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mins de fer du Nord et de l'Ouest-Etat au mois d'octobre 1910 (1). Les projets du gouvernement (2) consistent: 1° en une procédure de conciliation pour régler les différends entre employés et concessionnaires ou administration des chemins de fer; 2° en pénalités contre les employés en grève et contre les associations de tout ordre qui provoqueraient à la grève (3).

(1) Sur cette grève, voyez l'étude du professeur ROLLAND, La grève des cheminots et les moyens employés pour y mettre fin, dans la Revue du droit public, 1910, p. 740 et s.

(2) Sur les projets du gouvernement, voyez l'étude du professeur ROLLAND, dans la Revue du droit public. 1911, p. 99 et s.

(3) Voici les principales dispositions des projets du gouvernement : Projet de loi du 22 déc. 1910 sur le règlement des différends collectifs : Art. 21. « Le personnel des réseaux visés par la présente loi est tenu d'exécuter, dans les délais fixés par la sentence arbitrale, les prescriptions de cette sentence. Faute par un agent ou ouvrier de continuer le travail dans les conditions fixées par la sentence, il peut être immédiatement procédé à son remplacement dans son emploi sans l'accomplissement des formalités que prévoient les règlements en vigueur sur les divers réseaux relativement à la révocation, au congédiement ou à la suppression d'emploi.

« Art. 22. Il est interdit à toute association déclarée ou non, à tout syndicat, à toute union d'associations ou de syndicats, soit de provoquer les agents ou ouvriers des réseaux visés par la présente loi à la grève, soit de préparer ou d'organiser la grève.

« Art. 23. Toute infraction à la disposition de l'article précédent sera poursuivie contre ceux des membres de l'association, du syndicat ou de l'union d'associations ou de syndicats, qui, à un titre quelconque, participent à la direction ou à l'administration de l'association du syndicat ou de l'union. Cette infraction sera punie d'une amende de 50 à 200 francs et d'un emprisonnement de 15 jours à 3 mois, ou de l'une de ces deux peines seulement. Si elle a été commise à l'occasion d'un différend susceptible d'être réglé conformément à la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue par la présente loi et avant que cette procédure ait abouti à une solution définitive, elle sera punie d'une amende de 100 à 300 francs et d'un emprisonnement de 2 mois à 1 an, ou de l'une de ces deux peines seulement. L'article 463 du Code pénal (circonstances atténuantes) sera applicable dans les cas ci-dessus prévus. Les pénalités édictées par les deuxième et troisième paragraphes du présent article peuvent être doublées en cas de récidive. En cas de condamnation prononcée en vertu du présent article, les dispositions des articles 7, paragraphe fer, et 8 paragraphes 2 et 3 de la loi du 1er juillet 1901 seront applicables (dissolution de l'association) ».

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Projet du 22 décembre 1910 sur la sécurité des trains.

« Article unique. L'article 20 de la loi du 15 juillet 1845 est modifié comme suit: Sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans tout

mécanicien, conducteur, garde-frein ou autre agent chargé de conduire ou convoyer un train qui aura abandonné son poste en cours du service, ainsi que tout agent qui, régulièrement désigné pour assurer, en cours de route, la relève d'un agent chargé de conduire ou de convoyer un train, aura négligé ou refusé, sans excuse valable, de rejoindre son poste. La même peine est applicable à tout aiguilleur préposé aux signaux ou autre agent de la voie ou de l'exploitation chargé d'un service nécessaire à la sécurité des convois en marche, qui aura soit abandonné son poste, soit négligé ou refusé, sans excuse valable, de le rejoindre ».

CHAPITRE III

ESSAI D'UNE THÉORIE GÉNÉRALE DES FONCTIONNAIRES de fait (1).

Parfois un individu qui n'est pas régulièrement investi d'une fonction publique exerce pendant un certain temps les attributs de cette fonction et accomplit des actes de nature à produire des conséquences juridiques. Par exemple, un individu qui ne remplit pas les conditions légales est nommé à une fonction, est élu; il accomplit certains actes; ultérieurement, la nomination, l'élection est annulée. Ou bien encore, après l'expiration du temps fixé par la loi, un agent public reste en fonctions et fait des actes juridiques. De même, un agent démissionnaire, révoqué, suspendu de sa fonction, continue à en exercer les attributs malgré l'événement qui y a mis fin.

L'hypothèse peut se présenter dans des circonstances exceptionnelles à la suite d'une révolution, d'une crise politique ou sociale (guerre civile, émeute, révolte, etc.), les autorités publiques régulières ont disparu : des individus, désignés par les habitants ou par les autorités publiques supérieures, mais en dehors des règles légales, entreprennent de faire fonctionner les services publics essentiels et d'accomplir les actes juridiques nécessaires.

Dans tous les cas de ce genre, on est en présence de fonctionnaires de fait, par opposition aux fonctionnaires de droit.

(4) F. J. GOODNOw, les Principes du droit administratif des EtatsUnis, éd. fr., 1907, p. 286 et s.; Cases on American administrative Law, 1906, II, p. 141 à 183. LÉON LEDOUX, Essai d'une théorie sur la fonction de fait, dans Rer. gén. d'adm., 1912, II, p. 397 et s.; III, p. 22 et s.

Quel est le sort des actes juridiques ainsi accomplis par des individus qui, au jour où l'acte a été fait, n'étaient pas régulièrement au service public? Quelle est la situation juridique de ces individus ?

C'est là un problème extrêmement difficile et dont la solution générale, en droit public français, n'est pas donnée par la loi. Quant à la jurisprudence, elle n'est pas très bien établie ; les arrêts sur la matière sont très peu nombreux. Il faut :

1° dégager les principes généraux ;

2o rechercher les principales applications qui en ont été faites dans la pratique soit quant à la valeur des actes accomplis, soit quant à la responsabilité de ceux qui ont agi.

Section I

Idées générales dominant le problème à résoudre.

Quelques idées générales doivent entrer en ligne pour la solution du problème; il faut combiner ou concilier ces idées générales pour obtenir des solutions satisfaisantes.

I

Une première série de considérations semblent conduire à proclamer l'inexistence des actes juridiques accomplis par des individus non régulièrement investis.

10 En droit public français, un acte n'est juridiquement valable que s'il est accompli par les individus régulièrement investis de la fonction organisée par les lois et règlements. Un acte juridique suppose un pouvoir légal; s'il n'y a pas de pouvoir légal, il ne peut pas y avoir d'acte juridique. L'individu qui n'est pas régulièrement investi de la fonction n'a pas de pouvoir légal (1).

2o En droit public français, les nullités sont d'ordre public: elles n'ont pas besoin d'ètre formellement prononcées par la loi comme sanction des irrégularités (2). Toute la théorie du recours pour excès de pouvoir est l'application de cette idée.

(1) Supra, p. 7, 21, 51 et s., 56.

(2) Supra, p. 63 et s.

3° Politiquement, il est bon de déclarer dépourvu de toute existence juridique l'acte accompli par un individu non régulièrement investi de la fonction. Dans un Etat civilisé et ordonné, ce qui donne aux agents publics l'autorité et le prestige nécessaires à la bonne marche des services publics, c'est le fait qu'ils agissent en vertu de la loi, conformément à la loi, Reconnaître une valeur quelconque à ce qui a été fait en dehors de la loi, c'est ouvrir la porte à la violence, à la révolution, à l'anarchie. Peu importent la pureté, l'honnêteté des intentions. Il ne peut y avoir d'ordre que dans le respect de la Joi, dans la stricte conformité à la loi.

C'est à cette première série de considérations que semble s'être attaché le Gouvernement de M. Thiers, après la réunion de l'Assemblée nationale en 1871. Il a présenté à l'Assemblée une série de lois en vue de « valider rétroactivement » les actes de l'état civil reçus depuis le 4 septembre 1870, dans les communes des départements, par des officiers de l'état civil incompétents: « Les irrégularités les plus graves et que le législateur seul peut couvrir, déclarait le ministre de la justice Dufaure, sont celles qui résultent de l'incompétence des personnes qui ont tenu les registres de l'état civil et constaté pendant une période plus ou moins longue les naissances, les décès, les mariages et les reconnaissances d'enfants naturels... Les tribunaux ne pourraient se dispenser de prononcer la nullité des mariages qui auraient été célébrés devant un officier incompétent (1)

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« En

En ce qui concerne les actes de l'état civil reçus depuis le 18 mars 1871 à Paris et dans les autres communes du département de la Seine par les agents institués par la Commune, le gouvernement de M. Thiers invoquait aussi les mêmes arguments: vous apportant ce projet de loi, le Gouvernement n'a pas voulu reconnaître à des hommes sans caractère public, la puissance d'imprimer pour toujours, à la vie civile des citoyens, le sceau d'une autorité qu'ils n'avaient pas ». « Le Gouvernement, voulant frapper les actes, en tant qu'ils procèdent d'hommes incompétents, les déclare nuls » (2).

Cette argumentation est séduisante par sa logique; elle est trop absolue. Elle est décisive en tant qu'il s'agit d'un usurpateur de

(1) Exposé des motifs du projet de loi présenté le 11 décembre 1871, relatif à la réorganisation des actes de l'état civil dans les départements (Journal officiel, 19 décembre, p. 5332).

(2) Rapport de M. WALLON, en date du 13 juillet 1871 sur le projet de loi du 28 juin 1871 (J. off., 23 juillet, p. 2194). Voyez l'exposé des motifs du projet du gouvernement dans le J. off. du 19 juillet 1871, p. 2087.

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