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d'Angivillers, voilà un artiste privé de la récompense de son travail et de sa gloire, qui vaut cen: fois mieux.

Combien de temps durera donc encore cette criminelle effronterie? Et quand la nation appren dra-t-elle à se faire respecter dans ses membres?

On demande tous les jours à Paris pourquoi l'escadre de Brest est toujours insubordonnée, pourquoi les décrets de l'assemblée, appuyés par les commissaires du pouvoir exécutif, n'ont pas pu parvenir à faire rentrer les matelots dans le devoir (1). Le voici :'

Deux personnages du comité de la marine, les sicurs Malouet et Vaudreuil, de concert avec M. de la Luzerne, ministre, M. Hector, commandant du port, et M. Albert de Rioms, commandant l'escadre, cherchent à vexer les gens de mer de la classe subalterne, en les éloignant des places d'officiers. On a fait circuler parmi les équipages des extraits du projet du nouveau code maritime sur l'avancement de la marine. Les matelots voyant qu'ils n'avoient plus à espérer, en faisant la guerre, que des blessures de la part de l'ennemi, et des coups et des mépris de celle de leurs officiers, se sont entièrement découragés. Cependant, comme ils sont bons patriotes, il n'a fallu que des promesses pour les faire rentrer dans le devoir. Les pilotes, si maltraités jusqu'à présent, viennent de présenter à l'assemblée nationale une adresse dans laquelle ils demandent :

1°. Que les pilotes entretenus et non entretenus, qui sont reçus capitaines, et qui ont commandé, soit pour le roi, soit pour le commerce, obtiennent de suite la qualité et le traitement d'officier.

2°. Que les pilotes qui ne seront pas dans le même cas ayent une chambre, la table des officiers, la préséance sur les maîtres d'équipage et capitaines d'armes, et un traitement proportionné à l'import nce de leurs fonctions.

3°. Que les seconds et aide- pilotes ayent des empla

(1) L'ordre est rétabli, si l'on en croit une lettre du sieur Guignard, et on le deit à la prudente retraite de M. Albert de Rioms.

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cemens clairs et entourés de toile, le même traitement que les volentaires et élèves; qu'ils jouissent de la considération qu'exige leur genre d'occupation; il pourroit même se faire qu'ils fussent logés dans la sainte-barbe.

Ces demandes sont de la plus grande justice; il est temps que de vieux serviteurs, blanchis sur les vaisseaux, soient enfin préférés aux frluquets de la cour.

Nouvelle dénonciation du comité de constitution.

De tous les comités de l'assemblée nationale. celui de constitution est le seul dont les membres ne changent jamais. Ils sont comme les ministres qui, quoique ce nous par leur ineptie et leur profonde corruption, n'en ont pas moins le talent de se maintenir en place.

Toujours occupés du projet de reculer, ou plu tôt de faire manquer la sublime institution des jurés, ils viennent de surprendre un décret par lequel les juges de district sont autorisés provisoirement à juger tous les procès criminels. « Les jurés, a dit M. Thouret, ont besoin d'être dirigés, et il faut avoir le temps de fixer par un réglement l'étendue de leurs fonctions ».

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Ce décret funeste présente un plan de contrerévolution tout prêt pour les agens du pouvoir exécutif. Voilà la vie, la fortune des citoyens vrées à l'arbitraire des juges, qui pourront tout à leur a se se défaire à petit bruit des plus ardens défenseurs de la liberté. La conduite du châtelet et de la très grande majorité des tribunaux du royaume, doit ouvrir les yeux à tous les Français sur la réalité de nos craintes. Qu'ont-ils fait autre chose depuis le commencement de la révolution que de poursuivre, que de ruiner de fond en comble tous ceux qui s'en sont déclarés les partisans, et de favoriser au contraire de tout leur pouvoir ceux qui s'en sont montrés les ennemis les plus acharnés ?

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On dira sans doute que des juges élus par le peuple doivent inspirer la confiance, et qu'ils ne sauroient être dangereux pour la liberté. Mais les municipalités aussi avoient été organisées par choix du peuple; et cependant elles ont été peuplées d'aristocrates; et cependant le despotisme municipal pèse sur toutes les cités de l'empire, de Strasbourg à Brest, de Dunkerque à Perpignan! Ou il faut prononcer que les officiers nommés par le peuple seront révocables à volonté, ou bien se résoudre à voir ce peuple devenir victime de l'ambition de ceux qu'il a honorés de

son choix.

On connoit les grands moyens de corruption qui restent encore dans les mains du pouvoir exécutif, certainement il les emploiera pour se rendre maître des juges. S'il est écrit que nous n'aurons pas les jurés, rendez- nous nos anciens tribunaux, nous les préférons de beaucoup aux intrigans qui vont occuper les nouvelles magistratures. L'esprit de corps, le despotisme, l'arrogance nous rendoient les parlemens odieux; mais il vaudroit encore mieux être jugé par des compagnies nombreuses, placées dans une sphère un peu élevée, et qui, par cela même, sont moins accessibles aux séductions de l'or.

Le petits tribunaux qu'on vient de disséminer avec tant de profusion jusque dans les villages du royaume, sont beaucoup plus faciles à corrompre; les juges d'ailleurs, ayant des rapports plus directs avec les justiciables, seront aussi plus susceptibles des impressions de la haine et de l'amitié; et ces passions seront d'autant plus actives, que le cercle dans lequel elles se développeront sera plus étroit. Alors bien loin que le rapprochement de la justice soit un avantage pour les peuples, il sera au contraire une source de ruine et do désastres.

Le seul remède à des inconvéniens aussi graves, c'est l'établissement des jurés. Il ne peut y avoir

que de très mauvaises raisons pour le différer; car un réglement sur la nature de leurs pouvoirs et de leurs fonctions doit être fait en huit jours; et voilà trois mois que le comité de constition s'en occupe. La base de ce réglement, c'est de considérer les jurés comme les véritables juges du procès; ceux qui portent ce nom n'en doivent être que les rapporteurs. L'institution des jurés est d'autant plus instante, que l'état se trouve dans une position plus périlleuse. La constitution est environnée d'ennemis; et si vous leur donnez lé temps de combiner leurs efforts avec l'influence des juges, qui vous répondra de sa durée jusqu'au moment où votre réglement paroîtra?

La liberté politique d'un empire n'est que le second avantage pour les citoyens, c'est la liberté civile et individuelle qui est le premier. Que m'importe le droit de voter dans les affaires publiques, si ma propriété et ma personne ne sont pas en sureté, si les loix se taisent devant l'arbitraire de quelques juges, d'autant plus aisés à acheter qu'ils sont en petit nombre, et établis pour peu d'années? Il n'en est pas de même des jurés; ils sont incorruptibles, parce qu'ils sont en grand nombre, parce qu'ils sont inconnus aux parties jusqu'au moment de la décision du procès (1).

Si les membres du comité de constitution diffèrent plus long temps de faire paroître le réglement sur la procédure par jurés, il faudra croire autant à leur vénalité qu'à leur ignorance; et ce n'est pas peu dire. Quant à nous, nous les avons constamment regardés comme le fléau du patriotisme, et l'espérance des ennemis de la liberté.

(1) Au moment où l'assemblée nationale s'occupera du réglement sur la procédure par jurés, nous donnerons une dissertation sur la nécessité de les établir en matière civile comme en matière criminelle.

Proscription des cannes à épée dans le jardin des Tuileries.

Citoyens le bruit court que, dans l'organisation attendue de la garde nationale, vous serez désarmés. Est-ce pour préluder que les sentinelles aux portes des Tuileries ont déjà la consigne de faire main-basse sur toutes les cannes à épée ? Pourquoi cette inquisition militaire ? Pourquoi aux Tuileries plutôt qu'ailleurs? Ce lieu est-il plus sacré que le champ de la fédération, plus saint que l'intérieur de l'assemblée nationale, où l'abbé Maury n'a pas craint de se présenter armé d'un sabre en forme de bâton plat? Bientôt sans doute nos sentinelles recevront et mettront à exécution avec le même empressement l'ordre de fouiller dans vos ceintures pour y chercher des pistolets. Au pied de l'esca. lier qui mène à la chapelle et aux appartemens du roi, le vieillard caduc se voit obligé déjà de se désaisir de l'appui qui le soutenoit dans sa marche chancelante. A la grille de ce même palais, le citoyen qui n'est point en uniforme est contraint de retourner sur ses pas, parce qu'il porte une épée dans sa canne. De quel droit, par quel motif, à l'entrée d'un jardin, arracher l'arme de la main au citoyen paisible donnant le bras à sa femme qu à son ami ? Porte-t-il sur le front un caractère de réprobation ou un signe de démence? Doit-on présumer le mal, et punir le délit avant qu'il soit commis, et sans une intention marquée de le com

mettre?

Certes! tant de précaution de la part de la garde nationale a de quoi surprendre; et le soldat suisse qui partage son poste est émerveillé de la rigueur qu'elle met à remplir une telle consigne.

Citoyens ce n'est pas ainsi qu'on en agissoit envers vous pendant les premiers mois de séjour du roi dans la capitale. On n'avoit pas encore pu

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