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ANCIENS DIRECTEURS DE LA FABRICATION; BONS

conséquence la loi du 34 juillet 1879 qui, reprenant une idée déjà soumise à la Chambre des députés en 1843 et facilitée par les circonstances, a substitué au régime de l'entreprise la régie de l'État pour la fabrication des monnaies nationales.

Pour comprendre le mécanisme du service administratif suivi en France depuis l'an XI jusqu'en 1880 pour la fabrication monétaire et saisir la portée du changement effectué, il est utile de savoir (ce qui est une partie généralement ignorée de nos institutions administratives) que le régime de fabrication des monnaies précédemment en vigueur en France n'était ni la régie de l'État fabriquant lui-même comme en Autriche et en Russie, ni la fabrication par la Banque de France, comme cela a lieu par la Banque d'Angleterre constituée sur d'autres bases que la nôtre, mais le régime de l'entreprise, c'est-à-dire le système de la fabrication par l'industrie privée, représentée dans chaque établissement monétaire par le directeur de la fabrication. Cet agent, nommé par décret, sur la présentation du ministre des finances, présentait un caractère mixte, de fonctionnaire et d'industriel. C'était un entrepreneur public, assujetti à la patente, susceptible d'être mis en faillite, salarié non par l'État, mais par le public, qui lui apportait, sur remise d'un bon du change, appelé aussi bon de monnaie [no 511, 512, 516 et 523], les lingots et matières d'or et d'argent, afin qu'il les transformât en espèces monnayées, dans un délai fixé, aux prix et conditions des tarifs officiels; c'était lui qui entretenait le matériel nécessaire en rapport avec les besoins du service; il choisissait les ouvriers, en déterminait le nombre, et subissait tous les frais de la fabrication, de même qu'il en percevait les bénéfices; il versait un cautionnement qui répondait de sa gestion; son véritable caractère était celui d'un chef d'usine métallurgique, opérant à ses risques et dans son intérêt personnel, sous la surveillance et le contrôle de l'État représenté par l'administration centrale et par les trois fonctionnaires de l'atelier monétaire, un commissaire des monnaies, un contrôleur au change et un contrôleur au monnayage.

504. Sur cette donnée, il était facile de comprendre en quoi consistaient les attributions contentieuses de l'administration des monnaies 1o elle était appelée à juger toutes les difficultés qui pouvaient s'élever entre le public et les directeurs de la fabrication; 2o elle était tenue de procéder à ce que les textes appelaient avec beaucoup de raison le jugement des monnaies, dans des formes tou

DE MONNAIE; JUGEMENT DES MONNAIES.

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jours étroitement déterminées et décrites par les articles 27 à 36, formant le titre III de l'arrêté du gouvernement du 25 juin 1871, sous cette rubrique : « Du jugement du poids et du titre, et de la délivrance des espèces fabriquées ». L'une des obligations légales du directeur de la fabrication, aujourd'hui de l'État, dans l'intérêt public et des particuliers porteurs des métaux précieux, consiste, en effet, à ne faire entrer dans la composition des pièces fabriquées qu'une portion déterminée de cuivre, afin que la valeur nominale de la pièce soit conforme à sa valeur intrinsèque et véritable: c'est ce qui forme le titre de la pièce. Une autre obligation consiste à fabriquer chaque pièce conforme au poids légal, sauf aussi, comme pour le titre, une tolérance très-restreinte en fort et en faible, et déterminée par la loi, qui ne nuit ou qui ne profite qu'à l'État, et qui a pour limite et pour cause l'impossibilité d'atteindre une précision de titre et de poids absolument mathématique. C'est pour assurer la stricte régularité des fabrications monétaires que ce principe est posé, que : nulle pièce de monnaie ne peut être jetée dans la circulation sans avoir été préalablement jugée, sur le procèsverbal des opérations du laboratoire des essais, faites sur échantillons prélevés et analysés dans les conditions prescrites par les règlements, avec les précautions les plus scrupuleuses. L'administration, dans le régime de l'entreprise, en prononçant le jugement (art. 32), ordonnait soit la refonte, aux frais du directeur de la fabrication, de la brève (massc de monnaies provenant de la même fonte), soit la délivrance des espèces.

505. La loi du 34 juillet 1879, en prescrivant la fabrication des monnaies par voie de régie, a mis les porteurs de matières d'or et d'argent à l'atelier monétaire, en présence de l'État lui-même, substitué au directeur entrepreneur. Le bon de monnaie ou bon du change, au lieu d'être un titre contre ce particulier, devient un titre contre le Trésor lui-même. En outre des attributions conservées à l'administration monétaire [no 506], les articles 4 et suivants de la loi du 34 juillet 1879 organisent une commission de contrôle de la circulation monétaire, composée d'éléments législatifs, financiers, scientifiques et commerciaux.

Nous reproduisons cette loi, qui substitue ainsi un système nouveau de fabrication des monnaies par l'État, au système de conciliation entre les droits de l'État et ceux de l'industrie privée, suivi jusqu'à ce jour en France en vertu de la loi du 7 germinal et de l'arrêté du 10 prairial an XI.

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FABRICATION DES MONNAIES PAR L'ÉTAT

Nous faisons remarquer, au noint de vue de l'exactitude des termes, la contradiction qui existe entre la rédaction défectueuse de l'article 224 et la rédaction de l'article 5 in fine qui, mieux rédigé, appelle exactement le décret à intervenir un règlement d'administration publique.

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La fabrication des monnaies est exécutée par voie de régie administrative, sous l'autorité du ministre des finances. Cette régie sera organisée dans un délai de six mois, à partir de la promulgation de la présente loi (L. 31 juillet 1879, réglant le mode de fabrication des monnaies, art. 1). — Un décret rendu en forme de règlement d'administration publique détermine les conditions d'admission, au bureau du change, des matières propres à la fabrication des monnaies. ainsi que le mode d'émission des bons de monnaie et de délivrance des espèces. Il fixe les frais de fabrication conformément au principe posé par le paragraphe ! de l'article 11 de la loi du 7 germinal an XI (art. 2). Le bon de monnaie delivré contre le versement des matières d'or ou d'argent forme titre contre le Trésor, à la charge toutefois par la partie versante de le faire viser immédiatement et séparer de son talon par le contrôle spécial de la régie. Ce bon de monnaie est. comme les effets négociables du Trésor, exempté du droit et de la formalité du tímbre (art. 3). Il est créé une Commission de contrôle de la circulation monétaire, composée de neuf membres désignés : un par le Sénat, un par la Chambre des de putés, un par le conseil d'État, un par la cour des comptes, un par le consed te la Banque de France, deux par l'académie des sciences et deux par la chambre de commerce de Paris. La commission élit son président; elle le choisit parmi ses membres. Les nominations sont faites pour trois ans ; les membres sortants sont rééligibles. Leurs fonctions sont gratuites (art. 4). La commission s'assure de la régularité de l'émission des pièces, au point de vue du poids et du titre, et, à cet effet, elle fait vérifier, à la fin de chaque année, des échantillons prélaves sur chacune des brèves admises en délivrance dans le cours de cette antes. Cette vérification porte également sur des pièces extraites de la circulation. Le nombre et le mode de prélèvement de ces échantillons, ainsi que les mesures nécessaires ponr garantir leur identité, seront déterminés par le règlement d'administration publique (art. 5). Dans le premier mois de chaque année, la commission remet au président de la République un rapport sur les résultate de la fabrication effectuée pendant l'année précédente et sur la situation materielle de la circulation. Ce rapport est publié et distribué au Sénat et à la Chambre des députés (art. 6). Le compte détaillé des opérations de la rege est joint chaque année au compte général de l'administration des finances (art. 7). Les lois actuellement en vigueur sont abrogées en ce qu'elles ont is contraire aux dispositions qui précèdent (art. 8).

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506. Sous le titre fort incomplet de Décret fixant les frais de fobrication à exiger pour les matières d'or et les matières d'argi (Journal officiel du 24 décembre 1879), le règlement d'administration publique prévu par les articles 2 et 5 de la loi du 34 juillet 1879 est intervenu à la date du 31 octobre 1879. Il est utile de le reproduire intégralement; il convient de remarquer les articles 4 et 12 qui maintiennent au directeur général le jugement des con

EN VERTU DE LA LOI DU 31 JUILLET 1879.

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testations sur le titre des lingots et le droit d'ordonner la délivrance ou la refonte des brèves, et les articles 43 et 44 relatifs au fonctionnement de la commission de contrôle de la circulation monétaire.

Les frais de fabrication à exiger des porteurs de matières sont fixés, par kilogramme au titre monétaire (0.900), à six francs soixante-dix centimes (6 fr. 70) pour les matières d'or et à un franc cinquante centimes (1 fr. 50) pour les matières d'argent (D. 31 octobre 1879, art. 1). — Le tarif des matières d'or et d'argent, établi conformément à l'article ci-dessus, est publié et affiché au bureau du change. Les titres sont exprimés sur le tarif en millièmes et dixièmies de millième. Il n'est pas tenu compte dans les pesées des quantités inférieures à un décigramme pour l'or et à un gramme pour l'argent. Les sommes à payer aux porteurs de matières sont calculées d'après les titres et les poids ainsi déterminés (art. 2). Sont seuls admis de droit par le bureau du change: 1o les lingots propres au monnayage affinés au titre minimum de neuf cent quatre-vingt-quatorze millièmes (0,994) et du poids de six à sept kilogrammes pour l'or et de trente à trente-cinq kilogrammes pour l'argent; 2o les monnaies étrangères inscrites au tarif; 3° les ouvrages d'or et d'argent marqués des poinçons de titre français. Les lingots d'un titre inférieur au titre ci-dessus, mais supérieur au titre monétaire, pourront être admis, s'il a été reconnu par l'essai qu'ils sont propres au monnayage (art. 3). — En cas de désaccord sur le titre entre les porteurs de matières et le laboratoire d'entrée, la contestation est portée devant l'administration des monnaies qui fait procéder à un contre-essai par le laboratoire de sortie. Cette opération sert à déterminer définitivement le titre, mais le porteur a la faculté, s'il n'en accepte pas le résultat, de retirer ses matières (art. 4). — Après détermination du titre, il est délivré, contre le versement des matières au bureau du change, un ou plusieurs bons de monnaie au porteur ou nominatifs et transmissibles par voie d'endossement. Ces bons sont souscrits par le caissier agent comptable de la monnaie et visés par le contrôleur au change. Mention sera faite sur les bons de l'obligation du visa. L'échéance des bons de monnaie est fixée par arrêté du ministre des finances, sans qu'elle puisse dépasser un mois (art. 5). — Au moment de la couléc des matieres d'argent et après la coulée des matières d'or, le chef des travaux et le contrôleur de la fonderie prélèvent une goutte pour l'essai des fontes d'argent et une penille sur la première et la dernière lame pour l'essai des fontes d'or (art. 6). Le directeur des essais fait déterminer le titre de la goutte et des penilles par le laboratoire de sortie. Le résultat est constaté par un procès-verbal signé par les essayeurs. Une expédition de ce procès-verbal, certifiée par le directeur des essais, est remise sans délai à l'administration qui autorise le laminage des lames ou en prescrit la refonte, s'il y a lieu (art. 7). — Lorsque le monnayage d'une brève est terminé, le chef des travaux et le contrôleur principal prélèvent chacun au hasard sur les brèves de monnaies d'or, deux pièces : sur les brèves de monnaies d'argent de 5 fr., de 2 fr., 1 fr. et 50 centimes, quatre pièces; et sur celles de 20 centimes, huit pièces; sur les brèves de monnaies de bronze, cinq pièces. Ces pièces sont adressées sous le cachet des deux fonctionnaires, une au moins de chaque catégorie, à l'administration, et les autres pièces au directeur des essais (art. 8). Les pièces adressées à l'administration sont enfermées dans une caisse à deux clefs destinée au dépôt des échantillons devant servir aux vérifications annuelles de la commission de contrôle instituée par la loi du 31 juillet 1879. L'une des clefs est remise au

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RÈGLEMENT DU 31 OCTOBRE 1879.

directeur des essais, l'autre est confiée par le directeur général à l'employé supérieur qu'il aura désigné (art. 9). Le directeur des essais fait essayer, par le laboratoire de sortie, les échantillons de pièces destinées à l'analyse. Les résultats de ces essais sont constatés par un procès-verbal signé par le vérificateur et les essayeurs. Une expédition de ce procès-verbal, certifiée par le directeur des essais, est adressée sans délai à l'administration (art. 10). — Le contrôleur principal fait vérifier le poids et l'empreinte de chacune des pièces composant la brève dont il a envoyé les échantillons. Il rebute les pièces qui sont en dehors du poids légal de tolérance ou dont les empreintes sont défectueuses. La vérification terminée, il dresse procès-verbal de ses résultats et remet une expédi tion de ce procès-verbal au sous-directeur qui la transmet, revêtue de son visa, à l'administration (art. 11). - Sur le vu des procès-verbaux du directeur des essais et du contrôleur principal, le directeur général autorise la délivrance de la brève ou en prescrit la refonte, s'il y a lieu (art. 12). —Les membres de la commission de contrôle de la circulation monétaire se réunissent chaque année, conformément à l'article 5 de la loi du 31 juillet 1879, sur la convocation du ministre des finances, à l'hôtel des monnaies, à Paris. La commission se constitue en nommant son président et son secrétaire (art. 13). Cette conmission reçoit de l'administration des monnaies les clefs de la caisse à deux serrures contenant les pièces prélevées sur chaque fabrication ou brève et mises en réserve. Après s'être assurée que le nombre de ces pièces est conforme aux indications portées sur le relevé fourni par l'administration des monnaies, elle en prélève la quantité qu'elle juge nécessaire et en fait constater le poids et le titre en sa présence par les personnes qu'elle a choisies. Des pièces prélevées dans la circulation par les ordres de la commission sont soumises aux mêmes épreuves (art. 14). — Le ministre des finances est chargé de l'exécution du présent décret (art. 15).

507. Tandis que la fabrication de la monnaie n'est centralisée dans l'unique atelier monétaire de Paris que depuis 1880, la fabrication des médailles y est exclusivement concentrée depuis longtemps.

En outre, afin de mieux protéger la circulation monétaire, des restrictions sévères au principe de la liberté industrielle [n° 787 à 803] ont dû être apportées relativement à la fabrication des médailles et à l'emploi des presses et balanciers, par les arrêtés du 3 germinal an IX et du 5 germinal an XII. Des considérations de police, au point de vue de la morale publique et de la politique, motivent, avec l'intérêt monétaire, ces restrictions. Elles sont au nombre de quatre: 4° défense expresse de faire frapper des médailles, jetons ou pièces de fantaisie, ailleurs que dans les ateliers de l'hôtel des monnaies de Paris (A. 5 germinal an XII, art. 4); 2o nécessité d'une autorisation délivrée dans les bureaux du ministère des finances pour y faire frapper lesdites médailles, jetons ou pièces de fantaisie (O. 24 mars 1832; D. 17 février 1852, art. 22); 3° droit du ministre des finances d'accorder des permissions spéciales à des industriels de fabriquer des médailles dans

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