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DEUXIÈME PARTIE.

PHILOSOPHIE SOCIALE.

CYCLE DE L'HUMANITÉ.

I

FORMATION ET TRANSFORMATION DES SOCIÉTÉS HUMAINES.

De même que la vie de l'homme, l'histoire des sociétés humaines se déroule en trois phases: l'enfance, la virilité, la vieillesse; on peut les désigner également par l'état de formation, l'état de puissance virile et l'état de décadence.

Ces trois grandes phases se divisent chacune en plusieurs époques.

La première phase comprend : 1° L'état de chasseur.

2o L'état de pasteur nomade. 3° L'état de tribus errantes

La seconde phase montre la fondation de la Cité et ses développements. Les familles, les tribus, se rapprochent, s'unissent, assoient leurs foyers sur le sol de la patrie et demandent à l'agriculture leurs moyens d'existence.

1o La royauté naît du besoin de la commune défense et du principe d'unité nécessaire à toute société humaine;

2o L'aristocratie précède, accompagne ou suit la royauté; les chefs des grandes familles ou tribus sont les patriciens.

3o Les gouvernements populaires se développent dans la lutte des trois pouvoirs; la monarchie, l'aristocratie et la démocratie. Chacun de ces pouvoirs peut vaincre et être vaincu à son tour et fonder la monarchie comme en France, l'aristocratie comme à Rome, la république comme aux États-Unis et le gouvernement pondéré des trois pouvoirs en Angleterre.

La troisième phase, est l'âge de décadence et de décrépitude; ses époques sont marquées par : 1° L'anarchie.

2o Le despotisme.

3o La conquête.

4° L'état de barbarie.

5° L'état sauvage.

Le cycle social se termine comme il commence ; par l'état de chasseur et de pêcheur, ce qui n'est pas une raison suffisante de croire que l'état sauvage fut l'état primitif.

Telle est la vie des sociétés humaines, mais une vie plus puissante les anime à leur insu; la vie de l'humanité, qui, de tous les peuples, tend à former une seule unité comme chaque société isolée tend à former une seule famille de toutes les familles réunies dans son sein.

Cette grande œuvre de l'humanité trouve ses instruments les plus actifs dans le commerce, la colonisation et la conquête.

Il est rare qu'une société puisse seule accomplir son évolution complète; presque toujours elle est entraînée par le commerce dans de nouvelles voies, ou bien elle se transforme sous l'influence de la colonisation ou se régénère par l'invasion et la conquête d'un peuple supérieur.

L'humanité eut son enfance; a-t-elle atteint sa virilité ; subira-t-elle dans les âges futurs la loi de décadence, de décrépitude et de mort qui est la condition même de la vie? je ne le sais; je suis historien et ne suis point prophète.

II

ETAT PRIMITIF.

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Les plus anciennes traditions de l'humanité, la Genèse, Sanchoniathon rapportent que l'homme dans son état primitif se nourrissait des fruits spontanés de la terre. C'est le paradis terrestre,

1. Sanchoniathon dans Eusèbe, Præpar. evangel. Cfr. Porphyre, de abstinentia, lib. I.

c'est l'âge d'or, c'est le règne de Saturne qui vit fleurir l'innocence, la justice et la paix.

La population augmente; de nouveaux besoins naissent, l'homme passe de l'état de frugivore à l'état de chasseur et de pêcheur; la guerre est déclarée; l'homme poursuit sa proie qui fuit et l'entraîne jusqu'aux limites de la terre habitable.

Agar et son fils Ismaël chassés des tentes d'Abraham se réfugient dans le désert. « Et Dieu fut avec le jeune garçon; il devint grand et demeura au désert et il fut tireur d'arc 1. »

Nemrod fut un grand chasseur devant l'Éternel '; il fonda quatre villes. Nemrod était donc, dans les traditions des premiers peuples, la personnification de l'état antérieur aux sociétés fixes.

Quel était le principe social, la base de la famille dans ces temps antéhistoriques ? Nous pouvons affirmer que la prééminence de la femme dans la parenté en fut le caractère distinctif. La certitude de la maternité et l'incertitude de la paternité n'en furent pas la cause; elle découla de cette croyance que l'on retrouve dans les plus anciens codes religieux et qui remonte aux traditions primitives de la race humaine. l'âme vient du père et le corps de la mère; le père fut, dès lors, le chef spirituel de la famille et de la communauté religieuse; la mère fut la source de la parenté terrestre et le lien qui unissait la famille par le sang.

1. Genèse, XXI, 20.

2. Genèse, X, 8. I, chra. I, 10.

Nous avons une preuve non équivoque de cette antique organisation de la famille dans une coutume transmise par les patriarches hébreux. L'enfant circoncis recevait un nom; il était imposé au premier né par le père, aux autres par la mère'. Et cela devait être ainsi puisque le premier né devait hériter de la puissance paternelle et les autres être soumis à l'autorité maternelle.

Cette influence de l'épouse dans la famille des premiers hommes, se retrouve dans les lois du législateur des Hindous, Manou, comme dans la Bible; elle existait chez les Germains et nous la constatons encore dans la loi salique qui fait passer la parenté maternelle avant la parenté paternelle 2.

Quelle que soit l'explication que l'on adopte, l'autorité de la femme dans la famille est un fait primitif universel.

1. En parlant du premier des fils de Juda (Genèse, XXXVIII, 3, 4), le mot pr vocavit est du genre masculin; pour les deux autres il y a p elle nomma au genre féminin. Voyez un grand nombre de passages de la Bible cités par le comte de Pastoret, Histoire de la législation, tome III, p. 20. 2. Lex Salica, tit. LXI, de Chredechruda.

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