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sance particulière de l'usage qu'on y observe. Tout concourt donc à déterminer les magis trats à proscrire les demandes des sieurs Pollet et Ilerrewyn ».

Cependant, malgré l'usage allégué par le sieur Devinck, et les considérations qui se réunissaient en sa faveur, le parlement de Paris a accueilli la défense des assureurs. Elle était en effet fondée sur les dispositions les plus précises de l'ordonnance de la marine. Aussi, par arrêt du 27 juillet 1779, la sentence des premiers juges a été infirmée, et le sieur Devinck a été déclaré non recevable dans sa demande, et condamné aux dépens. ]

La même chose a été jugée depuis au parlement d'Aix.

Le 21 juin 1780, le capitaine Capoua fit assurer, à Marseille, 7,000 livres sur le corps de la polacre le Saint Antoine et la Vierge des Carmes, dont il avait à la fois le commandement et la propriété. Ce capitaine mit ensuite à la voile le mauvais succès de son voyage justifia sa prudence; la polacre échoua sur les cotes de Roussillon, près de Collioure. Le 27 juillet, la déclaration du naufrage fut faite à la chambre du commerce.

Le capitaine Capoua, de retour à Marseille, se présenta en août chez ses assureurs, pro. duisit les pièces justificatives de la perte, et demanda le montant de son assurance,

Quelque convaincus que fussent les assureurs de la justice de la réclamation du capi. taine, ils crurent ne devoir y satisfaire qu'après les trois mois expirés. Le capitaine entre. prit un nouveau voyage, en laissant sa Police d'assurance au sieur Chighisola. Ce négociant fit de nouvelles démarches auprès des assureurs à l'expiration des trois mois : il fut sou. vent renvoyé du jour au lendemain pour être payé. Enfin, lassé d'une patience infructueuse et d'une réclamation inutile, il se pourvut, le 11 novembre 1780, devant le lieutenant de l'amirauté de Marseille, en paiement des sommes assurées. Alors, les assureurs, qui jusques-là avaient reconnu la dette, et qui avaient seulement demandé du temps pour payer, opposèrent la fin de non-recevoir des trois mois, portée par l'art. 48 du tit. 6 de l'ordonnance de 1681.

C'était certainement le cas d'invoquer la bonne foi qui doit présider à toutes les opérations du commerce : le sieur Chighisola n'y manqua pas; mais c'était malheureusement la seule ressource que sa négligence lui avait laisséc. Il s'efforça de revenir sur ses pas, en offrant la preuve de la promesse faite par chaque assureur, pendant le mois d'août, de payer

son contingent, après l'expiration des trois mois.

Sentence qui admit à la preuve. Les assureurs ne donnèrent pas le temps de la faire : ils interjetèrent appel de la sentence, et réduisirent toujours leur défense à la fin de nonrecevoir, qui seule pouvait faire rejeter les justes prétentions du capitaine Capoua. Son fondé de procuration, le sieur Chighisola, cria au dol, à la mauvaise foi. Il représenta combien il était injuste que les assureurs se fissent une égide d'un moyen qu'ils n'avaient acquis que par des promesses sur lesquelles l'honnêteté du sieur Chighisola lui permettait de compter. Il assimila la conduite des assureurs à une fraude, dont la preuve devait tou tours être reçue; enfin, il prétendit, d'après les auteurs, qu'un simple pourparler pouvait interrompre la prescription, et il offrit de prouver que ce pourparler avait eu lieu.

Mais ces derniers moyens ne prévalurent pas: l'arrêt qui intervint, le 12 mai 1783, réforma la sentence qui avait admis la preuve.

XXX. Comme un simple arrêt du prince n'emporte pas la perte de la chose arrêtée, l'ordonnance n'a pas voulu que, dans ce cas, l'assuré pût faire son délaissement avant qu'il se fût écoulé six mois, si les effets sont arrêtés en Europe ou en Barbarie, et un an, si c'est dans un pays plus éloigné, le tout à compter du jour de la signification de l'arrêt aux assureurs (1). Ainsi, la fin de non-recevoir portée par l'art. 8, ne peut courir contre les assureurs que du jour qu'ils ont pu agir. C'est ce qui résulte de l'art. 49.

que d'un arrêt de prince fait en temps de paix, Au surplus, il n'est question dans cette loi, ou avant aucune déclaration de guerre. Car si on s'était saisi du navire après une déclaration de guerre, ou en vertu de lettres de représailles, ce serait alors une prise juste ou injuste, et l'idée d'arrêt de prince s'évanouirait: ainsi, il ne faudrait pas que, pour agir, l'assuré attendit les délais énoncés dans l'art. 49.

XXXI. Les hostilités que commirent les Anglais en 1755, avant aucune déclaration de

(1) Remarquez à ce sujet que l'art. 50 diminue ces délais de moitié, lorsque les marchandises arrêtées sont périssables; et que l'art. 51 veut que, durant les délais spécifiés par les art. 49 et 50, les assurés fassent toute diligence pour obtenir main levée des effets arrêtés. La même loi permet aux assureurs de faire aussi, de leur côté, des diligences, si bon leur semble.

Au reste, tout cela ne s'applique pas aux vaisseaux arrétés dans les ports de France, en vertu des ordres du gouvernement. . l'article Arrêt de prince.

guerre, donnèrent lieu à quelques-uns de prétendre que les prises qu'ils avaient faites de nos vaisseaux, ne devaient être regardées que comme des arrêts de prince: mais cette prétention a toujours été rejetée, et particulièrement dans l'espèces suivante.

Le sieur Alexis Germond fit assurer 3,150 livres, pour le compte de qui il appartien drait, de sortie de Marseille jusqu'à Saint-Valery, sur les facultés du vaisseau le PrinceCharles, capitaine Clément Bées, impérial, sous connaissement simulé, pour compte de Vanderblock, d'Ostende, d'entrée à Ostende. Le 3 novembre 1756, ce vaisseau fut pris. Le 31 janvier 1757, intervint un jugement qui en prononça la confiscation. Le 5 février, avant que la confiscation fut connue à Marseille, l'assuré fit sa déclaration à la chambre du commerce,de l'arrêt de ce vaisseau. C'est ainsi qu'il qualifiait la prise. Le 16 avril, ayant eu nouvelle de la confiscation prononcée, il fit son abandon. Le 10 juin, il présenta requête contre les assureurs, pour les faire condamner à payer les sommes assurées. Ceux-ci opposérent la prescription de quatre mois, qui avait été acquise le 5 juin 1755, cinq jours avant la requête présentée. L'assuré répondait qu'il avait regardé la prise comme un simple arrêt, qu'il l'avait ainsi qualifiée dans sa déclaration à la chambre du commerce, et qu'il était bien dur qu'on voulût, dans ces circonstances, lui faire perdre une somme de 3,150 livres, pour un simple retard de cinq jours. Mais ces raisons n'empêcherent pas l'amirauté de le declarer non-recevable en son action, par sentence du 31 janvier 1758, laquelle a depuis été confirmée au parlement de Provence, par arrêt du 30 juin 1759.

[[ V. ci-devant, no.. 4 et 13. ]]

[ XXXII. Lorsque, par la Police d'assurance, il a été stipulé un terme pour le paiement de la perte garantie par les assureurs, le délai de trois mois qu'accorde l'ordonnance, court-il avant que ce terme soit expiré?

J'ai sous les yeux une consultation, délibérée à Marseille, le 22 avril 1773, en faveur de la négative.

« Il est constant (est-il dit dans cette consultation) que la prescription ne commence d'avoir cours, que depuis qu'on a eu le droit d'intenter son action en justice, et que par suite, et selon la décision expresse de la loi cùm notissimi, C. de præscriptione 30 annorum, lorsqu'il s'agit d'une obligation à terme, la prescription ne peut courir que du jour de l'échéance du terme stipulé.

» L'ordonnance de 1681 n'a pas dérogé à ces principes. L'art. 48, en disant que le

temps courra après la nouvelle de la perte, n'ajoute point que cela aura lieu avant l'échéance du terme stipulé dans la Police d'assurance. Il faut donc entendre cet article suivant le droit commun, et dire que la prescription courra après la nouvelle des pertes, à compter de l'échéance du terme stipulé; car, par l'art. 3 du même titre, il est permis aux parties de stipuler dans les Polices, toutes les conditions dont elles voudront convenir.

» Ce n'est pas ici une exception à la règle, mais c'est la règle même qui veut que la fin de non-recevoir ne courre contre les assurés que du jour qu'ils auront pu agir; et cette règle est confirmée expressément par l'art. 48.....

» En vain, on opposerait l'art. 44, qui porte que, si le temps du paiement n'est pas réglé par la Police, l'assureur sera tenu de payer l'assurance trois mois après la signification du délaissement. Cet article renferme une grâce en faveur des assureurs. Si le temps du paiement est réglé par la Police, il faut exécuter le pacte tel qu'il a été écrit. Si le temps du paiement n'avait pas été réglé, les assureurs seraient obligés de payer sur le champ, suivant le droit commun. L'ordonnance a cependant bien voulu, par grâce, leur accorder un répit de trois mois, après la signification du délaissement, afin de prévenir leur mauvaise humeur et les contestations qu'une poursuite trop prompte pourrait faire naître. Mais cet art. 44 ne dit pas que les délaissemens et les demandes aux assureurs, en exécution de la Police, seront faits avant le terme porté par leur contrat, ou au jour de l'échéance des trois mois de délai qu'ils avaient stipulé.

» Je vous ai accordé trois mois de délai, après que vous aurez été dûment informe de la perte : il est évident que, pendant tout le cours de ces trois mois, je ne puis intenter aucune action contre vous; ce ne serait que le lendemain qu'il me serait permis de vous actionner en justice; mais le lendemain, vous m'opposeriez la prescription de trois mois, sur le fondement de l'art. 48. Le législateur ne l'a ni entendu ni pu entendre de la sorte; il ne tend pas de piège; il faut le concilier avec lui-même, et avec la nature inalterable des choses. Les prescriptions sont assez odieuses pour qu'on ne puisse pas les étendre hors de leur cas, et leur donner un effet rétroactif avant la naissance de l'action ».

A ces raisons, on ajoute l'autorité de la chose jugée :

» Les sieurs Audibert frères, négocians à Marseille (ce sont encore les termes de la consultation), avaient fait assurer 3,000 livres sur les facultés de la tartane Saint-Pierre,

avec clause qu'en cas de perte, la somme serait payée trois mois après la déclaration qui en serait faite à la chambre de commerce.

» Le 26 avril 1744, la tartane fut prise près desiles d'Hières en Provence, par un vaisseau de guerre anglais, qui la conduisit à Gênes.

» Le 27 mai suivant, la déclaration de cette perte fut faite à la chambre de commerce par les sieurs Audibert.

» Le 16 juillet d'après, les sieurs Audibert firent l'abandon; et le 26 septembre, ils présentèrent requête contre leurs assureurs.

>> Ceux-ci opposèrent la prescription de six semaines, attendu que la perte était arrivee aux côtes de la même province ; et ils faisaient courir ce délai depuis le 27 mai, jour de la notification de la perte, à la chambre.

» Les sieurs Audibert répondirent que les six semaines n'avaient commencé leur cours

que depuis le 27 août, jour de l'échéance des trois mois stipulés dans la Police.

» Sentence de l'amirauté de Marseille, du 16 novembre 1748, qui deboute les sieurs Audibert, attendu qu'ils avaient dû faire l'abandon dans les six semaines, depuis la nouvelle de la perte, sauf d'intenter l'action après les trois mois.

» Arrêt du parlement d'Aix, du mois de mars 1751, qui rejette cette distinction, et qui condamne les assureurs au paiement des sommes assurées : car il n'est aucune loi qui oblige les assurés de diviser l'abandon d'avec la demande, et qui décide que, si la demande ne peut pas être intentée pendant le cours du terme convenu, on soit forcé d'anticiper ce même terme pour faire l'abandon.

il en

» Or, sile délai de six semames est suspendu pendant le cours du terme convenu, doit être de même du délai de trois mois, et

des autres délais déterminés par l'art. 48 ». ]

XXXIII. Lorsque l'assuré fait son délaissement, il doit déclarer toutes les assurances qu'il a fait faire, et l'argent qu'il a pris à la grosse sur les effets assurés; sinon, l'ordonnance veut qu'il soit privé de l'effet des assurances, c'est-à-dire, qu'il perde le droit de répéter aux assureurs le paiement de la somme assurée. C'est la disposition de l'art. 53.

Observez toutefois que, si l'assuré avait omis de faire, par l'acte de délaissement, les déclarations prescrites, et qu'il les fit posté rieurement, il ne résulterait de l'omission autre chose, sinon que le délaissement n'aurait d'effet que du jour que les déclarations auraient eu lieu, c'est-à-dire que les trois mois accordés par l'art. 44, pour le paiement de la somme assurée, ne commenceraient à courir que de ce jour.

Au reste, la peine portée par l'art. 53, ne doit avoir lieu, suivant l'art. 54, qu'autant que les assurances ou les emprunts à la grosse qui ont été recélés, excedent, avec ce qui a été déclaré, la valeur des effets assurés : « Si » l'assuré (y est-il dit ) a recelé des assurances » ou des contrats à la grosse, et qu'avec celles » qu'il aura déclarées, elles excèdent la va»leur des effets assurés, il sera privé de l'effet » des assurances, et tenu de payer les sommes >> empruntées ; nonobstant la perte ou prise » du vaisseau ».

Supposez, par exemple, que vous avez d'a bord fait assurer dix mille écus sur une cargaison de 80,000 livres que vous aviez sur lana. vire le Pégase, et qu'ensuite vous ayez emprunté à la grosse 40,000 livres sur cette cargaison, pour payer ce que vous en deviez ; il est vrai que ces deux sommes faisant 70,000 livres, vous ne pouvez plus faire assurer que 10,000 livres sur votre cargaison; cependant vous en faites assurer 20,000 par de nouveaux assureurs. Le navire venant à périr dans ces circonstances, vous répétez aux derniers assureurs le paiement de 20,000 livres qu'ils vous ont assurées, et par votre acte de délais. sement, vous ne faites mention que des 40,000 livres empruntées à la grosse, sans parler des 10,000 écus que vous avez fait assurer en premier lieu. Il est clair que votre silence à l'égard de ces 10,000 écus, est une contravention à la loi c'est pourquoi, si les assureurs viennent à être instruits de l'assurance de cette somme, ils seront déchargés de toute obligation envers vous, et vous encourez la peine prononcée par l'ordonnance.

Au surplus, comme cette peine n'a été prononcée que pour punir la fraude et l'infidélité, elle n'aurait pas lieu, s'il paraissait que l'omission n'a pas été frauduleuse, et que l'assure pouvait ignorer l'assurance qui n'a pas été déclarée.

Supposons, par exemple, qu'un négociant de Bordeaux,ayant emprunté à la grosse 50,000 livres sur une cargaison de 100,000 livres, ait mandé à son correspondant d'Amsterdam, de faire assurer les 50,000 livres qui lui restaient sur cette cargaison; qu'à la réception de la lettre, le correspondant d'Amster dam ait fait une assuranee de 25,000 livres ; que, quelque temps après, les primes d'assu rance ayant diminué de prix à Bordeaux, le négociant de cette ville, ignorant l'assurance faite par son correspondant d'Amsterdam, ait fait assurer ses 50,000 livres à Bordeaux, et ait écrit pour que son correspondant n'exécutât point la commission à Amterdam; qu'en suite, on reçoive la nouvelle de la perte de

la cargaison: il est clair que le négociant de Bordeaux,venant alors à faire son délaissement aux assureurs et n'ayant pas parlé dans l'acte de l'assurance d'Amsterdam qu'il ignorait, n'aura commis aucune fraude ni infidélité: c'est pourquoi, il n'encourra aucune peine, relativement à l'assurance de Bordeaux: il faudra seulement la réduire aux 25,000 livres qui restaient à assurer.

Valin cite deux sentences de l'amirauté de Marseille, qui l'ont ainsi jugé.

[[Telle est aussi la doctrine de Pothier, Traité des assurances, no. 139 : « L'ordon»nance, art. 53, oblige ( dit-il ) l'assuré à » faire la déclaration de toutes les assurances » qu'il a fait faire, dans l'acte de délaissement; son motif est de connaitre si l'assurance » dont il demande le paiement, a été légale »ment contractée » ;

Et plus bas, no. 142:

« La privation de la somme assurée étant » une peine de la fraude, s'il paraissait que » l'omission que l'assuré a faite de déclarer

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quelqu'une des assurances, n'a pas été frau»duleuse, il n'y aurait pas lieu à la peine ». Emerigon, tome 2, page 190, dit également: « L'art. 53 doit être interprété par l'art. 54; » l'assuré qui, en faisant son délaissement, » omet de déclarer toutes les assurances qu'il » aura fait faire, sera privé des assurances » si, par dol et fraude, il a recélé des assu» rances....... Mais s'il n'y a point de fraude, » les peines prononcées par les art. 53, 54 et » 55, ne sont point encourues ; il y a seule» ment lieu au ristorne » ; et il cite, à l'appui de son opinion, un arrêt du parlement d'Aix, du 30 juin 1753.

La cour d'appel de Bordeaux et la cour de cassation, après elle, ont jugé de même dans l'espèce suivante.

Les 15 et 22 brumaire an 10, le navire le Premier Consul, visité deux fois, est reconnu prét à prendre charge, et en bon état de

voyage.

Le 18 floréal, la douane de Nantes autorise les sieurs Adam et compagnie, proprietaires de ce navire, à faire tous les actes nécessaires pour l'expédier de Nantes à la Martinique, passant par Bordeaux.

Le 4 messidor, par acte passé devant notaires à Bordeaux, les sieurs Adam et compagnie s'associent pour moitié avec les sieurs Kunckel et compagnie, dans la propriété, l'armement, mise dehors, cargaison d'aller et de retour, de ce batiment; et il est stipulé que les diverses opérations seront faites par les soins et sous le nom de Kunckel et compagnie.

Le navire chargé, partie à Nantes, partie

à Bordeaux, et prêt à mettre à la voile, Kunckel ouvre une Police d'assurance pour aller. Il arrive heureusement à la Martinique, le 20 thermidor an 10, après trente-quatre jours de traversée.

Quoique les Anglais fussent encore en possession de la colonie, néanmoins, comme, aux termes du traité d'Amiens, ils devaient la remettre aux autorités françaises, la cargaison fut mise incontinent à terre. Le chargement de retour était déjà, en grande partie, effectué le 27 thermidor, jour de la remise de l'île aux administrateurs français ; et l'on verra tout à l'heure qu'il avait été de toute impossi bilité de s'adresser alors à aucune autorité française, pour faire procéder aux visites d'usage prescrites avant le chargement.

Le 18 vendémiaire an 11, le bâtiment chargé part de la Martinique pour revenir à Bordeaux. Dès ce moment, Kunckel s'occupe de l'assurance du retour. Le 5 brumaire, il ouvre, à Bordeaux, une première Police, tant sur le corps du navire que sur la cargaison: elle s'élève à 144,000 francs. Le 16, il en ouvre une seconde sur les marchandises seulement: elle s'élève à 201,000 francs. Enfin, le lendemain 17, une troisième Police est souscrite à Nantes, par les sieurs Boitard et Antoine, en faveur des sieurs Adam et compagnie, pour 32,000 francs, sur la cargaison du bâtiment.

Ces trois Polices formaient ensemble une assurance totale de 377,000 francs sur le Premier Consul. C'est sur ces trois Polices de retour que s'est engagé le procés dont il va être question.

Le navire a été vainement attendu; on n'en a jamais eu de nouvelles.

Le 13 thermidor an 11, plusieurs des assureurs signataires des Polices des 5 et 16 brumaire, transigent avec Kunkel et compagnie: la valeur des effets assurés composant le chargement du navire, est fixée à 304,600 francs; ils consentent à payer 60 pour 100. Kunckel remet aux arbitres tous les titres nécessaires pour procéder au réglement de ristorne, et entre autres la Police de Nantes, du 17 brumaire an 11.

Les arbitres décident 1°. que l'assurance générale étant de 377,000 francs, et la valeur des effets assurés ne s'élevant qu'à 304,600 francs, il y a excès de l'assurance de la valeur des effets assurés, de 72,400 francs; et par conséquent il y a nécessairement lieu à ristorne jusqu'à la concurrence de cette somme; 2o. que la Police de Nantes, souscrite la derniére, le 17 brumaire, pour 32,000 francs, se trouve par-là même ristornée en entier, et regardée comme non avenue; 3o. qu'il y a lieu

à ristorne sur la seconde Police du 16, jus qu'à concurrence seulement des 40,600 francs d'excés restant de l'assurance sur les objets assurés ; 4o. que la première Police du 5 doit être exécutée en son entier.

Quelques uns des assureurs refusent d'adhérer à ce réglement.

Le 12 brumaire an 12, à l'échéance du délai accordé par l'ordonnance pour faire l'abandon, Kunckel et compagnie le leur font signifier,sans faire mention dans cet acte de la Police de Nantes, qu'ils croyent nulle, suivant la déci sion des arbitres auxquels ils l'ont produite. Le 15 ventôse an 12,les assureurs sont assig. nés en validité de l'acte d'abandon, et en condamnation par corps au paiement des sommes assurées, avec intérêts et dépens, la prime toutefois déduite.

Le 16, un premier jugement renvoie les parties devant des arbitres.

Le 15 septembre 1806, les arbitres rendent une sentence, par laquelle, après avoir fait le réglement des sommes dues par chaque assureur, ils les condamnent à payer ces sommes à Kunckel et compagnie, avec intérêts.

Le 25 octobre, homologation de la sentence arbitrale par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Le 3 décembre, les assureurs appellent de

cette sentence.

Il soutiennent 10. que l'assurance tombe, faute d'aliment, en ce qu'ils n'ont contracté qu'avec le sieur Kunckel, et que ce n'est pas lui qui a chargé, mais bien les sieurs Adam et compagnie, à la consignation de Kunckel; 2o. que l'acte d'abandon est nul, d'un côté, parceque Kunckel ne justifie pas que les visites prescrites par la loi, ont été faites, soit à Bordeaux, pour l'aller, soit à la Martinique, pour le retour; de l'autre, parceque l'acte d'abandon ne fait nulle mention de l'assurance de Nantes ; 3°. qu'en supposant qu'il y ait lieu au ristorne, il ne doit point tomber sur la Police de Nantes, qui, malgré sa date du 17 brumaire, a été réellement souscrite le 10; qu'ainsi c'est sur la Police du 16, comme dernière, que doit tomber le ristorne.

Kunckel et compagnie soutiennent, au contraire, 10. que l'assurance a eu un aliment suffisant, puisqu'ils sont propriétaires et du navire et des marchandises composant la charge de retour; que cette propriété est constatée par leur Police authentique de société avec Adam et compagnie, qui ont chargé le navire à la Martinique pour le compte des deux maisons; 2°. que les fins de non-recevoir proposées par les assureurs contre l'acte d'abandon, sont sans fondement; qu'en effet,

le vaisseau a été régulièrement visité à Nantes avant son départ; qu'il ne devait pas l'être de nouveau à Bordeaux, puisque sa destination n'était pas pour cette ville, mais bien pour la Martinique, passant par Bordeaux; que la visite de retour qu'on prétend avoir dû être faite à la Martinique, est abrogée par les art. 13 et 14 du tit. 3 de la loi du 9 août 1791, sur la Police de la navigation ; qu'au surplus, il est constaté par une attestation du préfet colonial de la Martinique, qu'à l'époque du chargement, les Anglais étaient encore maîtres de la colonie ; que par conséquent il a été impossible de requérir aucune autorité française, pour procéder à cette visite; que d'ailleurs, il n'a pas dû être fait mention, dans l'acte d'abandon, de la Police de Nantes, puisque cette Police devant être entièrement ristornée, était par-là même comme non avenue; qu'il n'en a point été fait mystère, puisqu'elle a été remise aux premiers arbitres qui ont procédé sur cette piece: circonstance destructive de toute idée de mauvaise foi, et qui, par conséquent, écarte la fin de non-recevoir; 3o. que la Police de Nantes est datée du 17 brumaire; que le premier certificat des sieurs Boitard et Antoine, de Nantes, lors même qu'il pourrait contredire cette date certaine, est démenti, comme erroné, par un certificat postérieur ; qu'ainsi, la Police de Nantes est réellement la dernière souscrite.

Sur ces défenses respectives, arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, du 12 juin 1807, ainsi conçu :

« 1o. Y a-t-il eu aliment au risque pris sur la cargaison de retour du navire le Premier Consul? Les assureurs sont-ils tenus de la perte des marchandises chargées à bord de ce navire à la Martinique, pour venir à Bordeaux?

» 2o. Est-il dû aux assureurs demi pour 100 des sommes assurées, pour droit de signature, faute d'aliment auxdites assurances ?

» 30. Les Polices d'assurance souscrites à Bordeaux, les 5 et 16 brumaire an 11, sontelles antérieures à celle qui a été signée à Nantes, par les sieurs Boitard et Antoine, pour 32,000 francs ?

» 4o. Les sieurs Kunckel et compagnie doivent-ils être privés de l'effet des assurances de Bordeaux, pour n'avoir pas déclaré celle faite à Nantes, dans leur acte d'abandon?

» 5o. Les assurés rapportent-ils un certificat de visite régulier, fait antérieurement à l'expédition du navire? Sont-ils non-recevables dans l'abandon par eux fait, attendu qu'ils ne rapportent pas un certificat de visite fait à la Martinique, lieu du retour?

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