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Le 8, on publia un autre arrêt du conseil d'État qui permettait à tous les sujets du Roi de faire le commerce du tabac en gros ou en détail et même de le fabriquer, et qui établissait un droit sur les différentes sortes de tabac, savoir le tabac d'Espagne, trois cents livres par quintal; celui du Brésil, cent cinquante livres; celui de Virginie, soixante-quinze livres; celui de Saint-Domingue et des autres colonies françaises, soixante livres; celui de la Louisiane, pendant la durée du privilége accordé pour vingt-cinq ans à la Compagnie des Indes, devait payer cinquante-cinq livres aussi par quintal et cinquante livres après l'expiration dudit privilége; ceux d'Artois, de Flandre, de Lorraine, d'Alsace et de Franche-Comté, trente livres; et au surplus, le Roi déchargeait les tabacs en général de tous les autres droits, tant des cinq grosses fermes que du domaine d'Occident et même des quatre sols pour livre.

L'entrée des tabacs par mer ne devait être permise que par les ports de Calais, de Dieppe, du Havre, de Rouen, de Honfleur, de Saint-Malo, de Port-Louis, de Morlaix, de Brest, de Nantes, de La Rochelle, de Bordeaux, de Marseille et de Cette.

Par terre, seulement par Amiens, Péronne, SaintQuentin, Torcy, Sainte-Menehould, Joinville, Auxonne, Colonge, Seyssel, Pont-de-Beauvoisin, Briançon et SaintLaurent du Var.

Déclarait les tabacs qui entreraient par d'autres lieux comme de fraude et de contrebande.

Les tabacs en feuilles ne pourraient entrer que dans des boucaux pesant au moins cinq cents livres chacun; les tabacs de Brésil, en corde ou en rôles, pesant au moins deux cent cinquante livres chacun; ceux de Saint-Domingue, en rôles, de cent cinquante livres au moins chacun ; ceux d'Espagne, en poudre, ou de la Havane, dans des barils ou sacs du poids de deux cents livres chacun; les

tabacs en feuilles de Flandre, d'Artois, d'Alsace, de Lorrame et de Franche-Comté, en boutes, du poids de cinq cents livres chacune.

Par le même arrét, il était fait défense à toute personne d'ensemencer davantage les terres d'aucune graine de tabac, ni dans les jardins, vergers et autres lieux que ce fùt, à peine de dix mille livres d'amende ; les lieux y étaient spécifiés.

- Le 5 de ce mois, par ordonnance du prévôt des marchands, la voie de bois à brûler fut augmentée de quinze sols au profit des marchands de bois, afin de leur donner plus de moyens d'en faire voiturer à Paris, n'y en ayant alors presque plus sur le port de la Grève ni sur la rivière; et pour cette raison, les marchands vendaient ce qui leur en restait sur ce port, comme si c'était du gros bois de compte, à raison de quatorze livres seize sols six deniers, et de cinquante-six búches par voie, excepté les plus petits rondins, qu'ils mettaient à part par une délicatesse de conscience.

La plupart des chantiers de la Grève et de la porte Saint-Bernard se trouvaient alors épuisés et entièrement vides. Comme il n'y avait aussi alors aucun bateau de charbon sur la rivière et qu'il en arrivait rarement depuis trois mois, les regrattiers se prévalaient de l'occasion et le vendaient aux blanchisseuses et à ceux qui en avaient absolument besoin, à raison de quatorze sols le boisseau.

Un maître d'hôtel étant à Rouen dans le mois de novembre 1719, et voyant qu'on y avait une glane d'oignons pour un sol qui en coûtait cinq à Paris, s'avisa de ramasser ce qu'il put d'oignons à Rouen et aux environs, et d'en remplir un bateau sur lequel il monta; et étant arrivé à Paris, il en eut un débit si considérable, qu'en moins de dix jours il en retira plus de vingt mille francs, le boisseau s'y étant vendu de cinquante et cinquante-cinq sols. Il y avait aussi fait charger une partie de gros navets qui

se distribuèrent à raison de deux sols six deniers la pièce et de trente-deux sols le boisseau.

Une botte de poireaux se vendait, depuis trois mois, cent sols et six francs, au lieu de douze ou quinze sols qu'elle se vendait auparavant et les autres années précédentes.

La chandelle se vendait seize, dix-huit et vingt sols la livre, et se serait vendue soixante sols s'il ne fût arrivé du suif d'Angleterre et d'Irlande, parce que les bœufs et les moutons ayant manqué d'herbages en 1719, à cause de la sécheresse qui dura plus de six mois, la nourriture qu'on avait donnée à ces bestiaux s'était tournée en chair avec très-peu de graisse, ce qui avait été la cause qu'on n'y avait trouvé que très-peu de suif, dont le prix avait triplé, sans avoir égard à l'arrêt du conseil d'État, qui avait fixé celui de la chandelle à huit sols six deniers la livre.

La foire de Saint-Germain fut cette année très-avantageuse aux marchands, parce qu'ils vendirent leurs marchandises sur le pied qu'ils voulurent, parce que ceux qui se présentaient pour en acheter n'avaient ou ne voulaient en payer le prix convenu qu'avec des billets de banque, comme si ces billets dont ils avaient leurs portefeuilles remplis n'eussent pas plus valu que du simple papier blanc, et que les joueurs ne se faisaient point une affaire de coucher sur une carte ou au premier coup de dés jusqu'à la valeur de vingt, trente, quarante, cinquante et soixante mille francs.

Le 11, on publia un arrêt du conseil d'État qui fit défense à toute personne, à l'exception de la Compagnie des Indes, de négocier ou contracter aucun engagement sous le nom de Primes, ou autrement, pour fournir ou recevoir à certains termes des actions, souscriptions ou polices de la même Compagnie, à peine de nullité de ces engagements et de trois mille livres d'amende contre ceux qui donneraient les primes desdits engagements et contre

ceux qui les recevraient, sur ce qu'il avait été remontré au conseil que ce commerce avait causé des pertes considérables à plusieurs particuliers.

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On publia un autre arrêt du conseil d'État qui ordonnait que le commerce du chanvre serait libre dans tout le royaume; faisait défense d'en faire sortir de France pour l'envoyer aux étrangers à peine de dix mille livres d'amende; permettait à la Compagnie des Indes d'établir des magasins et le prix des chanvres; et que les chanvres bien tillés qui seraient portés dans ces magasins seraient exempts de tous droits des fermes, d'octrois, de péage et autres sans exception; que ces magasins seraient établis à Nantes, où le chanvre serait reçu à raison de 33 livres le quintal; à Port-Louis, à raison de 35 livres; à Rouen, à raison de 33 livres; à Tonneins pour la Guyenne et le Languedoc, à 33 livres; à Valence pour le Dauphiné, à 30 livres; à Maringue et à Clermont pour l'Auvergne, à 30 livres; à Auxonne pour la Bourgogne, à 30 livres; à la Charité pour le Nivernais, à 30 livres; à Moulins pour le Bourbonnais, à 30 livres; à Châtellerault pour le Poitou, à 30 livres, et à Saumur pour l'Anjou, à 30 livres ; auxquels prix ci-dessus spécifiés, ladite Compagnie offrait de donner au Roi les chanvres nécessaires pour le service de Sa Majesté, pour la marine et autrement. Cet arrét fut rendu en conséquence de celui qui supprima la culture des tabacs, afin que les particuliers pussent semer du chanvre dans les terres qui servaient à cultiver le tabac, comme les meilleures et les plus convenables pour le chanvre.

- On en publia un autre, rendu le 25 de janvier, qui supprima les droits manuels que les officiers des gabelles prenaient sur les sels, dans les provinces de Lyonnais, de Dauphiné, de Provence et de Roussillon, et dans toute l'étendue des gabelles de France, avec défense à tous officiers commis et préposés de lever et percevoir lesdits droits à peine de concussion, et qui ordonnait qu'ils

seraient remboursés de leurs offices suivant la liquidation de la finance des mêmes offices au denier vingt-cinq, jusques et y compris le dernier jour de décembre 1719.

On en publia un autre qui faisait défense à toutes personnes de porter aucun diamant, perles et pierres précieuses, à commencer au premier jour de mars prochain, à l'exception des personnes à qui le Roi en aurait donné la permission par écrit, et à l'exception des bagues épiscopales et des pierreries employées aux ornements des églises, et fit défense d'en faire entrer dans le royaume à compter du premier jour d'avril prochain, le tout à peine de confiscation et de dix mille livres d'amende contre ceux qui en feraient entrer ou qui en porteraient sans ladite permission par écrit; sur ce qui avait été remontré au Conseil que quantité de personnes de toute condition en avaient acheté pour des sommes très-considérables des étrangers qui en avaient apporté d'Angleterre, de Hollande et d'ailleurs, et qu'ils avaient vendus au delà de leur juste valeur, surtout à des agioteurs nouvellement enrichis le commerce des actions à la rue Quincampoix.

par

Le 12, on en publia un autre qui fixa le prix des carrosses de louage à raison de trente sols par heure; sur ce que depuis trois ou quatre mois, sous prétexte de la grande cherté de l'avoine et du foin, les loueurs de carrosses exigeaient soixante sols par heure et cinquante et soixante livres par jour pour ceux de remise.

Le 19, le chevalier de Broglie partit de Paris pour aller à Marseille faire disposer toutes choses pour l'embarquement de madame la princesse de Modène, qui devait se faire à Antibes pour descendre ensuite à Gènes.

— Le même jour, cette princesse se trouva si mal, qu'on la saigna du pied et le lendemain du bras; après quoi la rougeole parut, ainsi qu'à M. le duc de Chartres. On assurait que cette princesse était véritablement chagrine de se voir obligée de quitter la cour de France

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