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Ce n'est pas, assez que nos pavillons, nos éten dards soient rayonnans des couleurs nationales, il faut y faire inscrire ces mots : DROITS DE L'HOMME. C'est ainsi que nous annoncerons à l'univers que la France est libre, et que nous porterons en triomphe sur toutes les mers, dans toutes les contrées, ce sigue sacré d'un nouveau culte, d'une nouvelle religion. Les tyrans pâliront d'effroi, et les peuples renaîtront à la douce espérance de briser leurs fers.

Et si les rois de la terre conjurés contre la liberté du monde s'obstinent à vouloir détruire la nôtre, le signal du premier combat sera pour eux le tocsin de leur proscription les soldats, en lisant l'inscription de nos drapeaux, ouvriront les yeux à la liberté; ils comprendront que les hommes ne doivent pas s'entr'égorger, pour je ne sais quels intérêts de la maison d'Hanovre ou de la maison de Bourbon; ils se ralliront autour de nous comme au milieu de leurs frères et de leurs amis; la paix se fera aux dépens des chefs, et les hommes réunis désormais sous les enseignes de la fraternité générale, ne connoîtront plus d'autres ennemis que les pervers stupides qui osoient se dire leurs inaîtres.

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Les aristocrates, les demi-patriotes, les petits frondeurs, accuseront sans doute nos idées d'enthousiasme et d'exagération; mais nous, qui savons peut-être calculer le progrès des lumières et de la raison humaine sous un gouvernement libre, nous prédisons hardiment que tôt ou tard notre plan sera adopté; et quand il seroit rejeté aujourd'hui, le moment n'est pas loin où la nation en sentira la nécessité.

De la haute cour nationale.

Citoyens! le châtelet n'est plus..... Ce tribunal qui naguère décrétoit les patriotes, absolvoit les aristocrates, et faisoit trembler jusqu'à l'assem

blée nationale elle-même, vient de rentrer dans la poussière. Une telle victoire, quoique trop tardive sans doute, sur les ennemis de la liberté, est due en partie au courage des écrivains patriotes qui, dès l'installation de ces juges prévaricateurs, ont osé pronostiquer leurs forfaits, et les relever à mesure qu'ils s'en sont rendus coupables (1).

Cependant le corps politique reste sans défense contre les nombreux ennemis de la constitution; nous sommes menacés de toutes parts; de nouveaux complots se préparent au-dedans et audehors, et il est plus que jamais indispensable d'opposer une barrière aux conspirations qui se trament contre la liberté publique. Il nous faut un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation, et le comité, soi-disant de constitution, vient de donner un plan pour l'organiser. Ce plan, L'ULTIMATUM des idées de tous les membres du comité, est absolument vicieux, impraticable, et complétement absurde. C'est une agrégation de trente juges, dont cinq, sous le nom de GRANDS JUGES, sont nommés par le roi, et sont destinés à faire l'instruction. Les autres, sous la dénomination trèsimpropre de jurés, sont choisis sur quatre-vingttrois sujets, nommés par les électeurs de chaque département; ils doivent prononcer le jugement définitif.

Il seroit trop long d'entrer dans les détails du plan du comité; nous nous attacherons sur-tout à prouver contre lui, qu'au corps législatif seul appartient le droit de poursuivre et de juger les crimes de lèse-nation.

C'est un principe fondamental de toute constitution libre, qu'un citoyen ne doit être jugé ni puni que d'après une loi connue, promulgée anté

(1) Voyez les numéros 14, 17, 21, 22, 26, 27, 29, 34, 45, 64 et 65.

rieurement au délit, ou déjà en vigueur par l'usage constant et uniforme du pays.

C'est un autre principe, non moins incontestable, que toute loi pénale doit être appliquée littéralement, et sans aucun commentaire du juge. Sans ces deux sauve-gardes, la fortune et la vie des citoyens seront à la discrétion de ce juge, qui sous prétexte de suivre l'esprit de la loi, en deviendra le maître, et sera lui-même législateur.

Ainsi, toute action que la loi n'a pas défendue doit être tolérée, quelque dommage qu'elle cause à l'individu, jusqu'à ce que la législature l'ait comprise dans la classe des actions prohibées. Alors elle devient délit, et comme tel punissable. De ce systême, il pout résulter quelquefois l'impunité d'un coupable; mais le préjudice est bien moindre pour la société, que si on laissoit l'arbitraire aux juges. C'est d'après ces principes qu'en Angleterre on préfère de laisser impunie nne injure faite à un particulier, sauf à y remédier en défendant de pareils attentats pour l'avenir, au danger de compromettre la sureté de tous les membres du corps social, en laissant aux juges le droit d'interpréter et de créer la loi (1),

Ces principes sont de toute vérité, relativement aux délits ordinaires de la vie civile, mais par rapport au crime de lèse-nation, ils sont inadmissibles.

Et effet, à quels périls ne seroit pas exposé le corps social, si pour punir un crime de lèse-na

(1) Un Anglais accusé et convaincu d'avoir volé un cheval, cita en sa faveur la loi qui défendoit de voler des chevaux. Il n'en avoit volé qu'un, et conséquemment son cas n'étoit pas compris dans la loi. Il fut renvoyé absous. Heureuse la nation où les droits de l'homme sont si respectés! Quand verrai-je ma patrie adhérer à ce principe sacré de l'observation littérale de la loi, sans laquelle la liberté n'est qu'une chimère, et le juge qu'un despote et un bourrcau?

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il

tion, il devoit être spécifié par une loi? N'estpas absolument impraticable de classer toutes les manières de blesser le corps politique ? N'estpas d'ailleurs impossible de donner une définition juste et satisfaisante du crime de lèse-nation?

il

Et s'il falloit attendre cette définition, que deviendroit le salut du peuple? Dans ces momens orageux surtout où le vaisseau de l'état est environné d'écueils, où l'activité des ennemis de la chose publique est si vigilante, l'assurance de l'impunité auroit bientôt renversé la constitution. Voilà pourquoi les aristocrates, dans les murs et hors des murs de l'assemblée nationale, réclament sans cesse une loi qui fixe les crimes de lèse-nation; voilà pourquoi l'abbé Maury fait tant de bruit du défaut de cette loi; ils sentent bien tous, que si elle existoit, ils conspireroient sans crainte, et qu'ils échapperoient à la vengeance des tribunaux, aussi facilement qu'à la surveillance des comités de re

cherches.

Il n'en est pas de même du crime de lèse - majesté, de ce crime inventé par les tyrans, et qu'il faut bien se garder de confondre avec le crime de lèse-nation. Il doit être au contraire déterminé et specifié de la manière la plus précise: et pour le dire en passant, sous une constitution vraiment libre, et dans un état bien organisé, il n'y auroit aucune différence entre l'injure faite au prince et celle faite au plus simple citoyen. Lorsque les loix sont sages et prévoyantes, la mort d'un roi, n'apporte pas plus de préjudice à la chose publique, que celle du dernier des huissiers (1).

(1) Les Anglais, nos maîtres sans doute en fait de liberté, ne punissent pas autrement la mort du roi que celle d'un autre particulier, à quelques horreurs près, exercées sur le cadavre du supplicié. Les prévenus du crime de lèse-majesté ont des moyens de récusation et de défense que les autres accusés n'ont pas, afin de les

Si donc une loi précise sur les crimes de lèsenation est impraticable, il faut nécessairement en remettre la définition et le châtiment à la prudence, et par conséquent à l'arbitraire du juge. Mais quel sera ce juge? La réponse est simple; c'est l'assemblée nationale elle-même.

Le corps politique, comme le corps physique, a le droit de défense naturelle. Il est fondé à repousser toutes les attaques qui mettent en danger son existence. Ces attaques do la part des étrangers constituent l'état de guerre; de la part des citoyens, c'est crime de lèse-nation. Or, il appartient au corps législatif seul de statuer sur la défense de l'état, par rapport aux ennemis extérieurs, c'est à-dire, de faire la paix et la guerre; donc il doit avoir également le droit de juger les ennemis domestiques, c'est-à-dire, les citoyens coupables du crime de lèse-nation.

Une autre raison pour laquelle cette sorte de jugemens est du ressort de la puissance législative, c'est qu'ils érigent en crimes et punissent comme tels des actions que la loi n'avoit pas antérieurement défendues. Ils contiennent une défense impli cite, sous les mêmes peines, de commettre les mêmes délits; ils deviennent une espèce de règle, et forment à la longue un code de lèse-nation; donc ils doivent être considérés comme des actes dépendans du corps législatif.

Ajoutons que les actes de la puissance législative sont des actes de souveraineté. Or, la souveraineté est incommunicable; car si elle pouvoit se diviser, il y auroit deux souverains, deux vo

soutenir contre l'influence de l'autorité et de la puissance royale.

Le comité de constitution ne connoît, et n'a vu dans la constitution anglaise que le veto royal, et la chambre des pairs, que le célèbre lord Chisterfield appeloit si ingénieusement l'hôpital des Incurables.

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