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premiere qu'il avoit fu conserver; enrichi par des qualités acquifes, & par un plus grand ufage de foi même, qui produit au théatre la calme jouiffance de ses facultés au moment de l'exécution, Préville put donner un effor libre à cette création fubite de l'efprit qui marque les chofes d'effet fortantes du fond; & à ·cet égard, notre grand artiste a pouffé au plus haut dégré ce fecret de fixer le trait, fans quitter le fujet, fans bleffer le bon goût, & fans jamais dépaffer la vérité : c'étoit toujours en lui le comique le plus vif, le plus coloré; c'en étoit l'extrême, ce n'en étoit jamais l'excès. «

M. Molé fait enfuite le parallele de Préville & de Poiffon, qu'il venoit remplacer. Il le termine ainfi :

» Que trouva le public dans Préville? Un 'artiste vrai, d'une compofition juste, qui fondoit parfaitement les fecrets de la nature, dont le tact savoit faifir toutes les nuances ; qui n'étoit jamais lui-même comme Poiffon l'étoit toujours; qui s'étoit fait une loi de penfer que chaque caractere a fa phyfionomie extérieure ; que ce n'eft pas fans raifon qu'on dit dans la fociété, de tel homme, qu'il a l'air vain & fot; de tel autre, qu'il ́ peint la probité; de celui-ci, qu'il a l'air perfide; de celui-là, qu'il porte un témoignage de bonté, & mille différens tra ts caractéristiques, qui annoncent au-dehors l'ame morale de chaque individu; d'où Préville conclut que l'obligation premiere de l'artiste chargé de repréfenter les hommes, dans quelques fituations -qu'ils foient employés, devoit

être avant tout de s'appliquer à les montrer à l'ail, & de completter ainfi aux yeux du fpectateur attentif, le tableau du perfonnage mis en action..<<

Après avoir ainfi développé les principales regles de l'art, dans lequel Préville fut un fi grand maître, M. Molé nous le montre dans la plupart des rôles où il se rendit fi justement célebre ; & en nous difant comme cet artiste les jouoit, il nous apprend comme il faut qu'on les joue. Si nous avions un travail femblable fur chacun des acteurs qui ont créé des rôles intéreffans, nous verrions fixer cette tradition fugitive, qui leur donnoit une phyfionomie qu'il n'ont plus, parce qu'elle a été perdue. Cette confidération devroit porter M. Molé à noter les rôles importans qu'il vivifie, & qui peut-être après lui ne feront pour nous, aulieu de portraits animés par la vérité des couleurs & de l'expreffion, que des deffins froids & fans coloris, trop heureux encore qu'ils nous foient retracés avec exactitude.

Les grands talens fe rapprochent en tout du point que M. Molé, en nous dépeignant ceux. de Préville, nous a prefque toujours dépeint les fiens; auffi, avec quel plaifir ne lui entendons-nous pas dire :

» L'éloge de Préville feroit incomplet, fi je taifois en lui une des qualités de fon talent, qui entre néceffairement dans l'ensemble de la perfection, & fait le plus d'honneur au tact, à l'efprit délicat de l'artifte du théatre, celle

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partie du goût mérite d'autant plus d'être célébrée, qu'elle eft plus rare, & qu'elle rapproche de plus près l'artiste du littérateur dramatique, Je veux dire ici, cette néceffité de traduire avec grace les vers en une prose élégante, pour être parlés avec plus de vérité; d'en faire fentir le nombre, fans en faire compter les fyllabes; d'en faifir le repos avec justesse, sans égard pour l'hémiftiche & la rime; d'y fixer le mot de la chofe, fans s'y appefantir; enfin, d'y être vrai fans contrainte faillant fans gêne, naturel avec aifance, peintre fans maniere, riche fans fafte, s'il faut être simple, & faftueux fans apprêt, s'il faut être énergique & noble. Remplir ce devoir, c'eft s'identifier avec l'auteur; c'eft faire difparoître fes torts, s'il lui en est échappé, & le montrer dans toute fa grace, fa vérité & fon élégance, fi c'eft fon coloris. Cet art fut pouffé à la perfection par Préville, & il mérite trop d'être confidéré, pour le paffer fous filence; l'avoir omis, auroit été un reproche que le bon goût & la vérité auroient pu me faire.

» Du refte, il fut un des plus zélés propagateurs de fon talent. Incapable de jaloufie & de toutes les petites réserves de la vanité; trop grand pour craindre, & trop enflammé de fon arť pour défirer de le voir périr en lui, il fut le premier à provoquer l'établiffement d'une école, à laquelle, pendant un certain tems, il a donné des foins. De cette école, il s'eft répandu en province des fujets eftimables & bien inftruits des grands principes. Le théatre françois lui

a dû Mlle. Luzy, cette charmante foubrette, que le public a perdue trop tôt, & Mile. Joly, autre foubrette, maintenant au théatre, qui chaque jour défigne, par fes succès, la fource où elle les a puifés. Mlle. Contat elle-même, dès fon très-jeune âge, y a pris les premiers erremens du talent parfait qu'elle déploie aujourd'hui ; & quoiqu'elle foit également éleve de l'époufe de Préville, actrice pleine d'intelligence & de nobleffe dans l'emploi des premiers rôles de la comédie, il eft à croire que dans cet enfemble de talens unis, Préville aura concouru, pour fa part, à la formation de ce rare fujet; d'où il s'enfuit que le mari & la femme ont reproduit de concert le génie d'un grand artiste fous les traits de la beauté & des graces.

» Quant au perfonnel de Préville, un grand poëte l'a deviné; il l'a peint en deux vers, auxquels on ne trouvera pas plus à corriger à fon fujet, qu'on ne pourroit trouver à changer aux fuperbes vers de la métromanie.

C'est un fort galant homme, excellent caractere,
Bon ani, bon mari, bon citoyen, bon pere.

Tel eft l'éloge de Préville, que tous les artiftes, qui parcourent la carriere du théatre, feront bien de méditer. Les regles fondamentales de l'art du comédien y font favamment développées. Comme Préville, M. Molé a fu les puifer dans le fein de l'immuable nature: auffi a-t-il pensé avec raifon qu'il ne pouvoit mieux

fit; mais s'il n'a rien moins fallu que M. Molé, pour faire l'éloge de Préville, qui ofera déformais entreprendre l'éloge de M. Molé? (Journal des Spectacles.)

RÉFLEXIONS générales fur l'utilité de l'anatomie artificielle, & en particulier fur la collection de Florence, & la néceffité d'en former de femblables en France; par M. DES GENETTES, médecin de l'armée de la république en Italie.

UN François, de concert & avec l'agré

ment du miniftre de la république en Toscane, vient de propofer au gouvernement de fe procurer une copie de la collection d'anatomie artificielle du cabinet de phyfique & d'hiftoirenaturelle de Florence, pour être déposée au fein de la capitale, & deftinée à l'inftruction publique.

J'ai cru qu'une connoiffance très-exacte de cette immenfe & précieufe collection, & une longue étude de l'anatomie me permettroient peut-être de difcuter cette propofition avec quelqu'avantage pour le bien de mon pays & l'avancement de l'art auquel j'ai confacré ma vie.

L'origine de l'anatomie eft très-ancienne. Les Egyptiens & les Grecs, qui occupent un rang

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