Page images
PDF
EPUB

apporter à Paris les mercredis et les samedis, pour en vendre à la balle et dans les autres marchés de cette ville, sans être aucunement troublés ni inquiétés de la part des bouchers de Paris.

On prétendait alors que la Compagnie des Indes offrait de se charger du payement des rentes constituées sur l'hôtel de ville de Paris, à raison de deux pour cent, c'est-à-dire de deux livres au lieu de cinq livres pour cent de principal, dont le fonds serait pris sur les actions rentières de cette Compagnie, et qu'elle allait aussi se charger de toutes les manufactures du royaume, afin de vendre les étoffes qu'on y fabriquait et d'en tirer tout l'avantage à son profit.

M. le duc de Bourbon fit alors l'acquisition du duché de Noirmoutier et de ses dépendances, moyennant le prix de seize cent mille livres qu'il fit payer à M. le duc de Noirmoutier, qui avait perdu la vue', et qui était frère de madame la princesse des Ursins 2.

-Le 15, après quelques difficultés, le Parlement ne laissa pas que d'enregistrer les lettres patentes du Roi pour la nouvelle érection de la charge de surintendant des finances en faveur du sieur Jean Law 3, qui avait été supprimée depuis la disgrâce de M. Fouquet. Il enregistra

3

1 M. de Noirmoutier, créé duc par Louis XIV, était devenu aveugle à l'âge de vingt ans, à la suite de la petite vérole.

2 Anne-Marie de La Trémoille, princesse des Ursins, fille de Louis de La Trémoille, avait épousé en premières noces le prince de Chalais, et en secondes noces le duc de Bracciano, chef de la famille Orsini (des Ursins); on connaît le rôle que joua cette princesse à la cour du roi d'Espagne Philippe V. Elle mourut en décembre 1722.

3 Ces lettres, données par le Roi en janvier 1720, ne paraissent pas avoir été enregistrées par le Parlement: du moins on ne les trouve pas à la date indiquée ici, non plus que celles de M. d'Ermenonville.

Nicolas Fouquet, mort en 1680 à Pignerol.

en même temps celles du contrôle général des finances en faveur de M. d'Armenonville, frère de M. l'évêque d'Orléans, et du père Fleuriau, jésuite, qui sont originaires et fils d'un marchand de Tours.

[ocr errors]

Le 17, la cour du parlement de Paris nomma des députés, pour présenter au Roi des remontrances au sujet de la réduction des rentes à deux pour cent et de la quantité de billets de banque et autres papiers répandus dans le public, de la ruine du commerce et du prix excessif des denrées et des autres marchandises, ce qui causait aussi la ruine de la plupart des familles et une misère extrême parmi tous les sujets du royaume.

- On assurait que M. le Régent avait résolu d'assigner six mille livres de pension aux lieutenants généraux des armées du Roi qui n'avaient aucun gouvernement, quatre mille livres aux maréchaux de camp, et deux mille livres aux brigadiers pour les mettre plus en état de soutenir leur rang.

--

— Le sieur Law, après avoir fait abjuration du calvinisme, religion dans laquelle il est né, par les bonnes instructions que lui avait données M. l'abbé de Tencin, grand vicaire de M. l'archevêque de Sens et docteur en théologie, et après s'être confessé au père Boursaut 2 théatin, fut pour la première fois admis en la communion, le jour de Pâques, en l'église paroissiale de Saint-Roch.

[ocr errors]

1 Ces députés étaient MM. d'Aligre, Lamoignon, Portail, Amelot, Le Peletier de Longueil, Maupeou, Chauvelin, présidents; Croizet et Leclerc, conseillers d'honneur; Crozat, maitre des requêtes; Huguet, Cochet, de Bragelongne, de La Porte, d'Armaillé, de Saint-Martin, Molé, de Vienne, Menguy, de La Grange, Pucelle, Morel, Joisel, Mandat, de Monceau, de Pâris, Lemusnier, conseillers; et divers présidents des enquêtes et requêtes du palais.

2 Edme-Chrysostome Boursault, prédicateur du Roi, supérieur des Théatins, mort le 13 mars 1733, était fils du poëte Edme Boursault, auteur du Mercure galant et d'Ésope à la cour.

Comme toutes choses étaient d'un prix excessif à Paris, aussi bien que les logements et les chambres garnies, les étrangers se retiraient tous les jours en leur pays, et ceux qui avaient des maisons ou du bien à la campagne s'y retiraient pour y vivre plus commodément.

Depuis huit jours, on retirait de la rivière quantité de bras, de jambes et de tronçons de corps de gens assassinés et coupés par morceaux, ce qu'on imputait au misérable commerce du papier, dont toutes sortes de personnes se mêlaient depuis que le sieur Law l'avait malheureusement introduit. Il avait déjà proposé ce commerce au feu Roi, qui l'avait désapprouvé, avec défense d'en jamais parler, ce grand monarque en ayant prévu les fàcheuses consé

quences.

On publia un arrêt du conseil d'État, rendu le 5 de mars précédent, qui ordonnait ce qui suit: 1° que le trésorier de la Banque ferait rentrer aux échéances toutes les sommes qui lui étaient dues pour prêts faits par ladite Banque; 2° que les actions de la Compagnie des Indes seraient fixées à neuf mille livres chacune; 3° que les soumissions et les primes délivrées par la Compagnie des Indes y seraient rapportées dans le cours dudit mois de mars, pour être converties en actions; 4° que le caissier de Jadite Compagnie recevrait les soumissions dont quatre payements étaient faits à raison de six mille livres chacune; les anciennes primes à raison de mille cinquante livres, et les nouvelles primes à raison de cinq mille livres chacune, et qu'en échange le caissier délivrerait aux porteurs desdits effets des actions sur le pied de neuf mille livres chacune; 5° qu'à commencer du 20 dudit mois de mars, il serait ouvert à la Banque un bureau pour convertir à la volonté des porteurs les actions de ladite Compagnie en billets de banque, et les billets de banque en actions de ladite Compagnie, qui seraient pareillement reçues et délivrées à raison de neuf mille livres chacune,

sans que le caissier pût exiger aucun droit pour ces conversions; 6° que tous les six mois il serait dressé un état, numéro par numéro, tant des actions converties en billets de banque que des dividendes qui en seraient provenus ; pour le produit de ces dividendes être réparti entre les actionnaires qui n'auraient pas leurs actions en billets de banque, etc., etc. (Suivent ensuite diverses dispositions relatives à la valeur des monnaies et aux espèces d'or et d'argent.)

L'ouvrage intitulé: Idée générale du nouveau système des finances est attribué à M. l'abbé de Saint-Pierre', qui s'est rendu célèbre dans la république des lettres par plusieurs ouvrages considérables qui font également admirer la capacité et la profonde érudition de cet illustre

auteur.

[ocr errors]

On publia un arrêt du conseil d'État, rendu le 19 de ce mois, qui ordonnait que la Compagnie des Indes ferait incessamment pour la valeur de quatre cent trente-huit millions de livres en billets de banque de mille livres, de cent livres et de dix livres chacun, et que tous les particuliers qui avaient des billets de banque de dix mille livres chacun les rapporteraient à la Banque dans l'espace de trois mois à compter du jour de la publication de cet arrêt, pour être coupés en billets de mille livres, de cent livres et de dix livres chacun.

- Le 3 de mai, on publia un arrêt du conseil d'État qui rétablit le franc salé, à commencer au 1 d'octobre de la même année, avec exemption des droits d'entrée et d'autres sur le pont de Joigny.

- On publia un autre arrêt qui révoqua la Compagnie

1 Charles-Irénée-Castel de Saint-Pierre, né le 18 février 1658, mort le 29 avril 1748, auteur du fameux Projet de paix perpétuelle; M. Emile Levasseur, dans ses Recherches historiques sur le système de Law, p. 12, doute que l'abbé de Saint-Pierre soit l'auteur de cet ouvrage.

de Saint-Domingue', en la remboursant des effets qu'elle pouvait avoir alors, et qui permettait à tous les sujets du Roi de trafiquer dans tous les lieux accordés à cette Compagnie.

L'édit portant réduction des rentes au denier cinquante fut enregistré, lu et publié au siége présidial du Châtelet, en vertu des lettres patentes du Roi qui l'ordonnaient, parce que le Parlement avait fait refus de l'enregistrer.

En attendant la conclusion du traité de paix avec l'Espagne, le Roi Catholique avait fait alors publier une suspension d'armes sur les frontières de France, dans tous ses États, en Italie, en Sicile, en Sardaigne et dans les Indes; après laquelle publication la flotte d'Espagne et les galions partirent de Cadix pour aller au Pérou.

- M. le duc d'Orléans ayant mandé M. d'Argouges, lieutenant civil du Châtelet de Paris, fit de grands éloges à ce magistrat sur son zèle pour le service du Roi et sur l'équité des jugements qu'il avait rendus jusqu'alors, et lui fit délivrer des lettres patentes par lesquelles Sa Majesté accordait à ce magistrat le privilége suivant lequel ses sentences ou jugements auraient la force d'arrét en dernier ressort, avec défense à la cour du Parlement d'en prendre connaissance.

- Le 4, on publia une ordonnance du Roi, rendue le 3, qui défendait, sous peine de la vie, à toutes personnes de troubler les archers nouvellement établis pour arrêter les vagabonds, gens sans aveu, et les pauvres mendiants valides ou invalides, et pour les conduire à la prison la plus prochaine, pour les plus jeunes étre envoyés dans les colonies françaises de l'Amérique et du Mississipi, et les invalides et les plus avancés en àge être enfermés dans les

1 Par lettres patentes en date d'avril 1720; la Compagnie de Saint-Domingue avait été établie par lettres en date du mois de septembre 1698.

« PreviousContinue »