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LIBERTÉ DU TRAVAIL.

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SECTION V. LIBERTÉ DU TRAVAIL, DU COMMERCE

ET DE L'INDUSTRIE.

787. Histoire, formule, démonstration économique et juridique de la liberté du travail; édits de Turgot de 1776; loi de 1791.

788. Nombreuses exceptions apportées au principe de la liberté du travail par la loi positive dans toutes les branches d'industrie, opérant soit sur la matière, soit sur l'homme lui-même.

789. I. Exceptions relatives à l'industrie agricole.

790. II. Exceptions relatives à l'industrie extractive.

791. III. Exceptions relatives à l'industrie manufacturière; monopoles; application partielle du principe aux machines à vapeur; décret du 30 avril 1880. 791 bis. (Suite). Limitation des heures de travail; loi du 9 septembre 1848; repos dominical; loi du 12 juillet 1880.

792. (Suite.) Lois relatives au travail des enfants et filles mineures dans l'industrie, et aux enfants du premier âge.

793. IV. Exceptions relatives à l'industrie commerciale.

794. V. Exceptions relatives à l'industrie des transports.

795. VI. Exceptions relatives aux arts qui ont pour objet l'homme physique. 796. VII. Exceptions relatives aux arts qui ont pour objet la culture de l'ima

gination et du goût; beaux-arts.

797. VIII. Exceptions relatives aux arts qui ont pour objet le développement intellectuel et moral de l'homme.

798. IX. Exceptions relatives aux arts qui ont pour objet la sécurité des personnes et des intérêts; barreau.

799. (Suite.) Officiers ministériels; loi du 28 avril 1816, article 91.

800. Le développement de la liberté du travail favorisé par l'uniformité des poids et mesures; loi du 16 décembre 1875; décret du 8 octobre 1880. 801. Réglementation des rapports entre les maîtres et les ouvriers; livrets; coalitions; loi du 25 mai 1864 sur la liberté de coalition; les grèves. 802. Conseil supérieur du commerce, de l'agriculture et de l'industrie. 803. Lois sur l'enseignement de l'agriculture, l'institut agronomique et la société nationale d'agriculture de France.

787. Le principe de la liberté du travail occupe une place considérable en économie politique; il constitue l'une des lois fondamentales de la production des richesses, à laquelle il peut seul donner toute sa puissance, et de tous les phénomènes économiques. Ce droit de travailler librement n'est pas autre chose que la libre disposition des facultés de l'homme, dans son application la plus juste et la plus essentielle, puisqu'il s'agit du libre choix des moyens d'assurer son existence et celle de sa famille. Aussi ce droit s'étend, en principe, à toutes les industries, agricole, extractive, manufacturière, commerciale, locomotive ou des transports, aux industries qui s'appliquent à l'homme lui-même, comme aux

T. I.

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industries qui opèrent sur la matière. La loi positive, depuis 4789, consacre cette grande règle de la liberté du travail; elle constitue un principe du droit public français, en harmonie avec la loi économique, sauf certaines dérogations encore trop nombreuses; elle se rattache à deux autres principes de notre droit public, celui de la liberté individuelle, et celui de l'égalité des citoyens devant la loi; et il serait difficile de lui porter atteinte sans violer l'un ou l'autre. Ce grand principe économique et légal de la liberté du travail a remplacé les entraves que subissaient sous l'ancien régime le commerce et l'industrie; il est à la fois la négation des anciens systèmes réglementaires et du monopole des corporations d'arts et métiers, jadis formées en maîtrises et en jurandes. Turgot avait voulu les détruire par le célèbre édit portant suppres sion des jurandes, du mois de février 1776, enregistré le 42 mars en lit de justice, et rapporté bientôt après le renvoi de Turgot de ministère. L'immortel préambule placé par lui en tête de son édit reste la démonstration économique, juridique et historique la plus éloquente et la plus vraie de la liberté du travail, et des vices inhérents aux corporations d'arts et métiers'. L'Assemblée constituante de 1789 put seule briser ces priviléges et ces entraves, proclamer définitivement et appliquer le principe nouveau de la liberté du travail dans des termes empruntés à l'édit du grand ministre de février 1776.

A compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire te négoce, ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon: mas elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une patente [no 1144 et suivants", d'en acquitter le prix suivant les taux déterminés, et de se conformer aux rglements de police qui sont ou pourront être faits (L. 2 mars 1791, portast suppression de tous les droits d'aides et de toutes les maîtrises et jurandes. et établissement des patentes, art. 7).

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C'est sans doute l'appât de ces moyens de finance qui a prolongé T »sion sur le préjudice immense que l'existence des communautés cause à l'is»dustrie et sur l'atteinte qu'elle porte au droit naturel. Cette illusion a du » portée chez quelques personnes jusqu'au point d'avancer que le droit de » travailler était un droit royal, que le prince pouvait vendre et que les suje » devaient acheter. Nous nous hâtons de rejeter une pareille maxime. Les >> en donnant à l'homme des besoins, en lui rendant nécessaire la ressource č. » travail, a fait du droit de travailler la propriété de tout homme; et cette pr » priété est la première, la plus sacrée et la plus imprescriptible de toutes » Nous regardons comme un des premiers devoirs de notre justice et comme » un des actes les plus dignes de notre bienfaisance, d'affranchir nos sujets d » toutes les atteintes portées à ce droit inaliénable de l'humanité. Nous voulons >> en conséquence, abroger ces institutions arbitraires qui ne permettent pas k l'indigent de vivre de son travail. »

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EXCEPTIONS RELATIVES A L'INDUSTRIE AGRicole.

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788. L'Assemblée constituante, en proclamant le principe de la berté du travail, réservait, dans le texte qui vient d'être reproit, la condition de se conformer aux lois de police; en conséence de cette réserve, d'assez nombreuses restrictions (dont usieurs, dans l'ordre économique, ont déjà disparu, dont d'autres même ordre doivent encore disparaitre) ont été apportées au incipe; d'autres sont fondées sur l'intérêt général, d'autres sur es considérations financières. Ces exceptions, encore trop nomeuses, sont très-diverses d'objet, d'étendue et de motifs; les es admissibles, les autres très-critiquables au point de vue onomique.

Nous allons indiquer les plus importantes, en suivant l'ordre éthodique que présente la séparation des professions ou indusies au sein de la société, les unes opérant sur la matière, indusies agricole, extractive, manufacturière, commerciale et des ansports, les autres ayant l'homme lui-même et ses diverses cultés pour objet.

789. I. Relativement à l'industrie agricole, les principales ceptions au principe de la liberté du travail concernent la lture du tabac [no 423], l'exploitation et le défrichement des is et forêts [nos 888 et 1020], le reboisement et le gazonnement s montagnes [nos 885 à 887], les bans de vendanges et autres Os 205 à 207], les desséchements de marais [no 883], la mise en leur des marais et terres incultes appartenant aux communes '884].

Ces diverses restrictions à la liberté du travail agricole ont été pliquées, approuvées ou critiquées sous les numéros indiqués. plus grave de toutes est celle relative à l'interdiction de planter de cultiver le tabac en dehors de l'autorisation de la puissance. blique, de la surveillance et du contrôle de la régie. Elle a pour son d'être le monopole financier qui assure à l'État, pour les bens du budget, la fabrication et la vente des tabacs; ce monopole che ainsi à l'industrie agricole, au point de vue de la plantation de la culture [no 423], à l'industrie manufacturière au point de è de la fabrication [n° 1232] et à l'industrie commerciale au nt de vue de la vente [nos 1230 et 1231].

90. II. L'industrie extractive est entièrement soumise à un ime restrictif du principe de liberté du travail en ce qui conne l'exploitation des mines [n° 872 à 878, 408 à 443]; il en est

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EXCEPTIONS RELATIVES A L'INDUSTRIE EXTRACTIVE autrement des minières [no 879 et 880] et des carrières [no 881 # 882]. A plus forte raison, puisque la chasse et la pêche y sont clas sées en économie politique, il convient de placer dans cette caté gorie des industries extractives la propriété et l'exploitation des sources d'eaux minérales, soumises aussi à un régime restricti principe de liberté [no 866]. Si la pêche fluviale est seulement somise, comme la chasse, à des règles de police nécessaires; si, po la pêche côtière, il faut applaudir au décret du 23 juin 1866 qui: rendu libre la pêche du hareng et du maquereau, il convient, en qui concerne la pêche maritime, de blâmer la règle qui consistei faire un privilége pour les inscrits maritimes [no 642] et le system des primes aux armateurs qui entreprennent les grandes pèchés maritimes de la morue, de la baleine et du cachalot.

794. III. L'industrie manufacturière est, de toutes les brande du travail humain, celle qui a subi dans la loi positive les restrictive les plus nombreuses au principe de liberté du travail. Les pis considérables sont celles qui dérivent des monopoles de l'Etat, justifications fort inégales, ayant pour objet la fabrication d poudres [no 4229], des tabacs déjà mentionnée ci-dessus (no 7%) des cartes à jouer [no 1228], des allumettes chimiques [no 4233) 4238], du papier timbré [nos 4298 et 1299], de la monnaie n 505 et 506] et des médailles [no 507].

D'illustres économistes ont aussi dénoncé les brevets d'invent [no 895 à 899] comme attentatoires au principe de la liberté » travail et contraires au développement de sa puissance product

Dans l'intérêt de l'ordre social, la prohibition de fabriquer vendre des armes, poudre et munitions de guerre, a été écrite de la loi du 24 mai 1834 et le décret du 22 décembre 1852, combin avec les lois du 27 février 1858 et du 14 juillet 1860 sur la fahr cation et le commerce des armes de guerre, suivies du règlem” d'administration publique du 6 mars 1864. Un décret du gour nement de la défense nationale du 4 septembre 1870 avait déca absolument libres le commerce et la fabrication des armes guerre; la loi du 19 juin 1874 l'a abrogé, et a remis en vigueur lois antérieures.

C'est aussi à la liberté de l'industrie manufacturière que le échec, dans un autre ordre d'idées, les restrictions nécessités l'exploitation des ateliers dangereux, incommodes et insala Nous avons exposé ci-dessus cette législation fu 353 à 364 rapport du conseil d'hygiène publique du département de la S

ET A L'INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE.

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(commission spéciale pour l'étude des causes de l'infection de Paris), en date du 29 septembre 1880 (Journ. off. du 7 octobre 1880), vient de demander qu'il y soit apporté certaines modifications dans le sens d'une répression plus sévère des contraventions.

Dans le même ordre d'idées de restriction à la liberté de l'industrie manufacturière, se placent ici les dispositions suivantes : décret du 19 mai 1873 relatif à la fabrication, l'emmagasinage et la vente du pétrole et de ses dérivés, rapportant un précédent décret du 27 janvier 1872; loi du 18 juin 1870 sur le transport des marchandises dangereuses par cau et par voie de terre; décret du 12 août 4874 qui détermine la nomenclature des matières considérées comme pouvant donner lieu soit à des explosions, soit à des incendies, modifié par celui du 15 janvier 1875; décrets des 2 scptembre 1874 et 31 juillet 1875 qui prescrivent les mesures à prendre pour l'embarquement et le débarquement des matières dangereuses.

L'emploi des machines à vapeur était aussi d'après une loi du 24 juillet 1856, et dans un intérêt de sécurité publique, l'objet de mesures restrictives. Un décret du 25 janvier 1865 a affranchi les chaudières à vapeur de la plupart des formalités préventives auxquelles elles étaient assujetties, et a laissé par suite l'application des mesures de sûreté aux soins et à la responsabilité de ceux qui font usage de ces appareils. Par suite de ce changement, l'administration a jugé utile de porter à la connaissance du public par la voie du Journal officiel, à des intervalles plus ou moins rapprochés, les accidents dus à l'emploi de la vapeur et les causes de ces accidents. Une première publication faite en mai 1875 s'arrêtait à l'année 1872; une seconde publication au Journal officiel du 30 juin 4875 donne le bulletin des accidents arrivés dans l'emploi des appareils à vapeur pendant les années 1873, 1871, 1875 et 1876. Cette utile statistique résume toutes les circonstances des accidents, en indiquant leurs causes, la nature des établissements industriels et l'espèce des appareils. En 1878, une troisième publication a été faite par le ministère des travaux publics (direction du personnel et des mines) donnant les accidents de l'année 1877; et le Journal officiel du 4 mars 1880 a publié une quatrième notice donnant le résumé des accidents de l'année 1878, au nombre de 35, causés 45 par conditions défectueuses d'établissements, 8 par conditions défectueuses d'entretien, et les autres par mauvais emploi des appareils. Ces mesures administratives sont une application trèsremarquable et très-utile du principe de la liberté du travail.

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