Page images
PDF
EPUB

droit, mais nous posons en fait, en présence de l'histoire, que, par lui, l'homme affirme sa nature morale et sociale et repousse toute affinité d'origine avec les races animales.

Les jurisconsultes ont confondu le droit naturel avec le droit civil; je rechercherai ici les ressemblances et les dissemblances de ces deux bases de la science des lois.

Le droit naturel existe dans toutes les législations, mais il est antérieur aux législations; il est réglé, mais ne saurait être créé par elles.

Le droit naturel est un principe inhérent à la nature humaine; il est de création divine, éternel et immuable; toujours le même chez tous les peuples et dans tous les temps; le droit civil est sa forme extérieure, toujours diverse et changeante selon l'espace et le temps parce qu'il est de création humaine.

Sous le point de vue philosophique, le droit naturel est le principe de nécessité; le droit civil est le principe de liberté. Le développement des institutions sociales se déroule dans l'antagonisme, le combat et l'union de ces deux sources des lois humaines.

Le droit naturel repose sur la notion absolue du juste et de l'injuste; le droit civil sur la notion relative. Ce qui est juste civilement chez un peuple est injuste chez un autre la polygamie, la puissance paternelle sans limites, les droits de tester et de déshériter sont autorisés ou interdits selon les peuples et les temps.

Le droit vraiment naturel, celui qui est inhérent à la nature humaine, hors duquel l'homme n'est plus un homme mais une brute, ce droit n'a pas été abandonné aux caprices des législateurs ou aux théories des philosophes; il existe, parce que, aussi longtemps que l'homme vit en société, il ne peut pas ne pas être.

L'union légitime des sexes est un contrat de droit naturel, quelle que soit la forme du mariage; ce contrat dérive du principe de nécessité. La société n'existe qu'à la condition fondamentale de la famille fondée sur le droit.

La puissance paternelle est de droit naturel; la société ne saurait se constituer, s'organiser et se conserver sans elle; il en est de même de la propriété et des successions qui perpétuent la famille dans la société. Mais prétendre, comme quelques auteurs, faire entrer en entier le droit civil dans le droit naturel et peser chaque disposition à la balance de l'intelligence individuelle ou du sens moral, est une étrange aberration de l'orgueil humain. Le droit naturel existe ou n'existe pas; s'il existe, il est partout le même; l'humanité n'a pas attendu Grotius et Puffendorf pour trouver et l'appliquer.

le

Sans doute, dans la lutte incessante de la nécessité et de la liberté, les institutions humaines progressent et tendent vers un type idéal; la mo nogamie est un immense progrès sur la polygamie; la civilisation au temps d'Abraham et de Mahomet et la civilisation moderne se mesurent

à ce progrès; mais il a été enfanté par la lutte de la liberté et de la nécessité et n'appartient pas au droit naturel, puisque des sociétés puissantes ne l'admettaient pas.

L'erreur des jurisconsultes qui ont traité du droit naturel a été de ne considérer que deux états de la société : l'état de barbarie et l'état de civilisation; l'état barbare qu'ils abandonnaient à sa barbarie et l'état civilisé auquel ils prétendaient imposer un modèle de perfection juridique. La société se modèle sur l'homme; elle a son enfance, sa jeunesse, sa virilité, sa vieillesse et sa caducité; le droit naturel immuable l'accompagne dans toutes ses transformations et lui donne le principe de vie; le droit civil suit ses évolutions ou les provoque et se modifie incessamment, toujours divers et muable comme les formes de tout ce qui a la vie.

Les lois civiles ont un double caractère, général et particulier, politique et privé; leurs dispositions intéressent l'État et intéressent chaque famille.

La raison d'État règle les mariages, la propriété, les successions; la législation civile d'un peuple ne peut donc, ainsi que le remarque Montesquieu, être applicable à un autre peuple, que lorsque les traditions, les mœurs, les constitutions sont les mêmes, ce qui ne saurait exister d'une manière absolue entre deux peuples.

Il suit de ce principe, que, lorsque les institutions politiques se modifient ou se transforment,

les lois civiles en subissent tôt ou tard les consé

quences.

Les grands principes de la loi civile étant formulés, l'application doit en être faite entre les citoyens, d'après les notions de la justice absolue; là existe encore le principe du droit naturel. Les contrats, les obligations, les droits et les devoirs qui naissent des lois civiles sont en dehors du point de vue politique et s'adressent au jurisconsulte plus qu'au législateur. Cette logique du droit, cette science du juste peuvent être et doivent être universelles, applicables à tous les peuples; le droit romain en est le plus beau modèle.

Lorsque Rome, en décadence, penchait vers une ruine prochaine, les lois civiles avaient reçu le contre-coup des révolutions politiques; la puissance paternelle, l'institution du mariage étaient en décadence, et c'est du sein de ces ruines que naquit la science du droit qui fait l'admiration des jurisconsultes.

Il existe donc deux principes dans les institutions civiles; la raison d'État et la notion du juste et du vrai; l'un qui ordonne et l'autre qui

exécute.

C'est sur cette notion du juste que repose l'universalité du droit naturel, du droit qui appartient à tous les hommes, mais ce droit n'aurait aucune raison d'être si tous les peuples n'étaient pas frères issus du même ancêtre. Quelle relation de droit pourrait exister entre les blancs, les nègres et les

peaux rouges s'ils descendaient de créations diverses? Où s'arrêterait la limite du droit en deçà ou au delà du chimpanzé et du gorille, ces ancêtres prétendus du genre humain?

Or, il est un grand fait avéré et affirmé par toutes les sommités de la science et que s'efforcent en vain d'infirmer quelques retardataires systématiques; l'unité de la race humaine est aujourd'hui confirmée par toutes les branches des connaissances humaines. Le genre humain qui couvre le globe descend d'un seul couple; l'histoire naturelle, l'anatomie et la physiologie, la linguistique, et mieux encore, la science du droit l'affirment. Partout, l'homme constitue une seule et même espèce, le croisement des races l'établit; partout l'homme a la même conformation anatomique; partout, il a le verbe, la parole, qui le distingue profondément de la brute; partout enfin, à toutes les époques et chez tous les peuples, l'unité des législations anime la diversité infinie des dispositions légales comme l'unité de l'homme vivifie la diversité infinie des organes corporels.

La divine Providence a posé une barrière infranchissable entre l'homme et la brute : cette barrière, c'est la génération. L'homme, en zoologie, forme une seule espèce et un seul genre; il ne peut y avoir de métis entre l'homme et la brute, comme entre le cheval et l'âne; l'homme n'a pas d'espèce voisine; s'il était issu du singe, il appartiendrait au même genre et la généra

« PreviousContinue »