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Le prince a pris place sur le pliant devant le trône, a salué l'assemblée, en disant Messieurs, asseyez-vous, et a invité M. le président de la chambre des députés à lire la déclaration du 7. M. Casimir Perrier a fait cette lecture. En la terminant, il onblioit le premier prénom de M. le duc d'Orléans, qui l'a repris en l'invitant à dire Louis-Philippe d'Orléans.

Le prince a demandé ensuite à M. le chancelier l'acte d'adhésion de la chambre des pairs, et M, Pasquier le lui a apporté. Il s'est levé et a dit!

«MM, les pairs et MM. les députés,

»J'ai lu avec une grande attention la déclaration de la chambre des députés et l'acte d'adhésion de la chambre des pairs; j'en ai pesé et médité toutes les expressions : j'accepte sans restriction ni réserve les clauses et engagemens que renferme cette déclara tion, et le titre de Roi des Français qu'elle me confère, et je suis prêt à en jurer l'observation. »

M. le duc d'Orléans s'étant découvert, s'est levé ainsi que toute l'assemblée, et, la main élevée, a prononcé ce serment, dont M. Dupont (de l'Eure), faisant les fonctions de garde-des-sceaux, lui avoit remis la formule:

«En présence de Dieu, je jure d'observer fidèlement la Charte constitutionnelle, avec les modifications exprimées dans la déclaration; de ne gouverner que par les lois et selon les lois; de faire rendre bonne et exacte justice à chacun selon son droit, et d'agir en toutes choses dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. »

:

Après le discours, quelques voix ont criẻ: Vive Philippe VII! d'autres Vive Philippe Ter! Ce dernier cri a prévalu. On ne veut *pas sans doute que le nouveau roi paroisse le successeur de princes entachés de féodalité. Par un cérémonial inusité jusqu'ici, ce sont quatre maréchaux de France, MM. Macdonald, de Reggio, de Trévise et Molitor, qui ont remis au prince la couronne, le sceptre, le glaive et la main de justice. Il s'est approché du bureau placé à gauche, et a signé la déclaration des chambres, du 7. Il est ensuite monté sur le trône, et a prononcé le discours sui

vant :

<< MM. les pairs et MM. les députés,

» Je viens de consommer un grand acte; je sens profondément toute l'étendue des devoirs qu'il m'impose; j'ai la conscience que je les remplirai : c'est avec pleine conviction que j'ai accepté le pacte d'alliance qui m'est proposé. J'aurois vivement désiré ne jamais occuper le trône auquel le vœu national vient de m'appeler; mais la France attaquée dans ses libertés voyoit l'ordre public en péril. La violation de la Charte avoit tout ébranlé; il falloit rétablir l'action des lois, et c'étoit aux chambres qu'il appartenoit

d'y pourvoir. Vous l'avez fait, Messieurs; les sages modifications que nous venons de faire à la Charte garantissent la sécurité de l'avenir; et la France, je l'espère, sera heureuse au dedans, respectée au dehors, et la paix de l'Europe de plus en plus affermie. »

M. Dupont (de l'Eure) a dit que le Roi invitoit les pairs et les députés à se réunir dans leurs chambres pour y prêter le serment, et continuer leurs travaux. Le procès-verbal a été signé par le prince et par les présidens et secrétaires des deux chambres, après quoi le prince s'est retiré, et le cortège est retourné au PalaisRoyal dans le même ordre.

Le 10,

M. Laffitte, premiér vice-président, occupe le fauteuil. Les bancs de la droite sont entièrement déserts.

Deux propositions sont renvoyées aux bureaux; l'une pour faire des changemens au réglement de la chambre, et l'autre pour examiner les plans de reconstruction de la salle.

M. Gallot, rapporteur, propose d'annuller définitivement l'élection de MM. de Mieulle et Magnan, malgré les explications qu'ils ont données, parce que le secret des votes avoit été violé. M. Thomas appuie ces conclusions. Elles sont adoptées.

Un congé est accordé à M. de Lascours.

MM. Pelet, Albert et Oberlin, dont la nomination avoit été approuvée, sont proclamés députés.

On lit des lettres par lesquelles MM. de Casteja et Boullon, députés de la Somme, et de Cordoue ( de l'Isère), donnent leur démission, en déclarant qu'ils croient que leur mandat n'existe plus, d'après la mesure prise le 7.

M. Delessert demande la parole pour une proposition de loi. M. Duvergier de Hauranne représente que le réglement n'étant pas encore modifié, il faut s'y conformer, en renvoyant cette proposition dans les bureaux. Cette observation est accueillie, malgré les efforts de MM. Etienne et Demarçay.

Il en est de même pour deux autres propositions : l'une de M. Thouvenel, tendant à déclarer que les Parisiens et la commission municipale ont bien mérité de la patrie; l'autre de M. Mercier, pour contraindre tous les fonctionnaires de l'ordre administratif et judiciaire à prêter serment de fidélité au nouveau roi.

On ajourne la nomination des questeurs jusqu'à l'adoption d'un nouveau réglement.

Commission des pétitions: MM. Sapey, de Vatimesnil, RoyerCollard, Madier de Montjau,***, Duvergier de Hauranne, BertinDevaux, Petou et Bourdeau.

Le Gérant, Adrien Le Clere.

SUR LES CAUSES ET QUELQUES CIRCONSTANCES DE LA
DERNIÈRE RÉVOLUTION.

Après la révolution du 10 août 1792, un cri général s'éleva contre la cour, qui avoit, dit-on, fait verser le sang français. On reprochoit à Louis XVI d'avoir provoqué cette journée, d'avoir conspiré contre la nation, d'avoir armé les royalistes, d'avoir excité la guerre civile. Son défenseur, M. Desèze, discuta ce reproche dans son plaidoyer devant la Convention. Il montra que le Roi n'avoit fait que se défendre. Il rappela les aveux de ceux qui s'étoient vantés d'avoir préparé cette journée. « Qui ignore, dit-il, que long-temps avant le 10 août, on méditoit cette révolution, qu'on vouloit une insurrection, que cette insurrection avoit ses agens, ses chefs et ses moteurs? Dans cette salle même, on s'est disputé la gloire du 10 août. » Et en effet, des journalistes et des orateurs ont bien souvent depuis réclamé l'honneur de cette journée, comme étant leur ouvrage et le résultat d'un plan combiné d'avance, et qu'ils travailloient de longue main à réaliser.

Ne pourra-t-il pas en être de même un jour de la dernière révolution? Ne se trouvera-t-il pas des hommes plus francs ou plus indiscrets que les autres, qui se vanteront de l'avoir préparée par une suite d'actes et d'écrits dirigés depuis long-temps vers ce but? N'est-ce pas à cela que tendoit cette opposition si ardente et conduite depuis plusieurs années avec tant de persévérance? N'affoiblissoit-on pas chaque jour l'autorité royale? Ne l'avilissoit-on pas par des écrits, par des bruits, par des caricatures, par tous les moyens que pouvoit imaginer la haine? On s'élevoit contre tous ses actes, contre tous ses choix; sous le régime le plus doux, disons mieux, le plus foible, on Tome LXV. L'Ami de la Religion.

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F

ne vouloit voir que violence et oppression. On jetoit des alarmes et des inquiétudes dans les esprits, on accusoit la cour de fausseté et d'hypocrisie, on lui reprochoit de violer la Charte, parce qu'elle ne l'entendoit pas comme le parti; on se servoit de cette Charte comme d'une arme pour paralyser tous ses efforts et restreindre son pouvoir. On poussoit chaque jour le roi dans un défilé d'où on prévoyoit bien qu'il ne pourroit sortir que par un coup d'Etat, s'il ne vouloit pas être renversé tout-à-fait. On se félicitoit de le réduire ainsi ou à tomber de lui-même, ou à fournir à ses ennemis un prétexte pour l'attaquer de front.

Tel étoit le but de tant d'écrits, de journaux et d'actes de toute espèce. Qui lisoit de sang-froid les journaux, depuis un an surtout, ne pouvoit s'empêcher de voir où ils tendoient avec leurs príncipes démocratiques, avec leurs déclamations contre la cour, avec leurs éternelles récriminations contre le ministère, avec leurs allusions aux Stuart, avec leurs injures, leurs suppositions. L'un prêchoit nettement la république, l'autre n'admettoit qu'un roi qui eût les mains liées, véritable mannequin qui ne pouvoit ni parler, ni agir, et à qui on ne laissoit qu'un fantôme de représentation. Le résultat le plus naturel de ce système n'étoit-il pas de faire conclure à tout le monde qu'un roi n'étoit pas nécessaire, et que la machine politique n'en iroit pas moins bien, quand on n'auroit pas à entretenir le fastueux appareil d'une cour si dispendieuse? Bientôt ce ne fut pas assez d'exposer dans les journaux des théories plus ou moins séduisantes pour dégoûter de la monarchie; on en vint aux actes. La France se couvrit d'associations secrètes ou patentes; on s'associa pour le refus de l'impôt, espèce de sédition préparatoire à l'ombre de laquelle s'organisoit une sédition véritable. Ces associations, répétées å Paris et dans les provinces, furent un des plus puissans. moyens pour préparer la catastrophe; aussi furent-elles prônées à l'envi par les journaux. Les procès même aux

quels ces associations donnèrent lieu servirent encore à échauffer l'opinion publique, en fournissant aux avocats un texte dont ils s'emparoient pour crier au despotisme et outrer les idées de liberté et d'indépendance. Au milieu de cette conspiration générale, il y avoit des écrivains adroits qui avoient la mission d'endormir le prince par de belles protestations. On ne lui parloit que d'amour, de dévoûment et de fidélité; le peuple, disoit-on, avoit donné sa démission; une nouvelle révolution étoit impossible. On vous prouvoit cela doctement dans des phrases brillantes et sonores, et pendant ce temps la faction avançoit rapidement ses affaires, l'opinion générale se faussoit de plus en plus, la pente démocratique devenoit plus sensible, la monarchie ne tenoit plus qu'à un fil, et il étoit aisé de voir que ce fil se romproit aisément au premier choc.

C'est dans cette circonstance que parurent les ordonnances du 25 juillet. Je n'en discuterai ni le fond, ni la forme, ni l'opportunité; mais tout me persuade que la monarchie étoit perdue sans cette mesure, comme elle l'a été par cette mesure. Tout s'en alloit à la fois, et les ordonnances n'ont été qu'un prétexte dont on s'est emparé. Tout autre prétexte, on l'eût saisi de même ; les mesures étoient prises pour cela, et, comme disoit M. Desèze il y a trentehuit ans, on vouloit une insurrection. Tous les élémens en avoient été réunis, toutes les bases en avoient été posées. Il ne s'agissoit plus que d'avoir une occasion d'éclater. De bonne foi, est-ce par amour pour la Charte qu'a eu lieu le mouvement du 27 juillet? On peut en juger, quand on voit que les ordonnances ne blessoient que quelques articles de la Charte, tandis que nous avons vu depuis qu'on l'a bouleversée toute entière, sans que personne ait dit mot. Assurément la séance du 7 août a fait une bien autre brèche à la Charte que les ordonnances du 25 juillet, et il n'y a pas eu d'insurrection pour cela. Au contraire, on a trouvé ces changemens admirables, et les mêmes gens qui s'étoient soulevés huit jours auparavant pour une moindre

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