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qu'en matière d'administration pure le conseil d'État fonctionne près du chef de l'Etat et des ministres, et qu'indépendamment et au-dessus des divers conseils ou comités consultatifs attachés à chaque ministère, il complète l'administration centrale.

Le conseil d'État, en outre de sa participation à la confection des lois qui appartient au droit constitutionnel et fait de lui 4° un conseil de gouvernement, est de plus: 2o un grand conseil d'administration (ce n'est que sous ce point de vue qu'il doit être considéré dans ce chapitre), et 3° la plus haute des juridictions administratives en matière contentieuse.

Ce triple caractère du conseil d'État est consacré par les articles 8 et 9 de la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du conseil d'État. La loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 (art. 6 [no 37]) a développé implicitement l'article 8 in fine de la loi de 1872, en permettant au gouvernement de prendre des commissaires pour la défense de tous les projets de loi, dans le conseil d'État comme ailleurs. En outre, l'article 4 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 [nos 37, 76 et 77] a consacré constitutionnellement l'exisence du conseil d'État.

L'antithèse des articles 8 et 9 montre que le conseil d'État coninue à n'avoir pas de pouvoir propre en matière administrative; 1 ne fait que donner son avis, et le pouvoir exécutif décide. Il reçoit au contraire de la grave disposition de l'article 9, qui fait insi disparaître la fiction légale de la justice retenue, le droit de tatuer souverainement sur le contentieux administratif. D'autre art, il n'a plus le jugement des conflits d'attributions entre l'auorité administrative et l'autorité judiciaire [voir no 657 à 678]. La loi du 13 juillet 1879 relative au conseil d'État a laissé inactes ces dispositions fondamentales de la loi du 24 mai 1872. Le conseil d'État donne son avis: 1o sur les projets de loi d'initiative parleentaire que l'assemblée nationale (actuellement chaque chambre) juge à propos lui renvoyer; 2° sur les projets de loi préparés par le gouvernement, et 'un décret spécial ordonne de soumettre au conseil d'État; 3° sur les projets décret et, en général, sur toutes les questions qui lui sont soumises par le esident de la République ou par les ministres. Il est appelé nécessairement à nner son avis sur les règlements d'administration publique et sur les décrets forme de règlements d'administration publique. Il exerce, en outre, jusqu'à qu'il en soit autrement ordonné, toutes les attributions qui étaient conférées ancien conseil d'État par les lois ou règlements qui n'ont pas été abrogés. s conseillers d'État peuvent être chargés par le gouvernement de soutenir vant l'assemblée les projets de loi qui ont été renvoyés à l'examen du con1. (Loi du 24 mai 1872, portant réorganisation du conseil d'État; titre II: netions du conseil d'État; art. 8). - Le conseil d'État statue souverainement

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ANCIEN CONSEIL DU ROI.

sur les recours en matière contentieuse administrative, et sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoirs formées contre les actes des diverses autorités administratives (art. 9).

75. Le conseil d'État a une double origine par l'une, l'ancien conseil du roi, il est une de nos plus antiques institutions; par l'autre, le conseil d'État de l'an VIII, qui a mis l'ancien corps en harmonie avec le nouveau droit public de la France, il est devenu non-seulement, comme autrefois, l'une des plus grandes, mais aussi l'une des plus vitales institutions du pays, survivant à chaque commotion politique, sinon dans son personnel, du moins dans son organisme, et se conciliant parfaitement avec les règles du régime parlementaire, bien qu'occupant une place plus considérable en l'absence de ce régime.

En 1789, le conseil du roi, qui avait subi des vicissitudes et des changements divers, était divisé, bien qu'il fût un et indivisible, en cinq conseils royaux: le conseil des affaires étrangères (ou consei! d'en haut, dit aussi le conseil d'État), le conseil des dépêches, le conseil des finances, le conseil du commerce, le conseil privé ov conseil des parties. Par les quatre premiers, l'ancien conseil du roi correspond aux conseils d'Etat modernes, divisés en comités of sections; mais par le dernier de ces conseils royaux, il correspond à la cour de cassation de nos jours. Dans un régime qui n'admettait ni la division des pouvoirs, ni la séparation des autorités, était logique qu'il présentât la réunion du législatif et de l'exécutif. de l'administratif et du judiciaire. En toutes matières du reste,!: conseil, dépouillé de pouvoir propre, auxiliaire du roi, ne faisa que préparer les actes du roi, qui était toujours réputé présent en son conseil. En 1789, le conseil du roi se composait de 30 conseillers d'État, dont 3 d'église, 3 d'épée et 24 de robe, de 80 maîtres à des requêtes, et des ministres secrétaires d'État présidents des divers conseils royaux, ainsi que de ministres d'Etat ayant entrée au conseil des affaires étrangères.

Bien que l'Assemblée constituante ait employé [voir no 272] mot de conseil d'Etat, elle eut le tort de supprimer l'institutio elle-même avec l'ancien conseil du roi ; et la solution de continu s'est prolongée jusqu'en 1800.

Le conseil d'État apparaît alors dans la Constitution consula du 22 frimaire de l'an VIII et le règlement du 5 nivôse de la mêm année, avec un degré de force considérable. Auxiliaire du pouve exécutif, préparant la plupart de ses actes d'administration, re

HISTOIRE DU CONSEIL D'ÉTAT.

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dant la justice administrative, rédigeant sous l'autorité du premier Consul toutes les lois, les soutenant devant le pouvoir législatif, y ajoutant les règlements nécessaires à leur exécution, rendant même des avis interprétatifs obligatoires comme la loi elle-même, le conseil d'État de l'an VIII s'est illustré par l'œuvre immense de la codification des lois françaises et de la rédaction des grandes lois d'organisation administrative, religieuse et judiciaire de la France.

76. Ce grand corps, actuellement organisé par les lois des 24 mai 1872 et 13 juillet 1879, diffère du conseil d'État du Consulat et du premier Empire, en ce qu'il ne peut pas être exclusivement investi comme lui, indépendamment de ses attributions administratives et contentieuses, de la préparation, de la rédaction officielle, de l'amendement des projets de loi, ainsi que de leur défense au sein des assemblées; il ne fait qu'y participer dans la mesure déterminée par l'article 8, ci-dessus rapporté [no 74]; il en diffère aussi, comme tous les autres conseils d'Etat, en ce qu'il n'a pas comme lui l'interprétation législative par voie d'autorité, rendue depuis 1814 au pouvoir législatif, qui seul doit la posséder en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

Il diffère aussi des conseils d'État qui furent organisés, dans le silence des Chartes, en 1844 et en 1830, surtout du premier qui était dépouillé de presque toute attribution de l'ordre législatif et constitutionnel. « Sous la Restauration, dit un document officiel >[que nous analysons au no 87 en note], le conseil d'État, dont la » Charte n'avait pas consacré l'existence, même par une simple » mention, et qui n'avait pas recouvré sans contestation ses an>> ciennes attributions en matière administrative, n'eut plus aucun » rôle politique et ne fut que rarement appelé à donner son avis » sur les projets de loi. La monarchie de Juillet mit à profit les » lumières du conseil d'État pour la préparation des projets de loi » d'intérêt local relatifs aux affaires des départements et des com»munes et de plusieurs projets d'intérêt général : aussi la loi du » 49 juillet 1845 énumérait, parmi les attributions du conseil, l'étude des projets de loi qui lui étaient renvoyés par le gou» vernement. >>

La Constitution du 4 novembre 1848 rendit au conseil d'État organisé par elle une partie de ses attributions législatives, sans lui rendre aucune participation à la défense des projets de loi devant les chambres, qui avait illustré le conseil d'Etat de 1800 à 1810. Le conseil d'État actuel, créé par la loi du 24 mai 1872, diffère du

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COMPARAISON DES DIVERS CONSEILS D'ÉTAT.

conseil d'État de 4848 en ce que l'article 8 in fine [reproduit no 74], et l'article 6 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 [no 37], lui confèrent aujourd'hui cette double attribution, bien que limitée aux cas déterminés. Sous deux rapports essentiels, ce conseil d'Etat ressemble à celui de 1848 en ce qu'il possède comme lui, en matière contentieuse, un pouvoir propre dont le conseil d'État moderne, créé en 1800, aussi bien que l'ancien conseil du roi, n'a été investi à aucune autre époque de son histoire; en ce que, comme le conseil d'État de 1848, il est privé de la préparation du jugement des conflits, qui, sous tous les autres régimes, a appartenu au conseil d'État. Ces points de ressemblance entre le conseil d'État de 1848 et celui de 1872 sont naturels, puisque ces deux conseils d'État sont également appropriés à la forme républicaine du gouvernement de ces deux époques. Il existait entre eux une autre ressemblance, d'après la loi du 24 mai 1872 (art. 3) qui réservait au pouvoir législatif l'élection des conseillers d'État en service ordinaire; mais la loi constitutionnelle du 25 février 1875 (art. 4) a rattaché le conseil d'Etat, par le droit de nomination de ses membres, au pouvoir exécutif dont il est l'auxiliaire.

Enfin, si l'on compare le conseil d'État actuel au conseil d'État organisé par la Constitution de 1852, on voit qu'il en diffère sous les deux rapports qui le rapprochent de celui de 1848, que son personnel, bien qu'augmenté par la loi du 13 juillet 1879 [no 77 in fine], est encore moins nombreux, et que dans son ensemble il a moins d'attributions; le document déjà cité, comparant les diverses périodes, constatait que « la Constitution du 14 janvier 4852 et les décrets organiques de cette Constitution conféraient au conseil d'État d'alors des attributions plus considérables que celles qui lui avaient été données jusque-là, même sous le premier Empire ». Le conseil d'État de la loi de 1872 présente au contraire, sauf les deux points ci-dessus signalés, moins de dissemblances avec le conseil d'État de la Constitution du 24 mai 1870, dans laquelle la situation du conseil se conciliait aussi avec le régime parlementaire et l'initiative législative appartenant au gouvernement et aux deux Chambres.

77. Le conseil d'État réorganisé par la loi du 13 juillet 1879 se compose de quatre catégories de fonctionnaires; déjà il en était ainsi d'après la loi du 24 mai 1872; la loi de 1879 a augmenté le nombre des membres du conseil.

4° Les conseillers d'État en service ordinaire, dont le nombre est

COMPOSITION DU CONSEIL D'ÉTAT.

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fixé à trente-deux par l'article 1er de la loi du 13 juillet 1879. Ils sont nommés par décrets rendus en conseil des ministres (L. C. 25 février 1875, art. 4), à l'exclusion des députés même démissionnaires qui ne peuvent être nommés conseillers d'État pendant les six mois qui suivent leur démission. Ils sont renouvelés par tiers tous les trois ans; les membres sortants peuvent être indéfiniment renommés (L. 24 mai 1872, art. 3). Ils sont révocables dans la même forme, par décrets rendus en conseil des ministres (L. C. 25 février 1875, art. 4). Un décret du 7 octobre 1870, relatif aux membres de la commission provisoire chargée de remplacer le conseil d'État du 19 septembre 1870 jusqu'à l'installation du nouveau conseil nommé en vertu de la loi du 24 mai 1872, avait posé le principe de l'assimilation du traitement des conseillers d'État avec celui des conseillers à la cour de cassation; mais le chiffre de 16,000 francs est inscrit au budget de 1880 comme aux budgets antérieurs.

2o Les conseillers d'État en service extraordinaire, dont le nombre est fixé à dix-huit (L. 13 juillet 1879, art. 4), nommés par décrets du chef de l'État, et choisis parmi les hauts fonctionnaires de l'ordre administratif ou judiciaire, perdent leur titre de conseiller d'État, de plein droit, dès qu'ils cessent d'appartenir à l'administration active (L. 24 mai 1872, art. 5). Ils ont voix délibérative, soit à l'assemblée générale, soit aux sections, dans les affaires qui dépendent du département ministériel auquel ils appartiennent, et voix consultative dans les autres affaires (art. 44). Ils ne peuvent être attachés à la section du contentieux (art. 10). Ils ne reçoivent aucun traitement en tant que conscillers d'État.

3o Les maîtres des requêtes, au nombre de trente (L. 13 juillet 1879, art. 1), ont voix consultative dans toutes les affaires, et voix délibérative dans celles dont ils font le rapport (L. 24 mai 1872, art. 14). Ils sont nommés par décrets, après des présentations du vice-président et des présidents de section, et ne peuvent être révoqués que par un décret individuel, et après avis des présidents (art. 5). Le traitement des maîtres des requêtes est de 8,000 fr.

4° Les auditeurs, au nombre de trente-six (L. 13 juillet 1879, art. 4), sont divisés en deux classes, la première de douze auditeurs et la seconde de vingt-quatre. Ils ont voix délibérative à leur section, et voix consultative à l'assemblée générale, seulement dans les affaires dont ils sont les rapporteurs (L. 21 mai 1872, art. 443). [Voir nos 80 et 81 les règles de l'auditorat].

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