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PROMULGATION; DATE DES LOIS.

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Constitution de 1848 donnait au président de la République non la sanction, mais le droit de provoquer une nouvelle délibération du pouvoir législatif [nos 39 et 49].

Il faut remarquer que même, dans les constitutions qui ont accordé la sanction au pouvoir exécutif, elle a une importance qui varie, moins grande dans celles (an VIII, 1802-1804, 1814, 1845, 1852) qui donnaient l'initiative au pouvoir exécutif seul, plus grande dans celles (1830, 1870) qui partageaient cette initiative entre le pouvoir exécutif et les chambres.

20. Il résulte de l'analyse que nous venons de faire des opérations multiples de la confection des lois, que la date des lois varie suivant les constitutions qui règlent ces opérations législatives. En effet, la loi doit toujours prendre date du jour où elle est complète. Dans les constitutions qui admettent la sanction, le projet, même voté, ne devient loi que par la sanction [no 20], et doit en prendre la date. Dans celles au contraire qui n'admettent pas la sanction, et dans lesquelles la loi est achevée par le vote, la loi prendra la date du jour du vote; si ce vote appartient cumulativement à deux assemblées législatives, ce sera la date du dernier vote qui deviendra celle de la loi ; si le pouvoir exécutif est investi du droit de provoquer un nouvel examen de la loi, la date de la loi sera celle du vote définitif, soit qu'il confirme, soit qu'il modifie le précédent; enfin si, comme on le voit surtout dans le système d'unité d'assemblée législative, la loi est soumise à deux ou trois lectures, c'est toujours le vote en dernière lecture qui imprimera à la loi sa date officielle. En un mot, la date de la loi est celle de la sanction dans les constitutions qui l'admettent, et celle du dernier vote législatif dans les autres [nos 21, 39 et 49].

24. Sous la plupart des constitutions conférant la sanction au pouvoir exécutif, les mêmes actes, ordonnances royales, décrets impériaux, décrets ou arrêtés du gouvernement, sanctionnaient et promulgaient à la fois la loi sous cette formule consacrée : << Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulguons, » la loi dont la teneur suit ». Malgré leur réunion dans le même acte et dans la même phrase, la sanction et la promulgation n'en ont pas moins toujours été deux choses distinctes.

Nous venons de voir que, par la sanction, le pouvoir exécutif est admis à coopérer, parte in quâ, à l'œuvre législative, pour y adhérer ou pour l'empêcher de se parachever, sans toutefois pou

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POUVOIR EXÉCUTIF; SA DIVISION EN

voir en modifier les dispositions; ainsi par la sanction le pouvoir exécutif participe réellement de la puissance législative.

La promulgation, au contraire, est un attribut du pouvoir exécutif; elle suppose la loi complète; elle est l'acte par lequel le pouvoir exécutif rend la loi exécutoire, c'est-à-dire le premier acte d'exécution de la loi. Portalis l'a définie : « l'édition solennelle de » la loi, le moyen de constater son existence, et de lier le peuple >> à son exécution ». Ainsi la loi existe avant la promulgation, mais elle n'acquiert que par elle la force coercitive [n° 49].

22. Ce que nous venons de dire de la promulgation, premier acte d'exécution de la loi, forme une transition naturelle entre l'étude spéculative et résumée que nous venons de présenter du pouvoir chargé de faire la loi, et celle que nous allons également entreprendre pour le pouvoir chargé de faire exécuter la loi, en le considérant ici en lui-même, au même point de vue rationnel, et indépendamment du droit positif.

23. Nous venons de voir que le pouvoir exécutif, considéré 1o au point de vue de sa participation plus ou moins étendue à l'œuvre législative, pouvait présenter les diversités les plus grandes, suivant la solution donnée à ces problèmes par la constitution du pays. Les diversités et les difficultés augmentent encore lorsque, sortant de la théorie de la confection des lois, on envisage le pouvoir exécutif au point de vue de son organisation propre, relativement: 2o à sa composition, 3o à sa durée et à sa transmission, 4o aux conditions de son fonctionnement.

Sans revenir sur ce qui a été dit ci-dessus relativement au 4er point, en traitant du pouvoir législatif, nous avons à présenter de rapides aperçus sur les 2o, 3o et 4° points.

Mais il convient de les raprocher d'un 5° point d'étude, relatif à l'analyse du pouvoir exécutif et à sa division en diverses branches qui lui sont inhérentes, sous tous les régimes politiques. Sous ce rapport l'étude théorique et rationnelle du pouvoir exécutif que nous entreprenons ici, avec son étude historique, appartient en même temps au droit positif de la France.

24. Lorsqu'en se plaçant à ce 5o point de vue, on analyse le pouvoir exécutif en lui-même, indépendamment des formes et des conditions politiques sous lesquelles il peut se produire, on recon

TROIS BRANCHES; GOUVERNEMENT.

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nait qu'il se subdivise en un certain nombre de branches. Suivant nous, ces branches, distinctes du pouvoir exécutif, sont au nombre de trois le gouvernement, l'administration, la justice.

Cette portion de l'étude du principe de la séparation des pouvoirs va mettre en lumière un point de contact étroit entre le droit constitutionnel et le droit administratif, en déterminant la place qui appartient à l'administration ou autorité administrative dans l'ensemble des pouvoirs, scientifiquement réduits à deux, et en nous montrant qu'elle est une branche du pouvoir exécutif.

25. Les attributs du gouvernement, première branche du pouvoir exécutif, relèvent entièrement du droit constitutionnel. Il a en effet pour objet la direction des intérêts généraux du pays [no 32]. C'est surtout en vue de cette première partie de son rôle, de sa mission gouvernementale, que le pouvoir exécutif peut être et a été soumis à une grande variété de régime en ce qui touche les conditions de son organisation ci-dessus indiquée, concernant sa composition, sa durée, sa transmission, son fonctionnement.

26. Au point de vue de sa composition, le pouvoir exécutif, chargé de gouverner le pays, peut être confié à un seul homme ou à plusieurs.

Suivant une règle, que nous trouverons partout dans l'ensemble de notre organisation administrative et qu'elle domine depuis l'année 4800, « délibérer est le fait de plusieurs, agir est le fait d'un seul >> ; exacte dans l'ordre administratif, cette idée ne cesse pas de l'être, transportée dans l'ordre constitutionnel; si l'exercice collectif convient à la puissance législative, l'unité d'action est le propre de la puissance exécutive.

Néanmoins le pouvoir exécutif peut, suivant les inspirations plus ou moins heureuses du pouvoir constituant, être soumis soit à cette règle de l'unité, soit à celle de la pluralité.

Dans l'état monarchique, le pouvoir exécutif est nécessairement concentré dans la main d'un seul, empereur ou roi; mais ce n'est pas ce qui caractérise cet état, car, dans une république, ce pouvoir peut également être confié à un seul homme, premier consul ou président de république. Il peut aussi, dans l'état républicain, être confié à plusieurs, et, sans aller jusqu'aux vingt-quatre membres du conseil exécutif de la Constitution démagogique de 1793, et même aux gouvernements de fait composés de douze membres qui se sont produits en France à des époques plus rapprochées de

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ORGANISATION DU GOUVERNEMENT; SES RAPPORTS

nous, nous avons eu les cinq Directeurs de la Constitution de l'an III, et une Commission exécutive de cinq membres momentanément instituée par l'Assemblée constituante de 1848. La composition multiple du pouvoir exécutif paraît avoir toujours eu pour conséquence, dans notre pays, son impuissance à sauvegarder l'ordre social en péril.

27. Lorsque le pouvoir exécutif est remis à un seul homme, il faut faire de nouvelles distinctions, et trois hypothèses principales se produisent. Le pouvoir exécutif est-il remis à cet homme pour un temps court et déterminé, et jusqu'à l'époque fixe d'une nouvelle élection? la forme du gouvernement est républicaine. Si le dépositaire unique du pouvoir exécutif en est investi pour une longue durée et surtout pour un temps illimité ou viager, mais sans l'hérédité, l'État n'est républicain que de nom, sans avoir la réalité de la monarchie. Lorsque le dépositaire du pouvoir exécutif en est investi pour toute sa vie, et qu'en outre ce pouvoir est héréditaire et transmissible à sa descendance, l'État est monarchique; sauf à distinguer les monarchies admettant l'hérédité des femmes, comme en Angleterre, de celles qui, comme en France, suivant la loi salique, les ont toujours exclues de l'ordre de succession à la couronne.

Enfin, au cas d'éligibilité du pouvoir exécutif en dehors de la transmission monarchique, il faut résoudre l'embarrassant problème consistant à fixer les conditions mêmes de cette élection du pouvoir exécutif. Sera t-elle confiée à une assemblée? à deux assemblées? à un congrès ? ou bien au suffrage populaire?

Sous ces formes variées se dressent autant de difficultés qu'il suffit ici de montrer, et que soulève la mise en œuvre constitutionnelle du principe de la séparation des pouvoirs.

28. Ce n'est pas seulement au point de vue de son admission à participer au pouvoir législatif, de sa composition, de sa durée et de sa transmission, que le pouvoir exécutif peut être soumis aux règles constitutionnelles les plus diverses; c'est aussi au point de vue de ses conditions organiques de fonctionnement.

En effet, le pouvoir exécutif peut être plus ou moins fortement constitué par rappor aux assemblées, et peu importe à cet égard le titre républicain ou monarchique de chaque constitution.

La Constitution monarchique de 1794 donne l'exemple d'un pou voir royal asservi en présence d'une assemblée unique et toute

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AVEC LES ASSEMBLÉES; RESPONSABILITÉ MINISTÉRIELLE. puissante, et la Constitution républicaine de l'an VIII offre dans le Consulat un pouvoir exécutif énergiquement organisé en présence d'assemblées nombreuses et systématiquement affaiblies.

Les assemblées législatives peuvent avoir, sur la direction du gouvernement, remis au pouvoir exécutif, monarchique ou républicain, une influence presque nulle, si les ministres, agents politiques de ce pouvoir, ne sont pas en contact avec ces assemblées, n'en dépendent à aucun titre et ne peuvent même pas en faire partie; réelle, s'ils y ont entrée, même sans en faire partie, pour la discussion des lois et des actes du gouvernement; plus importante, et pouvant devenir prépondérante, s'ils peuvent et surtout s'ils doivent faire partie de ces assemblées, et sont soumis à la responsabilité ministérielle dans toute son étendue.

29. Le principal moyen d'action des assemblées sur le gouvernement se trouve dans la responsabilité ministérielle, c'est-à-dire dans la responsabilité des ministres, dont nous venons de parler au point de vue de leur mise en contact avec les assemblées législatives. Nous nous occuperons, dans le cours de cet ouvrage, et spécialement en parlant de l'administration centrale, des ministres considérés comme administrateurs [nos 67 à 73], ct, plus loin, des ministres considérés comme juges administratifs [n" 427 à 437]; nous ne traitons ici que de leur rôle gouvernemental en tant qu'agents politiques immédiats du pouvoir exécutif.

La responsabilité ministérielle peut offrir des aspects divers.

Il y a, d'une part, et nécessairement, la responsabilité du ministre vis-à-vis du pouvoir exécutif qui le nomme et qu'il représente; il y a, d'autre part, et celle-là n'existe pas dans tous les systèmes constitutionnels, la responsabilité des ministres vis-à-vis des assemblées politiques.

Lorsqu'on l'envisage sous un autre aspect, il y a, d'une part, la responsabilité individuelle de chaque ministre pour ses actes personnels, et, d'autre part, la responsabilité collective des ministres qui suppose la solidarité de tous les ministres pour les actes du ministère; c'est une solidarité de droit constitutionnel, en vertu de laquelle tout ministre qui ne se retire pas d'un cabinet accepte la responsabilité des actes du ministère, alors même qu'ils ne lui sont pas personnels; alors seulement la responsabilité ministérielle se produit dans toute sa réalité.

30. Considérée enfin au point de vue de ses effets, la responsabilité ministérielle est pénale et politique.

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