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ver aucun crédit, c'est en quoi consiste la difficulté.

Elle s'est présentée àl'amirauté de Marseille, dans l'espéce suivante que rapporteValin.

« Le 5 septembre 1754, le capitaine Candole, de la Ciotat, prit à la grosse sous le cautionnement de François Candole, son frere, une somme de 1000 livres, de Maurice Barratier, sur le corps de la polacre la SaintEtienne, pour un voyage ou caravane dans le Levant, au change ou profit maritime de dix pour cent pour six mois, et au prorata, jusqu'au retour n'excedant en tout trois ans. Après un an de navigation, le capitaine Can. dole mourut à terre, et le commandement du navire échut à Faudon, son écrivain.

» En janvier 1756, le navire arriva à Chy. pre. Le 28 du même mois, l'équipage présenta requête au consul français, et demanda que le navire fût visité par experts, offrant de se rembarquer s'il était jugé navigable.

» Les experts nommes déclarerent que, moyennant un radoub, le bâtiment pourrait naviguer, même plusieurs années. Le radoub fut évalué 11 à 1200 piastres.

» Le 3 du même mois de janvier, intervint. une ordonnance du consul, qui enjoignit à Faudon de faire travailler au radoub sans délai. Il remontra qu'il ne trouvait pas d'argent. Là-dessus, le consul rendit une nouvelle or donnance conforme à la première.

» Le 23 février, Faudon n'ayant absolument pu trouver d'argent à emprunter, déclara qu'il abandonnait la polacre pour en être disposé par le consul, ainsi qu'il aviserait, pour le plus grand avantage des intéressés.

» En conséquence, le consul fit vendre la polacre pour 901 piastres dont il paya l'équipage. L'acheteur du navire le fit radouber, et ensuite naviguer.

» Le 22 juin de la même année 1756, JeanBaptiste Ode, cessionnaire de Maurice Barratier, donneur à la grosse, assigna les héritiers du capitaine Candole, et François Candole, caution, pour les faire condamner au paiement de 1000 livres données à la grosse, et des profits maritimes jusqu'à l'époque de la vente de la polacre.

>> Ceux-ci lui opposèrent que le navire avait été déclaré hors d'etat de naviguer, et qu'ainsi l'abandon qui en avait été fait, était pour le compte des donneurs à la grosse et des assureurs, lesquels, moyennant cela, ne pouvaient rien prétendre que sur le prix de la vente.

» Le demandeur répliquait de son côté, » 1o. Que le capitaine n'avait point fait de consulat, c'est-à-dire, un rapport en forme devant le consul; qu'ainsi, on ne pouvait pas

reconnaître si le mauvais état du navire procédait de son vice propre, ou de fortune de mer;

» 2°. Que le navire n'avait pas été déclaré précisément hors d'état de naviguer, mais seulement avoir besoin d'un radoub; et que si Faudon n'avait pas trouvé des deniers pour le radoub, c'était son affaire, ou, en tout 'cas, un fait qui ne pouvait retomber sur les donneurs et les assureurs.

» Dans ces circonstances, intervint sentence, le 19 juillet 1757, qui condamna les héritiers Candole et François Candole, caution, au paiement de 1000 livres de prêt à la grosse et du change maritime ».

que

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Valin pense que l'affaire fut bien jugée la raison par Faudon n'avait pas fait constater par experts que c'étaient les coups de mer que son navire avait essuyés, qui l'avaient mis dans le cas de ne pouvoir plus naviguer.

En effet, le défaut d'un rapport en forme établissait la présomption que le mauvais état du navire venait de son vice propre.

Mais si Faudon eût rempli cette formalité, on aurait sans doute juge différemment, parce que l'impossibilité de trouver à emprunter les deniers nécessaires pour le radoub, doit être comparée au cas où il n'y a ni matériaux ni ouvriers pour cet effet.

[[Au surplus, V. l'article Délaissement.]]

XXVIII. Lorsqu'on fait le délaissement, il doit être de tout ce qui est porté par la Police d'assurance, sans qu'on puisse retenir une partie de la chose assurée, et abandonner l'autre. C'est ce qui résulte de l'art. 47. C'est pourquoi, si vous avez fait assurer par une Police d'assurance, une somme de 100,000 livres sur une cargaison que vous aviez sur le navire la Diane, laquelle cargaison consistait en tant de quintaux de cochenille de la valeur de 60,000 livres et en tant de balles de soieries de la valeur de 40,000 livres, vous ne pourrez pas, dans le cas où ces marchandises seraient péries en partie par un naufrage, demander aux assureurs les 60,000 livres valeur de la cochenille que vous avez fait assurer, aux offres de leur abandonner ce qui en reste, et retenir ce qui a été sauvé des soieries, en vous réservant de répéter le paiement du dommage que l'accident y aura occasionné: mais il faudra que vous fassiez le délaissement de tout ce qui a été sauvé, soit en cochenille, soit en soieries, et que vous demandiez la somme entiere de 100,000 livres.

Il n'en serait pas de même si vous aviez fait assurer votre cochenille par une Police d'as

surance,

et vos soieries par une autre Police, quoique par les mêmes assureurs. Dans ce cas, rien ne vous empêcherait de délaisser la cochenille assurée par une Police, et de garder les soieries assurées par l'autre.

Il en serait de ce cas comme si vous n'aviez fait assurer que votre cochenille ; il est évident qu'alors vous ne pourriez pas être obligé à délaisser vos soieries.

En effet, il ne peut être question entre l'assuré et les assureurs que des objets assurés; il n'y a par conséquent de délaissement à faire que des choses réellement assurées. C'est pourquoi, si les assurances sur une cargaison en général ne vont qu'à la moitié de la valeur au temps du chargement du vaisseau, l'assuré est fondé à ne délaisser que la moitié assurée, et à retenir l'autre pour partager avec les assureurs ce qui aura pu être sauvé du naufrage, ou recouvré dans le cas d'une prise injuste. Mais quoique l'assuré retienne alors la moitié de la cargaison, il ne faut pas moins un délaissement total de la chose assurée. La raison en est que la partie qu'il retient, n'était assurée, et que les assureurs n'y ont pas aucun droit, puisqu'elle n'était pas à leurs risques.

XXIX. L'art. 48 règle le temps dans lequel les assurés doivent faire le délaissement, et former leur demande en exécution du contrat d'assurance. Voici ce qu'il porte » Les » délaissemens et toutes demandes en exécu>>tion de la Police, seront faites aux assureurs » dans six semaines après la nouvelle des » pertes arrivées aux côtes de la même pro>>vince où l'assurance aura été faite; et pour >> celles qui arriveront dans une autre province >> de notre royaume, dans trois mois ; pour les » côtes de la Hollande, Flandre et Angleterre, » dans quatre mois; pour celles d'Espagne » Italie, Portugal, Barbarie, Moscovie, ou » Norwêge, dans un an ; et pour les côtes d'A» mérique, Brésil, Guinée, et autres pays plus » éloignés, dans deux ans ; et ledit temps » passé, les assurés ne seront plus recevables »en leur demande ».

Le temps de la nouvelle des pertes, d'où cet article fait courir le délai, doit s'entendre du temps auquel la nouvelle a commencé d'être publique dans le lieu où l'assurance a été faite (1).

(1) [[Le délai ne peut donc pas courir par le seul effet de la publicité qu'aurait eue la nouvelle dans un autre lieu; et c'est effectivement ce que juge l'arrêt suivant de la cour de cassation.

Le 31 janvier et le 10 février 1807, les sieurs Despêchers, frères, négocians à Saint Malo, font souscrire,

Si l'assuré avait eu nouvelle dela perte, et l'eût notifiée aux assureurs avant qu'elle fût publique, avec protestation de faire son dé

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dans cette ville une assurance à tout risque sur des résines et planches chargées ou à charger à Bayonne, à bord du navire français les Quatre Amis, de Nantes, et destinées pour Nantes même. Il est stipulé par la police a 1.o qu'en cas d'événement donnant lieu à » la perte entière ou réputée entière, les assureurs paie>>ront quatre-vingt-quinze pour cent de la somme assu»rée, laquelle perte ne sera exigible que deux mois >> après qu'elle aura été constatée par pièces probantes » ou réputées telles par commune notoriété; a o que, » s'il survient des contestations sur l'exécution de la » Police, elles seront réglées et terminées sans frais, par » des arbitres pris parmi les négocians de Saint-Malo ». Le 21 du même mois de février, le navire les Quatre Amis sort de Bayonne avec son chargement, et le 23, il se perd au bas de la rivière de Bordeaux. Le

lendemain, le capitaine et l'équipage en font rapport

au bureau de la douane.

Le 2 mars, parvient à Nantes, à l'armateur, une lettre qui lui annonce la perte du navire.

Le 5 du même mois, cet événement est annoncé par la Feuille nantaise.

Le 2 mai suivant, les sieurs Despêchers font signifier aux assureurs un acte par lequel ils leur font abandon pur et simple des résines et des planches, et les somment de leur payer, aux termes convenus, les sommes assurées; sinon, protestent de se pourvoir par les voies de droit pour les y contraindre.

Le 6 juin de la même année, ils assignent les assureurs au tribunal da commerce de Saint-Malo, pour se voir condamner à leur payer le montant de l'assu

rance.

Le 3 août, jugement qui, du consentement des parties, renvoie l'affaire devant des arbitres, saufl'appel. Ce jugement est exécuté: des arbitres sont nommés de part et d'autre ; et un tiers arbitre est nommé d'office.

En se défendant devant les arbitres, les assureurs opposent aux sieurs Despêchers la prescription établie par l'art. 48 de l'ordonnance: ils soutiennent que les sieurs Despêchers n'ont pas formé leur demande dans les trois mois qui ont suivi la connaissance du naufrage, et qu'en conséquence ils sont non-recevables.

Le 22 janvier 1810, sentence arbitrale qui rejette cette fin de non-recevoir, et condamne les assureurs. Appel de la part de ceux-ci; et le 19 novembre suivant, arrêt qui réforme,

« Attendu qu'il est justifié que la gabare les Quatre Amis était partie de Nantes; que l'armateur est de cette ville, et que le retour et déchargement dévaient s'y effectuer;

» Que le sinistre arrivé à l'embarcation, a été connu à Nautes le 2 mars 1807, par la lettre du capitaine, écrite à l'armateur le 24 février précédent; que l'annonce en fut insérée dans la Feuille nantaise du 5

mars ;

» Que, suivant l'art. 48 dn titre des assurances de l'ordonnance de 1681, les assurés devaient, dans les trois mois de la connaissance du sinistre, non-seulement notifier aux assureurs le délaissement qu'ils entendaient leur faire, mais même leur notifier, dans

laissement, le délai, pour former la demande, courait du jour de cette notification.

Valin remarque qu'avant 1713, l'amirauté

le même délai, toutes demandes résultant de la police d'assurance;

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Qu'ils n'ont formé leur demande que le 6 juio; d'où il résulte que leur action n'est plus recevable ». Les sieurs Despêchers se pourvoient en cassation; et par arrêt contradictoire, du 6 janvier 1813, au rapport de M. Reuvens,

« Vu les art. 42 et 48 du titre des assurances de l'ordonnance de la marine de 1681;

» Considérant qu'il est statué par l'art. 42, que, Jorsque l'assuré aura eu avis de la perte des marchandises assurées, il sera tenu de le faire incontinent signifier aux assureurs, ou à ceux qui ont signé pour eux l'assurance, avec protestation de faire son délaissement; qu'ensuite, il est dit dans l'art. 48, que les délaissemens et toutes demandes, en exécution de la police, doivent être faites aux assureurs dans six semaines après la nouvelle des pertes arrivées aux côtes de la même province où l'assurance aura été faite, et pour celles qui arriveront en une autre province, dans trois mois ;

» Qu'il résulte bien clairement du rapport qui existe entre ces deux articles, que les délais de six semaines et de trois mois, ci-dessus énoncés, ne commencent à courir que du jour que l'assureur même aura reçu l'avis ou la nouvelle de la perte des marchandises; que, dans l'espèce, l'assurance a été faite à SaintMalo; que le sinistre a eu lieu au bas de la rivière de Bordeaux, par conséquent aux côtes d'une autre province que celle où l'assurance a été souscrite; qu'ainsi, le délai accordé par la loi, a été de trois mois, à courir du jour où les assurés auraient reçu l'avis ou la nouvelle des pertes arrivées;

» Que l'arrêt dénoncé, pour établir que ces trois mois auraient été échus avant le 6 juin 1807, jour de la demande formée par les sieurs Despêchers devant le tribunal de commerce de Saint Malo, s'est fondé uniquement sur ce que le sinistre avait été connu à Nantes le 2 mars 1807, par la lettre du capitaine, écrite à l'armateur le 24 février précédent, et que l'annonce en fut insérée dans la Feuille nantaise du 5 du même mois;

» Que les sieurs Despêchers demeurant à SaintMalo, il ne résulte nullement des faits posés dans l'arrêt, que même il n'en a pas été induit par la cour de Rennes, qne lesdits sieurs Despêchers auraient reçu l'avis ou la nouvelle de la perte plus de trois mois avant le 6 juin 1807;

» Que toutes les autres circonstances insérées dans l'arrêt, notamment celles que la gabarre était partie de Nantes, que l'armateur était de cette ville, et que le retour et déchargement de la cargaison dudit bâtiment devaient s'y effectuer, sont absolument inutiles, puisque la loi n'a eu aucun égard à des circonstances de cette nature pour fixer autrement ce délai;

» D'où il suit que l'arrêt de la cour de Rennes, en faisant courir le délai de trois mois, non pas du jour où les assurés auraient reçu l'avis ou la nouvelle de la perte des marchandises, mais du jour où le sinistre a été connu à Nantes, lieu où l'assurance n'est pas TOME XXIII.

de Marseille et le parlement d'Aix n'observaient pas scrupuleusement l'ordonnance relativement à la prescription ou fin de non-recevoir établie par l'art. 48; mais que cette cour commença cette année à établir une jurisprudence différente à l'occasion de l'espèce suivante.

Blaise Marin avait fait faire une assurance sur le vaisseau la Sainte-Marguerite; ce vaisseau fut pris la déclaration de la perte fut faite à la chambre du commerce, le 14 janvier 1706; en conséquence, tous les assureurs payérent les sommes assurées, à l'exception de François Sabain, qui fut assigné pardevant le tribunal de l'amirauté de Marseille, le 3 février 1711. Sentence intervint, qui condamna cet assureur à payer; mais par arrêt du mois de mai 1713, la sentence fut infirmée, et l'assuré déclaré non-recevable.

La même chose a été jugée par plusieurs · autres arrêts postérieurs, et entre autres par celui qui est intervenu dans l'espèce suivante.

Au mois de novembre 1756, les sieurs Anglès d'Antoine et Castagne firent assurer la somme de 77,200 livres, d'ordre des sieurs Bouteiller, père et fils, de Nantes, pour compte de qui il appartiendrait, de sortie des iles françaises jusqu'à Amsterdam, ou autre port neutre sur les marchandises chargées par Karavagh, Belloc et compagnie, de Léogane, à l'adresse de Jean-Jacob Vanherzeel, d'Amsterdam, dans le vaisseau l'America, hollandais, capitaine Louis Fernet, hollandais, moyennant la prime de 10 pour 100.

Le connaissement énonçait 529 bariques créoles et trois bordelaises de sucre brut, comme chargées dans le vaisseau l'America, capitaine Fernet, à la consignation de JeanJacob Vanherzéel,d'Amsterdam,pour compte et risque des intéressés dénommés au bas de la facture.

Les intéressés dénommés au bas de la factu re, étaient les sieurs Bouteiller, père et fils, de Nantes, pour sept huitièmes, et Jean-Jacob Vanherzeel, d'Amsterdam, pour un huitième.

Le 14 juin 1757, les sieurs Bouteiller, père et fils, écrivirent aux sieurs Anglès d'Antoine et Castagne, que le vaisseau l'America, avait été pris à la hauteur des côtes d'Amsterdam, près de l'embouchure; mais que les états généraux réclamaient ce navire et sa cargaison.

Le 6 juillet, on notifia cette lettre aux as

faite, et où les assurés ne demeurent pas, a méconnu le sens et violé la disposition de l'art. 48 précité, tilre des assurances, de l'ordonnance de la marine de 1681;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle......, «.

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sureurs « Et comme (ajouta-t-on) cette » prise donnera lieu à l'ouverture des assurances, si la cour de Londres n'en fait pas la » restitution, lesdits sieurs Bouteiller, père >et fils, désirent mettre en notice à leurs as» sureurs la prise dudit vaisseau, avec inter» pellation d'agir pour en faire la réclama »tition, et en obtenir le relâchement ou res» tution. Et faute de ce faire, ils leur fe wront abandon et délaissement des facultés » assurées jusqu'à la concurrence des som»mes prises en risque ».

Le 21 octobre, un jugement de l'amirauté d'Angleterre, confisqua le vaisseau et la car. gaison.

Le 16 décembre, les assurés firent la déclaration de cette perte à la chambre du com.

merce.

Le 2 mars 1758, les sieurs Anglès d'Antoine et Castagne présentérent requête contre les assureurs, aux fins que ceux-ci fussent condamnés à contribuer aux dépenses néces saires pour solliciter la révocation du jugement d'Angleterre.

Le 10, intervint une sentence qui autorisa les sieurs Anglès d'Antoine et Castagne à poursuivre la réclamation, si bon leur semblait, pour le compte et aux frais et risques de qui il appartiendrait.

Enfin, le 12 avril 1750, les sieurs Anglès d'Antoine et Castagne donnèrent une nouvelle requête contre les assureurs, pour les faire condamner au paiement des sommes

assurées.

Les assureurs opposèrent 10. la prescription de quatre mois, portée par l'art. 48 du titre des assurances; 2o. la prétendue simulation de la Police, où il n'était pas dit que l'assurance fût pour le compte de Français.

Ce dernier moyen fut rejeté, parceque la clause, pour le compte de qui il appartien drait, qui avait été stipulée dans la Police, comprenait les Français tout comme les

neutres.

Elle était générale, et devait être étendue généralement, surtout dans les circonstances actuelles où il est sensible que, si l'assurance avait été pour le compte d'un neutre, on n'aurait pas manqué de le déclarer en termes exprès; ainsi les assureurs n'étaient pas fondés à dire qu'il eussent été trompés.

Mais le moyen tiré de la prescription parut invincible; et par arrêt du 28 juin 1759, confirmatif d'une sentence de l'amirauté de Marseille, du 11 juillet précédent, les assurés ont été déclarés non-recevables en leur demande, attendu la prescription de l'action.

avec succès, lorsqu'il y a cédule, obligation, arrété de compte ou interpellation judiciaire. C'est ce qui résulte de l'art. 10 du titre des prescriptions de l'ordonnance de la marine; Mais la simple sommation extrajudiciaire n'est pas suffisante pour interrompre la prescription.

La fin de non-recevoir ne peut pas non plus être opposée, dans le cas où les parties sont convenues de faire décider leur diffé rend par des arbitres (1): cela a été ainsi jugé par arrêt du 18 juin 1748, en faveur du sieur Boet de Saint-Léger, de Paris, contre les assureurs du corsaire la Revanche.

Il en est aussi de même du cas où l'assureur, différant d'un jour à l'autre de remplir son obligation, a promis verbalement de payer les sommes assurées, pourvu que cette promesse soit prouvée d'une manière évidente. C'est ce qui a été jugé par arrêt du parlement d'Aix, du 27 mars 1751, contre les assureurs du corsaire le Grand Passe-Par

tout.

[ Mais si cette promesse n'était pas prouvée, ou, ce qui revient au même, si l'on n'en offrait qu'une preuve testimoniale, la fin de non-recevoir produirait tout son effet. C'est ce qui a été jugé au parlement de Paris, dans l'espèce suivante.

Au mois de janvier 1777, le sieur Devinck fut informé qu'un de ses correspondans du Cap Français lui faisait passer, par le navire le Comte d'Artois, une partie de marchandises dont la valeur devait monter à plus de 100,000 livres. Il en fit assurer la plus grande partie à Dunkerque, et le surplus à Londres.

Au mois de mai suivant, le navire le Comte d'Artois arriva à la rade de Dunkerque; mais un coup de vent le fit échouer à l'est du port.

Le sieur Devinck a prétendu, dans le procès auquel cet accident a donné lieu, qu'il était d'usage dans la ville de Dunkerque, comme dans presque toutes les autres villes maritimes, de faire avertir les assureurs, en cas d'avaries, par le courtier qui a procuré les assurances. Si le dommage est constant (ajoutait le sieur Devinck ), les assureurs ne manquent pas de prier l'assuré de leur éviter les frais qu'entraînent les formalités de l'ordonnance et jamais on ne s'y refuse. Si l'on avait lieu de suspecter leur bonne foi, on exi

(1) [[ Geci doit s'entendre du cas où la convention a été faite pendant le délai fixé par la loi pour la prescription. Il en serait autrement, s'il s'agissait d'une convention écrite dans la Police d'assurance, et par laquelle il aurait été dit qu'en cas de différend entre les parties, il serait nommé des arbitres pour y Observez néanmoins que la fin de non-re- statuer. V. l'arrêt de la cour de cassation, du 6 jancevoir dont il s'agit, ne peut pas être opposée vier 1813, rapporté dans la note précédente. ]]

'gerait d'eux une soumission au bas de la Police; mais on se contente ordinairement de leur parole; on croirait leur faire injure, en exigeant d'eux un écrit.

Le sieur Devinck a soutenu qu'en conformité de cet usage, dès que le navire avait échoué, il en avait fait prévenir les assureurs par le courtier Thevenet: que tous, et particulièrement les sieurs Pollet et Herrewyn, s'étaient contentés de l'avertissement verbal, avaient promis de payer dans les délais fixés, et avaient prié le sieur Devinck de faire travailler, avec la plus grande célérité, à sauver les marchandises; qu'au même instant, tous les assureurs, à l'exception du sieur Herrewyn, qu'un accident à la jambe retenait chez lui, s'étaient transportés à l'endroit de l'échouement, pour voir quels étaient les moyens les plus efficaces pour sauver les marchandises; que les uns avaient fourni leurs palans et leurs cordages, d'autres leurs matelots et leurs ouvriers; que le sieur Pollet y avait fait conduire ses tombereaux, et qu'ils avaient été employés à faire transporter, dans les magasins, une partie de marchandises sauvées; qu'ainsi, ces assureurs avaient confirmé, d'une manière formelle, leur promesse verbale.

Le sicur Devinck ajoutait que, néanmoins, il avait voulu se mettre à l'abri de tout reproche, parcequ'il y avait à Londres un assureur à l'égard duquel il fallait prendre des précautions; que les marchandises avaient été transportées dans les magasins de l'amirauté; qu'elles avaient été conduites dans les tombereaux et par les domestiques du sieur Pollet; que le procureur du roi de l'amirauté, chargé de la vente, l'avait fait annoncer aux assureurs ; que tous y avaient paru, et qu'elle avait été faite publiquement; qu'étant constaté, par le compte du greffier, que la perte était de 46 livres 14 sous 3 deniers par cent, il avait présenté son compte aux assureurs ; que six d'entre eux, et même l'assureur de Londres, qui n'avait eté averti que par une lettre, avaient payé sans difficulté; que les sieurs Pollet et Herrewyn, seuls, s'y étaient refusés, parcequ'on n'avait pas rempli les formes qu'ils avaient eux-mêmes prie de leur éviter, et qu'en cela ils méconnaissaient une convention que les autres assureurs avaient

reconnue et exécutée.

Sur tous ces faits, il intervint, à l'ami rauté de Dunkerque, une sentence qui, sans avoir égard aux fins de non-recevoir proposées par les sieurs Herrewyn et Pollet, les condamna à payer le montant des avaries, et aux dépens.

Les sieurs Pollet et Herrewyn ont interjeté appel de cette sentence. Leurs moyens consistaient dans les art. 5 et 6 du titre des prescriptions de l'ordonnance de la marine, et dans les art. 42, 43 et 48 du titre des assurances de la même loi.

Le sieur Devinck leur opposait la conduite des assureurs qui avaient acquiescé.

«S'il n'eût pas existé une convention verbale entre les sieurs Pollet et Herrewyn et le sieur Devinck, ils n'auraient pas manqué (disait celui-ci ) de se faire payer la prime d'assurance, dès l'instant qu'elle a été exigible : par là, ils prévenaient la demande en paiement des avaries, ils l'écartaient même en quelque sorte; ils donnaient lieu de présumer qu'il n'y avait point eu de convention, que jamais on n'avait entendu les rendre respónsables du dommage que les marchandises avaient souffert. La prime était exigible, suivant la Police d'assurance, trois mois aprés l'arrivée du navire, par conséquent au 22 juin 1777; cependant les sieurs Pollet et Herrewyn gardent le plus profond silence. Le mois dé juin s'écoule. Même silence de leur part pendant les mois suivans. Ils ne songeaient aucunement aux billets qui leur avaient éte donnés; ils les regardaient comme des titres inutiles, qui ne devaient servir qu'à les libérer d'une partie de la somme dont ils étaient débiteurs. Le 9 août, on leur présente le compte des avaries : c'est alors qu'ils conçoivent, pour la première fois, le projet de se soustraire à leur engagement. Cependant, nulle réclamation de leur part, relativement à la prime d'assurance. Le 15 novembre, on leur dénonce les factures, la Police et le compte des avaries Le 27, on les traduit à l'amirauté. Ils fournissent des defenses le 17 décembre, et il n'y est encore aucunement question de la prime d'assurance; ce n'est que le 19 février 1778, qu'ils en ont formé la demande, c'est-à-dire, onze mois après l'arrivée du navire, huit mois après l'échéance des billets. trois mois après qu'ils ont euxmêmes été actionnés pour le paiement des avaries.

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>> On trouve, dans leur propre conduite, une preuve incontestable de la promesse qu'ils avaient faite au courtier Thevenet de payer, lorsqu'on leur représenterait le compte des avaries. C'est donc en vain qu'ils nient cette promesse. Si quelqu'un pouvait tirer avantage des prétendus vices de forme, c'était, sans contredit, l'assureur de Londres. On s'était borné à le prévenir par une lettre. Cependant, il a payé; il l'a fait, parcequ'ayant des relations dans la ville de Dunkerque, il a une connais

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