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avaient acquis légitimement des actions en fussent privés pour ne pouvoir financer cinq cents livres par action, et que, pour cette raison, il y avait eu au conseil de grosses paroles entre ce prince et M. le duc d'Orléans.

Le même jour, on publia un autre arrêt qui établit quatre sols pour livre sur les droits d'entrée des marchandises et des denrées, afin que ces fonds pussent servir en partie à payer les arrérages des rentes de l'hôtel de ville, ainsi qu'il avait été porté par les arrêts de 1706, 1715 et autres suivants.

-Le 11, un fourrier de la maison du Roi marqua avec de la craie toutes les maisons principales de la grand'rue du faubourg Saint-Antoine, afin d'y loger les gens de la suite de l'ambassadeur de l'empereur des Turcs.

- M. Vivans, ci-devant curé de Saint-Méderic de Paris, et depuis grand vicaire de Strasbourg, partit de Paris pour aller à Rome et y préparer un palais pour l'arrivée de M. le cardinal de Rohan, qui devait bientôt le suivre pour y résider en qualité d'ambassadeur extraor

dinaire de France.

Le 10, on brûla à l'hôtel de ville la quantité de trente-trois mille quatre-vingt-seize promesses de la Compagnie des Indes, de cinq mille livres chacune, qui faisaient ensemble la somme de cent soixante-cinq millions quatre cent quatre-vingt mille livres, que cette Compagnie avait su adroitement retirer à vil prix, comme elle faisait à l'égard des actions et des billets de banque depuis le 21 juillet 1720, par ses émissaires ou agioteurs, lorsqu'elle cessa de payer à la Banque.

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Le 12, les agioteurs donnaient seulement quatre francs pour un billet de banque de cent livres.

-Les sieurs Crozat l'ainé, Samuel Bernard et Paris de La Montagne, travaillaient avec attention à trouver les moyens d'acquitter les billets de banque et les autres papiers de la Compagnie des Indes.

Les sieurs Paris étaient depuis quelque temps revenus du Dauphiné, M. le Régent ayant eu la bonté d'abréger leur exil. Sur quoi M. de Vendôme, ci-devant grand prieur de France, étonné, ne put, disait-on, s'empêcher de dire à ce prince : « A quoi diable Votre Altesse Royale s'est-elle amusée pour faire revenir ces fripons-là ! »

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Le 13, les maîtres et gardes ou jurés de la communauté des marchands épiciers de cette ville de Paris, accompagnés d'un commissaire du Châtelet et de plusieurs archers, se transportèrent au grand couvent des Augustins, où ils saisirent quantité de marchandises qui y étaient en dépôt dans le lieu même où se tenait la chambre royale, comme sucres, savons, toutes sortes d'épiceries, suifs, cires, bougies, chandelles, étains, plombs, cuivres, cuirs, charbons de terre, et cent cinquante pipes d'eau-de-vie, le tout appartenant, disait-on, à M. le duc de La Force', sous divers noms empruntés.

Il y avait encore un autre magasin semblable au grand couvent des Cordeliers, et quelques autres dans plusieurs maisons du faubourg Saint-Antoine.

On saisit toutes ces marchandises que ce seigneur avait fait acheter par le sieur Bernard, son intendant et avocat au Parlement, par son maître d'hôtel et par ses valets de chambre, sous leur nom et sous le nom de quelques autres particuliers, avec des billets de banque avant le mois de juillet et avant leur discrédit, pour la valeur de plusieurs millions.

Laquelle saisie fut déclarée bonne et valable par arrêt du Parlement, qui s'assembla extraordinairement le 15 de ce mois à ce sujet, à la grand'chambre, où les princes et

Ces marchandises y avaient été déposées par un nommé Orient, marchand qui les vendait au détail; mis en état d'arrestation, cet industriel déclara qu'elles appartenaient au duc de La Force. (Voyez, sur cette affaire, Barbier, t. I, p. 73, et Marais, Revue rétrospective, 2o série, t. VII, p. 347.)

T. II.

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les ducs et pairs se trouvèrent. Sur quoi il intervint arrêt qui adjugea la moitié de la saisie au profit des hôpitaux de cette ville de Paris, et l'autre moitié au profit des dénonciateurs, sur laquelle seconde moitié il devait être préalablement pris la somme de huit cents livres pour les frais faits par les maitres et gardes de la communauté des marchands épiciers.

Par le même arrêt, plusieurs épiciers furent condamnés à une amende, et déclarés déchus de la maîtrise et à avoir leurs boutiques fermées pour avoir débité quantité de ces marchandises, et ainsi pour avoir contrevenu aux statuts et règlements de leur communauté.

Par le même arrêt, le duc de La Force fut ajourné personnellement à comparaître en la grand'chambre au premier jour. Lequel y ayant comparu le 20 dudit mois, on l'obligea de quitter l'épée avant que de subir l'interrogatoire, à quoi il fallut se soumettre, quoique avec peine; et y ayant déclaré que les marchandises en question avaient été achetées sans son ordre par son intendant, cet intendant, par arrêt du même jour, fut condamné aux galères et conduit à la Conciergerie avec un valet de chambre.

Le 14, M. Isabeau, greffier du Parlement, suivant l'ordre qu'il avait reçu, écrivit une lettre circulaire aux princes et aux ducs et pairs en ces termes : « Isabeau, secrétaire de la cour du Parlement, prie M. le duc.... de se trouver demain, à huit heures du matin, à la grand'chambre, pour y délibérer sur une affaire importante qui regarde M. le duc de La Force. »

Le 15, M. le prince de Conti arriva au palais à sept heures et demie du matin, avec une suite de soixante personnes; M. le duc de Bourbon et M. le comte de Charolais y arrivèrent sur les huit heures. Un grand nombre de pairs ecclésiastiques et les deux tiers des pairs laïques s'y trouvèrent aussi à la même heure.

Le Parlement étant assemblé, on fit sortir tous ceux

qui n'y avaient pas séance. On plaida la cause à huis clos. Les gens du Roi ayant parlé, le premier président recueillit les avis.

Le maréchal de Villars, disant le sien à son tour, fit un grand éloge de la maison de La Force, des talents, des services et du mérite du duc de La Force en particulier, et soutint qu'il ne pouvait ajouter foi aux bruits qu'on avait répandus contre l'honneur et contre la réputation de ce seigneur, et qu'il lui semblait nécessaire de l'ouïr personnellement avant que de procéder au jugement.

M. le duc d'Antin dit que ce seigneur était excusable, pour avoir employé ses billets de banque comme il avait pu.

M. le duc de Saint-Simon et M. le maréchal d'Estrées ne s'y trouvèrent pas, ce qui augmenta les soupçons contre eux et contre d'autres seigneurs d'avoir fait un pareil négoce '. Enfin, la pluralité des voix fut qu'il fallait l'ajourner en personne.

- On apprit alors que l'Empereur avait levé l'interdiction du commerce entre la France et les Pays-Bas catholiques, en justifiant de bons certificats que les marchandises ne viendraient pas de Provence. Cette interdiction avait duré sept ou huit mois.

M. le maréchal de Villeroy fit aussi alors suspendre la représentation du ballet2 qui s'était fait quatre fois au palais des Tuileries, parce que cela durait trop longtemps, et que cela avait causé un gros rhume au Roi pour s'être trop échauffé à la danse et ensuite pour avoir eu froid.

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Un marchand cirier avait fourni des flambeaux et

1 On lit en marge, de la main de Duclos : Le duc de SaintSimon ne s'y trouva pas, parce qu'il niait la compétence du Parlement; sept autres pairs s'en dispensèrent par la même raison. Le maréchal d'Estrées n'était pas encore duc, et ne le fut qu'en 1723, à la mort de son frère (le duc d'Estrées.)

Le ballet de la pièce intitulée Cardenio, par Charles Coypel. (Voyez Mathieu Marais, Revue rétrospective, 2 série, t. VII, 333 et note 2.)

p.

de la bougie pour la valeur de trente mille francs à chaque représentation, ce qui allait à quarante mille écus pour les quatre ballets.

M. le duc d'Orléans assigna aussi pour lors des fonds considérables pour les frais d'une maison superbe qu'il avait résolu de faire bâtir à Argenteuil, près d'Asnières, pour madame de Parabère.

- Le 15, on apprit que les états de Languedoc avaient accordé au Roi un don gratuit de trois millions, dont une partie devait être payée en billets de banque et l'autre en espèces.

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Le 16, l'ambassadeur turc arriva à Poitiers avec toute sa suite.

-

Le 26, M. le cardinal de Rohan partit de Paris pour aller à Rome en qualité d'ambassadeur extraordinaire de France, avec douze gendarmes de la maison du Roi, qui devaient rester auprès de Son Éminence pendant son ambassade. On assurait que ce cardinal avait emporté une somme de cinq millions pour sa dépense.

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Madame la marquise de Lautrec, fille de M. le premier président de Mesmes, intenta une action en séparation de corps et de biens contre monsieur son mari '.

Le 17, M. le prince Charles de Lorraine, grand écuyer de France, fils du feu prince d'Armagnac, étant allé rendre visite à M. le duc de Noailles, dont il avait épousé une fille depuis deux ans, ce prince dit au duc:

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Beau-père, je vais vous dire une chose qui ne vous plaira peut-être pas; j'ai retranché depuis peu ma maison et plusieurs domestiques, parce que je ne me trouve plus en état de soutenir une si grosse dépense, et vous me feriez plaisir de reprendre votre fille chez vous. Vous voulez rire, mon gendre? dit le duc. — Nullement, » répliqua le prince Charles, et il le quitta brusquement là-dessus.

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« Elle est rousse, dit Marais, et on ajoute qu'elle en a les défauts. » Revue rétrospective, 2o série, t. VII, p. 362.

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