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FORMES, DÉLAIS, EFFETS ET SUITES

lution de l'arrêt du 13 décembre 1864, avait à tort jugé que, lorsque, sur l'appel d'un jugement de première instance, une cour d'appel avait renvoyé les parties devant un tribunal situé dans un département autre que celui où l'action judiciaire était intentée, le préfet du département dans lequel se trouvait le tribunal primitivement saisi n'était pas recevable à élever le conflit devant le tribunal de renvoi.

L'arrêté de conflit peut également émaner du préfet de police à Paris (Ord. 18 décembre 1822) et des préfets maritimes, pour les questions de leur compétence.

674. L'article 9 de l'ordonnance de 1828 détermine les parties substantielles de l'arrêté de conflit, dont le dispositif doit se borner à dire, sans que ces termes soient sacramentels, que le conflit es élevé dans telle affaire, et sur tels chefs s'il y a lieu, et que la conaissance en est revendiquée par l'autorité administrative. Les articles 10 et 14 déterminent les délais impartis à l'arrêté de condit pour se produire par dépôt au greffe de la juridiction, et l'article 12 sa communication officielle par le ministère public en chamb~ du conseil et son effet légal, fixé par l'article 27 de a loi du 24 frac tidor de l'an III [n° 658] et sanctionné par les articles 127 § 2 fine et 128 du Code pénal. Cet effet n'est pas le dessaisissement. tribunal judiciaire, mais l'obligation de surseoir jusqu'à la décision. qui, en jugeant le conflit, dessaisira le tribunal si le conflit est exfirmé, ou laissera la procédure reprendre son cours si l'arrêté è: conflit est annulé. Cette obligation de surseoir immédiatement & tellement absolue, qu'elle dérive même de l'arrêté de conflit ma fondé et irrégulier, sans que le tribunal ait le droit, que lui acco dent à tort quelques auteurs, mais qu'il ne pourrait exercer sat atteinte au principe de la séparation des autorités administra tive et judiciaire [no 650], d'en reconnaître l'illégalité et la nul. (Commission faisant fonction de conseil d'État, 7 mai 1874; anac lation d'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 3 mars 1874, de C.. et S... c. E... [voir, no 670, les autres décisions rendues dans à même affaire]).

Dans tous les cas, l'arrêté par lequel le préfet élèvera le conflit et revis quera la cause devra viser le jugement intervenu et l'acte d'appel sĩ: lieu; la disposition législative qui attribue à l'administration la connassa. du point litigieux y sera textuellement insérée (art. 9.) Lorsque le p aura élevé le conflit, il sera tenu de faire déposer son arrêté et les pienes? visées au greffe du tribunal; il lui sera donné récépissé de ce dépôt sans e et sans frais (art. 10). Si, dans le délai de quinzaine, cet arrêté n'aval puš

DE L'ARRÊTÉ PRÉFECTORAL DE CONFLIT.

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été déposé au greffe, le conflit ne pourrait plus être élevé devant le tribunal saisi de l'affaire (art. 11). — Si l'arrêté a été déposé au greffe en temps utile, le greffier le remettra immédiatement au procureur du roi, qui le communiquera au tribunal réuni dans la chambre du conseil, et requerra que, conformément à l'article 27 de la loi du 21 fructidor an III, il soit sursis à toute procédure judiciaire (art. 12).

675. Les quatre articles qu'il reste à faire connaître pour reproduire en entier cette importante ordonnance du 1er juin 1828 règlent la communication aux parties de l'arrêté de conflit, leur droit de produire leurs mémoires et observations (sans avoir le droit de conclure, qui leur est interdit devant le juge du conflit, ainsi que nous l'avons établi ci-dessus [n° 666] et que cela résulte des articles 43, 44 et 15 ci-dessous), le mode de transmission des pièces au juge du conflit, par l'intermédiaire du ministre de la justice, et le délai de rigueur dans lequel le jugement du conflit doit intervenir, sous peine de faire tenir l'arrêté de conflit pour non avenu. Les articles 15 et 16 qui déterminent ce délai ont reçu deux modifications: 4° par l'ordonnance du 12 mars 1831, dont le texte donne lieu à des difficultés d'application, en fixant à deux mois le délai normal et en exigeant que, dans le mois qui suit l'expiration de ce premier délai, notification du décret soit faite au tribunal; 2o par l'ordonnance du 19 juin 1840 (art. 35), qui suspend ces délais pendant les mois de septembre et d'octobre. Toutes ces dispositions sont confirmées par les articles 12 à 16 du règlement d'administration publique du 26 octobre 1849, déterminant les formes de procéder du tribunal des conflits.

Après la communication ci-dessus, l'arrêté du préfet et les pièces sont rétablis au greffe, où ils resteront déposés pendant quinze jours. Le procureur du roi en préviendra de suite les parties ou leurs avoués, lesquels pourront en prendre communication sans déplacement et remettre dans le même délai de quinzaine, au parquet du procureur du roi, leurs observations sur la question de compétence, avec tous les documents à l'appui (art. 13). Le procureur du roi informera immédiatement notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice, de l'accomplissement desdites formalités, et lui transmettra en même temps l'arrêté du préfet, ses propres observations et celles des parties, s'il y a lieu, avec toutes les pièces jointes. La date de l'envoi sera consignée sur un registre à ce destiné. Dans les vingt-quatre heures de la réception de ces pièces, le ministre de la justice les transmettra au secrétariat général du conseil d'État (actuellement du tribunal des conflits), et il en donnera avis au magistrat qui les lui aura transmises (art. 14). Il sera statué sur le conflit au vu des pièces ci-dessus mentionnées, ensemble des observations et mémoires qui auraient pu être produits par les parties ou leurs avocats, dans le délai de quarante jours, à dater de l'envoi des pièces au ministère de la justice. Néanmoins, ce délai pourra être prorogé, sur

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CONFLITS NÉGATIFS D'ATTRIBUTIONS

l'avis du conseil d'État et la demande des parties, par notre garde des sceaux: il ne pourra en aucun cas excéder deux mois (art. 15). Si les délais ci-des-S fixés expirent sans qu'il ait été statué sur le conflit, l'arrêté qui l'a élevé sera considéré comme non avenu, et l'instance pourra être reprise devant les tribunaux (art. 16).

Il sera statué sur le conflit dans le délai de deux mois, à dater de la réception des pièces au ministère de la justice; si, un mois après l'expiration da ce délai, le tribunal n'a pas reçu notification de l'ordonnance royale rendue sur le conflit, il pourra procéder au jugement de l'affaire (Ordonnance du 12 mars 1831, art. 7). — Il est statué par le tribunal des conflits dans les délais fixes par l'article 7 de l'ordonnance du 12 mars 1831 et l'article 15 de l'arrête du 30 décembre 1848. Ces délais sont suspendus pendant les mois de septembre et octobre (Règl. 26 octobre 1849, art. 15).

676. Si l'arrêté de conflit est confirmé, toute la procédure suivie devant l'autorité judiciaire est réputée non avenue, et la juridiction judiciaire est dessaisie.

Si au contraire cet arrêté est annulé, il résulte de ce jugement du conflit que l'autorité judiciaire était compétente; dès lors, la procédure provisoirement interrompue reprend son cours, et l'autorité judiciaire ne peut plus désormais se déclarer incompétente (c. c. ch. req. 6 novembre 1867, Rabier c. Gugniot).

677. Jusqu'ici (sauf no 657 et en donnant la statistique des deux sortes de conflits d'attributions qui s'élèvent entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative), nous n'avons parlé que des conflits positifs. C'est qu'en effet le principe de la séparation des deux autorités n'est nullement menacé, lorsque le conflit d'attributions qui se produit entre elles est négatif, l'une et l'autre se déclarant également incompétentes; et nous avons vu [no 666] que si les conflits positifs deviennent de moins en moins fréquents, les conflits négatifs ont toujours été et sont encore plus rares.

Le conflit négatif produisant pour les parties les mêmes effets qu'un déni de justice, il est nécessaire que ce conflit soit réglé, bien que l'autorité administrative n'ait pas à intervenir, et qu'il n'y ait lieu ni à l'arrêté de conflit, ni à l'application d'aucune des formes prescrites par l'ordonnance de 1828 pour le seul cas de conflit positif. C'était le chef de l'Etat en conseil d'Etat qui, sur requête de la partie la plus diligente et comme en matière contentieuse ordinaire, réglait ces conflits, à titre de supérieur commua des deux autorités parallèles, engagées dans cette lutte négative. La compétence du conseil d'État en matière de conflit négatif s'est établie de la manière suivante. Un arrêt du 24 décembre 4848

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ENTRE LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE. (Lebon, t. II, p. 441), après avoir annulé pour incompétence un arrêté de conseil de préfecture, a statué sur le conflit négatif qui résultait de cette déclaration d'incompétence, et annulé un arrêt de la cour de Poitiers du 20 juillet 1813. Puis intervint l'ordonnance royale du 12 décembre 1821 dont l'article 8 porte: « En ce » qui concerne les règlements de juges entre l'administration et > les tribunaux, qualifiés de conflits négatifs, il y sera procédé » comme par le passé ». L'ordonnance du 1er juin 1828 sur les conflits ne s'occupa point des conflits négatifs, mais elle n'entendit pas porter atteinte aux usages suivis à cet égard par le conseil d'État, car, au moment même où elle venait d'être promulguée, on voit le conseil d'État statuer sur des conflits négatifs 2 juillet 1828, Lebon, p. 519; 43 juillet 1828, p. 521; 5 novembre 1828, p. 766. Depuis, cette pratique légale s'est toujours continuée, comme on peut le voir par la statistique [no 666]; il faut signaler, entre autres, un arrêt du 26 février 1857, qui applique l'article 7, peu équitable surtout en matière de conflits négatifs, de l'ordonnance du 12 décembre 1824, d'après lequel le conseil d'État, lorsqu'il statue sur les conflits, ne prononce pas de dépens, quelque jugement qui intervienne.

678. De 1849 à 1852, et depuis 1872, le tribunal des conflits, appelé à statuer sur les conflits d'attributions positifs qui s'élèvent entre les deux autorités, devait naturellement être appelé à statuer également sur les conflits négatifs du même ordre. L'article 27 de la loi du 24 mai 1872 a fait aussi revivre les dispositions du règlement du 26 octobre 1849 relatives aux conflits d'attributions négatifs et qui forment son titre III.

Lorsque l'autorité administrative et l'autorité judiciaire se sont respectivement déclarées incompétentes sur la même question, le recours devant le tribunal des conflits, pour faire régler la compétence, est exercé directement par les parties intéressées. Il est formé par requête, signée d'un avocat au conseil d'État (Règlement d'administration publique du 26 octobre 1849, déterminant les formes de procéder du tribunal des conflits, art. 17).— Lorsque l'affaire intéresse directement l'État, le recours peut être formé par le ministre dans les attributions duquel se trouve placé le service public que l'affaire concerne (art. 18). Lorsque la déclaration d'incompétence émane, d'une part, de l'autorité administrative, de l'autre d'un tribunal statuant en matière de simple police ou de police correctionnelle, le recours peut en outre être formé par le ministre de la justice (art. 19). Le recours doit être communiqué aux parties intéressées (art. 20). Lorsque le recours est formé par des particuliers, l'ordonnance de soit communiqué rendue par le ministre de la justice, président du tribunal des conflits, doit être signifiée, par les voies de droit, dans le délai d'un mois... (art. 21).—Lorsque le recours est formé par un ministre, il en est,

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RESPONSABILITÉ DES FONCTIONNAIRES.

dans le même délai, donné avis à la partie intéressée par la voie administrative... (art. 22). La partie à laquelle la notification a été faite est tenue, si elle reside sur le territoire continental, de répondre et de fournir ses défenses dans le délai d'un mois à partir de la notification. A l'égard des colonies et des pays étrangers, les délais seront réglés, ainsi qu'il appartiendra, par l'ordonnance de soit communiqué (art. 23). — Les parties intéressées peuvent prendre, par elles-mêmes ou par leurs avocats, communication des productions au secrètariat, sans déplacement et dans le délai déterminé par le rapporteur (art. 24).

III. GARANTIE ADMINISTRATIVE DES AGENTS DU GOUVERNEMENT
SUPPRIMÉE.

679. Principe de la responsabilité des fonctionnaires publics.

680. Origines et motifs du principe de leur garantie administrative.
681. Article 75 de la Constitution de l'an VIII, actuellement abrogé.
682. Utilité actuelle de son étude, au point de vue historique et pratique.
683. Statistique des décisions du conseil d'État de 1852 à 1865.

684. Des trois conditions d'application de cet article 75.

685. Sanction de cet article 75 de la Constitution de l'an VIII.

686. Triple observation.

687. Décret-loi du 19 septembre 1870.

688. Article 11. Conséquences directes de l'abrogation de l'article 75. 689. Conséquences indirectes de cette abrogation par rapport au principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire; controverse.

689 bis. Suite de la controverse.

689 ter. Autre suite.

690. Article 1 2. Abrogation de toutes autres entraves à la mise en jugement des fonctionnaires publics.

691. Relativement aux conseillers d'État.

692. Relativement aux ministres du culte au cas de crime ou délit constitucn. un abus ecclésiastique; controverse.

693. Relativement aux ministres.

694. Maintien des règles relatives aux magistrats de l'ordre judiciaire et du prè vilége de juridiction.

695. Maintien des garanties et immunités politiques des membres du parkment, non applicables aux membres des conseils électifs.

696. Non-exécution de l'article 2 du décret du 19 septembre 1870.

679. L'Assemblée constituante de 1789 a proclamé en ces termes le principe de la responsabilité des fonctionnaires publics : «La société a le droit de demander compte à tout agent public de sot administration ». Au point de vue répressif, cette responsabilik est réglée par les nombreux articles du Code pénal qui réprimes. avec aggravation de peine, les crimes ou délits commis par les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions; au point de vue du droit privé, cette responsabilité forme l'une des applications de l'article 1382 du Code civil et des articles 4 & 2 et 3 § 4 du Code

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