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gangrenoit votre coeur, et putréfioit votre ame. A votre réveil, vous avez franchi le seuil de ce palais du crime mais on compte peut-être beaucoup sur les souvenirs qui vous en restent. Ce sont les passioas que l'on va charger de la cause de l'aristocratie; et tandis qu'au dehors les gouffres du jeu et les temples de la débauche seront ouverts et protégés, que les théâtres ne vous offriront que la mollesse, au dedans de vos asyles on fera refouler un torrent de livres corrupteurs, d'ouvrages libertins, de gravures licencieuses (1), qui déjà commence à se déborder. Si vous mordez à cet appåt, si vous n'y reconnoissez pas le besoin que l'on a de votre dépravation, c'en est fait de votre liberté. Paralysé par le poison d'une lecture pestiférée sentirez-vous alors la nécessité d'entendre les austères écrivains qui combattent pour votre liberté? Votre ame débile ne pourra plus digérer la crudité de leurs préceptes; dans l'oubli de vous-même, vous ne vous souviendrez plus de la patrie, et vous serez tombé dans l'épouvantable opprobre d'être indifférent même à la joie de vos ennemis.

Voilà cependant leur espoir! voilà ce qu'ils attendent du temps leur unique idole! et c'est par une contre-révolution morale qu'ils se flattent de consommer par degré une contre-révolution physique. Quel est, peuple français! le préservatif d'un aussi grand malheur? Il est entre vos mains; ce sont les boones mœurs, ces filles antiques de la nature et de la liberté qui, cachées dans les forêts du Scythe, vainquirent Darius, dont le bras avoit vaincu le monde. Peuple français! vous voilà prévenu. Laissez maintenant vos ennemis s'entacher

(1) C'est la multiplicité effrayante de ces ouvrages licencieux qui se vendent au palais Royal, qui rend cet article aussi important que nécessaire,

à leur aise, aux yeux de la postérité, de la plus insigne mauvaise foi par cette foule de libelles antinationaux qui, pour venger l'humanité, seront immortels comme la bible de Jacques Clément. Laissez-les se vautrer dans la fange impure de leurs sales compositions. Passez auprès d'elles comme le bloc de glace passe sans se fondre à côté du feu que les enfans allument sur la rive. Mais gardez de vous plaindre de leurs écrits, et voyez que c'est de leur part un attentat oblique contre la liberté de la presse; et c'est pour arriver jusqu'à elle qu'ils chercheront à corrompre vos mœurs; ils savent que, où règne la liberté de la presse, la liberté do, la nation est toujours vierge: voilà pourquoi ils voudroient la détruire. Mais ils savent aussi que la pureté des mœurs, unique conservatrice de la liberté de la presse, assigne à chaque ouvrage la. place qui lui convient; et voilà pourquoi les moeurs seront les premiers objets de leur attaque. En effet, chez une nation libre et vertueuse, quel homme oseroit écrire ce que le dernier citoyen rougiroit de faire ? Où les mœurs exercent la censure, il n'est bientôt plus de livres dangereux. Quand l'opinion publique a la vertu pour base, laissez sans crainte au pervers le droit d'écrire ce qu'il voudra : cette impunité est la plus grande des punitions. Nul homme n'a le droit d'empêcher un autre homme d'écrire, de publier ce qu'il lui plaît; mais tout, homme a le droit d'être ferme dans les principes du bien et si tous s'accordent dans la sévérité de leur pratique, que devient l'ouvrage licencieux ? Les livres n'ont de droit sur les mœurs que celui que l'homme leur concède; mais les mœurs ont un droit sur les livres qu'ils ne peuvent éviter.

Ainsi, dans une république où tout se meut en bien, la liberté d'écrire en mal n'est plus qu'une chimère. De là, par la pureté des mœurs, & peuple français! vous vous conserverez la liberté de la presse, ce rempart de votre liberté nationale; et

sans qu'ils s'en doutent vous l'ôterez à vos ennemis : cela vaut la peine d'y penser.

Les devoirs envers la patrie, voilà, peuple français, le premier chapitre du livre des mœurs. Le premier de ces devoirs est de lui consacrer votre temps, vos forces, votre génie. Toutes les portes de son service vous sont ouvertes; mais la théorie même de ce service vous est nouvelle. Où en retrouveriez-vous la trace, vous peuple qui ne trouveriez pas dans l'histoire une révolution aussi auguste que la vôtre? Croyez-vous qu'une autre étude vous soit maintenant permise? Ce vaste amas de loix, d'erreurs, de préjugés que quatre mille siècles amassèrent avec orgueil, s'est évanoui devant vous. Le 14 de juillet fut pour vous le jour de la création du monde. Etudiez donc la propriété des semences qui doivent fertiliser ce monde nouveau. L'ignorance des ressorts de l'administration, cette ignorance dont l'heureux partage garantissoit jadis l'artisan modeste, le laboureur timide, de la douleur d'apprécier les manoeuvres perfides des satrapes de la France, cette ignorance aujourd'hui seroit un crime pour eux. Un jour, le salut d'une famille infortunée, d'une cité, d'un canton, de l'empire peut-être, dépendra d'eux; et se trouveroit-il maintenant un Français assez vil pour apporter dans les places une ineptie capable de rappeler à l'esprit le temps odieux de la vénalité des charges? Votre constitution, voilà, peuple français, l'uniqué science que vous devez approfondir! On sait tout quand on sait répondre à toutes les demandes que la patrie peut nous faire. Cette science amènera, ennoblira vos délassemens;

c'est par elle que vous connoîtrez tous les charmes de la fraternité, tout l'enthousiasme des dévoùmens, et sur tout la douceur de former aux vertus cette génération naissante, dont la félicité vous a coûté tant de travaux, et que vous devez rendre assez grande pour sentir vos bienfaits. Et puisqu'il existe encore des hommes en France amoureux des distinctions, mettez entre leurs mœurs et les vôtres

'une si grande distance, qu'on les reconnoisse att premier coup d'oeil, et qu'on ne les confonde jamais avec le peuple français.

Sur un mandement de l'évéque de Nancy.

Quelques-uns de nos parlemens se débattent encore au milieu des décombres de l'ancien ordre judiciaire, et le haut clergé, qui veut aussi mourir avec éclat, cherche à attiser le feu de la guerre civile avec des mandemens fanatiques. L'évêque de Nancy vient d'en donner un de sa façon au sujet des troubles qui ont affligé la capitale de son diocèse. La forme de ce mandement tranche singulièrement avec les principes de la révolution. Le prélat y prend le titre d'évéque, par la grace du saint siege apostolique, conseiller du roi, primat du duché de Lorraine, etc. Le frontispice est décoré de deux larges cartels où sont tous les attributs de l'épiscopat, crosse, mitre, chapeau, couronné, franges, cordons, croix, avec les armes et légende. Ces armes sont trois torches enflammées, et la légende lux nostris hostibus ignis.

Cet étalage, ridicule autant que contraire aux décrets de l'assemblée nationale qui proscrivent les armoiries est autres attributs féodaux, est par faitement dans les principes de l'abbé de la Fare. Ce petit prélat, tout bouffi de vanité et d'arro gance, s'est essayé aux affaires publiques dans la place d'élu général de la ci-devant province de Bourgogne.Il a été absolument nubdans cette place; et l'on ne se seroit pas apperçu de son existence à l'assemblée nationale, sans quelques discours dans la cause du clergé, ouvrages de l'un de ses grands vicaires. On se rappelle la gradation insultante qui terminoit le sermon qu'il prononça dans l'église de Saint-Louis de Versailles, avant l'ouverture des états-généraux. Dieu qui protégez l'empire fran çais, recevez les voeux du clergé, les prières de la nablesse, ET LES HUMBLES SUPPLICATIONS DU TIERS ETAT! Quelle impudence! heureusement les temps sont bien changés!

De

De l'influence des habits bleus sur la révolution.

Le costume ecclésiastique occupa un moment l'assemblée nationale, et si l'on y décréta sa conservation, ce ne fut point à l'unanimité: plusieurs. membres opinoient pour l'interdire aux prêtres hors de leurs fonctions. Les intéressés n'assitèrent pas de sang froid à ce débat. Ils prévoyoient que les dépouiller de leurs habits de caractère, c'étoit leur enlever le seul point de ralliment qui leur restoit, et dont ils pouvoient tirer parti dans l'occasion. C'étoit détruire l'une de ces petites causes qui produisent de grands effets; c'étoit ôter à l'esprit de corps un des puissans moyens de se perpétuer. En un mot, c'étoit priver le clergé d'une ressource pour se maintenir toujours un ordre, en dépit de l'opinion publique et des décrets. L'assemblée nationale, effrayée apparemment du nombre des mécontens que chacune de ses réformes grossissoit de jour en jour, crut deyoir. laisser cette petite satisfaction à une corporation d'hommes, accoutumés cependant à profiter de tous leurs avantages. Puissions-nous n'avoir pas bientôt sujet de nous en repentir! ·

L'uniforme militaire de la garde nationale, vient aussi de fixer un instant les regards de l'assemblée, qui n'a pas dédaigné à ce sujet de descendre aux détails les plus minces, et qui décréta jusqu'au mode du bouton.

C'étoit plutôt ici le cas de faire main-basse sur un Costume que les bourgeois aisés de la capitale (et non les citoyens) imaginerent, sans prendre l'avis de leurs représentans, et sans consulter l'opinion publique, laquelle, depuis les premiers jours de la révolution, applaudissant à la prise d'armes, désapprouva constamment Tendossement des habits bleus.

Le général fut dans le temps l'un des plus ardens moteurs de l'uniforme parisien. Alors peut-être on pouvoit poser en question les avantages ou les inconvéniens de cet habit. Une expérience d'une année nous met à même aujourd'hui de prononcer pour ou contre.

Quant aux avantages, on conviendra sans peine que la révolution n'est point due à l'habit, dit national. Elle étoit faite le soir du 14 juillet, et elle fut consolidée les 5 et 6 octobre, sans en être redevable aux habits No. 67.

D

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