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AU REDACTEUR.

Paris, 31 mars 1817.

Vous ne savez peut-être pas, Monsieur, que le Journal de Paris æ daigné s'occuper de vous, et que, dans son numéro du 28 mars, il› critique la lettre insérée précédemment dans votre journal, et dans laquelle on proposoit de donner aux chevaliers de Malte, pour résidence, Porto d'Auzo di Nettuno. L'Ami de la Religion, ajoute-t-il, ignore sans doute que cette petite ville est une de celles où l'air est le plus mal sain, et que même son climat est plus dangereux, en quelque sorte, que celui des Marais-Pontins. On voit que l'Ami de la Religion choisit singulièrement ses présens, et que c'est bien le cas de dire après le bon Lafontaine :

Rien n'est plus dangereux qu'an ignorant ami.

J'imagine bien que vous serez pen sensible à ces plaisanteries, qui, au foud, retombent en plein sur le critique lui-même; car c'est lui qui, en voulant vous redresser, fait preuve d'ignorance. Il auroit dû savoir qu'Antium étoit un port renommé du temps des Romains, et que la ville étoit peuplée et ornée de beaux édifices. Dans les derniers siècles, plusieurs Papes entréprirent d'y rétablir le commerce. Si leurs soins n'ont pas eu tout le succès qu'on devoit en attendre, les chevaliers de Malte, qui n'auroient que cet objet en vue, seroient peut-être plus heureux. Nous savons ce qu'ils ont fait dans l'île de Rhodes et à Malte, et nous ne doutons point que leur patience et leurs travaux n'eussent un entier succès. Si le critique avoit lu la lettre avec attention, il auroit vu que l'auteur y indiquoit l'avantage de vivifier tout ce pays, et que par conséquent il savoit bien qu'on y comptoit peu de population. Quant au mauvais air, dont le savant critique exagère le danger pour faire briller ses connoissances, il est encore en défaut sur ce point. Porto d'Anzo n'est pas plus dangereux que les Marais-Pontins dont il est éloigné de quelques lieues. Plusieurs seigneurs romains y ont des villa où ils vont passer la belle saison; ils n'iroient sûrement pas y chercher le mauvais air par plaisir. Enfin, le Journal de Paris se seroit épargné cette dépense d'esprit s'il cût su que la lettre étoit d'un Italien distingué par son nom et par ses connoissances, né dans l'Etat de l'Eglise, et qui a résidé près de vingt ans à Rome. Il est vraisemblable qu'il connoît aussi bien les localités que le rédacteur du Journal de Paris,

Si vous vous souciez peu, pour votre compte, d'une critique aussi maladroite, peut être cependant jugerez-vous à propos, Monsieur, d'insérer cette réponse pour justifier l'auteur de la lettre, pour satisfaire vos lecteurs, et pour renvoyer au Journal de Paris les complimess qu'il veut bien vous faire. J'ai l'honneur d'être,

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{Mercredi 30 avril 1817.)

(No. 284.)

Considérations sur la Divinité de Jésus-Christ, adres

sées à MM. les étudians de l'auditoire de théologie de l'église de Genève; par Henri-Louis Empaytaz, Genevois.

L'hérésie arienne, qui tient une si grande place dans l'histoire de l'Eglise des premiers temps, et qui lui suscita une persécution si longue et si cruelle, paroît être encore un scandale réservé aux derniers âges, et après avoir presque étouffé le christianisme à son berceau, elle menace aujourd'hui de le miner, d'une manière moins éclatante et moins furieuse peut-être, mais non moins désastreuse dans ses résultats. Le dogine capital de la divinité de Jésus-Christ est actuellement méconnu dans des communions qui portent encore le nom de chrétiennes, et les enfans de Luther et de Calvin ont donné la main aux disciples de Socin et de Priestley. Les renseignemens les plus positifs et les plus récens que l'on a obtenus sur l'état des églises protestantes, prouvent à quel point l'arianisme y a pénétré, et combien on s'y est éloigné de l'enseignement des premiers réformateurs. On a pu voir à cet égard des détails très-circonstanciés dans l'Histoire des sectes religieuses, par M. l'abbé Grégoire, ouvrage dont nous nous proposons depuis long-temps de parler, sans que l'abondance des matières nous l'ait encore permis. Il en parut des extraits dans les deux derniers volumes des Mélanges de philosophie, publiés Tome XI. L'Ami de la Religion et du Roi.

pour

chez Le Clere, en 1811, et depuis on en a inséré la substance en divers endroits des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique pendant le 18. siècle. Ils n'offrent que trop de preuves des ravages que le socinianisme a faits en Allemagne et en Angleterre parmi les chefs même du clergé protestant. Dans la première de ces contrées, la défection est presque générale, et l'on voit dans l'Allemagne protestante, dit M. Stapfer, le pasteur, le professeur qui montent en chaire précher l'Evangile au peuple, et pour former des ministres futurs, jeter dans leurs livres le doute sur les doctrines reçues en théologie, ou ébranler les principes et la vérité des faits sur lesquels repose la foi chrétienne, sans que le public y trouve rien à redire ; tant est grande la révolution que les écrits d'Eberhard et des théolgiens de son parti ont produite, en quelques années dans les opinions des classes supérieures de la société. (Biographie universelle, article Eberhard). La contagion n'est pas moins répandue en Angleterre, et où l'unitarianisme, le christianisme rationel, l'indifférence et une liberté illimitée de penser étouffent chaque jour la révélation. Une lettre que nous insérâmes dernièrement sur l'élat de la religion dans les Etats-Unis, indiquoit que le désordre des opinious y étoit aussi porté à son comble; tant les maladies morales de l'Europe ont aussi infecté ce nouveau monde!

Il y a déjà soixante ans que l'église de Genève fut accusée d'avoir donné le signal de la défection. D'Alembert, dans l'article Genève de l'Encyclopédie, prétendit que plusieurs des pasteurs de cette ville ne croyoient plus à la divinité de Jésus-Christ, et n'avoient d'autre religion qu'un socinianisme qui rejetoit tous les mystères. Les ministres s'assemblèrent et ré

digèrent une déclaration, datée du 10 février 1758, qui ne parut pas dissiper d'une manière péremptoire les soupçons énoncés par le philosophe. Elle est si vague et si générale qu'elle sembla, au contraire, les fortifier. Des chrétiens bien fermes dans leur foi se fussent exprimé d'une manière nette et positive. Les ministres, en assurant qu'ils admettoient les menaces d'une condamnation éternelle, ne spécifioient point qu'ils crussent que les peines de l'enfer n'auroient point de fin; et le texte auquel ils se bornoient sur la divinité de Jésus-Christ, avoit été employé autrefois par les ariens même, qui prétendoient l'expliquer conformément à leur systême. Rousseau, leur compatriote, peignit assez plaisamment leur embarras, leurs tergiversations et l'obscurité de leurs réponses, et on fit sur leur déclaration des commentaires qui ne tournoient pas à l'avantage de leur sincérité et de leur foi. Depuis d'autres renseignemens vinrent encore confirmer l'opinion qu'ils avoient donnée de leurs sentimens. Le Catéchisme de Jacob Vernes, un de leurs pasteurs, apprit au au monde chrétien que ce ministre ne regardoit ni la Trimité, ni la Divinité de Jésus-Christ, ni le péché originel, ni la nécessité de la révélation, ni l'éternité des peines, comme des dogmes essentiels et fondamentaux; et M. Marron, président du consistoire de Paris, a fait imprimer une Lettre à feu M. Le Coz, où il dit qu'il a adopté cé Catéchisme à l'usage de toutes les communions chrétiennes, et dont il avoue que c'est-là, à ses yeux, le principal mérite. Sa leure, datée du 18 brumaire 1804, a été insérée, par Rabaut le jeune, dans ses Détails historiques et Recueil de pièces sur divers projets de réunion, publiés en 1806. Les lettres des autres minis

wres, rapportées dans le même ouvrage, après celle de M. Marron, aunoncent la même disposition à laisser de côté des dogmes fondamentaux, et à ne pas mettre d'importance à quelque différence dans la foi.

pro

Mais rien ne peut mieux que l'écrit de M. Empaytaz prouver quelle est aujourd'hui la manière de penser dominante parmi les chefs du calvinisme, et surtout à Genève, qui en fut le berceau, et qui en est encore comme le chef-lieu. M. Empaytaz cite une foule de faits qui ne permettent pas de douter que le dogme de la divinité de Jésus-Christ n'ait été éliminé du symbole des ministres génévois. Il le montre par leur Catéchisme, par leur liturgie, par les Traités de leurs fesseurs de théologie, par la version de la Bible qu'ils ont adoptée, par les prédications des pasteurs, et par les thèses publiques, que l'on fait soutenir aux aspirans au ministère. 1o. le Catéchisme; jusque vers 1780, les ministres faisoient réciter, chaque diman che, le Catéchisme de Calvin, où Jésus-Christ est reconnu pour vrai Dieu et vrai homme. Depuis ce temps on a aboli cet usage. Les étudians se servoient, pour s'exercer dans leurs thêmes, des Catéchismes de Superville et d'Ostervald, où la divinité de JésusChrist est positivement enseignée; on n'a plus recours aujourd'hui à ces sources, et le Catéchisme consacré à l'instruction de la jeunesse et à celle de tous les fidèles, garde actuellement un silence absolu sur ce dogme, comme on peut s'en assurer en consultant l'édition de 1814, chez Paschoud. Non-sculement même il ne fait pas mention de ce dogme, mais de plus il présente simplement le Sauveur comme un envoyé du ciel, comme le premier né entre toutes les créatures auquel nous devons des sentimens non d'adoration, mais de

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