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tre, que, si l'une des parties allègue qu'elles sont convenues d'une chose qui ne soit point justifiée par la Police, on ne doit avoir aucun égard à cette allégation.

IV. Suivant l'art. 6 du titre des assurances, la prime devrait être payée comptant à l'assu reur, au moment où il signe la Police. Cependant, on en use différemment en beaucoup d'endroits, et on ne la paie qu'après que les risques sont finis. Souvent l'assuré s'en acquitte par le moyen d'un billet qu'on appelle billet de prime, payable à une certaine échéance.

Le même art. 6 porte que,» si l'assurance » est faite sur marchandises pour l'aller et le » retour, et que le vaisseau étant parvenu > au lieu de sa destination, il ne se fasse point » de retour, l'assureur sera tenu de rendre le »tiers de la prime, s'il n'y a stipulation con

» traire n.

La raison de cette disposition est que l'assureur n'ayant couru qu'une partie des risques auxquels il s'était soumis, il n'est pas juste qu'il ait la totalité de la prime. Il semblerait même que les risques du retour étant les mêmes que ceux de l'aller, l'assureur ne devrait avoir, lorsqu'il n'y a point de retour, que la moitié de la prime avec le demi pour cent sur l'autre moitié pour sa signature; mais la loi en a disposé autrement.

Au reste, le retour dont il s'agit ici, ne s'entend pas du navire, mais d'un chargement de marchandises assurées pour l'aller. C'est pourquoi, si les marchandises de retour ne répondaient pas à la valeur de la somme assurée, la prime ne serait gagnée qu'à proportion du chargement; et si ces marchandises étaient péries, l'assureur n'en paierait que la valeur, sans qu'on pût exiger de lui la somme entière assurée. Tout cela dérive de la nature du contrat d'assurance, qui veut qu'on ne puisse gagner ou perdre qu'à proportion des risques qu'on court.

Comme la prime est le prix des risques dont l'assureur se charge, il est d'usage, lorsqu'on craint une déclaration de guerre,, de stipuler que, dans le cas de guerre, la prime augmentera d'une certaine somme parceque les risques sont bien plus considé rables qu'en temps de paix.

Mais si l'assurance s'est faite en temps de paix, sans aucune clause relative au cas de guerre. les assureurs seront-ils fondés à demander une augmentation de prime si la guerre survient ?

Cette question a souvent été agitée au sujet des prises faites par les Anglais, au commencement de la guerre que termina la paix de Versailles en 1763.

On sait que, sans aucune publication de manifeste, et avant de déclarer la guerre les Anglais commirent contre nous des hostilités, en s'emparant, au mois de juillet 1755, des vaisseaux l'Alcide et le Lys. L'amiral Boscaven prit ensuite, dans le mois d'août suivant, les vaisseaux des pêcheurs français, qui étaient répandus sur le grand banc de Terre-Neuve, et le long des côtes septentrionales. Dans le même temps, les escadres anglaises se répandirent de toutes parts et se

saisirent de nos vaisseaux marchands.

Il résulta de cette étrange manière de faire la guerre, différens procès, qui avaient pour objet l'augmentation de prime prétendue par les assureurs. Les raisons pour refuser l'aug. mentation de prime, étaient, comme l'a rémarqué Pothier, que, dans tous les contrats, on n'a égard qu'au prix que la chose qui en était l'objet, valait au temps du contrat et non à celui qu'elle a valu depuis. Supposons, par exemple , que je vous aie vendu un terrain à 100 livres la toise, prix auquel on le vendait alors, et que, depuis la vente, ce terrain soit augmenté de prix, au point de valoir 500 livres la toise: je ne serai pas fondé à vous demander la moindre indemnité,à raison de cette angmentation de valeur. De même, dans un contrat d'assurance fait en temps de paix, l'assureur s'étant chargé, pour le prix convenu alors, de tous les risques auxquels les effets de l'assuré pouvaient être exposés; il semble qu'il ne doive pas être fondé à demander une augmentation de prime, dans le cas où la guerre survient, parceque les risques de la guerre dont il s'est chargé par la Police d'assurance, conformément à l'art. 26, ne doivent pas s'es

timer, eu egard au prix qu'ils valent depuis le contrat, ni dans le temps auquel la guerre est devenue certaine, mais seulement eu égard au prix que ces risques valaient au temps du contrat, dans le temps auquel la guerre était un événement incertain et inattendu.

avaient

C'est d'après ces principes que les assureurs anglais, qui, avant les hostilités, assuré, pour une prime modique, plusieurs de nos navires et plusieurs effets de nos com merçans, ne firent aucune difficulté de payer le prix de leurs assurances, pour les navires et effets qui, depuis les hostilités, furent pris par les corsaires de leur nation, et ils ne demandèrent aucune augmentation de prime.

Mais il n'en fut pas de même en France; l'amirauté du palais se détermina à accorder aux assureurs une augmentation de prime, proportionnée à l'augmentation des risques. causés par la guerre, quoique les Polices faites en temps de paix, fussent pures et simples;

et les sentences de ce siége ont été, sur ce point, confirmées par arrêt, toutes les fois qu'il y en a eu appel. Les raisons sur lesquelles on s'est fondé, sont qu'il était d'une néces sité absolue et indispensable, pour l'intérêt du commerce maritime, de prévenir et d'empêcher la ruine des assureurs et des chambres d'assurance, laquelle aurait été infaillible, si on ne leur eût pas accordé cette augmenta tion de prime. Ce cas, comme l'observe le jurisconsulte cité, est un de ceux dans lesquels on doit s'écarter de la rigueur des princi

pes.

[[ A plus forte raison, ne doit-on pas hésiter, lorsqu'il y a eu des hostilités sans déclaration de guerre, d'adjuger l'augmentation de prime qui a été stipulée . quoiqu'elle ne l'eût été que pour les cas où la guerre serait déclarée. Voici une espèce dans laquelle le parle ment d'Aix l'a ainsi jugé :

Joseph et Georges Audibert, agissant pour Lafont aine et fils, de Bordeaux, firent souscrire, le 10 juin 1778, par le ministère da courtier Dalmas, une Police d'assurance pour la somme de 83,700 livres, un tiers sur le corps et deux tiers sur les facultés du navire le Maréchal de Brissac, sortant des îles françaises de l'Amérique. La prime y était stipulée à raison de cinq pour cent, mais avec la condition que, dans le cas de déclaration de guerre entre la France et quelque puissance chrétienne que ce fût, avant l'arrivée du navire à Bordeaux, ou en cas qu'il fût pris, la prime serait augmentée de vingt-cinq pour cent, payable à l'heureuse arrivée du vaisseau.

Ce navire arriva à Bordeaux le 28 juillet 1778. Le 9 septembre suivant, quelques assureurs se pourvurent contre Joseph et Georges Audibert, pour les faire condamner au paiement de vingt-cinq pour cent d'augmentation de prime sur les sommes assurées par eux,

avec les intérêts.

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tation ni d'équivoque; il porte qu'en cas de déclaration de guerre, ou de prise du navire, la prime sera augmentée de vingt-cing pour

cent.

» Ce contrat de droit étroit, que toutes les parties ont volontairement consenti, doit être exécuté. La bonne foi des conventions ne saurait être impunément violée. La liberté qui a fait stipuler cet acte, doit en assurer l'exécution. Si l'on consulte l'intention qui dirigeait les parties en contractant, on verra qu'elles avaient voulu donner à l'acte authentique qui devait faire cesser tous les doutes sur l'existence de la guerre, le même effet qu'à la guerre elle-même. Ce n'était pas même à la solennité de l'acte, mais à ses suites, non pas aux formalités qui devaient les précéder, mais à ses effets, que les parties avaient attaché l'idée quelles s'en étaient formée en contractant. Dans l'état d'incertitude où l'on était sur les événemens que la politique ou les circonstances pouvaient subitement déterminer, toutes les parties ont contracté pour leur sûreté. L'assureur, au moyen d'une prime plus forte que la prime de paix, s'est soumis à courir les dangers d'une rupture. Il espérait que la déclaration de guerre étant faite par le roi de France, tous les vaisseaux qui pourraient se trouver en risque à cette époque, auraient le temps d'échapper aux mains de l'ennemi. L'assure, par cet arrangement mitoyen, se mettait à l'abri des risques d'une rupture imprévue de la part des Anglais, sous une prime bien moindre que la prime de guerre. Ce calcul mutuel des profits à espérer et des pertes à craindre, les parties le rédigerent en contrat, et elles désignérent une époque pour terme de leurs engagemens; cet acte mercantile doit être aussi religieusement exécuté, que le sont les obligations que les citoyens contractent jour nellement entre eux. Enfin, il existe une loi que les parties se sont imposée : l'exécution en est indispensable ; elles l'ont fait dépendre d'une condition; ceffe condition est un événement connu, une époque spécialement désignée, qui vient de se vérifier ».

Les assureurs se fondaient, à cet égard, sur la lettre de Louis XVI, du 10 juillet 1778, dans laquelle il annonçait « que les attentats » multipliés des ennemis de l'Etat, ayant mis » un terme à sa modération, il se proposait » d'agir hostilement contre le roi d'Angleterre; "il exhortait ses officiers et tous ses sujets à » seconder, par leur zele, la vengeance écla» tante qu'il devait à la dignité de sa couronne".

Les assureurs invoquaient encore les dispositions de la lettre du 5 avril 1779,dans laquelle Louis XVI, pour prévenir toutes contesta

tions préjudiciables au commerce, avait fixé l'époque des hostilités au 17 juin 1778.

« C'est inutilement (disaient-ils) que les assurés voudraient nier l'existence d'un événement connu et incontestable. Qu'importe que la guerre n'ait pas été précédée d'une déclaration solennelle? Il ne faut pas juger les opérations d'un Etat, d'après les règles prescrites pour les contrats des citoyens. Les formalités qui doivent précéder ou accompag ner une déclaration de guerre, sont toutes arbitraires.

>>Ce qui peut seul intéresser les particuliers, ce sont les dangers qui en sont les suites. Or, à cet égard, peut-on se dissimuler que la guerre existe » ?

On citait des exemples d'hostilités commises dans le mois de mars 1778. Les navires la Themis et le Baudouin, allant de Marseille au Havre, avaient été arrêtés à Guernesey, etc., etc. Les assureurs excipaient encore des dispositions d'un règlement fait par la chambre du commerce de Guyenne, qui leur était favorable; et d'une foule d'arrêts du conseil par lesquels était constatée l'existence de l'événement qui formait la condition du con

trat.

Les assurés soutenaient, au contraire, que l'augmentation de prime était injustement prétendue, 1o. parceque l'événement arrivé n'était pas celui en vue duquel l'augmentation avait été promise; 2o. parcequ'il ne pouvait y avoir lieu à une augmentation de prime, n'y ayant pas eu augmentation de risques.

Nos Polices (disaient-ils) ne promettent l'augmentation, ni en cas de guerre ou de déclaration de guerre seulement, ni en cas de guerre, hostilités ou représailles ; elles la promettent en cas de déclaration de guerre ou de prise de navire. Qu'importe ce qui a été jugé, lors de la dernière guerre ? Les arrêts rendus en faveur des assureurs, n'ont pas jugé que la condition, en cas de déclaration de guerre, fut la même en soi que celle en cas de guerre, hostilités et représailles; ils ont pris cette condition, non dans le sens propre, mais dans le sens plus étendu, que les parties y avaient vraisemblablement attaché. Ces jugemens sont inapplicables à la cause présente, où la volonté des parties et la lettre du contrat ne peuvent se diviser, sans qu'on fasse violence à l'une ou à l'autre. A l'époque où nos Polices ont été souscrites, trois événemens pouvaient être le sujet d'nne prime conditionnelle: la déclaration de guerre, les hostilités, les représailles. Quel est celui de ces trois événemens qui est arrivé? La lettre du 10 juillet 1778, elle du 5 avril 1779, ne cons

tatent que des hostilités non précédées de déclaration. Or, notre contrat ne porte que sur le cas de déclaration de guerre ou de prise du navire. Nous ne sommes donc pas dans le cas de l'augmentation, puisque l'événement prévu n'est pas arrivé. L'état de guerre n'a veritablement existé que le 29 juillet 1778, jour de la proclamation du roi d'Angleterre. Or, le Maréchal de Brissac est arrivé le 28 de ce mois.

» D'ailleurs, la prime est le prix des risques; l'augmentation de prime promise, si tel évé nement arrive, est un surcroît de prix conditionnel, pour un surcroît de risques éventuels. Donc si, au 28 juillet 1778, jour de l'arrivée du navire le Maréchal de Brissac, il n'y avait pas eu de risques plus considérables que ceux qui existaient à l'époque du contrat, l'augmentation de prime n'est pas promise aux assureurs. Or, il est prouvé que les navires anglais, soit vaisseaux du roi, soit corsaires, ont respecté notre commerce, long-temps encore après leurs premières hostilités contre la marine de l'Etat, et après la lettre du chef du gouvernement à l'amiral. Dans le fait, notre commerce n'avait encore reçu aucune insulte, le 28 juillet, jour de l'arrivée du Maréchal de Brissac à Bordeaux. Les premières prises n'ont été faites sur nos vaisseaux marchands, que postérieurement à la proclamation du roi d'Angleterres, du 29 juillet, et à l'expédition des lettres de marque ».

Sur ces defenses respectives, arrêt du 19 juillet 1779, qui « met l'appellation au néant; » ordonne que ce dont est appel, sortira son » plein et entier effet; renvoie, les parties et » matière au lieutenant de l'amirauté, pour » faire exécuter la sentence suivant sa forme » et teneur ; condamne les appelans à l'amende » et aux dépens; faisant droit sur le réquisi»toire du procureur général, ordonne, par » forme et manière de règlement, que les » hostilites donnant lieu à l'augmentation des » primes d'assurance, convenues pour le cas » de guerre, seront et demeureront fixées au 17 juin 1778, et qu'au moyen de ce, toute » augmentation de prime d'assurance, deter» minée dans le contrat, et subordonnée aux » cas de déclaration de guerre, hostilités ou » représailles, sera due depuis cette époque, » pour tous les navires sur lesquels lesdites » assurances auront été faites; et quant aux » assurances des navires arrivés à leur desti» nation après le 17 juin 1778, à raison des» quels il aura été convenu de suivre pour l'augmentation desdites primes, le taux de » la place, ladite augmentation sera fixée et réglée suivant ledit taux, par la chambre

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» de commerce de Marseille; ordonne en outre que l'arrêt sera imprimé, affiché et pu » blié... .. et qu'il en sera envoyé un exem» plaire à la chambre de commerce de Marseil»le, pour y être enregistré ».

V. ci-après, nos. 17 et 31.

L'augmentation de prime stipulée en temps de paix, pour le cas où la guerre viendrait à est-elle être déclarée pendant la navigation, due par le seul fait que la déclaration de guerre a précédé l'arrivée du navire à sa destination, quoiqu'elle n'ait pas pu y parvenir avant le navire même ? Voici une espèce dans laquelle cette question s'est présentée.

Le 9 pluviose an 11, le navire la Côte-d'Or est assuré à Bordeaux pour un voyage qu'il doit faire de Brest à Pondichery et Chandernagor. Fixation de la prime à quatre et un quart pour cent pour les risques de mer; et stipulation d'une seconde prime de vingt-cinq pour cent, dans le cas de guerre entre la France et quelque puissance maritime pendant la durée des risques.

Le 15 ventôse suivant, le navire part de Brest.

déclaraLe 27 floréal de la même année, tion de guerre à la France de la part de l'Angleterre.

Le 24 messidor an 11, le navire arrive à Pondichery, mais au lieu de se rendre de là à Chandernagor, sa deuxième destination, il rétrograde de Pondichéry à l'Isle-deFrance, où il mouille le 3 fructidor.

A l'échéance du terme fixé pour le paiement des primes, s'élève la question de savoir si les assureurs ont droit aux deux primes, ou seulement à celle de quatre pour cent.

Sur cette question, deux instances s'engagent, la première, par quelques assureurs, devant le tribunal de commerce de Bordeaux;

la seconde, les autres assureurs devant

des arbitres.

par

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Le 5 germinal an 12, jugement du tribunal` de commerce, qui condamne les assures à payer l'augmentation de prime stipulée pour le cas éventuel de guerre.

Le 5 fructidor suivant, sentence arbitrale qui juge de même,

« Attendu que, le 9 pluviôse an 11, les assurances ont été faites sur pacotille et corps du navire la Côte-d'Or, pour, de Brest, aller à Pondichery et Chandernagor, à raison de quatre et un quart pour cent de prime ; que, par les mêmes contrats, il a été convenu d'une augmentation de prime de vingt-cinq pour cent, en cas de guerre entre la France et quel. que puissance maritime, et que le cas prévu TOME XXIII.

est arrivé; que, de l'aveu des assurés, le navire la Côte-d'Or est parti de Brest le 15 ventôse an 11; qu'il a relâché à Falsebay, le 1er. prairial; qu'il en est sorti le 10 du même mois ; qu'il est arrivé à Pondichery le 24 messidor; que, sur l'avis secret du général Linois, confié au général Binot, le capitaine Dufresne coupa ses câbles la nuit pour aller à l'Isle-deFrance ; que, le lendemain, il fut joint par une fregate anglaise qui lui donna l'ordre de revenir au mouillage; qu'il y rentra en effet le 25 dudit mois; qu'après avoir pourvu aux réparations et aux approvisionnemens nécessaiil est reparti de Pondichery le 4 thermidor, et qu'il est arrivé à l'Isle-de-France, où il a désarmé le 5 fructidor an 11;

res,

» Que la guerre s'étant déclarée,le 27 floréal an 11, entre la France et l'Angleterre, toutes les circonstances ci-dessus détaillées démontrent évidemment que le navire la Côte-d'Or a navigué trois mois et six jours pendant la guerre ;

>>Que les termes des deux contrats du 9 pluviose an 11 devant être entendus dans leur propre sens, et le temps des risques étant réglé par la stipulation, les assureurs n'en ont été déchargés que le jour où l'entier déchargement dudit navire a été mis à terre à l'Islede-France, parceque ce n'est que forcément que le capitaine Dufresne a abandonné les lieux de risques déterminés par le contrat, et que là où le déroutement est force, ces mêmes lieux se retrouvent aux yeux de la loi; que la clause de ces contrats doit être prise à la lettre, sans aucune extension; et qu'il est de principe que le seul fait de la guerre avant l'arrivée du batiment à sa destination, décide du droit de faire valoir la stipulation de l'augmentation de prime; que, dans l'hypothèse, il ne s'agit de prendre cette clause que dans le sens que les parties avaient entendu y attacher de part et d'autre, c'est-à-dire, considerer la déclaration de guerre et ses effets, comme événemens incertains; qu'elle ajoutait à ceux qui devaient former la matière desdits contrats ; que, dès qu'il y a eu déclaration de guerre long-temps avant l'arrivée du navire la Côted'Or à l'Isle-de-France, on ne peut pas dire que ce navire soit étranger au fait de la guerre, qu'il ne serait pas plus raisonnable de soutenir qu'il résulte de l'absence du risque effectif, l'absence du risque possible ».

Les assures appellent de cette sentence à la cour de Bordeaux, qui la confirme par arrêt du 26 mars 1806.

Ils se pourvoient en cassation; et voici le moyen qu'ils proposent :

Il est de l'essence du contrat d'assurance, 51

que la prime convenue soit l'équivalent du risque; prime et risque sont deux correlatifs qui ne peuvent subsister l'un sans l'autre ; ôtez le risque, il ne peut plus y avoir de contrat d'assurance, et par conséquent il ne peut plus y avoir de prime....; et, comme le porte le réglement de la chambre de commerce de Bordeaux, sur les assurances, page 28, il ne faut pas faire participer l'assurance de la gageure; car où l'assuré n'a pas de risque à courir, il n'y a plus d'assurance à recevoir pour l'assureur.

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» Or, par le contrat du 9 pluviôse an 11 on n'a nullement dérogé aux principes qui sont de l'essence des contrats d'assurance.

» Les parties ont stipulé deux primes: l'une, de quatre et un quart pour cent, pour les risques et fortunes de mer; l'autre, de vingt-cinq pour cent, en cas de guerre.

» En stipulant deux primes,les parties y ont nécessairement attaché deux risques, par une suite même de la nature de toute prime, qui n'est que l'équivalent d'un risque.

» La prime stipulée pour les risques maritimes, est due par le fait seul du voyage.

» L'augmentation, au contraire, de cette prime, ne peut être due que dans le cas où le navire assuré aura pu courir des risques par le seul fait de la guerre: telle est la loi du

contrat.

>> Maintenant, le navire la Côte-d'Or a-t-il été, a-t-il pu être exposé pendant la navigation à aucun des risques de la guerre? La négative résulte des faits même convenus au pro

cès.

» Il est convenu que le navire assuré est arrivé à l'Isle-de-France le 3 fructidor an 11, et qu'il y a terminé son voyage.

» Il est convenu, d'un autre côté, que le réglement de la chambre du commerce de Bordeaux, sur les primes dues en cas de guerre, a établi que la possibilité des risques de guerre, pour tous les navires venant d'Europe à l'Isle-de-France, n'avait commencé le que 17 du même mois, c'est-à-dire, quatre jours après l'arrivée du navire la Côte-d'Or à sa destination.

» Il est donc bien sensible que la prime convenue en cas de guerre, n'était pas due aux assureurs, puisqu'ils n'avaient couru ni pu courir aucun risque par l'effet de cette guerre,dont la nouvelle n'avait pu arriver au lieu de la destination du navire assuré, qu'après que le navire y était déjà lui-même arrivé. » Vainement le jugement arbitral, confirmé par l'arrêt attaqué, prétend-il que le seul fait de la guerre avant l'arrivée du navire à sa destination, décide du droit de faire valoir la

stipulation de l'augmentation de prime; et que, dès que le navire a navigué pendant la guerre, on ne peut pas dire qu'il soit étranger au fait de la guerre.

» N'est-il pas encore sensible en effet que la navigation d'un navire, depuis la déclaration d'une guerre, mais avant que cette déclaration ait pu parvenir dans les parages où cette navigation avait eu lieu, rendait cette navigation parfaitement étrangère au fait et aux risques de cette guerre?

» N'est-il pas sensible que la déclaration de guerre faite à Londres le 27 floréal, ne fut, ce même jour, qu'une continuation de paix pour l'Inde; et qu'ainsi, il y eut impossibilité physique que la navigation qui eut lieu à cette épo que dans l'Inde, fût exposée à aucun événement,à aucun risque résultant de la déclaration de guerre?

»N'est-il pas sensible que cette impossibilité physique dura pendant tout l'intervalle de temps qui s'écoula entre la déclaration de guerre et la possibilité de l'arrivée de la connaissance de cette déclaration dans l'Inde ?

» N'est-il pas par conséquent sensible que la navigation faite dans cet intervalle, fut absolument étrangère, soit au fait de la guerre, soit aux risques qu'elle pouvait causer?

» Le jugement arbitral et l'arrêt confirmatif reconnaissent aussi que ce n'est pas du simple fait de la guerre, mais de ses effets, que résulte le droit de l'augmentation de la prime; il faut considérer la déclaration de guerre et SES EFFETS comme événemens incertains, que la clause ajoutait à ceux qui devaient former la matière desdits contrats.

» Mais si les effets de la guerre n'ont pu atteindre le navire assuré pendant tout le cours de sa navigation, il faut en conclure ( d'après l'arrêt même attaqué, qui interprète l'intention desparties) que l'événement incertain qui devait produire l'augmentation de la prime n'est pas arrivé; que cette augmentation n'est pas due.

» Quel était cet événement incertain? Les risques à courir par suite des effets de la guerre: or, là où les effets de la guerre n'ont pu exister, là n'ont pu avoir lieu non plus les risques de la navigation, et là aussi n'a pu se réaliser la condition à laquelle était essentiellement attachée l'augmentation de prime.

» Ainsi, l'arrêt attaqué ayant considéré que, d'après l'intention des parties, la déclaration de guerre et ses effets étaient les événemens incertains desquels devait dépendre l'augmen tation de la prime, il aurait dù déclarer cette augmentation non due, puisque la déclaration de guerre avait eu lieu,sans que les effets

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