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PLACES DE GUERRE; ÉTAT DE PAIX.

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constances diverses dans lesquelles les faits dommageables peuvent se produire, sont celles du 10 juillet 1791 (art. 18, 19, 20, 24, 33 et 38), du décret du 24 décembre 1811 (52 et 53), de la loi du 17 juillet 4819 concernant les servitudes imposées à la propriété dans l'intérêt de la défense de l'État, la police des fortifications et les constructions projetées dans le rayon des enceintes fortifiées (art. 15). Le décret du 10 août 1853, simple acte réglementaire appelé, comme il est dit ci-dessus, à codifier les dispositions législatives existantes, les a reproduites avec plus de netteté; il n'a « ni modifié ni pu modifier les principes qu'elles consacraient (C. d'Ét. 13 mai 1872, Brac de la Perrière; Trib. confl. trois arrêts du 14 janvier 1873). C'est dans le titre VI de ce décret, sous la rubrique « dépossessions, démolitions et indemnités », que les articles 35 à 39 déterminent les cas dans lesquels, suivant la législation existante sur les places fortes et les postes militaires, une indemnité peut être due; le premier de ces articles constate leur caractère restrictif, de la manière suivante :

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La construction des fortifications et les mesures prises pour la défense des places de guerre et des postes militaires peuvent donner lieu à des indemnités pour cause de dépossession, de privation de jouissance et de destruction ou de démolition dans les cas et suivant les conditions mentionnés dans les articles suivants (D. 10 août 1853, art. 35).

373. Si, aux éléments constitutifs de la législation existante sur les places de guerre et les postes militaires, codifiés par le décret de 1853 et qui viennent d'être rappelés, on ajoute la loi du 9 août 4849, qui régit l'état de siége, il résulte de ces dispositions combinées qu'une place de guerre et un poste militaire peuvent se trouver dans quatre situations distinctes: 1° l'état de paix; 2o l'état le guerre; 3o l'état de siége fictif ; 4o l'état de siége effectif. Les règles relatives soit à la créance d'indemnité, soit à la compétence, varient uivant que la place de guerre se trouve dans l'une ou l'autre de es quatre situations.

374. 4° Les règles relatives à l'état de paix sont déterminées par es articles 36 et 37 du décret du 10 août 1853, qui se borne à l'aplication du droit commun de la servitude de fouille et extraction de atériaux au profit de l'autorité militaire avec indemnité fixée par conseil de préfecture [n° 326 à 332, 867 à 871], et de l'exproriation pour cause d'utilité publique [nos 807 à 835], sauf l'applition de la loi spéciale du 30 mars 1834 pour l'expropriation et

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l'occupation des terrains nécessaires aux fortifications [n° 844 et aussi no 378].

Il y a lieu à allouer des indemnités de dépossession lorsque des constructions nouvelles de places ou de postes de guerre, ou des changements ou augmentations à ceux qui existent, mettent le gouvernement dans le cas d'exiger la cession à l'État de propriétés privées par la voie d'expropriation pour cause d'utilité publique. L'indemnité est réglée dans les formes établies par la lɔi du 3 mai 181 (D. 10 août 1853, art. 36). Il y a lieu à indemnité pour privation de jouissance, pendant l'état de paix, toutes les fois que, par suite de l'execu tion de travaux de fortification ou de défense, d'extraction de matériaux ou pour toute autre cause, l'autorité militaire occupe ou fait occuper temporairement ure propriété privée, de manière à y porter dommage ou à en diminuer le produit. Cette occupation ne peut avoir lieu que dans les circonstances et dans les formes déterminées par les lois des 16 septembre 1807, 30 mars 1831 et 3 mai 1841, et l'indemnité est réglée en conformité des prescriptions de ces mêmes lois. L'état de paix a lieu toutes les fois que la place ou le poste n'est pas cons titué en état de guerre ou de siége par un décret, par une loi ou par l'effet des circonstances prévues aux articles 38 et 39 (art. 37).

375. 2o L'état de guerre, qu'il ne faut pas confondre avec le fait de guerre, est un état exclusivement spécial aux places de guerre ou postes militaires, et limitativement défini par la loi (D. 4853, art. 38 in fine, d'après les lois ci-dessus rappelées). Le même article 38 du décret de 4853, dans sa première partie, indique, d'après les articles 30, 31, 32, 33, 36, 37 et 38 de la loi du 10 juillet 1791, quels sont les droits plus grands, dans l'état de guerre de la place, de l'autorité militaire, qui n'est plus soumise à l'accomplissement des formalités de droit commun pour les occupations de terrains et démolitions; il consacre aussi le droit à indemnité dans les cas qu'il détermine. Il en résulte qu'indemnité est due: 4° pour le dommages causés aux propriétés situées en dehors de la zone des servitudes militaires; 2° pour les dommages causés aux constructions élevées en temps de paix dans la zone militaire, si les proprié taires établissent que ces constructions ont été élevées à une époqr: où les servitudes défensives ne pouvaient les atteindre.

Lorsqu'une place ou un poste est déclaré en état de guerre, les inond et les occupations de terrains nécessaires à sa défense ne peuvent avoir sa qu'en vertu d'un décret ou, dans le cas d'urgence, des ordres du gouverner du commandant de place, sur l'avis du conseil de défense, après avoir ! constater, autant que possible, l'état des lieux par des procès-verban 6gardes du génie ou des autorités locales. Il y a urgence dès que les toge ennemies se rapprochent à moins de trois journées de marche de la place me poste. L'indemnité pour les dommages causés par l'exécution de ces mesu de défense est réglée aussitôt que l'occupation a cessé. Les disposi.ias quip cèdent sont applicables, dans les mêmes circonstances, à la détérioralik, a

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ruction ou à la démolition de maisons, clôtures ou autres constructions ées sur le terrain militaire ou dans les zones de servitudes. Seulement il t pas dressé d'état de lieux, et il n'est alloué d'indemnité qu'aux particuliers at préalablement justifié sur titres que ces constructions existaient, dans nature et leurs dimensions actuelles, avant que le sol sur lequel elles se vaient fût soumis aux servitudes défensives. L'état de guerre est déclaré une loi ou par un décret toutes les fois que les circonstances obligent à ner à la police militaire plus de force et d'action que pendant l'état de paix. sulte, en outre, de l'une des circonstances suivantes : 1° en temps de guerre, que la place ou le poste est en première ligne ou sur la côte, à moins de journées de marche des places, camps ou positions occupés par l'ennemi; n tout temps, quand on fait des travaux qui ouvrent une place ou un poste é sur la côte ou en première ligne; 3o lorsque des rassemblements sont és dans le rayon de cinq journées de marche, sans l'autorisation des marats (D. 10 août 1853, art. 38).

76. 3o L'état de siége, que l'on peut appeler fictif (bien que e expression, non plus que celle qui lui est opposée, ne puisse rouver dans la loi), fait antithèse à l'état de siége effectif des ces fortes ou postes militaires, auquel s'applique exclusivement ticle 39 du décret du 10 août 1853. Cet état de siége fictif préte trois caractères : il s'applique au territoire d'un départent tout entier et non pas seulement aux places de guerre qui trouvent; il ne suppose ni la présence ni l'approche de l'enni, alors même qu'il est suivi plus tard d'investissement ou de e effectif; il a un caractère plus politique que militaire. Cet de siége est réglé, non par les lois susvisées et le décret de 3 qui en codifie les dispositions, mais par des lois spéciales et mment, en ce qui concerne ses effets, par la loi du 9 août 1849, t l'article 14 dispose : « Les citoyens continuent, nonobstant tat de siége, à exercer tous ceux des droits garantis par la ›nstitution, dont la jouissance n'est pas suspendue en vertu des ticles précédents »; et aucun de ces textes ne limite les droits propriété privée pendant cet état de siége. D'où suit que, rcement aux dommages causés pendant l'état de siége fictif, cet le siége laisse subsister les pouvoirs de l'autorité militaire par ort à la propriété privée tels qu'ils sont fixés ci-dessus [nos 374 5] et ne fait pas obstacle au droit à indemnité existant pendant de paix et l'état de guerre; il faut donc appliquer à ces quesd'indemnité les règles ci-dessus tracées soit pour l'état de soit pour l'état de guerre, suivant les cas, par les articles 37 et non celles écrites dans l'article 39 du décret de 1853 pour de siége effectif (C. d'Ét. 13 mai 1872, Brac de Laperrière; confl. 14 janvier 1873, trois arrêts annulant des arrêtés de

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conflit du préfet du Rhône; 24 janvier 1873, Roger; 45 mars 1873, Fiereck).

L'établissement de cet état de siége fictif, plus politique que militaire, est désormais restreint au seul cas de péril imminent, résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée, par la loi du 3 avril 1878 relative à l'état de siége, qui, en ayant pour principal objet de limiter les droits du pouvoir exécutif en cetle matière, a maintenu les dispositions de la loi du 9 août 1849 relatives aux effets de cet état de siége.

L'état de siége ne peut être déclaré qu'en cas de péril imminent, résultat d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée. Une loi peut seule déclarer l'état de siége; cette loi désigne les communes, les arrondissements ou departements auxquels il s'applique. Elle fixe le temps de sa durée. A l'expiration de ce temps, l'état de siége cesse de plein droit, à moins qu'une loi nouvele n'en prolonge les effets (Loi du 3 avril 1878, relative à l'état de siége, art. !

En cas d'ajournement des Chambres, le président de la République pest déclarer l'état de siége, de l'avis du conseil des ministres, mais alors les Chambres se réunissent de plein droit deux jours après (art. 2). En cas de dissolution de la Chambre des députés, et jusqu'à l'accomplissement entier cas opérations électorales, l'état de siége ne pourra, même provisoirement, déclaré par le président de la République. Néanmoins, s'il y avait guerre étrangère, le président, de l'avis du conseil des ministres, pourrait déclarer l'etat de siége dans les territoires menacés par l'ennemi, à la condition de convoquer les colléges électoraux et de réunir les Chambres dans le plus bref délai possitie (art. 3). — Dans le cas où les communications seraient interrompues avec l'Algérie, le gouverneur pourra déclarer tout ou partie de l'Algérie en état de siége dans les conditions de la présente loi (art. 4). Dans les cas prévus p les articles 2 et 3, les Chambres, dès qu'elles sont réunies, maintiennent on lèvent l'état de siége. En cas de dissentiment entre elles, l'état de siége cst levi de plein droit (art. 5). Les articles 4 et 5 de la loi du 9 août 1849 sont airtenus, ainsi que les dispositions de ses autres articles non contraires à la presente loi (art. 6).

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377. 4o Pendant l'état de siége effectif, supposant la présence de l'ennemi, les droits de l'autorité militaire par rapport à la prepriété privée n'ont d'autres limites que les besoins de la déferS, et les dommages causés par les mesures de démolitions et de des tructions par elie prises ne donnent droit à aucune indemnit Le silence de la loi du 10 juillet 1794 suffisait pour qu'il en fl ainsi; celui du décret du 10 août 1853 cût également suffi, après le principe de restriction posé dans son article 35 [no 372]. Ness moins ce décret a voulu, interprétant exactement le silence de a loi, pourvu que sa disposition ne soit appliquée qu'à l'état de sige effectif, établir en termes formels «< que les mesures prises » l'autorité militaire dans une place en état de siége ne dona .!

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droit à aucune indemité ». Dans ce cas, en présence de l'ennemi, il y a fait de guerre, nécessité immédiate ou conséquence de la lutte, force majeure, et, par suite, irresponsabilité.

Il en est ainsi que le fait s'accomplisse pour la défense d'une place forte ou pour la défense d'une partie quelconque du territoire c'est un principe général et supérieur [no 381], qui reçoit son application au cas de siége effectif d'une place de guerre ou d'un poste militaire.

Il s'applique aussi bien aux destructions de constructions, plantations, ou autres objets pendant l'investissement d'une place et en présence de l'ennemi (C. d'Ét. 7 février 1834, Gervaise; 7 août 1835, Forcatère; cour de Bruxelles, 14 août 1835; C. d'Ét. 11 mai 1872, Bertin; 23 mai 1873, Hérouard), qu'à celles opérées avant l'investissement, mais en raison de la certitude et de l'imminence de cet investissement, et qui s'imposent également comme une nécessité immédiate de la lutte (C. d'Ét. 23 mai 1873, de Lamotte; Trib. confl. 28 juin 1873, Fritsch; C. d'Ét. 14 juillet 1873, Cohen; 13 février 1874, Batteur; 13 mars 1874, Collot; 1er mai 1874, Defresne; 1er mai 1874, Thinet).

Toute occupation, toute privation de jouissance, toute démolition, destruction et autre dommage résultant d'un fait de guerre ou d'une mesure de défense prise soit par l'autorité militaire pendant l'état de siége, soit par un corps d'armée ou un détachement en face de l'ennemi, n'ouvre aucun droit à indemnité. L'état de siége d'une place ou d'un poste est déclaré par une loi ou par un décret. Il résulte aussi de l'une des circonstances suivantes : l'investissement de la place ou du poste par des troupes ennemies qui interceptent les communications du dehors au dedans, et du dedans au dehors, à la distance de 3,500 mètres des fortifications; une attaque de vive force ou par surprise; une sedition intérieure; enfin des rassemblements formés dans le rayon d'investissement sans l'autorisation des magistrats. Dans le cas d'une attaque régulière, l'état de siége ne cesse qu'après que les travaux de l'ennemi ont été détruits, et les brèches réparées ou mises en état de défense (D. 10 août 1853, art. 39).

378. Les questions de compétence se mêlent, en cette matière, aux questions du fond. L'autorité judiciaire est compétente dans les trois hypothèses qui suivent :

4° L'article 15 de la loi du 17 juillet 1819 est ainsi conçu : « Les indemnités prévues par les articles 18, 19, 20, 24, 33 et 38 de la loi lu 40 juillet 1794 seront fixées dans les formes prescrites par la oi du 8 mars 1810 et préalablement acquittées conformément à 'article 10 de la Charte constitutionnelle ». Les lois du 30 mars 831 et du 3 mai 1844 tiennent aujourd'hui la place de la loi du 3 mars 1840; c'est toujours l'autorité judiciaire, les tribunaux

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