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ARRÊT. LA COUR,- sur les concl. de M. de Vatimesnil, av. gén.;-Attendu qu'il résulte des dispositions des art. 750 et suiv. c. pr., que les matières d'ordre sont de nature à requérir célérité; - Déclare qu'il y a urgence.

Et faisant droit sur la demande en règlement de juges; — Attendu qu'il est reconnu par les parties que la succession du sieur de Ménoire a été ouverte à Bordeaux; que c'est devant le tribunal civil de cette ville qu'il a été procédé à la vente des immeubles en dépendans, et que le plus grand nombre des créanciers inscrits y sont domiciliés;-Sans s'arrêter aux ordres ouverts à la requête du défendeur devant les tribunaux de Blaye et de Toulouse, lesquels seront réputés nuls et non avenus, ordonne que, sur l'ordre ouvert à Bordeaux, les parties continueront de procéder devant le tribunal de cette ville, dépens compensés entre elles, attendu l'acquiescement à la demande donné par le défendeur.

Du 1er oct. 1825. Sect. crim. f. f. de sect. des vac. M. Portalis, pr. M. Rataud, rap. - MM. Nicod et Beguin, av.

EXCEPTION; NULLITÉ, ENQUÊTE.-PROTESTATIONS. Lorsque plusieurs parties assignées, par une seule copie, pour être présentes à une enquête, y ont assisté en personne (ou par leur avoué non désavoué par elles), et y ont fait des interpèllations aux témoins, elles sont non recevables à demander ensuite la nullité de l'enquête, sous le prétexte qu'il aurait dû être donné une copie pour chacune d'elles, et cela, encore bien qu'elles aient fait des réserves générales et de style de se prévaloir de la nullité, ces réserves ne pouvant couvrir la fin de non recevoir. (C. pr., 173.)

(Les sieurs Mariotti C. les sieurs Gavini.)

En 1816, le sieur Gavini et consorts, se disant héritiers d'un sieur Gascolini, assignent les sieurs Mariotti en délaissement d'un héritage. Ceux-ci contestent et la qualité d'héritiers et l'identité de l'héritage réclamé. Le 12 nov. 1817, jugement qui, sur l'offre des Gavini, ordonne la preuve par témoins de l'un et l'autre fait. Le procès-verbal d'enquête n'a été ouvert que le 8 nov. 1820, par ordonnance du juge permettant d'assigner les témoins.-Le 2 déc. suiv., les défendeurs, au nombre de trois, sont cités au domicile de leur avoué pour être présens à l'audition des témoins. L'huissier ne laisse qu'une seule copie pour les trois.

Au jour indiqué, deux d'entre eux comparaissent en personne sur cette assignation, assistés de leur avoué, qui déclare de plus qu'il se présente à l'enquête pour le troisième, sous la réserve expresse d'en demander la nullité en temps et lieu, et avec déclaration qu'ils ferontdes interpellations aux témoins.-Les témoins sont entendus de suite, et aucun désaveu n'a été fait depuis au nom de l'absent.

Devant le tribunal, les Mariotti concluent à la nullité de l'enquête, en ce qu'il n'a été laissé pour eux trois qu'une seule copie. Le 21 avril 1821, jugement qui les déclare non recevables à demander la nullité, après avoir comparu et fait des interpellations aux témoins. -Appel; et, le 25 mai 1822, arrêt de la cour royale de Corse qui confirme, attendu que, par leur comparution, les S Mariotti se sont rendus non recevables à exciper des nullités de l'exploit d'assignation, aux termes de l'arN' II.—ANNÉE 1826.

ticle 173 c. pr., malgré leurs réserves, parce qu'une protestation générale ne peut pas couvrir cette nullité. Pourvoi de la part des sieurs Mariotti, pour fausse application de l'art. 173 c. pr.-Ce moyen, ont-ils dit, est établi sur trois points incontestables; savoir, 1°qu'une enquête ne peut être attaquée qu'après qu'elle a été achevée et même signifiée; 2° que le juge-commissaire n'avait pas compétence pour statuer sur des moyens de nullité; 3° que c'était devant le tribunal que la nullité devait être et avait été proposée. — D'où il faut conclure qu'aucune fin de non recevoir n'a pu résulter de la comparution devant le juge-commissaire.

Les défendeurs répondaient, 1° qu'il ne s'agissait pas de savoir quant et comment on pouvait attaquer une enquête, mais bien quand et comment on devait attaquer en nullité un exploit et s'il devait l'être aux termes de l'art. 173 c. pr., avant de procéder sur la demande formée par cet exploit, 2° qu il n'était pas nécessaire, pour proposer cette nullité, que le juge-commissaire cût le droit d'y statuer lui-même, et qu'il suffisait que, sur cette demande préjudicielle consignée dans son procès-verbal, il pût renvoyer les parties à l'audience; 3° que les demandeurs auraient pu, s'ils l'avaient jugé convenable, porter leur action en nullité directement au tribunal qui, sans attendre le renvoi du tout, en aurait été valablement saisi; mais que de là il ne résultait pas qu'en cette matière, comme en toute actre (puisque l'art. 173 ne fait aucune distinction), les nullités de l'assignation à une enquête ne dussent pas être proposées avant d'exécuter cet exploit et de procéder sur le fond, en faisant aux témoins des interpellations. Enfin les défendeurs insistaient sur la comparution des parties en personne et sur l'absence d'un désaveu contre l'avoué.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les concl. conf. de M. de Marchangy, av.gén.;-Attendu qu'enjugeant que la comparution des demandeurs devant le juge-commissaire et leur assistance à l'enquête, où ils ont fait, soit par eux-mêmes, soit par le ministère d'un avoué contre lequel il n'a pas été proposé de désaveu, des interpellations aux témoins, les rendaient non recevables à demander la nullité de l'exploit introductif de l'enquête, et que cette fin de non recevoir n'avait pas été Couverte par des protestations générales et de style, la cour royale de Bastia a fait une juste application de l'art. 173 c. pr.; - Rejette.

Du g nov. 1825.-Sect. civ.-M. Desèze, pr. pr. M. Poriquet, rap. MM. Barrot et Godart de Saponay, av.

COMPÉT., ACTIONS CIVILE, PUBLIQUE, INJURE.

La loi du 24 août 1790, tit. 3, art. 10, § 6, qui attribue aux juges de paix la connaissance des actions civiles pour injures verbales, pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle, doit s'entendre en ce sens que, pour que la partie ne puisse plus se pourvoir par action civile, il faut que le tribunal criminel soit saisi de l'action criminelle et y ait définitivement statué.

Le tribunal de police qui s'est déclaré incompétent pour connaître d'une action en réparation d'injures verbales, n'a pas été saisi de cette action; en conséquence,

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rien n'empêche le plaignant de se pourvoir par action civile devant le même juge, mais jugeant civilement, Tant qu'un tribunal de police n'a pas statue, au fond, sur une plainte en réparations d'injures verbales, la partie a le droit d'abandonner cette voie de poursuite, et de se pourvoir, par action civile, devant le juge de paix, toujours compétent pour en connaître, sauf à surseoir au jugement, s'il y a lieu, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'action publique.

(Le sieur Senequier C. le sieur Cabasson.)

Le 27 juillet 1822, le sieur Senequier assigne le sieur Cabasson devant le tribunal de police de Toulon, en condamnation aux peines de droit et à 10,000 fr. de dommages-intérêts, pour injures verbales.-Le 13 août, le juge de police se déclare incompétent, et renvoie les parties devant le procureur du roi du tribunal, attendu que la plainte de Senequier porte sur l'imputation d'un fait diffamatoire justiciable du tribunal correctionnel. -Appel par Senequier. Le 8 oct., jugement qui déclare cet appel non recevable, par le motif que les jugemens de simple police qui ne prononcent ni emprisonnement ni amende, ne sont pas sujets à l'appel.

Alors Senequier actionne Cabasson en 10,000 fr. de dommages-intérêts, pour réparations d'injures verbales, devant le juge de paix jugeant civilement. - Cabasson décline la juridiction de ce juge, prétendant que Senequier est non recevable à abandonner la voie criminelle pour se pourvoir au civil (L. 24 août 1790, tit. 3, art. 10, $6).-Le 10 déc. 1822, le juge de paix se déclare compétent, attendu que Senequier ayant deux actions, et le tribunal s'étant déclaré incompétent sur l'action criminelle, c'est-à-dire n'étant point nanti de la plainte et n'y ayant point statué définitivement, Senequier avait pu abandonner cette action pour exercer l'action civile. Appel par Cabasson. Le 18 avril 1823, jugement qui, vu l'art. 10, S6, tit. 3, loi du 24 août 1790, portant que le juge de paix connaîtra, sans appel, jusqu'à la valeur de 50 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter, des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle, aitendu que Senequier s'est pourvu par la voie criminelle, déclare le juge de paix incompétent.

Pourvoi par Senequier, pour fausse application de la loi du 24 août 1790, tit. 3, art. 10, S6, et violation des art. 1 et 3 c. inst. cr., en ce que le tribunal a déclaré que Senequier, après s'être pourvu par la voie criminelle, ne pouvait intenter d'action civile;- Ce n'est pas la plainte d'un individu qui fait que cette affaire est portée au criminel, mais bien l'admission de cette plainte; or, on ne peut soutenir que Senequier se soit pourvu au criminel, puisque sa demande a été rejetée. En supposant que Senequier se fût d'abord pourvu au correctionnel, il aurait pu se désister, pour exercer une action civile, jusqu'au moment où le tribunal aurait sta tué. M. Merlin, Rép., v° Injure, enseigne qu'il y a deux voies contre le délit d'injures, la voie civile et la voie criminelle; que le choix de l'action civile exclut l'action èriminelle; qu'au contraire, après avoir exercé l'action criminelle, on peut y renoncer pour exercer l'action civile, car l'usage d'une voie de rigueur n'emporte pas la renonciation à une voie plus douce. M. Carnot, commentaire du code d'inst. crim. sur les art. 1et 3, pense que

de ce que la partie qui a d'abord intenté une action civile n'est plus recevable à revenir au criminel, il ne s'ensuit pas que celle qui a exercé une action criminelle ne puisse y renoncer pour demander simplement une réparation. civile: en effet, on conçoit bien qu'au premier cas, elle, est sans aucun intérêt, et que c'est au ministère public qu'il appartient seul de demander la répressiondes crimes.

On a répondu, pour le défendeur, que, sous l'ordonnance de 1667, la partie qui avait pris la voie criminelle, ne pouvait revenir par la voie civile que lorsque le juge la lui avait expressément réservée; que la loi du 24 août 1790 n'a pas dérogé à l'ordonnance; qu'elle dispose que la partie qui s'est pourvue au criminel, ne peut plus se pourvoir au civil; que Senequier s'était d'abord pourvu en simple police; qu'il a porté ensuite une demande identique devant le juge de paix où il a conclu à la même amende et aux mêmes dommagesintérêts; que la loi de 1790 ne peut être invoquée que par ceux qui ont renoncé volontairement à l'action cinelle, puisqu'il s'est pourvu en première instance et en vile; que Senequier n'a pas renoncé à l'action crimiappel; qu'il n'y a pas eu désistement de sa part, mais que son action lui a échappé.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les concl.conf. de M de Marchangy, av. gén.; Vu l'art. 10, § 6, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et les art. 1er et 3 c. inst. cr.; Attendu que le S6 de l'art. 10, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, attribue au juge de paix la connaissance des actions civiles pour injures verbales; que ce S excepte bien de l'attribution les injures pour lesquelles les parties se sont pourvues par la voie criminelle; mais que de ces expressions mêmes il suit, que pour qu'il y ait lieu à cette exception, il faut que le tribunal de police ait été saisi de l'action et y ait statué définitivement; que, d'une part, le tribunal de police n'est point réellement saisi de l'action, lorsqu'au lieu de recevoir la plainte, il s'est déclaré incompétent pour en counaître; que, par une suite, en ce cas, le juge de paix demeure compétent pour connaître de l'action civile;

Que, d'une autre, il est de principe certain que, tant que le tribunal de police n'a pas prononcé sur la plainte au fond, la partie a le droit d'abandonner cette voie de poursuite et de se pourvoir par action civile devant le juge de paix toujours compétent pour en connaître, sauf à surseoir au jugement, s'il y a lieu, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'action publique; qu'en effet, il résulte des art. 1 et 3 c. inst. cr., que l'action civile est distincte de l'action publique; qu'elle peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que celle-ci; qu'elle peut aussi l'être séparément, depuis que l'action publique est intentée, sauf, en ce cas, à surseoir au jugement, s'il y a lieu, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'action publique; qu'il suit de là évidemmentqu'après s'être pourvue devant le tribunal de police, la partie peut saisir valablement le juge de paix de la connaissance de l'action civile, sauf à être sursis au jugement, s'il y a lieu, jusqu'après celui de l'action publique; et enfin le prévenu est non recevable à s'opposer à ce que la partie use de ce droit, puisqu'il est sans intérêt de se plaindre qu'elle préfère une voie douce à la voie rigoureuse qu'elle avait prise antérieurement;

Et attendu que, dans le fait, le tribunal de police de Toulon, au lieu de recevoir la plainte à lui portée par

Sénequier, à raison des injures verbales dont il s'agit, s'est déclaré incompétent pour en connaître, par juge, ment du 13 août 1822; que si, par ce même jugem., il avait renvoyé les parties devant le procureur du roi près le tribunal de 1" instance de la même ville, elles n'ont jamais saisi de la plainte ce fonctionnaire, ni ce tribunal; qu'au contraire, Senequier ayant appelé de la décision du tribunal de police, qui prononçait ce renvoi, le tribunal de 1 instance l'a déclaré non recevable dans son appel, par jugement du 8 oct. même année; qu'enfin il est également certain que Senequier a abandonné la voie criminelle, en se pourvoyant par la voie civile, puisque celle-ci est essentiellement exclusive de la première; qu'ainsi le juge de paix était, sous tous les rapports, compétent pour connaître de l'action civile; que cependant le jugement attaqué décide le contraire, qu'en cela il viole formellement les lois ci-dessus citées ;-Casse.

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que

Lorsqu'un individu a transporté à un autre une créance non encore liquidée, sur le gouvernement français, si, par une décision ministérielle postérieure au transport, il est déclaré celte créance n'est pas due par le gouvernement français, mais qu'elle peut l'étre par le gouvernement espagnol, la créance transportée n'est pas censée avoir existé au moment du transport. -En conséquence, quoique le transport soit fait sans garantie, le cessionnaire peut exercer son recours contre le cédant, s'il l'a, du reste, instruit, en temps opportun, de la décision ministérielle, pour qu'il eût pu en appeler, s'il l'eût cru utile. (C. civ., 1640 et 1693.)

(Revel C. Lippmann et Sombret.)

Le 5 déc. 1818, acte notarié par lequel le sieur Lippmann donne pouvoir au sicur Farroüilh de vendre, céder et transporter à forfait ou à quelque condition que ce soit, mais de manière à ce qu'il ne puisse être recherché à ce sujet, la somme à provenir d'une créance à liquider au ministère de la guerre, résultant d'une fourniture de tabac, faite, au nom du mandant, à l'armée française, an Espagne, en 1813.-Le 22 fév. 1819, cette créance est proposée au sieur Revel, par le sieur Sombret, agent d'affaires, qui lui garantit qu'elle n'éprouvera ni réduction, ni opposition quelconque. Le 24 du même mois, transport par Farroüilh, mandataire de Lippmann et par l'entremise de Sombret, au profit de Revel, sous la simple garantie des faits et promesses du commettant. Revel demande alors son paiement au ministre de la guerre. Il en reçoit une lettre, portant que sa réclamation est inadmissible, attendu que la fourniture de tabac avait été faite à un établissement espagnol et non à l'armée française; qu'en conséquence, et après avoir pris l'avis du conseil de révision, il avait rejeté définitivement, le 18 oct. 1820, la créance du sieur Lippmann.

Le 31 janvier 1821, Revel assigne Lippmann devant le tribunal de commerce de Paris, en lui dénonçant la date du rejet de sa créance, afin qu'il pût se pourvoir, s'il le jugeait convenable; et il appelle Sombret en garantie, qui conclut à être déchargé de la demande, par le mo

tif que la décision ne lui avait pas été notifiée en temps utile.

Le 4 juin 1821, jugement du tribunal de commerce, qui déclare Revel non recevable dans ses demandes, tant contre Lippmann que contre Sombret, par les motifs que la créance transportée existait au moment du transport, puisqu'elle avait été liquidée par le cinquième bureau de la guerre, et que si, depuis, le ministre a rejeté cette liquidation, sa décision n'étant pas définitive, pouvait être réformée par le conseil d'état, si Revel eût dénoncé sa décision en temps utile au sieur Lippmann, et l'eût mis en mesure d'en provoquer l'annullation; que Revel ayant traité à forfait à ses risques et périls, il ne pouvait pas même réclamer la garantie des faits et promesses stipulée par le transport. - Appel par Revel; et, le 17 avril 1822, arrêt de la cour de Paris qui adopte les motifs des premiers juges.

Pourvoi de Revel, 1o pour violation et fausse application de l'art. 1640 c. civ.; 2° violation de l'art. 1693 même code; et 3° violation de l'art. 1628 aussi même code.

ARRÊT.

LA COUR, sur les concl. conf. de M. de Marchangy, av. gén.;-Vu les art. 1640 et 1693, c. civ.;-Considérant, sur le 1er moyen, que, le ministre de la guerre ayant décidé que la créance vendue par Lippmann n'était pas due par le gouvernement français, mais bien par le gouvernement espagnol, auquel avaient été fournis les tabacs dont cette créance était le prix, il résulte de cette décision que la créance vendue par ledit Lippmann n'était pas due par le gouvernement français, mais par le gouvernement espagnol; Considérant, d'ailleurs, que Lippmann a été instruit de la décision du ministre de la guerre, en temps opportun, pour qu'il eût pu en appeler, s'il l'eût cru utile; d'où il suit que l'arrêt a fait, au préjudice de Revel, une fausse application évidente de l'art. 1640 c. civ.;

Considérant, sur les 2 et 3 moyens, que, suivant l'art. 1693 c. civ. (qui est la loi spéciale de la matière), celui qui vend une créance doit en garantir l'existence au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans garantie; que Lippmann avait vendu une créance sur le gouverneinent français; que cette créance n'existait pas, et qu'il n'a point prouvé qu'elle eût jamais existé; en sorte que l'arrêt qui a refusé à Revel la garantie par lui réclamée, renferme une violation expresse de l'art. 1693 c. civ., -Par ces motifs, donne défaut contre les défendeurs,

casse.

Du 21 nov. 1825. Sect. civ.. - M. Brisson, pr. M. Minier, rap.-M. Mandaroux, av.

CHOSE JUCÉE, APPEL, GARANTIE, ACTION PERSONnelle. Lorsque trois parties sont en cause, un demandeur originaire, un demandeur en garantie et un garant, et que le tribunal saisi de la demande principale se déclare compétent pour connaître de l'action en garantie, si le garant n'interjette appel du jugement de compétence que vis-à-vis du demandeur en garantie, ce jugement acquiert l'autorité de la chose jugée relativement au demandeur originaire; en telle sorte que, quoique celui-ci ait été mis ensuite en cause sur l'appel, le jugement ne peut être infirmé à son égard. (C. civ., 1350 et 1351.) Lorsqu'un propriétaire a été actionné par son fer

mier, entrant en jouissance, pour faire exécuter une clause du bail d'après laquelle toutes les pailles provenant de la dernière récolte faite par le fermier doivent lui être laissées, si ce propriétaire appelle en garantie le fermier sortant, à l'effet de l'obliger à laisser au fermier qui lui succède toutes ces pailles, cette action en garantie est une action personnelle de la compétence du tribunal de première instance et non du juge de paix. (C. pr., 59 et 181.)

(Massieu et Le Boucher-Desfontaines C. Olivier.)

Le 1 mars 1820, bail d'une ferme, par le sieur Leboucher-Desfontaines au sieur Massieu, pour 9 années à partir du 29 sept. 1821, époque de l'expiration du bail du sieur Olivier, précédent fermier. Par l'une des clauses du bail, toutes les pailles en blé, seigle, etc., provenant de la dernière récolte du sieur Olivier, sont cédées au fermier, à la charge de laisser à sa sortie toutes celles qui proviendraient de la dernière récolte. - Le 20 sept. 1821, Massieu a fait assigner son bailleur devant le tribunal civil de Rouen, pour ouïr dire qu'attendu qu'Olivier, ne s'étant pas conformé au mode de culture qui lui était imposé par son bail, ne laisserait pas sur la ferme toutes les pailles qui auraient dû provenir de sa dernière récolte; que, d'une part, celles qui s'y trouvaient n'étaient pas suffisantes pour assurer la subsistance des animaux qu'il était obligé d'y entretenir; que, d'une autre part, il était exposé, d'après son bail, à rendre beaucoup plus de paille qu'il n'en aurait reçu, lui, Massieu, serait autorisé à acheter de la paille d'avoine, jusqu'à concurrence d'une somme de 600 fr., à l'effet de remplacer celle qui manquait, et qu'en conséquence, Leboucher-Desfontaines serait condamné à lui payer cette somme de 600 fr.

Leboucher-Desfontaines appelle Olivier en garantie.

Celui-ci demande son renvoi devant le tribunal civil de Dieppe, lieu de son domicile. Le 23 nov. 1821, jugement qui rejette ce déclinatoire, par le motif que l'article 181 c. pr. impose à l'appelé en garantie l'obligation de procéder devant le tribunal où l'action originaire est pendante, quoiqu'il dénie être garant, et qu'Olivier n'ayant pas établi qu'il fût dans l'exception qui termine cet article, l'action en garantie a été régulièrement introduite devant le tribunal saisi de la demande originaire de Massieu.

Appel par Olivier, mais seulement vis-à-vis de Leboucher-Desfontaines. Celui-ci met en cause Massieu qui s'en rapporte à la justice, attendu qu'aucun appel n'existe contre lui. Le 20 août 1822, arrêt de la cour de Rouen, qui, considérant qu'il s'agit d'une demande en indemnité pour cause de non jouissance, formée par un fermier contre son propriétaire, et que cette deinande est de la compétence du juge de paix, aux termes de l'art. 3, n°4 c. pr., infirme le jugement de 1 inst.,. à l'égard de toutes les parties.

Pourvoi de Massieu et de Leboucher-Desfontaines pár requêtes séparées; -Massieu, pour violation]des articles 1350 et 1351 c. civ., en ce que la cour de Rouen a infirmé le jugement à l'égard de toutes les parties, quoiqu'aucun appel n'eût été interjeté contre lui ;Et Leboucher - Desfontaines, pour violation des art. 59 et 181 c. pr., en ce que la cour de Rouen a décidé qu'il s'agissait, dans l'espèce, d'une demande en indemnité

pour cause de non jouissance, formée par un fermier contre son propriétaire, et qu'ainsi, le juge de paix était seul compétent, quoique la demande contre Olivier fût une action purement personnelle, qui, dès-lors, entrait dans la compétence du tribunal de première instance, et que, cette action étant exercée par voie de garantie, dût être portée devant le tribunal déjà saisi de la de mande principale.

ARRÊT (après délibéré en chambre du conseil).

LA COUR,-sur les concl.conf. de M. Cahier, av.gén.; -Joint les pourvois de Massieu et de Le Boucher-Desfontaines, pour être statué sur iceux par un seul arrêt; et prononçant d'abord sur celui de Massieu; - Vu l'article 1351 c. civ.;-Attendu qu'à l'égard dudit Massieu, il n'y a pas eu, de la part d'Olivier, d'appel du jugement par lequel le tribunal de première instance de Rouen s'est déclaré compétent; d'où il suit que l'arrêt attaqué n'a pu dépouiller ce tribunal de la demande de Massieu, pour en attribuer la connaissance à la justice de paix sans contrevenir à l'autorité de la chose jugée, et par suite à l'art. 1351 c. civ.;

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Statuant ensuite sur le pourvoi de Le Boucher-Desfontaines;-Vu les art. 59 et 181 c. pr.;-Attendu que la demande de Le Boucher-Desfontaines contre Olivier était de sa nature une action personnelle, de la compétence du tribunal de première instance; que l'arrêt attaqué n'a pu juger le contraire, sous prétexte qu'il s'agissait d'une demande en indemnité pour raison de non jouissance, puisqu'il n'était question, à l'égard d'Olivier, que d'une action personnelle, et que, d'ailleurs, le fond du droit sur cette demande était contesté par ledit Olivier; que, par suite, cette action, étant exercée par voie de garantie, devait être jugée par le pale, et qu'en jugeant le contraire, la cour royale de tribunal de première instance saisi de l'action princiRouen a évidemment violé les art. 59 et 181 c. pr. cidessus cités;-Par ces motifs, casse.

Du 30 nov. 1825.-C. cass.; sect. civ.-M. Desèze, pr.-M.Minier,rap.-MM. Beguin, Garnier et Scribe, av.

FAILLITE, VENTE, INTÉRÊTS, DOMMAGES, ÉVOCATION.

L'agent d'une faillite qui a vendu, sans aucune formalité, des marchandises appartenant au failli, peut être condamné à une indemnité pour vileté du prix, s'il s'élève contre lui des présomptions graves de fraude. (C. com., 492.)

L'agent d'une faillite qui a passé, sans aucune formalité, un bail à vil prix, peut être condamné à des dommages-intérêts, s'il y a contre lui des présomptions de fraude; dans ce cas, les dommages-intérêts s'arbitrent d'après la diminution que la vileté du prix du bail peut avoir fait éprouver au prix de la vente des immeubles.

Une cour royale a pu, sans donner ouverture à ca ssation, condamner le syndic d'une faillité à payer les intérêts des sommes touchées par lui, par le motif que ce syndic n'ayant pas versé les sommes dans la caisse à deux clefs, et ayant refusé et mis du retard à remettre à un nouveau syndic, après sommation, les fonds demeurés en sa possession, il est présumé en avoir fait usage à son profit. (C. com., 465, 496; C. civ., 1153, 1936 et 1996.)

Les cours royales peuvent, sur l'appel d'un jugement

d'incompétence, évoquer le fond et y statuer, si la cause est disposée à recevoir une décision définitive. (C. pr., 473)(1).

Les syndics qui, par suite d'erreurs graves commises dans leur rapport au ministère public sur l'état de la faillite, et d'opinions inconsidérées sur le caractère de cette faillite, ont occasionné des poursuites criminelles en banqueroute frauduleuse contre le failli, lequel a été ensuite acquitté, peuvent être condamnés à des dommages-intérêts envers ce même failli. (C. civ., 1382 et 1383.)

Un fonctionnaire, un mandataire, un agent quel conque (auquel la loi départ une mission) contracte le devoir de la remplir avec exactitude, attention, impartialité, de manière à ne point porter préjudice à autrui; dans l'exercice de ce devoir, toute faute ou erreur grave devient un quasi-dělit. (C. c., 1382.)

(Rebattu C. Derepas.)

Le 8 avril 1818, jugement qui déclare la faillite du sieur Derepas, et nomme les sieurs Rebattu, Toulot et Mousin agens provisoires. Ceux-ci vendent bientôt, sans aucune formalité, du plâtre et du foin appartetenant au failli.-Le 7 mai 1818, les agens font un rapport de l'état de la faillite au procureur du roi.-Le 13, Rebattu et Mousin sont nommés syndics provisoires; ils afferment pour six ans, sans formalité, et moyennant 1,000 fr., deux domaines du failli.-Le 18 oct., les syndics provisoires sont nommés syndics définitifs, et Rebattu est établi caissier.

Cependant une information a lieu contre Derepas, qui par suite est traduit devant la cour d'assises comme banqueroutier frauduleux, mais ensuite acquitté par arrêt du 20 février 1820.-Le 13 mars, Rebattu donne sa démission et rend son compte. Le sieur Chevalier, puis le sieur Forgeot, sont nommés à sa place. Derepas, autorisé par ses créanciers, et Forgeot examinent le compte de Rebattu; ils prétendent que, soit pendant l'agence, soit pendant le syndicat provisoire et définitif, il s'est commis des dilapidations et malversations. En conséquence, le 16 mars 1822, Rebattu est assigné devant le tribunal de commerce de Dijon, pour répondre à toutes les réclamations de Derepas, et pour s'entendre condamner à payer à la masse des créanciers 30,000 fr. de dommages-intérêts pour sa mauvaise gestion, et 50,000 fr. å Derepas personnellement, à raison de la dénonciation calomnieuse, par suite de laquelle il a été traduit devant la cour d'assises.-Les réclamations de Derepas portaient sur 128 articles; nous ne ferons connaître que les suivans: 1° 2,061 fr. pour pertes sur la la vente du mobilier, du plâtre et du foin: 2° une indemnité de 3,600 fr. pour vileté du prix du bail des deux domaines; 3° les intérêts des sommes perçues, et 4° 50,000 fr. de dommages-intérêts pour dénoncia

tion.

Rebattu décline la compétence du tribunal de commerce; son déclinatoire est accueilli pour certains chefs; Derepas le traduit devant le tribunal civil; un jugement du 26 août 1822 le renvoie de toutes les réclamations formées contre lui, à l'exception de celle relative à la vileté du prix du bail. Le 25 février 1823, jugement du tribunal de commerce qui rejette aussi presque toutes les demandes de Derepas.

Appel par Derepas, tant du jugement du tribunal civil que de celui du tribunal de commerce. Le 24 janvier 1824, arrêt de la cour royale de Dijon', qui, après avoir joint les deux appels, réforme un grand nombre des dispositions des jugemens des tribunaux civil et de commerce. Nous nous bornons à faire connaître les motifs qui ont donné lieu aux moyens de cassation; ils portent: 1o sur le forcement en recette des art. 14 et 15, 1elatifs aux ventes du foin et du plâtre ; Considérant que c'est mal à propos qu'ils ont été rejetés;

qu'en effet Rebattu les ayant vendus sans formalité de justice, sans autorisation, sans marché, ne peut être censé avoir fait la vente dont il s'agit, à un prix inférieur à celui auquel il avait lui-même vendu à Nivelen, et qui était le prix fixé et courant; qu'ainsi les deux sommes doivent être allouées; 2° sur l'art. 3; Considérant que le préjudice occasionné à la masse par le bail à vil prix du Tertre et de Charmeroude, n'a été réparé par les premiers juges (ils avaient estimé le préjudice à 600 fr.) que par rapport à la perte qu'il a occasionnée sur une année de jouissance; mais que ce bail à vil prix, fait pour 6 ans, a nécessairement nui au produit de la vente desdits domaines, et qu'il est juste d'allouer à la masse la réparation de ce second préjudice; qu'allouer, tant pour cet objet que pour la perte sur une année de jouissance, les 3,600 fr. réclamés n'est pas une exagération d'après le résultat qu'auraient produit les sous-baux, s'ils eussent été connus ; qu'ainsi il y a lieu à reformation de ce chef; -3° sur les intérêts des 13,338 fr. dont Rebattu s'est reconnu débiteur dans son compte; -Considérant qu'aucune des formalités prescrites par la loi n'a été observée; que les deniers de la faillite sont restés entre les mains et à la disposition de Rebattu, qui en a profité particulièrement, pendant que les créanciers n'en tiraient aucun profit; que l'on peut être d'autant plus certain que Rebattu n'avait pas laissé cette somme chez lui en dépôt, qu'il ne s'est point empressé de la réaliser, lorsque le versement en a été demandé par sommation; qu'il paraît, au contraire, qu'il a cherché à obtenir des délais ; que, dèslors, il doit être forcé en recette de ces mêmes intérêts; -4° sur les dommages-intérêts réclamés personnellement par Derepas; Considérant que les renseignemens donnés sur la faillite au juge-commissaire et au ministère public par les agens ont été erronés, par le peu d'examen qu'ils ont apporté, soit aux faits, soit aux pièces sur lesquels ils appuyaient leur opinion; que c'est par suite des erreurs graves commises dans leur rapport au préjudice de Derepas, que ce dernier a été déclaré inexcusable, et qu'il a été poursuivi criminellement; que les circonstances dans lesquelles Derepas a été placé d'après les faits inexacts de ce rapport, et les conclusions fausses qui en étaient tirées légitiment suffisamment le droit à une somme de 8,000 fr. de dommages-intérêts personnels.»

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. Pourvoi de Rebattu; il a présenté six moyens. 1° Violation et fausse application de l'art. 492 c. com., en ce que la cour a condamné Rebattu à payer des sommes en sus de celles qu'il avait touchées pour la vente des plâtres, parce qu'il n'avait rempli aucune formalité, et en ce qu'il a été aussi condamné à 3,600 fr. pour avoir affermé deux domaines sans formalité. D'après l'art. 492 c. com., les syndics ont le droit de vendre (1) V. vol. de 1825, 1. 225, 239, 280, et 2, 242, 251, et plus bas. le mobilier aux enchères, à l'amiable ou de toute autre

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