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més par le peuple, abusent eux-mêmes du pouvoir qul leur est confié. Ce peuple n'auroit-il donc fait que changer de maîtres? N'auroit-il échappé aux vexations mi→ nistérielles et parlementaires, que pour retomber sous le régime arbitraire des municipaux ?

Le corps municipal de Strasbourg, connu d'ailleurs par son attachement à la nouvelle constitution et aux bons principes, vient de commettre un abus d'autorité à l'égard des juifs qui fréquentent cette ville, en leur defendant de colporter et de brocanter hors le temps des foires, et même de s'assembler jours de dimanche et fête devant les cafés et autres lieux publics. Cette ordonnance, faite spécialement pour les juifs, ne tend qu'à prolonger l'état de mépris et d'avilissement dans lequel ils vivent en Lorraine et en Alsace. A Strasbourg surtout, ils sont tellement dégradés, qu'il ne leur est pas permis d'y avoir un domicile, ni même d'y coucher.

Il seroit temps que l'assemblée nationale, qui a ajourné la question de savoir si les juifs polonois et allemands jouiroient des droits de citoyen actif, s'occupât enfin de leur sort. Pourquoi ne pas les assimiler aux juifs portugais et avignonois, auxquels vous avez solennellement accordé le droit de cité? Ou déchirez votre déclaration des droits, ou prononcez hautement la liberté des Israélites qui habitent le royaume. Craignez qu'on ne dise enfin cette déclaration des droits n'est qu'un leurre mensonger pour les peuples, et les ambitieux hyppocrites (1) qui l'ont provoquée ne s'en sont servi que comme d'un marche pied pour arriver aux places et aux dignités.

:

Mais, direz-vous peut-être, les opinions religieuses des juifs s'opposent à nos principes politiques. D'abord, si cela est, pourquoi avez vous admis les juifs portugais et avignonois? N'ont-ils pas les mêmes dogmes que les allemands? Quelle est cette inconséquence de craindre de la part de ces derniers ce que vous ne redoutez pas des autres? C'est ainsi que les petites considérations, les ménagemens pusillanimes compromettent tou

(1) C'est M. de la Fayette, dit-on, qui a fait dans l'assemblée nationale la motion d'une déclaration des drojts.

jours les législateurs. En second lieu, tyranniser les hommes sous le prétexte de l'incompatibilité des opinions, est une atrocité impardonnable. L'opinion n'est pas un crime, c'est l'acte seul qui est punissable; vous avez des loix, elles séviront contre les coupables. D'ailleurs, n'estil pas absurde de vouloir rendre les juifs responsables des rêveries de leurs rabins? C'est imiter la tyrannie du parlement d'Angleterre, qui, pour tenir dans l'avilissement les catholiques, les charge impitoyablement de Loute la défaveur des scandaleuses opinions de l'église ultramontaine.

M. Rewbell, député d'Alsace, a prétendu que les usures énormes que les juifs ont exercées sur le peuple des campagnes, avoient tellement indisposé les Alsaciens, que le jour où on leur accorderoit l'état civil, seroit celui de leur massacre. C'est une calomnie abominable contre les catholiques, que de leur prêter d'aussi horribles dispositions. Elle est si peu fondée, que les juifs demandent à grands cris leur liberté. Voulez-vous les tenir dans les fers sous prétexte de les défendre? Certes! c'est une étrange manière de faire du bien aux hommes, que de les enchaîner malgré eux.

Le moment est venu, ou jamais, de rendre l'état civil aux juifs. La philosophie a germé au sein des campagnes comme au milieu des villes, et les peuples, n'en doutons pas, verront sans murmure l'affranchissement de cette nation malheureuse. La raison, l'humanité, et même l'intérêt politique de la France sollicitent cette salutaire opération. C'est à l'assemblée nationale à repousser les préjugés de M. Rewbell; c'est à elle à donner au monde le sublime exemple d'accorder le droit de cité à toutes les sectes. Quel beau jour pour la philosophie, que celui où tous les peuples réunis sous l'étendart de la liberté, sans aucune distinction de culte, ne connoîtront d'autres ennemis de leur bonheur que les tyrans !

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du dimanche 10 octobre.

Sur le rapport fait par M. de Beaumetz, au nom du comité d'aliénation, les articles suivans sont adoptés:

ART. I. Conformément aux dispositions du décret du 16 juillet dernier, les municipalités qui n'ont pas désigné, par leurs soumissions, les objets de leurs demandes, ou qui n'en ont pas envoyé la désignation avant le 16 septembre au comité de l'assemblée nationale, chargé de l'aliénation des domaines nationaux demeureront déchues de l'effet de leurs soumissions.

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II. « Les municipalités qui ont fait des soumissions avec désignation spéciale, poursuivront les estimations par experts des biens qu'elles veulent acquérir, ou leur évaluation sur la représentation des baux, de manière que les opérations soient faites et envoyées au comité de l'assemblée nationale avant le premier décembre pro

chain.

« Après ce terme, qui sera de rigueur, toutes les soumissions qui n'auront pas été suivies dans le délai ci-dessus prescrit, de l'envoi desdites estimations ou évaluations, demeureront comme non avenues et sans effet.

III. « Aussi-tôt que les domaines nationaux seront estimés ou évalués d'après les baux, et que les estimations par experts ou les dites évaluations seront faites et envoyées au comité de l'assemblée nationale, il sera successivement rendu, en faveur de chaque municipaJité soumissionnaire, des décrets d'aliénation; la date de l'arrivée desdites opérations au comité formera le premier titre de priorité, et déterminera entre elles le sort et l'effet de leurs soumissions.

IV. Dans le cas où les procès-verbaux d'estimations on évaluations, d'après les baux des biens compris dans les soumissions de différentes municipalités, arriveroient au comité le même jour, la priorité appartiendre à celle dont la première soumission aura une date antérieure ; si l'envoi des estimations ou évaluations, et les soumissions desdites municipalités étoient des mêmes dates, la priorité sera en faveur de la municipalité qui aura la première, avant le 16 septembre, fait parvenir la désignation des objets de sa demande; dans le cas enfin où les trois dates concourroient, le sort décidera entre elles de la priorité.

V. « Dans le cas où des particuliers demanderoient à acquérir des objets compris dans la soumission d'une municipalité, le directoire du district de la situation des biens sera tenu d'en poursuivre dès à présent la vente,

sauf à tenir compte du bénéfice, accordé par le décret du 14 mai aux municipalités qui se trouveront avoir satisfait à toutes les dispositions des précédens articles, dans les délais,qui y sont prescrits ».

Sur la proposition de M. Malouer, faite au nom du comité de la marine, l'assemblée a rendu le décret sui

vant:

L'assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine, a décrété, 1°. qu'il sera mis à la disposition du département de la marine une somme de 4.958,218 livres, pour être employée à l'armement extraordinaire des 45 vaisseaux décrétés.

2o. « Les comptes de la régie des vivres relatifs auxdits armemens seront fournis de mois en mois, à compter de la première époque des achats, ct comprendront les sommes qu'elle a reçues du département de la marine, la nature des achats, les prix et les termes auxquels ils ont été faits, ainsi que les traites fournies et acceptées pour raison desdits achats.

« 3°. D'ici au premier janvier prochain, la régie des vivres de la marine sera tenue de présenter un compte général, arrêté et certifié, des sommes qu'elle a reçues du trésor public, pendant son exercice, de celles qu'elle a dépensées en achats, approvisionnemens et frais de régie; et, à compter du premier janvier 1791, il sera ouvert upe adjudication des fournitures de vivres pour la marine ».

M. Sillery a fait ensuite une proposition qui a été adoptée.

« L'assemblée nationale ayant décrété les fonds nécessaires pour l'armement de 45 vaisseaux de ligne, et voulant être instruite de l'état exact des forces navales en état d'agir, décrète que le ministre de la marine sera tenu de lui rendre compte de la quantité de vaisseaux de guerre dont l'armement est terminé dans les différens ports du royaume, et de l'instruire successivement à mesure que l'armement des autres vaisseaux sera terminé ».

Un député de la ville de Lyon a lu une adresse de la municipalité de cette ville, qui adhère au dernier décrét sur les assignats.

Séance du 11 octobre. M. Dumetz a annoncé qu'il avoit reçu une lettre qui dénonçoit une protestation du clergé. On a passé à l'ordre du jour.

On a rendu le décret suivant sur les apanages.

« L'assemblée nationale, interprétant, en tant que de besoin, l'article 5 du décret du 13 août dernier concernant les apanages, a décrété et décrète ce qui suit:

« Les apanagistes pourront faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les coupes de futaye qui doivent être coupées et exploitées dans le cours de l'hiver prochain, ainsi qu'ils auroient fait, si le décret dudit jour 13 août dernier n'étoit pas intervenu, en se conformant par eux aux procès-verbaux d'aménagement, et aux ordonnances et réglemens intervenus sur le fait des eaux et forêts».

Plusieurs membres ont discuté sur la définition du revenu net, et l'assemblée a ordonné l'impression dù discours de M. Lamerville sur cet objet.

Le reste de la séance a été employé au rapport de l'affaire des colonies. La suite a été ajournée au mardi 12.

Séance du soir. La communauté des oifévres ayant été admise à la barre, a demandé, par l'organe de M. de Grouvelle, que le contrôle sur les ouvrages d'or et d'argent fût supprimé, et a présenté un plan qui réunit aux intérêts du commerce une utile perception au fisc. M. le président leur a accordé les honneurs de la séance.

M. Chassey a repris la discussion sur l'aliénation des biens nationaux, et les articles suivans ont été décrétés :

XXI. « L'adjudication des bois taillis qui tomberont en coupe, et qui n'auront pas été compris dans les baux se fera dans la même forme que ceux ci-devant, quand le cas le requerra.

XXII. « Les dispositions des articles 2, 3, 4 du présent titre, concernant les baux à ferme, auront lieu à l'égard des baux à moitié ou à tiers-fruits. Mais pendant leur durée, les directoires de districts mettront en adjudication la portion des fruits et tous les autres produits revenant aux propriétaires. Après leur expiration, ils mettront en ferme la totalité de la même manière que les

autres biens.

XXIII. « Les directoires de district se feront représenter, soit par les fermiers, soit par les preneurs à moitié ou à tiers-fruits, les baux et les actes de Che

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