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sœur consanguine était connu d'Abimélek, des
habitants de Guerar et des Chananéens1.

La même coutume existait encore dans la Syrie
plusieurs siècles après l'ère chrétienne.

Achilles Tatien d'Alexandrie qui vécut vers le
IV siècle et qui ne se convertit au christianisme
qu'après avoir publié son livre des amours de Leu-
cippes et de Clitophon, met en scène un Syrien qui
veut, contre leur gré, marier ensemble son fils et
sa fille nés de mères différentes 2.

L'union entre frères et sœurs consanguins était
donc autorisée en Syrie, et l'auteur de ce roman
fait comprendre pourquoi cette loi se maintint:
les filles héritaient avec les fils; en les unissant,
l'héritage n'était point divisé. On retrouve ici la
coutume patriarcale telle qu'elle existait dans le
même pays à l'époque d'Abraham.

La sanction d'une semblable loi après l'organi-
sation de la société, tendait à séparer les familles,
à former de petits clans, de petites tribus, en
augmentant surtout l'éloignement pour les allian-
ces de ville à ville, de province à province, de
peuple à peuple. L'histoire de ces petits États de
la Syrie est écrite dans la coutume du mariage en-
tre proches parents.

1. Genèse, XX.

2. Achillis Tatii, lib. I, p. 7, id. Jacobs, Liptiæ, 1821, conf.
Selden, De jure nat., p. 601. Comme chrétien Tatius aurait pu
accuser d'inceste ses compatriotes; mais son ouvrage est anté-
rieur à sa conversion et les détails qu'il donne et qui font
comprendre l'esprit de la loi prouvent que cet usage devait
être fort répandu parmi les Syriens.

Le livre de Josué parle de trente-un rois soumis par ce chef des Hébreux'. Le livre des juges en mentionne soixante-dix'. La vallée de Sodome comptait cinq empires'; aussi, ces puissants monarques peuvent ils à peine résister à la moindre horde de pasteurs. Abimélek tremble devant les forces d'Abraham et trois cents serviteurs suffisent au patriarche pour battre quatre rois qui en avaient vaincu cinq autres*.

III

GRÈCE.

Deux légendes président aux origines des premières tribus qui peuplèrent la Grèce; ces tribus se prétendaient autochtones, nées du sol, et rattachaient leurs descendances diverses à des héros distincts".

La première fable indique la haute antiquité de

1. Josué, chap. X et XII. 3. Genèse, XIV, 2 et 8.

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4. Genèse, XIV. Voyez des détails sur ces petits États dans l'Histoire de la législation, par M. le comte de Pastoret, t. I, p. 288 et 303.

5. THIRLWALL, Origines de la Grèce ancienne, p. 56, etc.; POIRSON et CAYX, Histoire ancienne, 3o édit. p. 113.

leur établissement dans la Grèce centrale et le Péloponnèse; la seconde leur assigne le caractère de tribus de race, issues d'un ancêtre commun; leurs coutumes civiles ne permettent pas d'en douter.

Les plus anciennes traditions conservées par Homère, racontaient que les noces des anciens Grecs se contractaient à tous les degrés de parenté, si ce n'est entre le père et la mère ou leurs enfants. L'histoire tragique d'Edipe et Jocaste montre l'horreur qu'inspirait cet inceste; il n'en était point de même entre frères et sœurs; les six fils d'Eole épousèrent ses six filles1. Ces douze enfants étaientils nés d'une mème mère ? nous devrions le croire d'après Homère et Diodore de Sicile. Nous sommes ici en pleine mythologie, mais ces mythes ne sont ils pas les lointains souvenirs, plus ou moins exacts ou effacés, de la famille patriarcale et des tribus de race?

A des degrés moins rapprochés, nous voyons Diodème2 et Iphidamas épouser leurs tantes maternelles, Alcinous uni à Areté sa nièce paternelle. Électre est fiancée à Castor son oncle maternel*. Andromède fut promise à Phinée son oncle'.

A Athènes, il était permis d'épouser son oncle paternel; Démosthènes, dans sa harangue contre

1. HOMERI, Odyss, X, initio vers. 7.
2. EUSTн., in Iliad., lib. XII, v. 224.
3. EUSTн., in Odyss., lib. VII, v. 146.
4. L'Electre, d'EURIPIDE, V. 312, 313.
5. OVID. Métamorph., V, vers. 10.

Leochare dit que Midyline voulut donner en mariage sa fille Clitomaque à son frère Archiade.

Le même orateur parle ailleurs d'un oncle qui épousa la fille de sa sœur1. A Lacédémone, ces mariages étaient en usage; Anaxandride épousa la fille de sa sœur, au rapport d'Hérodote2.

Je mentionne ici les coutumes qui étaient usitées dans toute la Grèce, et non les lois spéciales à chaque peuple que nous examinerons plus loin.

Ces unions dans la famille sont pour nous l'indice certain que les différents peuples de la Grèce descendaient de tribus de race et non de tribus associées. Les Grecs, issus de l'isolement, restèrent dans l'isolement. Leur histoire, leurs guerres intestines de cité à cité et leur asservissement, furent les conséquences de ces lois organiques.

L'âge héroïque de la Grèce eut la plus haute influence sur les âges postérieurs; nous en signalerons plus loin toute la portée. Ici, nous indiquons les faits et leurs conséquences; plus loin, nous rechercherons les causes.

1. Orat. in Neœram.

2. Lib. V, cap. XXXIX.

IV

RUSSIE.

Le moine Nestor, qui écrivait à la fin du onzième siècle ou au commencement du douzième, parle d'un peuple païen de la Russie qui suivait la coutume du mariage dans la proche parenté.

<< Les Polovtzi, chez nous, ont également leurs mœurs; ils se plaisent à verser le sang, se glorifiant de manger de la chair de bêtes mortes ou impures, comme la civette, le hamster; ils épousent leurs belles-mères, leurs belles-filles, et imitent en tout l'exemple de leurs pères 1! »

Le chroniqueur russe donne à entendre que les Polovtzi avaient conservé les mœurs des tribus nomades; ces mœurs patriarcales se retrouvent chez tous les peuples slaves; nous devons en conclure que des tribus de race fondèrent les premières cités slaves, et que ces tribus isolées ne s'allièrent jamais entre elles, si ce n'est par des liens politiques, du moins par les liens civils de la famille.

1. Chronique de Nestor, tome I, 14.

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