AVIS DES LIBRAIRES-ÉDITEURS SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION. QUE Lorsque les Mémoires de madame Roland parurent l'année dernière, l'édition tout entière était épuisée deux mois après leur publication. Celle que nous mettons en vente aujourd'hui est pour ainsi dire enlevée avant d'avoir vu le jour : nous avons été forcés de délivrer des bons aux souscripteurs qui se présentaient en foule pour réunir ces Mémoires à la suite de la collection. Ils offrent donc un intérêt qui survit aux circonstances; il y a donc, dans les écrits, comme dans la conduite de la femme célèbre dont ils sont l'ouvrage quelque chose de noble et de touchant qui triomphe même du temps et de la haine des partis. Douée d'un esprit élevé et d'une raison puissante, madame Roland avait reçu du ciel un don plus rare encore: son ame était généreuse et grande. Le charme irrésistible répandu dans ses Mémoires, tient à ce mélange de délicatesse dans les sentimens, d'énergie dans les opinions et de force dans le caractère, qui tour à tour excite la surprise, l'intérêt, l'attendrissement, et nous force à donner ou des éloges à son courage, ou des larmes à ses malheurs. Un écrivain de l'esprit le plus fin, du talent le plus brillant; un historien qui cache à dessein la profondeur sous les agrémens du style, M. Lémontey avait prédit le succès qu'obtiendrait la réimpression des Mémoires de madame Roland. « Je me souviens, » dit-il en rendant compte de ces Mémoires l'année dernière (1), « je me souviens de la sensation profonde que fit, il y a environ vingt-quatre ans, leur première apparition, et j'avoue que j'aurais une idée peu favorable de ceux qui pourraient les lire, ou même les relire, sans être vivement émus. La circonstance dans laquelle ils furent composés est unique dans l'histoire des lettres. C'est dans l'obscurité d'une prison, dans l'attente de la mort, et au bruit des hurlemens de la terreur, qu'une femme encore jeune, de mœurs douces, d'une ame pure, d'un esprit orné, et d'un courage indomptable, trace les souvenirs de sa vie, l'horreur du temps présent, et la sentence de ses bourreaux. Ses Mémoires offrent deux parties distinctes. Madame Roland a consacré la première aux souvenirs de son enfance, au temps qui a précédé son mariage et la révolution. Quand ce récit serait médiocre, on le lirait encore avec joie en pensant que sa composition a pu distraire un instant les douleurs de cette femme célèbre. Mais qu'il est loin d'avoir besoin de cette excuse! Combien, dans sa simplicité, son style est vif, piquant, énergique! Combien ses portraits sont frappans et ses peintures ravissantes! que d'esprit et de finesse! que d'observations solides! Elle tient quelquefois le burin de La Bruyère et de Montaigne, et encore Montaigne (1) Constitutionnel du 4 novembre 1820. |