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CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE 1867;

unie à celle de l'étalon monétaire. Elle n'est d'ailleurs qu'une partie de la question plus générale de l'unification des poids, mesures et monnaies dans tous les pays civilisés. L'adoption d'une monnaie universelle constituerait un instrument d'échange d'une grande commodité, d'une grande puissance, et qui économiserait les dix millions environ que coûte chaque année le seul change des monnaies; mais la difficulté de la solution tient à la fois aux habitudes des peuples et à la dépense considérable de la refonte des monnaies existantes.

La première convention monétaire de 1865 pouvait être, malgré les événements, un premier pas vers la grande œuvre de l'unification monétaire. A l'occasion de l'exposition universelle de 4867, une conférence monétaire internationale s'était réunie à Paris du 18 juin au 8 juillet 1867, sous les auspices du gouvernement français, pour traiter cette grande question; vingt-deux États de l'Europe et les États-Unis d'Amérique y avaient envoyé 40 représentants officiels. Les membres de la conférence ne se séparèrent qu'après avoir émis, à l'unanimité, une série de vœux se résumant dans les points suivants : « Impossibilité d'arriver à un accord basé sur » un système entièrement nouveau ', et convenance d'adopter » comme point de rapprochement, comme centre d'assimilation, >> sous réserve des perfectionnements dont il serait susceptible, le » système de la convention du 23 décembre 1865; étalon unique » d'or avec faculté de mesures transitoires pour les pays qui ont >> actuellement l'étalon d'argent exclusif ou le double étalon; titre » de 9/10°s de fin et pièce de 5 fr. d'or comme dénominateur com>> mun de la monnaie universelle. La commission a exprimé, en » outre, l'avis que les mesures qui seraient adoptées par les diffé»rents pays pour modifier les systèmes existants devraient être >> consacrées au moyen de conventions diplomatiques. »>

Ce point se réfère au système soutenu dans notre pays par l'illustre ancien professeur d'économie politique au Collège de France, l'auteur de tant de grands travaux sur la monnaie et toutes les parties de la science économique, l'un des inspirateurs des traités de commerce de 1860, M. Michel Chevalier, que la science et le pays ont perdu le 28 novembre 1879. Se plaçant dans la pure sphère dis principes, il soutenait qu'à tant faire que de changer, il n'y avait nul mouf de suivre le système monétaire français plutôt qu'un autre; qu'il fallait y subste tuer, pour arriver, au seul nom de la science et des principes, à l'unificatia monétaire, un type absolument nouveau conforme au système métrique, le d.2 gramme d'or ou pièce de dix grammes (31 francs), qui se diviserait et se sc diviserait décimalement; le scul tort de ce système est d'être un idéal, de n'exster nulle part et de n'avoir jamais vécu.

TENTATIVES D'UNIFICATION DES MONNAIES.

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Nous savons déjà [no 545] que, par déclaration du 26 octobre 1868, la Grèce a accédé purement et simplement à l'Union monétaire de la France, la Belgique, l'Italie et la Suisse.

Dès le 34 juillet 1867, une convention préliminaire avait été signée entre la France et l'Autriche; il en serait bientôt sorti un acte définitif, si la France y eût mis plus d'empressement; néanmoins, une loi d'Autriche-Hongrie du 9 mars 1870 a fait frapper sur les bases de cette convention des pièces d'or de 8 et 4 florins aux mêmes poids et titre que nos pièces de 20 fr. et 10 fr., avec l'inscription de la valeur en francs. La Suède, en vertu d'un décret royal du 31 juillet 1868, frappait aussi des pièces d'or d'un carolin, portant également ces mots « 40 francs » et, de plus, amélioration fort digne d'éloges, l'indication du titre « 9/10es de fin »; il faut regretter que l'émission de ces pièces ait été suspendue par un autre décret royal du 30 mai 1873. Des décrets du gouvernement espagnol en date du 19 octobre 1868, ordonnaient la frappe de nouvelles monnaies d'or et d'argent, suivant les principes et les types de l'Union monétaire latine; l'unité monétaire espagnole devenant la peseta, équivalente à cent centimes. La Roumanie en faisait autant en frappant des pièces d'or de 20, 10 et 5 leys, et d'un ley en argent valant un franc. Les États-Unis d'Amérique considéraient alors comme étant un pas fait dans le sens de la monnaie internationale, la fabrication de pièces d'argent prescrite par un acte du congrès de juin 1873, dont il est parlé ci-dessus [no 519], d'un demi-dollar représentant exactement en poids 2 fr. 50 c. en monnaic française, d'un quart de dollar égalant 1 fr. 25 c., et d'un dixième de dollar égalant 50 centimes.

Il faut avouer que des négociations entamées en 1867 avec l'Angleterre, relativement à l'adoption d'une nouvelle monnaie d'or destinée à devenir internationale, la pièce de 25 francs (ne différant de la livre sterling que par un manquant d'or de 20 centimes), n'ont pas abouti; dirigées sur une base plus large, avec l'unité d'étalon d'or, elles pouvaient avoir plus de succès.

D'autre part, en vertu de la loi de principe du 4 décembre 1871 et de la loi monétaire du 9 juillet 1873 promulguées à Berlin, on a fabriqué très-activement des monnaies allemandes en or; au point de vue de l'unification monétaire, elles ont bien pour effet de remplacer en Allemagne sept législations monétaires diverses, et aussi d'admettre trois des principes monétaires de la loi française: 1o l'alliage à 9/10es de fin; 2o le rapport de 1 à 15 1/2 entre l'or et l'argent; 3o la subdivision décimale de l'unité monétaire.

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TENTATIVES D'UNIFICATION DES MONNAIES;

Mais, à cet égard, cette monnaie d'or allemande s'écarte de la façon la plus fâcheuse (moins cependant que le système monétaire anglais) des bases arrêtées par la conférence internationale de 1867 (la pièce d'or de 20 marks valant 24 fr. 70 c., et celle de 10 marks, 12 fr. 25 c. ); et il n'est pas difficile d'y voir la pensée de faire échec aux progrès internationaux du système français, en continuant la guerre sur cet autre terrain. La France pouvait y lutter encore, malgré ses malheurs et la circulation momentanée du papier [no 510], à la condition d'agir promptement par l'adoption de l'unité d'étalon d'or.

523. Pendant les années 1869 et 1870, les idées à la fois favorables à l'unité d'étalon et à l'unification monétaire avaient fait un réel progrès.

Le 5 mars 1869, une commission chargée d'étudier en France la question de l'étalon monétaire avait adopté les conclusions suivantes: « L'étalon unique d'or est plus favorable que le double étalon à l'unification monétaire. Il sera aussi plus avantageux pour notre commerce extérieur. Il est enfin plus propre à constituer une circulation intérieure à la fois stable et commode. Pour établir en France, sans dépense pour le Trésor, le régime complet de l'étalon unique d'or, il suffit de prendre les mesures suivantes: 1° modifier la convention de 1865, d'accord avec les États qui y sont compris, et présenter en France une loi approbative de cette modification, qui interdise désormais ou limite étroitement la fabrication de la pièce de 5 fr. d'argent, en bornant au maximum de 100 fr. le cours légal obligatoire de celles qui existent aujourd'hui ; 2o modifier pareillement la convention de 1865, de manière à autoriser en France la fabrication d'une pièce de 25 fr., modification qu'un décret suffirait à légaliser. »

Un vote du Sénat dans la séance du 28 janvier 1870, rejetant le système du décagramme d'or, avait renvoyé au gouvernement des pétitions demandant l'émission de la pièce de 25 francs.

Dans l'enquête monétaire faite devant le conseil supérieur du commerce, du 9 décembre 1869 au 29 juillet 1870, l'idée de l'unité d'étalon s'est encore affirmée, et le résumé officiel de cette grande enquête constate ce qui suit : « Sur l'opportunité d'adopter exclu» sivement l'étalon d'or, une grande majorité s'est prononcée » pour l'affirmative ».

Ainsi, la France peut revendiquer pour ses économistes et quelques-uns de ses administrateurs l'initiative de ces mesures

CONFÉRENCES ET CONGRÈS MONÉTAIRES DE 1873 ET 1878. 495 d'adoption de l'unité d'étalon d'or que réalisent avant elle la plupart des autres États.

Toutefois les événements seuls ont encore fait marcher la France dans cette voie pendant ces dernières années.

En 1873, une conférence monétaire à Vienne s'est prononcée pour l'étalon unique d'or et une pièce internationale de 7 grammes et demi d'or fin.

En 1878, une conférence monétaire internationale provoquée par les États-Unis en verta d'une disposition de leur Silver bill ou Bland bill [no 519], et à laquelle l'Allemagne dédaigna même d'assister, réunissait onze Etats pour décliner la proposition américaine d'une fixation impossible d'un rapport international de valeur constant à établir entre l'or et l'argent, rapport fixé d'ailleurs par une autre disposition du Bland bill à 1: 15,98; cette conférence, la plus inutile qui se soit jamais produite, se bornait à dire que la question de la limitation du monnayage de l'argent devait être laissée à la libre décision de chaque État ou de chaque groupe d'États.

A la même époque, à l'occasion de la dernière exposition universelle, un congrès international pour l'unification des poids, mesures et monnaies, dans ses séances des 5 et 6 septembre 1878, a formulé une série de vœux dans le sens de l'unification des monnaies et contre la fixation législative d'un rapport fixe de valeur entre les deux métaux. Le caractère de ce congrès était purement scientifique, et distinct de ceux propres aux conférences internationales de 1867 el 1878, bien que l'autorité doctrinale de ses vœux s'accroisse de la présence de plusieurs des membres de ces conférences et surtout de la première. L'un des faits les plus saillants de ce congrès, analogue à celui du rejet en 1867 du décagramme d'or, a été le rejet du système des étalons parallèles con

1 « 1° Que les pièces d'or et d'argent portent l'indication du titre et du poids en grammes; 2° que le titre décimal soit universellement adopté; 3o que le droit de fonte et d'exportation soit illimité; 4° que la loi n'établisse pas de rapbort fixe entre la valeur de l'or et celle de l'argent; 5° que le créancier ne buisse pas recevoir plus de 1,250 grammes d'argent (250 francs); 6° que la prenière base de l'unité monétaire doit être l'étalon unique, et, par suite, l'étalon l'or; 7° que la meilleure manière d'arriver à cette unité, la moins coûteuse, elle qui troublerait le moins les habitudes des peuples, serait de donner parout cours légal à la pièce d'or de 10 francs selon le type français, pièce parfaiement décimale et déjà frappée chez des nations réunissant ensemble 140 milFons d'habitants, y compris même le duché de Finlande en Russie depuis une Di du 9 août 1877. »

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LIMITATION ET DANGERS DU DOUBLE ÉTALON.

sistant à maintenir dans la circulation, au nom d'une prétendue liberté des métaux, deux monnaies-marchandises d'or et d'argent, sans rapport entre elles fixé par la loi, et en laissant à des commissions le soin d'en déterminer le rapport commercial sur les prix de la Bourse.

Dès 1876, à la tribune du Sénat français, une savante interpellation [no 516] avait poussé le cri d'alarme, montrant que la convention monétaire de 1863 devenait un danger après avoir été un progrès, l'argent, avili par son rejet des autres systèmes monétaires et l'abondance de la production des mines américaines. trouvant en France dans le système du double étalon un exutoire au détriment de notre monnaie d'or et de l'intérêt public. Ce fut le signal des lois du 5 août 1876 et du 34 janvier 1878 [no 546). Dans sa séance du 24 novembre 1878, le Sénat, tout en prenant en considération l'intéressante proposition d'un autre économiste de la haute assemblée dans ses parties relatives à l'indication du titre et du poids en grammes sur les monnaies, à la frappe d'une monnaie d'or universelle pesant un poids exact de grammes, à la refonte des pièces de bronze et l'emploi de nouveaux métaux, te que l'aluminium ou le nickel, écartait au contraire, sur les conclusions de sa commission d'initiative, les parties de la même pro position relatives à la question de l'étalon. Mais au même moment l'aggravation de la crise monétaire et les faits imposaient, après les déclarations modificatives de la convention de 1865, la nouvelle convention monétaire de 1878, qui, ainsi que nous l'avons v [nos 547 et 518], introduit à titre temporaire, en fait et par la force même des circonstances, sinon en droit, une partie du système de l'unité d'étalon d'or par l'interdiction momentanée et condition nelle de frapper des pièces de 5 fr. d'argent. Nous ne dissimulons pas notre désir de voir ce provisoire se prolonger même au-del du 1er janvier 1886 terme de la nouvelle convention monétaire, devenir définitif, et se compléter par la limitation très-étroite da cours forcé de l'argent. Si la France refusait encore d'entrer dans cette voie, il serait facile de prévoir sur cette question la rupture de l'Union monétaire en 1886. Notre pays subit déjà pour av trop tardé dans cette voie, et malgré les précautions prises, des pertes révélées par les bilans de la Banque de France; on y voit décroissance continue de l'encaisse-or de ce grand établissement amoindrie, de 1877 en août 1880, de 550 millions de francs, tands que son encaisse-argent, c'est-à-dire celle du métal déprécié et de la monnaie aux qualités inférieures et gênante pour le public, s'est

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