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ÉCONOMIE DES LOIS DE 1866 ET 1871.

avait été arrêté dans la délibération du conseil général approuvée régulièrement.

Dans toutes les hypothèses, le droit d'approuver n'impliquait pas celui de modifier: d'où il suit que l'initiative appartenait déjà au conseil général d'une manière absolue en vertu de la loi du 10 mai 1838, et que son consentement était nécessaire pour que l'acte soumis à sa délibération pût être réalisé par l'administration active. Le conseil général était déjà libre de ne pas faire ou d'empêcher les actes de la vie civile du département; il n'était pas libre de les accomplir, en raison de la nécessité de l'autorisation, improprement appelée l'acte de tutelle.

En un mot encore, et pour exprimer la même idée sous une autre forme, il y avait, dans le système de la loi de 1338, à distinguer toujours ces trois choses: 1° la délibération du conseil général, nécessaire pour l'accomplissement de l'acte ; 2° l'approbation ou autorisation, nécessaire pour l'exécution de la délibération du conseil; 3o l'action administrative, ayant pour objet la réalisation de l'acte.

Telles étaient, sous ce rapport, les attributions des conseils généraux d'après les articles 4 et 5 de la loi du 10 mai 1838, qui était bien déjà, comme nous l'avons dit ci-dessus [no 93], une loi de décentralisation ainsi que celle de 1833.

143. La loi du 18 juillet 1866 n'avait pas abrogé, mais avait modifié d'une façon très-importante la loi de 1838, en ce sens que ces deux lois devaient être combinées; il en résultait l'existence de deux sortes de délibérations du conseil général procédant à titre de représentant direct des intérêts départementaux: 4° des délibérations par lesquelles le conseil général statuait définitivement sur un assez grand nombre d'affaires déterminées par la loi du 18 juillet 1866; 2o des délibérations du conseil général qui restaient soumises à la nécessité d'une autorisation dans les conditions de la loi du 10 mai 1838 et du décret-loi du 25 mars 1852.

144. La loi du 10 août 1874, qui abroge et remplace les lois antérieures sur les conseils généraux, admet désormais trois sortes de délibérations des conseils généraux: 1o des délibérations définitives seulement sujettes au droit d'annulation pour violation de la loi; 2o des délibérations subordonnées au droit de veto du pouvoir exécutif; et 3' des délibérations soumises à l'autorisation de la puissance législative ou du pouvoir exécutif; cette troisième sorte

DÉLIBÉRATIONS DÉFINITIVES DES CONSEILS GÉNÉRAUX.

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de délibérations est exceptionnelle et rare dans l'économie de la loi nouvelle; il n'y en a que trois applications [no 147].

Dans les deux premiers cas au contraire, contenant la généralité des délibérations du conseil général, il y a suppression de l'autorisation; c'est la règle de la loi du 18 juillet 1866, étendue et généralisée. Il n'y a plus, comme nous le disions tout à l'heure de la législation de 1838, trois phases à distinguer dans l'opération; il n'y en a plus que deux: la délibération du conseil général, et l'acte que doit réaliser, en conséquence, le préfet chargé de l'exécution. Il n'y a plus, entre ces deux faits, la nécessité d'une autorisation. L'acte dit de tutelle est supprimé. C'est en ce sens qu'il y a décentralisation et émancipation des conseils généraux. La délibération du conseil général devient, dans ce cas, une décision, à peu près comme lorsqu'il répartit l'impôt. Il faut toutefois remarquer que si la nécessité de l'autorisation, soit législative, soit gouvernementale, soit préfectorale, est supprimée; s'il y a, sous ce rapport, un système nouveau substitué à celui de la loi de 1838, du décret de 1852, et des dispositions de la loi de 1866 qui maintenaient dans certains cas l'autorisation, la loi du 10 août 1871, dans l'intérêt de l'unité et de la conciliation des intérêts locaux avec l'ordre général et les besoins de l'État, a réservé à l'administration centrale certains pouvoirs. Nulle approbation n'est nécessaire pour ramener à exécution la décision du conseil général, mais il pourra intervenir un décret du pouvoir exécutif qui annule les délibérations de la première catégorie [n° 145], ou qui suspende les délibérations de la seconde [no 146]; c'est la huitième règle de décentralisation ci-dessus posée [n° 100].

145. Les délibérations définitives des conseils généraux interviennent sur les matières considérables et nombreuses énumérées dans les vingt-six paragraphes de l'article 46 de la loi de 1871. Cet article emprunte à la loi de 1866, presque entièrement, les seize paragraphes de l'article 1er de cette loi, la dénomination même de délibérations définitives, et la suppression de l'acte d'autorisation. Sous ce rapport la loi de 1871 étend et complète l'idée qui avait déjà reçu du législateur de 1866 une somme considérable d'application. Les délibérations de cette première sorte ne peuvent être atteintes que par un décret rendu en la forme des règlements d'administration publique prononçant leur annulation, dans le délai de deux mois et vingt jours après la clôture de la session, et seulement pour excès de pouvoir ou pour violation d'une dispo

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DÉLIBÉRATIONS DÉFINITIVES;

sition de la loi ou d'un règlement d'administration publique. Telle est la prescription de l'article 47, et il faut bien remarquer qu'elle s'applique non-seulement aux délibérations prises par les conseils généraux sur les matières énumérées dans l'article 46, mais encore à toutes les délibérations définitives prises par ces conseils en vertu d'autres dispositions de la loi [nos 148, 153, etc.].

Une loi du 16 septembre 1879 a modifié l'article 46 8 24.

Le conseil général statue définitivement sur les objets ci-après désignės, savoir 10 acquisition, aliénation et échange des propriétés départementales mobilières ou immobilières, quand ces propriétés ne sont pas affectées à l'un des services énumérés au no 4; 2o mode de gestion des propriétés départementales; 3o baux de biens donnés ou pris à ferme ou à loyer, quelle qu'en soit la durée; 4 changement de destination des propriétés et des édifices départementaux autres que les hôtels de préfecture et de sous-préfecture, et des locaux affectés aux cours d'assises, aux tribunaux, aux écoles normales, au casernement de la gendarmerie et aux prisons; 5° acceptation ou refus de dons et legs faits au département, quand ils ne donnent pas lieu à réclamation; 6o classement et direction des routes départementales; projets, plans et devis des travaux à exécuter pour la construction, la rectification ou l'entretien desdites routes; désignation des services qui seront chargés de leur construction et de leur entretien; 7o classement et direction des chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun; désignation des communes qui doivent concourir à la construction et à l'entretien desdits chemins, et fixation du contingent annuel de chaque commune; le tout sur l'avis des conseils compétents; répartition des subventions accordées, sur les fonds de l'État ou du département, aux chemins vicinaux de toute catégorie; désignation des services auxquels sera confiée l'exécution des travaux sur les chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun, et mode d'exécution des travaux à la charge du département; taux de la conversion en argent des journées de prestation; 8o déclassement des routes départementales, des chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun; 9o projets, plans et devis de tous autres travaux à exécuter sur les fonds départementaux, et désignation des services auxquels ces travaux seront confiés; 10° offres faites par les communes les associations ou les particuliers pour concourir à des dépenses quelconques d'intérêt départemental; 11° concessions à des associations, à des compagnies ou à des particuliers, de travaux d'intérêt départemental; 12o direction des chemins de fer d'intérêt local, mode et conditions de leurs constructions, traités et dispositions nécessaires pour en assurer l'exploitation; 13° établissement et entretien des bacs et passages d'eau sur les routes, et chemins à la charge du département; fixation des tarifs de péage; 14° assurances des bâtiments départementaux; 15° actions à intenter ou à soutenir au nom du département, sanf les cas d'urgence, dans lesquels la commission départementale pourra statuer; 16° transactions concernant les droits des départements; 17° recettes de toute nature et dépenses des établissements d'aliénés appartenant au département; approbation des traités passés avec des établissements privés ou publics pour le traitement des aliénés du département; 18° service des enfants assistés; 19o part de la dépense des aliénés et des enfants assistés, qui sera mise à la charge des communes, et bases de la répartition à faire entre elles; 20o crés

DÉLIBÉRATIONS NON DÉFINITIVES.

445 tions d'institutions départementales d'assistance publique, et service de l'assistance publique dans les établissements départementaux; 21° établissement et organisation des caisses de retraite ou de tout autre mode de rémunération en faveur des employés des préfectures et des sous-préfectures et des agents salariés sur les fonds départementaux; 22o part contributive du département aux dépenses des travaux qui intéressent à la fois le département et les communes; 23. difficultés élevées relativement à la répartition de la dépense des travaux qui intéressent plusieurs communes du département; 24° délibérations des conseils municipaux ayant pour but l'établissement, la suppression ou les changements de foires et marchés; 25o délibérations des conseils municipaux ayant pour but la prorogation des taxes additionnelles d'octroi actuellement existantes, ou l'augmentation des taxes principales au delà d'un décime, le tout dans les limites du maximum des droits et de la nomenclature des objets fixés par le tarif général établi conformément à la loi du 24 juillet 1867; 26° changements à la circonscription des communes d'un même canton et à la désignation de leurs chefs-lieux, lorsqu'il y a accord entre les conseils municipaux (L. 10 août 1871, relative aux conseils généraux, art. 46). Les délibérations par lesquelles les conseils généraux statuent définitivement sont exécutoires si, dans le délai de vingt jours à partir de la clôture de la session, le préfet n'en a pas demandé l'annulation pour excès de pouvoir ou pour violation d'une disposition de la loi ou d'un règlement d'administration publique. Le recours formé par le préfet doit être notifié au président de la commission départementale. Si, dans le délai de deux mois à partir de la notification, l'annulation n'a pas été prononcee, la délibération est exécutoire. Cette annulation ne peut être prononcée que par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique (art. 47).

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Les conseils généraux, appelés à délibérer dans le cas prévu à l'article 46 24 de la loi du 10 août 1871, statuent souverainement et nonobstant toute opposition sur l'établissement, la suppression ou les changements des foires et marchés dans les communes de leurs départements respectifs. Néanmoins, lorsqu'il s'agira de foires et marchés établis ou à établir dans les communes situées à moins de deux myriamètres d'un département voisin, le conseil général de ce département devra être préalablement consulté, conformément au décret du 13 août 1864 [voir no 116] (Loi du 16 septembre 1879, art. 1or). - Sont abrogées toutes les dispositions de lois et de règlements contraires à la présente loi (art. 2).

146. Les délibérations non définitives, prises par les conseils généraux en vertu de l'article 48 de la loi de 1874, ressemblent aux précédentes, en ce qu'elles sont également dispensées de toute autorisation gouvernementale ou législative; mais elles en diffèrent en ce sens que ce n'est pas seulement pour excès de pouvoir, violation de loi ou de règlement qu'elles peuvent être atteintes ; alors même qu'elles ne sont entachées d'aucun de ces vices, l'exécution de ces délibérations peut être suspendue par un décret motivé; il faut que ce décret, pour lequel l'intervention du conseil d'État n'est pas exigée, intervienne dans le délai de trois mois à

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DÉLIBÉRATIONS SOUMISES A AUTORISATION.

partir de la clôture de la session, aux termes de l'article 49. De nombreux décrets ont fait depuis 1874 l'application de cette disposition; tel est un décret qui a suspendu, sur le recours du préfet, l'exécution d'une délibération du conseil général de l'Hérault prise en vertu de l'article 48 de la loi (Bulletin officiel du ministère de l'intérieur, année 1872, p. 351).

Tandis qu'il n'y a, dans la catégorie des délibérations définitives des conseils généraux, que les matières qui y sont nominativement placées, cette seconde catégorie embrasse d'une manière générale toutes les délibérations que le conseil est appelé à prendre sur tous objets d'intérêt départemental, non classés dans la première ou dans la troisième qui n'en contient que trois. En un mot, tandis que l'énumération de l'article 48 n'est qu'énonciative, ainsi que cela résulte de son § 5, celle de l'article 46 ci-dessus [no 145] et la disposition de l'article 44, ci-dessous reproduite [n° 147], sont limitatives.

Le conseil général délibère: 1o sur l'acquisition, l'aliénation et l'échange des propriétés départementales affectées aux hôtels de préfecturé et de sous-préfecture, aux écoles normales, aux cours d'assises et tribunaux, au casernement de la gendarmerie et aux prisons; 2° sur le changement de destination des propriétés départementales affectées à l'nn des services ci-dessus énumérés; 30 sur la part contributive à imposer au département dans les travaux exécutés par l'État qui intéressent le département; 4o sur les demandes des conseils municipaux: 1 pour l'établissement ou le renouvellement d'une taxe d'octroi sur les matières non comprises dans le tarif général indiqué à l'article 46; 2 pour l'établissement ou le renouvellement d'une taxe excédant le maximum fixé par ledit tarif; 3 pour l'assujettissement à la taxe d'objets non encore imposés dans le tarif local; 4 pour les modifications aux règlements ou aux périmètres existants; 5o sur tous les autres objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements, et généralement sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi, soit par une proposition du préfet, soit sur l'initiative d'un de ses membres (L. 10 août 1871, art. 48). Les délibérations prises par le conseil général sur les matières énumérées à l'article précédent sont exécutoires si, dans le délai de trois mois à partir de la clôture de la session, un décret motivé n'en a pas suspendu l'exécution (art. 49).

147. Dans trois cas seulement les délibérations du conseil général sont soumises à la nécessité d'une autorisation. Dans l'un de ces cas, au mot autorisation l'article 53 de la loi nouvelle a substitué le mot décision du gouvernement; mais le décret réglementaire sur le conseil d'État de 1872 (art. 5 25) avait rétabli le vrai mot, et le nouveau décret de 1879 (art. 7 2 5 [no 85]) l'a conservé; il s'agit de l'acceptation des dons et legs faits au département, lorsqu'il y a opposition de la famille [n° 1348]. Dans les deux

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