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Banque chercher une pistole. Il fut encore bien plus regretté d'une fille qu'il devait bientôt épouser.

-

On publia un arrêt du conseil d'État qui faisait défense à toutes personnes de porter aucun diamant ou pierrerie, et d'en faire entrer dans le royaume.

- On en publia un autre qui portait extinction des rentes viagères de l'hôtel de ville.

-On en publia un autre qui fit défense aux orfévres de fabriquer aucune vaisselle et autres ouvrages d'or et d'argent, autrement que conformément à l'ordonnance ci-devant publiée.

Les commissaires du Châtelet cessèrent, le 6, de payer les billets de dix livres, parce qu'on s'était plaint qu'ils favorisaient leurs parents et leurs amis, qu'ils faisaient entrer chez eux par un endroit particulier, pendant qu'ils laissaient languir le peuple toute une matinée dans la rue, devant leur porte, et que plus de la moitié en sortaient sans rien emporter que de la sueur et de la fatigue. Ce qui m'est arrivé plus d'une fois chez le commissaire Daminois', qui demeurait alors rue Saint-Honoré, proche les Bâtons-Royaux; lequel avait une porte de derrière par laquelle on introduisait ceux qu'il voulait, avant que de faire ouvrir celle de la rue Saint-Honoré. Le commissaire Duplessis avait la même indulgence et une pareille facilité.

-Le 30 juin, il fit un orage terrible, et le tonnerre tomba sur l'église cathédrale de Laon en Picardie, et y causa un dommage qu'on estimait monter à deux cent mille écus.

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Le 8, au matin, on vit à la porte de l'hôtel de la chancellerie, en la place Vendôme, un placard latin qui portait seulement ces mots : Et Homo factus est. On le

1 M. de La Villegille, Journal de Barbier, t. I, p. 38, fait observer avec raison qu'il y a peu d'exemples d'une magistrature exercée aussi longtemps par le même individu, car Daminois fut commissaire au Châtelet de 1690 à 1752, c'est-à-dire pendant soixante-deux ans.

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présenta à M. le chancelier; on assurait que cette allusion l'avait beaucoup frappé. On prétendait par là qu'il avait dégénéré de son intégrité et qu'il s'était comme dévoué au gouvernement pour être réintégré dans l'administration des sceaux.

-Le dimanche 21 de ce mois, avant trois heures du matin, deux cents gardes du corps, une partie des régiments des gardes françaises et suisses entrèrent dans le palais. Les gardes du corps s'emparèrent de la grande salle et de la grand'chambre, et les soldats des gardes se portèrent avec leurs armes sur le grand escalier, dans les cours, et en sentinelle à chacune des portes du palais.

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Les mousquetaires furent en même temps chargés de porter chacun une lettre de cachet à chacun des présidents et des conseillers du Parlement, afin qu'ils se disposassent tous à aller tenir leurs séances à Pontoise pour y administrer la justice, avec les greffiers, avocats et procureurs. Et par cette lettre de cachet, le Roi ne leur donnait deux fois vingt-quatre heures pour s'y transporter. Sur quoi chacun des membres du Parlement se disposa à cette translation et envoya des domestiques à Pontoise pour retenir des logements. Et le lendemain on ne voyait que des chariots chargés de lits et d'autres ameublements, qui en prenaient la route'.

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On prétendait alors que le Parlement, après avoir sisté dans le refus d'enregistrer l'édit qui déclarait la Banque perpétuelle, avait résolu de faire en sorte que le Roi se rendit le même jour, 21, à la grand'chambre pour y tenir son lit de justice, et de le déclarer majeur par un acte authentique, et que M. le duc d'Orléans, informé de

1 Il existe un Journal de l'exil du Parlement à Pontoise, rédigé par un cordelier de cette ville, qui vient d'être publié par M. Arthur Demarsy, élève de l'École des chartes. Cet opuscule ne présente que peu d'intérêt et ne contient aucun fait

nouveau.

cette résolution, avait prévenu les magistrats en faisant expédier ces lettres de cachet.

On assurait aussi que M. le Régent, de concert avec M. le duc de Bourbon, avait aussi résolu de conduire, la nuit suivante, le Roi à Versailles, mais que M. le maréchal de Villeroy n'avait pas voulu y consentir, pour ne pas altérer la santé de Sa Majesté, et pour ne pas causer de plus grand trouble dans Paris par cette nouveauté.

Le même jour, le bruit courut que M. le prince de Conti était exilé pour avoir dit assez hautement qu'il pourrait bien se mettre à la tête des troupes au nombre de cinquante mille hommes que M. le Régent avait fait alors avancer aux environs de Paris, pour le chasser du PalaisRoyal et de la Régence qu'il exerçait avec tant de vigueur en toute manière.

On disait aussi que M. le prince de Conti étant informé de la résolution que M. le duc d'Orléans avait de l'exiler, était allé hardiment au Palais-Royal et avait dit assez crument à Son Altesse Royale qu'il se moquait de son exil, et qu'il casserait la tête d'un coup de pistolet à celui qui aurait la hardiesse de lui en apporter la lettre de cachet.

- Le même jour 21, M. le Régent tint par trois fois conseil sur les affaires qui se présentaient. A six heures du matin il envoya querir les sceaux chez M. le chancelier, qui en fut un peu alarmé aussi bien que ses officiers. M. le chancelier étant arrivé sur les sept heures au Palais-Royal pour assister au conseil, M. le Régent lui dit : « En vous attendant, j'ai scellé ce qu'il y avait de pressé pour vous en épargner la peine, et pour éviter les difficultés que vous auriez pu y apporter. » Et après le conseil, il lui dit : « Vous n'avez qu'à remporter les sceaux à l'ordinaire. »

La nuit du 20 au 21, le reste de la journée et la nuit du 21 au 22, le palais fut gàrdé de la manière qu'on a dit et environné de troupes, ainsi que dans les rues, et le

guet à pied et à cheval ne fit que rôder de tous côtés. Cependant le peuple demeurait aussi tranquille qu'auparavant.

Les mousquetaires continuèrent de monter la garde au Palais le 22, le 23 et le 24, et ils s'y faisaient apporter à manger.

On perdait alors 4 livres par billet de banque de 10 livres, et l'on perdait 50, 55 et 60 livres par billet de 100 livres, et 575 livres par billet de 1,000 livres; les actions étaient à 4,600 livres et avaient baissé même à 4,300 livres et à 4,200 livres.

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M. le maréchal de Villeroy parla d'une manière très-vive au sieur Law sur le désordre des finances, dont il l'accusa.

Le 29, on publia une déclaration du Roi, rendue le 27, qui portait en substance qu'après avoir travaillé avec succès par les sages conseils de M. le duc d'Orléans, régent, les dettes de l'État se trouvaient considérablement diminuées, les revenus du Roi augmentés et le peuple soulagé par la suppression d'un grand nombre d'impositions onéreuses; cependant le Roi avait la douleur de voir que les officiers du Parlement de Paris, abusant de l'autorité que Sa Majesté leur avait confiée, et oubliant que leur unique soin devrait être de concourir au maintien de celle de Sa Majesté, y donnaient eux-mêmes atteinte en éloignant l'exécution des décisions de Sa Majesté sur l'administration de ses finances, et que l'intention du Roi étant de prévenir de nouvelles difficultés de leur part qui ne pourraient produire d'autre effet que de jeter la défiance et du trouble dans sa bonne ville de Paris, Sa Majesté avait résolu de transférer le même Parlement à Pontoise, pour ne s'y occuper qu'à rendre la justice à ses sujets, comme elle ordonnait par cette déclaration que les officiers dudit Parlement eussent à s'y transporter dans deux fois vingt-quatre heures, suivant les ordres qui leur en avaient été déjà donnés le dimanche 21 de ce mois à

quatre heures du matin, pour y commencer leurs séances dans la huitaine du jour de la date de cette déclaration, et que faute par eux d'y satisfaire, le Roi les déclarait rebelles et désobéissants à ses commandements et leur interdisait sous les mêmes peines l'exercice de leurs charges dans Paris, et leur ordonnait d'y cesser toutes délibérations, à peine de faux. Défendant à toutes personnes de se pourvoir ailleurs qu'à Pontoise par-devant ledit Parlement, et à tous huissiers de donner aucun exploit sans y insérer la résidence dudit Parlement à Pontoise, à peine de nullité desdits exploits et des jugements qui en interviendraient, et de deux cents livres d'amende contre chaque huissier et contre le contrôleur desdits exploits.

Cette déclaration fut enregistrée au Parlement, séant à Pontoise', pour obéir aux ordres du Roi.

Le 31, on vit un placard affiché aux portes de la Banque et ailleurs, qui avertissait le public que les pièces de 45 sols seraient alors reçues pour 4 livres; celles de 22 sols 6 deniers, pour 40 sols; celles de 11 sols 3 deniers, pour 20 sols; les écus de la dernière fabrication, pour 12 livres ; ceux de la précédente, pour 15 livres; les louis d'or de vingt-cinq au marc, pour 70 livres chacun, qui se nommaient Chevaliers, et le premier jour d'août les liards de 4 deniers montèrent à 8 deniers chacun ; les gros sols de cuivre à 32 deniers chacun, les trois faisant 8 sols, on les appelait Law, et les demi, à 16 deniers; les pièces de 2 sols, à 3 sols 6 deniers, et celles de 3 sols, à 5 sols chacune.

- Le même jour, 31 juillet, on publia et afficha une ordonnance du Roi qui fit défense aux agioteurs de s'assembler davantage en la place Vendôme, mais qui leur permit de s'assembler dans l'enclos du jardin de l'hôtel de Soissons, qui pour cette raison fut nommé la Bourse. Au mur duquel jardin on avait pratiqué deux portes à chacune

Elle est datée du 21 juillet 1720, et fut enregistrée par le Parlement, séant à Pontoise, le 27 du même mois.

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