Page images
PDF
EPUB

152

AVIS DES CONSEILS GÉNÉRAUX.

n'ouvre ce recours qu'au préfet; aussi doit-on reconnaître aux intéressés le droit d'attaquer lesdites délibérations devant le conseil d'État par la voie contentieuse pour excès de pouvoir [no 252], droit que semblent leur refuser en principe deux arrêts du conseil d'État du 9 avril 1875 (Testelin, ville de Lille; ville de Roubaix). Nous n'admettrions la doctrine de ces arrêts que s'ils se bornaient à baser le rejet du recours sur l'exécution de la décision attaquée par suite de l'adhésion donnée à cette exécution, en laissant faire les élections en vertu de la délibération du conseil général, sans avoir réclamé régulièrement contre elles. Le conseil d'État a toutefois persisté dans cette jurisprudence (30 mai 1879, commune de Barbentane) en disant que c'est devant le conseil de préfecture, sous forme de protestation contre les opérations électorales, que l'on doit se prévaloir des violations de la loi contenues dans ces délibérations du conseil général.

Chaque année, dans sa session d'août, le conseil général, par un travail d'ensemble comprenant toutes les communes du département, procède à la révision des sections électorales et en dresse le tableau (L. 10 août 1871, art. 43). Lorsque la commune est divisée en plusieurs cantons, le sectionnement devra être opéré de telle sorte qu'une section électorale ne puisse comprendre des portions de territoires appartenant à plusieurs cantons (L. 7 juillet 1874, relative à l'électorat municipal, art. 1 33). — [Voir, no 222, la loi du 14 avril 1871, art. 3].

154. 5° Le conseil général agit souvent en qualité de comité consultatif de l'administration centrale; à ce titre, il ne prend de délibérations ni définitives ni subordonnées : il donne simplement des avis que l'administration peut toujours, et que parfois elle doit demander; ou il exprime spontanément des vœux.

155. La loi du 18 juillet 1866 n'avait apporté aucune modification aux articles 6 et 7 de la loi du 10 mai 1838, relatifs à cette portion des attributions du conseil général. La loi de 1874 a peu modifié la situation antérieure en ce qui concerne les avis des conseils généraux, ainsi que cela résulte de l'article suivant. Il faut remarquer toutefois le dernier paragraphe de l'article 50 et l'antithèse qu'il semble faire avec l'article 77 2 2 [n° 166], l'un faisant consulter le conseil général par les ministres, et l'autre la commission départementale par le préfet.

Le conseil général donne son avis: 1o sur les changements proposés à la circonscription du territoire du département, des arrondissements, des cantons et des communes, et la désignation des chefs-lieux, sauf le cas où il statue définitivement, conformément à l'article 46 n° 26; 2° sur l'application des dispositions de l'article 90 du Code forestier, relative à la soumission au régime fores

VOEUX DES CONSEILS GÉNÉRAUX.

153 lier des bois, taillis ou futaies appartenant aux communes, et à la conversion en bois de terrains en pâturages; 3° sur les délibérations des conseils municipaux relatives à l'aménagement, au mode d'exploitation, à l'aliénation et au défrichement des bois communaux; et généralement sur tous les objets sur lesquels il est appelé à donner son avis en vertu des lois et règlements, et sur lesquels il est consulté par les ministres (L. 10 août 1871, art. 50).

456. L'article 54 de la loi de 1871 reproduit complétement, dans son premier paragraphe, la disposition de l'article 7 de la loi de 1838, relative au droit des conseils généraux d'exprimer des vœux dans l'intérêt spécial du département. Mais deux dispositions nouvelles, formant les paragraphes 2 et 3 de cet article, lui confèrent l'une le droit de charger un ou plusieurs de ses membres de recueillir sur les lieux les renseignements qui lui sont nécessaires, et l'autre le droit d'émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d'administration générale. C'est en raison de cette disposition que les conseils généraux ont pu, dès leurs sessions de 1874 et 1872 et depuis, émettre des vœux sur les graves questions de l'obligation générale au service militaire, de sa durée, de la suppression du remplacement, de la gratuité ou de l'obligation de l'enseignement primaire, etc., qui sont autant de questions d'administration générale, et sur les divers systèmes d'impôts, qui sont en outre des questions économiques; pour se conformer aux données de la science, il faut du reste comprendre sous cette dénomination toutes les questions relatives à la production, à la distribution, à la circulation et à la consommation de la richesse du pays. Comme par le passé, tous vœux politiques sont interdits au conseil général, c'est-à-dire tous les vœux directs, indirects ou déguisés, qui seraient relatifs à la Constitution et à sa révision, à la répartition des pouvoirs publics, à la direction politique, à la durée, à l'étendue du mandat, à l'approbation des actes du gouvernement et des assemblées; aux questions d'état de siége, d'amnistie, de guerre, de relations extérieures, comme de politique intérieure. Cette interdiction, formellement écrite dans le texte de la loi de 1871, montre qu'elle n'a pas voulu transformer les conseils généraux en assemblées politiques. Toute violation de cette disposition donne lieu à une déclaration du nullité dans les formes prescrites par l'article 33 [no 158; voir aussi no 238 à 240].

Le conseil général peut adresser directement au ministre compétent, par l'intermédiaire de son président, les réclamations qu'il aurait à présenter dans l'intérêt spécial du département, ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents services publics, en ce qui touche le département. Il peut charger

454

ATTRIBUTIONS POLITIQUES ÉVENTUELLES.

un ou plusieurs de ses membres de recueillir sur les lieux les renseignements qui lui sont nécessaires pour statuer sur les affaires qui sont placées dans ses attributions. Tous vœux politiques lui sont interdits; néanmoins il peut émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d'administration générale (L. 1871, art. 51).

157. 6o En outre des cinq caractères différents que l'ensemble des dispositions de la loi organique du 10 août 1871 a consacrés dans l'institution des conseils généraux, et que nous venons d'étudier en passant successivement en revue toutes les attributions normales que cette loi leur a conservées ou qu'elle a ajoutées à leurs attributions primitives, une loi spéciale du 15 février 4872 est venue leur conférer un sixième caractère.

Ils ne sont plus seulement, d'après cette loi, les représentants de leurs départements respectifs; ils sont éventuellement appelés par elle, dans des circonstances exceptionnelles, à représenter le pays lui-même. Dans l'hypothèse d'un acte de violence faisant disparaître les pouvoirs constitués, cette loi appelle les conseils généraux à les remplacer momentanément et dans les conditions que déterminent ses six articles. Dans cette hypothèse, il est manifeste que les conseils généraux sont transportés dans un domaine qui n'est pas le leur; ils deviennent de véritables corps politiques, mais ce n'est que pour un moment et dans une éventualité déterminée; leurs délégués vont se former en assemblée politique, en raison de l'atteinte portée aux assemblées constituées et aux pouvoirs légaux.

C'est aussi en dehors de leur mission normale, que nous avons vu dans notre étude de droit constitutionnel, au début de cet ouvrage, l'article 4 de la loi constitutionnelle du 24 février 1873 relative à l'organisation du Sénat conférer aux membres des conseils administratifs électifs la fonction d'électeurs sénatoriaur [no 37 et 40].

Si l'assemblée nationale ou celles qui lui succéderont viennent à être illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir, les conseils généraux s'assemblent immédiatement, de plein droit, et sans qu'il soit besoin de convocation spéciale, au chef-lieu de chaque département. Ils peuvent s'assembler partout ailleurs dans le département, si le lieu habituel de leurs séances ne leur parait pas offrir de garanties suffisantes pour la liberté de leurs délibérations. Les conseils ne sont valablement constitués que par la présence de la majorité de leurs membres (D. 15 février 1872, relative au rôle éventuel des conseils généraux, art. 1). Jusqu'au jour où l'assemblée, dont il sera parlé à l'article 3, aura fail connaître qu'elle est régulièrement constituée, le conseil général pourvoira d'urgence au maintien de la tranquillité publique et de l'ordre légal (art. 2).—Une assemblée composée de deux délégués élus par chaque conseil général, en comité

SANCTION DES RÈGLES RELATIVES AUX CONSEILS GÉNÉRAUX. 155

secret, se réunit dans le lieu où se seront rendus les membres du gouvernement légal et les députés qui auront pu se soustraire à la violence. L'assemblée des délégués n'est vablement constituée qu'autant que la moitié des départements, au moins, s'y trouve représentée (art. 3). — Cette assemblée est chargée de prendre, pour toute la France, les mesures urgentes que nécessite le maintien de l'ordre, et spécialement celles qui ont pour objet de rendre à l'assemblée nationale la plénitude de son indépendance et l'exercice de ses droits. Elle pourvoit provisoirement à l'administration générale du pays (art. 4). Elle doit se dissoudre aussitôt que l'Assemblée nationale se serait reconstituée par la réunion de la majorité de ses membres sur un point quelconque du territoire. Si cette reconstitution ne peut se réaliser dans le mois qui suit les événements, l'assemblée des délégués doit décréter un appel à la nation pour des élections générales. Ses pouvoirs cessent le jour où la nouvelle Assemblée nationale est constituée (art. 5). Les décisions de l'assemblée des délégués doivent être exécutées, à peine de forfaiture, par tous les fonctionnaires, agents de l'autorité et commandants de la force publique (art. 6).

C. Sanction des règles précédentes.

158. Sanction des règles relatives à l'organisation et aux attributions des conseils généraux.

159. Application aux délibérations des conseils généraux du recours pour excès de pouvoir.

160. Réglementation du droit de dissolution.

458. Les articles 33 et 34 de la loi du 10 août 1871 reproduisent avec quelques différences de rédaction les dispositions des articles 44 et 15 de la loi de 1833, destinées à servir de sanction aux règles relatives soit aux réunions du conseil général, soit aux limites de leur pouvoir; et il faut bien remarquer que ce sont là des dispositions d'ordre public qui dominent l'ensemble des dispositions de la loi du 10 août 1874, de même qu'elles dominaient, dans la législation antérieure, et les règles relatives à l'organisation, et celles relatives aux attributions des conseils généraux, bien que ces règles fussent écrites alors dans deux lois différentes.

Pour l'entente exacte de ces textes, il est utile de se reporter aux dispositions analogues des lois communales qui ont également pour objet de maintenir les conseils municipaux dans leurs limites légales [no 238 à 240].

La violation de l'article 54 de la loi de 1874, qui interdit aux conseils généraux «< tous vœux politiques [no 156] », a donné lieu à de nombreux décrets d'annulation de délibérations de conseils généraux, rendus en exécution de l'article 33 de la loi de 1874 (Décrets des 14 mai 1872, 25 juin 1873, 24 décembre 1873, 26 janvier,

156

DROIT D'ANNULATION; RECOURS;

2 juin, 23 juin, 4 août 1874, annulant des délibérations des conseils généraux du Var, Bull. off. 72, p. 235; des Ardennes, 73, p. 326; du Rhône, 74, p. 153; de la Côte-d'Or, 74, p. 154; des PyrénéesOrientales, 74, p. 554 et 555; de la Gironde, 74, p. 556; d'Oran, 77, p. 300; du Rhône, 77, p. 127 et 480, etc., etc.).

Un autre décret du 6 février 1875, rendu sur l'avis conforme du conseil d'État (Bull. off. 1875, p. 179), a très-juridiquement déclaré nulle et illégale une délibération du conseil général du Rhône invitant le préfet à mandater le complément de subventions votées aux ouvriers délégués à l'exposition de Vienne, même en ce qui concerne ceux qui dans leurs rapports avaient traité de questions politiques et sociales.

Un décret du 2 juillet 1874, rendu encore sur l'avis conforme du conseil d'État (Bull. off. 1874, p. 549), a annulé une délibération du conseil général du Gard, pour violation de cette règle <«< qu'aucune disposition légale n'autorise ni le conseil général ni >> la commission départementale à entrer en relations avec les municipalités, ni à se concerter avec elles.

Plusieurs décrets ont annulé des délibérations de conseils généraux pour avoir statué sur des affaires de sa compétence, mais sans qu'elles aient été préalablement instruites par le préfet, nonobstant l'article 3 de la loi du 10 août 1871 [no 103] qui charge le préfet de l'instruction préalable des affaires intéressant le département (D. 2 janvier 1875 annulant une délibération du conseil général du Cantal en matière de foires et marchés; D. 16 janvier 1875, Isère, en matière de concession de chemins de fer d'intérêt local; Bull. off. 1875, p. 121 à 425); ou comme contraires à la mission confiée au préfet d'assurer l'exécution des décisions de l'assemblée départementale (D. 8 janvier 1875, annulant une délibération du conseil général des Vosges revendiquant pour son bureau le droit exclusif de surveiller l'impression du volume de ses délibérations en détenant, jusqu'à ce que l'impression soit terminée, les minutes des procès-verbaux de ses séances, contrairement à l'article 7 de la loi du 28 pluviôse de l'an VIII; Bull off. 1875, p. 118).

Enfin un assez grand nombre de décrets, rendus en exécution de l'article 33 de la loi de 1871, ont annulé des délibérations de conseils généraux qui revendiquaient pour eux-mêmes, ou le plus souvent pour leurs commissions départementales par interprétation jugée fausse de l'article 84 § 2, le droit de faire la répartition ou distribution de crédits ouverts au budget pour secours ou gra

« PreviousContinue »