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CONSTITUTIONS DE LA FRANCE.

l'autre modifiant la Constitution du 22 frimaire de l'an VIII en se combinant avec elle, ainsi que le sénatus-consulte du 19 août 1807 portant suppression du Tribunat.

6o Charte constitutionnelle du 4 juin 1844, que, dans son préambule, la Restauration rattachait au droit public antérieur et contraire à celui de 1789, mais qui faisait la répartition du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif entre le Roi et deux Chambres, l'une héréditaire, la Chambre des Pairs, l'autre élective par un suffrage très-restreint, celle des Députés; cette Charte organisait en France le régime parlementaire et la monarchie constitutionnelle, avec la responsabilité ministérielle.

7° Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire du 22 avril 1845, qui organisait aussi le système parlementaire, et dont l'existence éphémère eut pour terme les désastres qui mirent fin à la courte période dite des Cent-Jours et amenèrent le rétablissement de la Restauration et de la Charte de 1814.

8o Charte constitutionnelle du 14 août 1830, qui, dégageant du mélange d'ancien régime, qui se trouvait dans la Charte de 1844, le principe de la séparation des pouvoirs, le constitua sur des bases analogues à celles de la Charte précédente, avec des lois organiques proscrivant l'hérédité de la Chambre des Pairs, et formant un corps électoral plus étendu, mais encore restreint à 200,000 électeurs.

9o Constitution républicaine du 4 novembre 1848, qui avait investi un président de la République du pouvoir exécutif et confié le pouvoir législatif à une Assemblée législative unique, l'un et l'autre issus du suffrage universel.

10° Constitution du 14 janvier 1852, d'abord modifiée par le sénatus-consulte organique de l'Empire du 7 novembre 1852, ratifié par le plébiscite des 24 et 22 novembre 1852, qui répartissait le pouvoir législatif entre l'Empereur, d'une part, assisté du conseil d'État et de ministres indépendants des chambres, et, d'autre part, le Sénat et le Corps législatif; elle ne donnait au Sénat que l'examen de la constitutionnalité des lois sans lui en attribuer ni la discussion ni le vote, mais en lui réservant la législation constitutionnelle et la faculté d'interpréter et de modifier la Constitution par voie de sénatus - consultes. De là les sénatus-consultes des 2 février 1861, 31 décembre 4864, 18 juillet 1866, 14 mars 1867, qui ont apporté à cette Constitution des modifications successives, et surtout celui du 8 septembre 1869, qui allait jusqu'à l'extrême limite des modifications qu'il était

POUVOIR LÉGISLATIF.

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possible d'apporter à la Constitution de 1852, dans le sens du régime parlementaire, sans toucher à ses bases fondamentales qu'un plébiscite pouvait seul transformer aux termes de son article 32.

44° Constitution du 21 mai 1870, promulguée en vertu du plébiscite du 8 mai, qui supprimait le pouvoir constituant du Sénat, le transformait en chambre législative, comme les anciennes Chambres des Pairs, organisait le régime parlementaire avec le partage de l'initiative législative entre l'Empereur, le Corps législatif et le Sénat, et la responsabilité des ministres; elle n'a duré que jusqu'à la révolution du 4 septembre 1870.

12° L'assemblée nationale élue en février 1871 a voté les Lois constitutionnelles de 1875 qui forment le droit constitutionnel actuel de la France [n° 37 à 52].

14. Le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose, par le motif que nous avons signalé [n° 44], à ce que le même homme. ou les mêmes hommes puissent faire et exécuter la loi. Aussi, dans les temps de crises et de révolution, pendant lesquels on a vu tous les pouvoirs momentanément réunis dans les mains de gouvernements de fait, ceux de leurs actes rendus sur des matières législatives, et pour lesquels une ratification formelle est parfois intervenue (tel est l'article 58 ? 2 de la Constitution de 1852), sontils désignés sous cette dénomination, dont les deux termes contradictoires indiquent bien leur caractère exorbitant, de décrets législatifs ou décrets-lois.

Quelques gouvernements réguliers, des assemblées concentrant tous les pouvoirs dans leurs mains, ou des chefs d'État empiétant sur les attributions législatives par des décrets inconstitutionnels, ont aussi rendu des décrets-lois ou décrets législatifs.

15. Le pouvoir législatif peut être exercé ou par une assemblée unique, ou par deux assemblées, électives l'une et l'autre ou provenant de sources diverses; on a même vu l'adjonction d'une troisième assemblée. La mission de chaque assemblée n'a pas non plus été toujours la même pour chacune d'elles. Enfin, le pouvoir exécutif peut, comme nous l'avons dit [n° 14], être appelé à participer à la loi, par ce que nous allons appeler l'initiative ou même la sanction, mais jamais, suivant nous, sous peine d'atteinte capitale et directe au principe lui-même, par la participation personnelle du dépositaire immédiat du pouvoir exécutif, quels que soient son titre et la forme monarchique ou républicaine du gouvernement, à la discussion et au vote de la loi [nos 17 et 47].

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CONFECTION DES LOIS; INITIATIVE LÉGISLATIVE.

Ainsi, l'œuvre de la confection des lois est complexe, et les constitutions ont pu répartir de manières bien diverses les opérations multiples de leur élaboration. Elle comprend : 4° l'initiative de la loi; 2o la discussion; 3o le vote de loi. Il peut y avoir, en outre, 4o l'examen de la constitutionnalité de la loi, et surtout 5o la sanction de la loi.

16. 4° L'initiative de la loi est le droit de proposer un projet de loi. Trois systèmes principaux sont possibles; ils ont été successivement appliqués en France; et, malgré la pratique contraire de la république des États-Unis d'Amérique, et même de la monarchie constitutionnelle d'Angleterre, c'est principalement sous le rapport de l'initiative que l'on a vu en France, soit sous le régime monarchique, soit sous le régime républicain, le pouvoir exécutif participer à l'œuvre législative. Les trois systèmes constitutionnels signalés consistent, l'un à donner l'initiative législative au pouvoir exécutif seul; le second à l'attribuer aux assemblées ou à l'une seule des assemblées, à l'exclusion du pouvoir exécutif; le troisième, qui paraît plus rationnel, partage l'initiative entre le pouvoir exécutif et les assemblées législatives. On verra dans le tableau synthétique des constitutions de la France [no 36 et no 39], comment chacun de ces trois systèmes a successivement pris place dans nos lois constitutionnelles.

La grande institution du conseil d'État [nos 39 et 50, 74 à 89] assure au pouvoir exécutif un utile auxiliaire pour la préparation et la rédaction des projets de loi et de leur exposé de motifs, lorsque ce pouvoir est investi en totalité ou pour partie de l'initiative des lois; le conseil d'État fonctionne alors, moins comme conseil administratif, que comme conseil de gouvernement. Il en est de même lorsque les assemblées politiques, jugeant utile de recourir à ses lumières, renvoient à son examen des projets de loi émanés de l'initiative parlementaire (Loi du 24 mai 1872, art. 8 21 [no 74]). Mais l'interprétation législative des lois est avec raison enlevée au conseil d'État et au pouvoir exécutif depuis 1844 [no 76].

Il faut, en outre, noter que l'initiative législative emporte pour l'auteur ou les auteurs des projets de loi dont ils ont saisi les assemblées, le droit de les retirer à tous les moments de la discussion et jusqu'au vote, sauf, à quiconque est également investi de cette initiative, le droit de les reprendre en son propre nom.

17. 2o et 3° La discussion et le vote de la loi sont choses distinctes,

DISCUSSION ET VOTE DES LOIS.

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mais unies entre elles par un lien si étroit, qu'il est contre nature de les disjoindre pour investir une assemblée, comme l'était le Corps législatif de la Constitution du 22 frimaire de l'an VIII, du droit de voter la loi sans la discuter, et une autre assemblée, comme l'était alors le Tribunat, du droit de discuter la loi sans la voter. Aussi toutes les autres constitutions françaises ont-elles réuni sous ce rapport la discussion et le vote de la loi; mais les unes n'ont admis qu'une assemblée législative unique, les autres deux assemblées législatives.

Nous avons déjà dit [no 15] que le pouvoir exécutif, monarchique ou républicain, concentré dans les mains d'un seul homme, quel que soit son titre, ou collectivement exercé par plusieurs, ne peut pas, sans atteinte directe au principe de la séparation des pouvoirs, participer par lui-même à la discussion et au vote de la loi. L'une des conséquences pratiques de ce principe de droit public doit donc être l'incompatibilité absolue de l'exercice du mandat législatif, dans l'une quelconque des assemblées législatives, avec l'investiture de la puissance exécutive.

Mais, si le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le pouvoir exécutif discute et vote personnellement la loi, il ne fait pas obstacle à la participation de ses ministres à ces deux phases constitutionnelles de l'œuvre législative. Cette participation n'était pas admise par les Constitutions de l'an VIII et de 1852 qui la remplaçaient, au point de vue de la discussion de la loi, par l'intervention du conseil d'État, chargé de porter la parole au nom du pouvoir exécutif devant les assemblées, où il ne remplit plus ce rôle qu'accidentellement [n° 74]. La participation des ministres à la discussion et au vote de la loi est une conséquence de la responsabilité ministérielle [n° 29 et 54], et, loin de porter atteinte, comme l'intervention personnelle du pouvoir exécutif dans les débats législatifs, à l'indépendance du parlement, elle est le moyen d'influence le plus actif dont il puisse être investi.

Le droit d'amendement doit être ici mentionné; son usage nécessaire n'est pas sans inconvénient pour la bonne rédaction des lois, et il a besoin d'être sauvegardé, soit par l'intervention successive de deux assemblées, soit, dans le système d'une seule chambre, par la règle des trois lectures, contre les dangers de la surprise ou de l'entraînement.

L'analyse exacte du droit d'amendement le rattache également àl'initiative, à la discussion et au vote de la loi.

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CONFECTION DES LOIS; SANCTION.

18. 4° L'examen de la constitutionnalité de la loi n'a existé, comme phase distincte de la confection de la loi, que dans les Constitutions de l'an VIII et de 1852. Dans celle de l'an VIII, le Sénat formait une troisième assemblée, dans celle de 1852 une seconde assemblée, l'une et l'autre étrangères à la discussion et au vote de la loi, mais investies d'un pouvoir d'ordre constituant, auquel se rattachait l'examen de la constitutionnalité des lois. Le Sénat de l'an VIII et des sénatus-consultes organiques de l'Empire de 1802 et 4804, ne statuait sur la constitutionnalité des lois qu'autant qu'elles lui étaient déférées comme inconstitutionnelles par le gouvernement, ou le Tribunat, et, après la suppression du Tribunat en 1807, par les citoyens, les législateurs ou les sénateurs. Le Sénat de 1852 était saisi de plein droit sans recours, aucune loi ne pouvant être promulguée sans lui avoir été préalablement soumise et sans que le Sénat eut déclaré « ne pas s'opposer à sa promulgation pour cause d'inconstitutionnalité ».

Les sénatus-consultes organiques de 1802 et 1804 avaient introduit une distinction entre la législation ordinaire, votée par le Corps législatif et qui conservait le nom de lois, et la législation constitutionnelle placée dans les attributions exclusives du Sénat et qui prenait la dénomination de sénatus-consultes. La Constitution de 1852 avait reproduit cette division de la législation en lois et en sénatus-consultes; ce droit du Sénat de faire des sénatus-consultes se rattachait à son droit d'examen de la constitutionnalité des lois, et la Constitution de 1870 les avait supprimés l'un et l'autre.

19. 5° La sanction est l'acte complémentaire de la loi, qui transforme le projet en loi. La sanction émane du pouvoir qui n'a pas le droit de voter la loi; par la sanction, il est armé d'un moyen constitutionnel d'empêcher le projet discuté et voté par l'autre pouvoir de devenir loi; il échappe ainsi à l'obligation constitutionnelle d'assurer l'exécution des mesures contraires à ses vues.

Le choix de la forme monarchique ou républicaine du gouvernement doit naturellement exercer une influence directe sur la solution de cette partie du problème. Toutes les constitutions monarchiques de la France, et celles de l'an VIII et de 1852 dès leur origine, ont donné la sanction législative au pouvoir exécutif, moins celle de 1794 qui ne conférait au Roi que le veto suspensif pendant deux législatures. La Constitution républicaine de l'an III refusait absolument la sanction et tout ce qui eût pu en tenir lieu au directoire exécutif, mais l'attribuait au conseil des Anciens ; la

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