de délit politique qu'il n'a pas ordinairement et par sa nature propre. En conséquence, ou s'est borné à désigner certains délits qui sont politiques, sans entendre faire une énumératiou limitative; il est donc certain 'que plusieurs délits non énoncés dans cet article peuvent être considérés comme « politiques,» soit à raison de leur « caractère propre,» soit à raison des circonstances ». Cela résulte de la discussion dans les Chambres, comme on peut s'en convaincre par les citations suivantes :

«La dénomination de délits « politiques » ne se trouve pas dans nos Codes, a dit M. Siméon, dans son exposé; j'ai cherché à quels faits elle doit s'appliquer. Filangiéri dit, dans son ouvrage de la Science de la législation (t. 3, p. 257, édition de 1822), que les délits politiques sont ceux qui troublent l'ordre déterminé par les lois fondamentales d'un état, la distribution des différentes parties du pouvoir, les bornes de chaque autorité, les prérogatives des diverses classes qui composent le corps social, les droits et les devoirs qui naissent de cet ordre. D'après cette donnée, j'ai cru trouver ce qu'on doit entendre par « délits politiques », premièrement, dans tous ceux qui sont commis contre la sûreté extérieure et intérieure de l'état, l'illégal emploi de la force armée, la dévastation et le pillage publics. Ces délits, outre qu'ils troublent l'ordre public, bien autrement que les délits particuliers, sont toujours soupçonnés, à bon droit, d'avoir un but ou une direction politique. Secondement, les délits contre la Charte constitutionnelle, ceux relatifs à l'exercice des droits civiques, les attentats à la liberté, la coalition des fonctionnaires, l'empiétement des autorités administratives et judiciaires. Dans ces deux catégories seraient compris tous les délits énoncés dans le chap. 1 et 2 du liv. 3 du Code pénal, auquel il suffirait de se rapporter par un seu! article, dans le projet que je propose.

« J'ai douté si je classerais au nombre des déJits politiques les délits contre la paix publique ; mais j'ai reconnu qu'ils touchent bien plus à lá police qu'à la politique, et que ce serait amener aux cours d'assises jusqu'aux affaires de vagabondage et de mendicité. D'ailleurs, et c'est ce qui m'en a définitivement détourné, tous les actes qui troublent la paix publique vont au jury lorsqu'ils ont le caactère de crime; lorsqu'ils ne l'ont pas, on peut, sans inconvénient, les laisser aux tribunaux correctionnels. Les fonctions du jury n'ont pas encore assez de prix aux yeux de ceux qui y sont appelés, pour qu'on le surcharge au delà de ce qui est né

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l'Etat, 2° ceux contre la Charte constitutionnelle; 30 ceux contre la paix publique; 4o ceux contre les particuliers. Ces derniers, quoiqu'ils troublent jusqu'à un certain point la paix, sont ce qu'on avait long-temps désignés sous le nom de delits privés, parce qu'ils lèsent plus directement les individus que l'Etat.

>> Les crimes et délits contre la paix publique sont des crimes publics, parce qu'ils altèrent plus ou moins la sécurité publique et la police de l'Etat; mais ils n'attaquent pas les lois fondamentales.

» Ce caractère de culpabilité appartient aux crimes et délits contre la Charte constitutionnelle. La Charte constitue l'existence politique de l'Etat, il est donc incontestable que les délits contre la Charte constitutionnelle sont des délits politiques, >> Mais, avant d'exister politiquement, il faut exister matériellement d'une manière quelconque. Voilà pourquoi le Code a mis, au premier degré et avant les délits contre la Charte, les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat. J'en ai conclu que ce qui attaque l'existence même de l'Etat, attaque, par voie de conséquence, son existence politique, qui n'est qu'un mode de son existence matérielle, et j'ai vu des délits politiques dans ce qui attaque Ja sûreté de l'Etat.

» Au reste, ce ne serait guère la peine de disputer sur le plus ou moins d'exactitude de cet apperçu; presque tous les actes, qui attaquent la sûreté extérieure et intérieure de l'Etat, sont déclarés crimes par le Code pénal et punis de peines afflictives et intamantes; ils sont étrangers à notre projet, où il ne s'agit que de donner aux cours d'assises la connaissance des délits politiques qui ne sont punis que de peines correctionnelles. Il n'y en a que deux dans le chapitre 1; on les trouve dans les art. 82 et 105. Quant au chapitre 11:« des crimes et délits contre la Charte constitutionnelle,» il est nécessairement relatif à des délits politiques: cela est hors de doute.

» Ainsi tous les délits relatifs à l'exercice des droits civiques, l'empêchement de les exercer, prévu par l'art. 109 du Code pénal, la falsification ou soustraction des bulletins, dans le cas prévu par l'art. 112: l'achat ou la vente des suffrages, prévu par l'art. 113; la coalition des foncfionnaires, prévue par l'art. 123; l'empiètement des autorités administratives et judiciaires, prévu par les art. 128 et 131, seront jugés comme délits politiques: l'article du projet y joint les délits énoncés dans l'art. 9 de la loi du 25 mars 1822: ce sont.... (Voy. cette loi.) Les jurés doivent prononcer sur la culpabilité de pareils actes qui, la plupart du temps, ont une tendance plus ou moins politique.

» L'exacte désignation de tous les actes qui peu vent constituer un délit politique est impossible; celle que contient le projet de loi n'exclut pas les délits auxquels les chambres du conseil et des mises en accusation trouveraient un caractère politique: rien ne les empêcherait de les renvoyer à la cour d'assises, puisqu'elles sont chargées, par les art. 133 et 230 du Code d'instruction criminelle de envoyer les prévenus devant les juges compétens. Les prévenus eux-mêmes pourront, s'ils regardent comme politique le délit pour lequel ils seront

8. Les délits mentionnés dans la présente loi qui ne seraient pas encore jugés, le seront suivant les formes qu'elle prescrit (1).

poursuivis, plaider l'incompétence du triba nal correctionnel et réclamer le jury. Ainsi, que la lésignation des délits politiques soit plus ou moins exacte, la garantie des prévenus contre les imp tations de délits politiques est suffisamment éta lie par la disposition générale qui en attribue la c nnaissance aux cours d'assises. >>

M. le vicomte Dubouchage a fait remarq er que la nomenclature présentée n'était pas comple.

pas

M. le comte Siméon a dit que les omissions sont très faciles à réparer; qu'on peut les ajoute à l'indication déjà faite; je dois faire remarquer, a-t-il ajouté, que lors même que les délits pol tiques ne seraient pas tous énoncés dans la loi il n'est pas dit pour cela qu'ils soient enlevés la compétence de la cour d'assises: la chambre du conseil et la chambre de mise en accusation n': uront-elles le droit, conformément aux dispositions de la Charte, qui enjoint que les délits politiques soient portés devant les cours d'assises, de leur renvoyer les délits qui leur paraîtront de cette nature, quoiqu'ils ne soient pas énoncés dans la loi. M. le vicomte Dubouchage avait pensé notamment le délit, prévu par l'art. 234 du Code pénal, devait être compris parmi les délits politiques; M. Siméon a combattu cette opinion, et M. Decazes a dit que la chambre, en votant l'article précédent, a renvoyé au jury tous les délits politiques: si le fait, prévu par l'art. 234, est un délit politique, il sera par cela même de la compétence du jury; comme j'ai eu l'honneur de le dire à la dernière séance, la commission, en specifiant quelques uns des délits qu'elle a cru utile de réputer politiques, n'a pas entendu restreindre, mais seulement expliquer, en étendant et non en diminuant les cas auxquels la garantie du jury serait appliquée.

que

Il faut dire, d'ailleurs, que la commission de la Chambre des Pairs avait jugé à propos d'ajouter à l'article le paragraphe suivant : « Tous autres délits commis à l'occasion d'assemblées, de discours, d'écrits, d'actes ou de faits politiques. »

M. le comte Siméon a encore proposé une autre rédaction: « Seront réputés délits politiques, tous autres délits qui pourraient préjudicier à la chose publique, et tous ceux qui seraient commis à l'occasion d'assemblées, de discours, d'écrits, d'acte ou de faits politiques.

M. le président a dit: « Il me semble que les mots » qui pourraient préjudicier à la chose publique, » sont bien vagues dans une loi. Ou les comprend bien dans la conversation; mais je ne les crois pas admissibles dans le langage de la loi. Sur cette observation, M. le comte Siméon a abandonné ce paragraphe.

Je dois aussi recueillir quelques explications de M. le comte Siméon qui sont propres à faire comprendre dans quels cas les délits peuvent emprunter le caractère « politique» des circonstances.

» Celui, a-t-il dit, celui qui frapperait ou ou tragerait un pair, un député, un électeur, un écrivain en haine de leurs votes, ou de leurs discours, ou de leurs écrits, commettrait un delit politique.

8 OCTOBRE Pr. 18 NOVEMBRE 1830.- Ordonnance du Roi qui accorde une pension extraordinaire à la maréchale Ney. (9, Bull. O. 20 bis, n® 6.)

>> Tout ce qui trouble la paix publique n'est pas essentiellement politique; il peut le devenir ependant selon les circonstances des temps et des lieux, telle qu'une coalition d'ouvriers ordinairement dirigée contre les chefs d'ateliers ou les propriétaires. Quoique ces délits troublent jusqu'à un certain point la paix publique, ils ne sont pas ordinairement des délits politiques, mais peuvent le devenir? il en est de même des assemblées : il en est de très innocentes et d'autres dangereuses. Lorsqu'elles menacent la constitution, lorsqu'elles excitent à renverser le gouvernement ou à le troubler, elles deviennent politiques.

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(1) M. Séguier a présenté un amendement ainsi

conçu:

«Seront définitivement réglées et jugées, selon les dispositions de la présente loi, les affaires dont l'instruction aura été commencée avant sa promulgation, ou sur lesquelles serait intervenu un jugement dont il y aurait appel. >>

Le sens de cet amendement, a dit M. le président, est le même que celui de l'article: il est seulement plus développé, et il rentre davantage dans la manière de procéder.

M. le duc Decazes a demandé comment l'auteur de l'amendement comprenait que le jury connût par appel d'un jugement de police correctionnelle; entendrait-il, a-t-il ajouté, qu'il en fût ainsi, même lorsque l'accusé aurait été acquitté par ce premier jugement? Et voudrait-il que, quoique acquitté, il fût encore traduit en cour d'assises, si le procureur du Roi jugeait à propos d'interjeter appel? Cela ne lui paraîtrait-il pas monstrueux? Ne croirait-il Fas du moins devoir faire une exception pour le cas d'acquittement?

M. Séguier s'est borné à répondre qu'il avait écrit l'amendement sous la dictée des membres de la chambre des appels de police correctionnelle.

L'amendement a été rejeté.

Dans la Chambre des députés, M. Bavoux a aussi demandé ce qui arriverait dans les affaires où déjà le tribunal de première instance aurait prononcé. Personne n'a répondu. Il faut donc résoudre la question d'après les principes généraux. Lorsqu'une loi nouvelle attribue à certains tribunaux une compétence qu'elle enlève à d'autres, on doit attentivement examiner comment doit s'opérer cette substitution, et consulter la pensée du législateur; si, par exemple, un seul degré de juridiction est mis à la place des deux degrés, si un seul tribunal doit statuer là où précédemment prononçaient deux tribunaux, l'un en première instance, l'autre en appel, il faudra respecter rette règle, et il ne sera point permis de considérer le tribunal de nouvelle instititution comme remplaçant seulement l'un des tribunaux anciens. En conséquence et dans le cas présent, la cour d'assises étant substituée au tribunal correctionnel de première instance et au tribunal correctionnel d'appel, on ne peut arbitrairement prétendre que la cour d'assises remplira seulement le rôle de l'un de ces tribunaux, du tribunal d'appel par exemple. Si donc, au moment où la présente loi sera promulguée, un

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