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COMPÉTENCE DES CONSEILS DE PRÉFECTURE EN MATIÈRE

décret du 15 octobre 1810 qui forme la base de la législation relative à ces établissements, qu'il divise en trois classes, en les soumettant à des prescriptions, contraires aux deux principes de l'inviolabilité du droit de propriété et de la liberté du travail et de l'industrie [n° 787 et suivants], mais exigées par l'intérêt public. L'article 1er de ce décret pose la règle de la nécessité d'une autorisation administrative, sauf pour les établissements en activité avant le 15 octobre 1840 (art. 11 et 13 du décret); il opère cette division tripartite de la manière suivante :

A compter de la publication du présent décret, les manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode ne pourront être formés sans une permission de l'autorité administrative. Ces établissements seront divisés en trois classes. La première classe comprend ceux qui doivent être éloignés des habitations particulières; la seconde, les manufactures et ateliers dont l'éloignement des habitations n'est pas rigoureusement nécessaire, mais dent il importe néanmoins de ne permettre la formation qu'après avoir acquis la certitude que les opérations qu'on y pratique sont exécutées de manière à ne pas incommoder les propriétaires du voisinage, ni à leur causer des dommages. Dans la troisième classe seront placés les établissements qui peuvent rester sans inconvénient auprès des habitations, mais doivent rester soumis à la surveillance de la police.

354. Au gouvernement seul il appartient, aux termes du décret de 1810 (art. 10), de dresser le tableau des établissements dangereux, insalubres ou incommodes et d'en faire la division en trois classes; ce classement ne peut être effectué que par voie de décrets portant règlement d'administration publique (D. régl. 2 août 1879, art. 7 826 ').

Les tableaux de classement annexés au décret de 1810, ceux qui leur avaient été substitués par l'ordonnance du 14 janvier 1845 et les nombreuses dispositions spéciales à diverses sortes d'industries qui les avaient complétés ou modifiés, sont tous actuellement remplacés par le tableau général de classement promulgué par le décret portant règlement d'administration publique du 31 décembre 1866. Ce nouveau tableau, préparé par le comité consultatif des arts et manufactures avant d'avoir été soumis au conseil d'État, tient compte de l'état actuel de toutes les industries sous le rapport de leurs inconvénients pour le voisinage. En conséquence des per

Le texte de l'article 7 du décret du 2 août 1879 portant règlement intérieur pour le conseil d'État, est reproduit en entier ci-dessus no 83. Le tableau B, cidessous mentionné, du décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative, est reproduit en entier ci-dessus no 116, tel qu'il a été inséré de nouveJa au Bulletin des lois en vertu du décret du 13 avril 1861.

D'ATELIERS DANGEREUX, INSALUBRES OU INCOMMODES. 323 fectionnements introduits dans les procédés industriels, et qui diminuent ou même annulent la nocuité qui avait déterminé les classements antérieurs, ce tableau « supprime les classements pour

plus de cent industries, et en descend de classe près de quatre>> vingts, tandis que quelques-unes seulement ont dû être intro» duites dans la nomenclature ou relevées de classe »; c'est ainsi que s'exprime le rapport inséré au Moniteur du 18 janvier 4867 avec le décret du 31 décembre 1866 dont voici la teneur :

-

Sur la proposition de notre ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics; Vu le décret du 15 octobre 1810, l'ordonnance royale du 14 janvier 1815, et le décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative; Vu les ordonnances des 29 juillet 1818, 25 juin 1823, 20 août 1824, 9 février 1825, 5 novembre 1826, 20 septembre 1828, 31 mai 1833, 5 juillet 1834, 30 octobre 1836, 27 janvier 1837, 25 mars, 15 avril et 27 mai 1838, 27 janvier 1846, et les décrets des 6 mai 1849, 19 février 1853, 21 mai 1862, 26 août 1865, et 18 avril 1866, portant addition ou modification aux classements des établissements réputés insalubres, dangereux ou incommodes; Vu les avis du comité consultatif des arts et manufactures; Notre conseil d'État entendu, ...Art. 1er. La division en trois classes des établissements réputés insalubres, dangereux ou incommodes aura lieu conformément au tableau annexé au présent décret. Elle servira de règle toutes les fois qu'il sera question de prononcer sur les demandes en formation de ces établissements. - Art. 2. Notre ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

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355. Un décret du 31 janvier 1872, dans un tableau supplémentaire qui lui est annexé, a augmenté le nombre des ateliers insalubres, dangereux ou incommodes de chacune des trois classes; de sorte que ce premier tableau supplémentaire de 1872 a d'abord complété le tableau général de classement de 1866.

Un second tableau supplémentaire de classement des ateliers insalubres, dangereux ou incommodes a été établi par un décret du 7 mai 1878, qui a, de plus, supprimé sept espèces d'établissements dans la nomenclature des ateliers classés par le décret du 31 décembre 1866.

Ces deux tableaux supplémentaires doivent être rapprochés du tableau général de classement de 1866 pour la recherche des ateliers déclarés dangereux, incommodes et insalubres.

Il faut se préoccuper aussi des décrets complémentaires pouvant intervenir; tel est un décret du 22 avril 1879, qui complète la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, en ajoutant une industrie à la troisième classe.

356. L'autorisation nécessaire pour l'ouverture des ateliers

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ATELIERS DANGEREUX ET INSALUBRES

ainsi classés est donnée par le préfet pour les établissements de première depuis 1852 (D. décent., tabl. B, nos 7 et 8) et de seconde classe (D. 1810, art. 2 § 2), et par les sous-préfets pour ceux de troisième classe (0.14 janvier 1815, art. 3), sauf à Paris et dans tout le ressort de la préfecture de police où c'est au préfet de police qu'il faut s'adresser pour les permissions relatives aux trois classes d'établissements. Il est statué sur la demande d'autorisation suivant les exigences de la sûreté, de la salubrité et de la commodité publiques, après une instruction administrative dont les formes varient suivant chaque classe d'établissements.

357. Établissements de re classe. Les demandes pour obtenir l'autorisation de former un établissement de re classe doivent être adressées au préfet, désigner le siége de l'atelier, la nature des opérations qu'il a pour objet, et être accompagnées d'un plan en double expédition. Comme cette classe comprend les établissements qu'il est nécessaire d'éloigner des maisons, à raison des exhalaisons qu'ils répandent, ou des dangers d'explosions et autres accidents qu'ils peuvent engendrer, la procédure administrative sur laquelle est rendu l'arrêté préfectoral d'autorisation ou de refus, doit offrir de complètes garanties.

C'est dans ce but que les formalités suivantes sont exigées: 1° affiche de la demande dans toutes les communes à cinq kilomètres de rayon, pendant un mois; à l'expiration de ce délai, les maires de ce rayon dressent procès-verbal de l'accomplissement de cette formalité et des oppositions formées par toute personne on par eux-mêmes au nom de leur commune (D. 1840, art. 3); — 2o enquête de commodo et incommodo, ouverte devant le maire de la commune sur le territoire de laquelle doit fonctionner l'établissement projeté (0. 1845, art. 2); tout arrêté préfectoral qui interviendrait sans le strict accomplissement de cette formalité et de la précédente serait entaché d'excès de pouvoir;— 3o avis du conseil d'hygiène et de salubrité de l'arrondissement, et, s'il est besoin, celui du comité consultatif des arts et manufactures que le ministre met toujours à la disposition du préfet; -4° avis du conseil de préfecture (D. 1840, art. 4), nécessaire seulement dans le cas où des oppositions ont été formées, soit pendant le délai de l'affichage, soit au cours des enquêtes. Ces oppositions anterieures à la décision, étant du ressort exclusif de la juridiction gracieuse, le préfet les apprécie par l'arrêté même qui accorde ou refuse l'autorisation; il n'y a que les oppositions postérieures

DE LA PREMIÈRE CLASSE.

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à l'arrêté préfectoral qui appartiennent au contentieux administratif.

358. Lorsqu'après l'accomplissement de ces formalités l'arrêté préfectoral est intervenu, il peut être attaqué par la voie contentieuse, pour refus d'autorisation devant le conseil d'État, et pour cause d'autorisation accordée devant le conseil de préfecture. On applique les règles suivantes.

En cas de refus ou de conditions restrictives imposées à l'autorisation, le demandeur peut attaquer directement, dans les trois mois de la notification, l'arrêté préfectoral devant le conseil d'État délibérant au contentieux (D. 1810, art. 7 § 2), qui se trouve dans ce cas former l'unique degré de juridiction [no 274 6o appelé à statuer sur la réclamation dirigée contre cet acte administratif proprement dit. Les tiers intéressés au maintien du refus ou des conditions restrictives de l'autorisation, qu'ils aient ou non comparu à l'enquête, peuvent, durant l'instance, intervenir devant le conseil d'État soit pour demander le maintien de l'arrêté préfectoral, soit même pour conclure incidemment au refus absolu d'autorisation (C. d'Ét. 10 mars 1854, Giraud; 24 juin 1870, Vedlès); après l'instance, ils peuvent attaquer l'arrêt du conseil d'État par voie de tierce opposition.

Au cas où l'arrêté préfectoral porte autorisation, et en dehors de toute réclamation du demandeur, les tiers, à toute époque, aucun délai n'étant prescrit, et même au cours de l'exploitation, peuvent attaquer cet arrêté pour en demander la réformation, sauf déclaration de déchéance s'ils avaient laissé fonctionner l'établissement pendant plusieurs années sans réclamation (C. d'Ét. 11 mars 1862, commune de Puteaux), et sans que cette déchéance fasse obstacle à l'application de l'article 12 du décret de 1840 [no 362]. Ils doivent saisir le conseil de préfecture (D. 1810, art. 7 § 3); ceux-là seuls qui ont formé l'opposition devant le conseil de préfecture (C. d'Ét. 5 août 1868, Dalmas) peuvent interjeter appel au conseil d'État dans les trois mois de la notification de l'arrêté du conseil de préfecture. Les tiers, dans cette hypothèse, ne pourraient saisir directement le conseil d'État qu'en arguant l'arrêté préfectoral d'incompétence ou d'excès de pouvoir, d'après les dispositions législatives générales qui font du conseil d'État le régulateur des compétences administratives et sans qu'il puisse alors statuer sur le fond même de la question [voir nos 252, 253 et 272 20].

L'attribution au préfet par le décret du 25 mars 1852 du droit de

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ATELIERS DE 2o ET DE 3o CLASSE.

statuer sur la demande d'autorisation des établissements de la première classe, réservé au pouvoir exécutif en conseil d'État par le décret de 4810 (art. 2), a rendu de la sorte applicables à cette caté gorie d'arrêtés préfectoraux les règles écrites dans la partie finale de l'article 7 du décret de 1810 pour les arrêtés des préfets rendus relativement à des ateliers de la seconde classe.

Le préfet statuera, sauf le recours à notre conseil d'État par toutes parties intéressées. S'il y a opposition, il y sera statué par le conseil de préfecture, sauf le recours au conseil d'État (D. 15 octobre 1810, relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, art. 7 2 in fine et ?3).

359. Établissements de 2 classe. La demande d'autorisation doit être adressée au sous-préfet de l'arrondissement; comme l'éloignement des lieux habités ne forme pas une condition aussi absolue pour l'autorisation de ces établissements que pour celle des établissements de la première classe, et qu'il s'agit seulement de concilier au moyen de certaines précautions les intérêts de l'industrie avec le respect dû à la propriété, les formalités sont moins nombreuses. Il n'y a pas à apposer d'affiches de la demande, et le préfet n'est jamais tenu de prendre l'avis du conseil de préfecture, même lorsque la demande a suscité des oppositions. Les autres formalités, dont l'accomplissement est prescrit pour la formation des établissements de la première classe, sont applicables à ceux de la seconde; et les règles ci-dessus décrites sont les mêmes relativement au recours que le postulant et les tiers peuvent former par la voie contentieuse contre l'arrêté préfectoral qui refuse, accorde ou limite l'autorisation demandée (D. 1840, art. 7).

360. Établissements de 3o classe. Pour les établissements simplement incommodes, qui ne compromettent ni la sûreté ni la salubrité publiques, il n'y a aucune formalité à remplir, ni d'affichage, ni d'enquête, ni d'avis du conseil de préfecture. Les sous-préfets, chargés de statuer sur ces demandes (0. 14 janvier 1815, art. 3), sont uniquement tenus de prendre l'avis des maires et de la police locale. Les recours contre l'arrêté du sous-préfet (et, dans l'arrondissement chef-lieu, du préfet) qui prononce sur la demande d'autorisation, sont tous portés devant le conseil de préfecture, aussi bien ceux formés par le demandeur que ceux émanant des tiers.

S'il s'élève des réclamations contre la décision prise sur la demande en f mation de manufacture ou d'atelier compris dans la troisième classe, elles serc: jugées au conseil de préfecture (D. 15 octobre 1810, art. 82).

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