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de la multiplicité des organes, l'unité personnelle d'un Dieu UN, le MOI de l'univers, se déduit, comme une formule algébrique, de l'infinité des organismes dont le monde offre le spectacle éternel.

Dieu créa l'homme à son image; de la variété indéfinie de l'organisme, il fit jaillir l'unité, la vie; l'homme dut créer à son tour; ce fut l'état social, qui, à l'exemple de la création divine, suivit les diverses étapes de la vie.

Le premier anneau de la chaîne montre déjà l'unité s'élevant au sein de la diversité; c'est la famille. L'unité s'y révèle par la puissance paternelle; la variété, par l'épouse et les enfants.

Plus tard, les familles s'unissent entre elles et forment des tribus, d'abord nomades, puis sédentaires. La vie sociale semble se modeler ici sur la vie des premiers nés de l'empire organique; la société ne se compose pas encore d'une seule unité, mais de plusieurs centres de vie représentés par les chefs de famille; quelques familles, ou même toutes, peuvent se séparer ou être retranchées, l'état social morcelé ne périra pas; chaque fragment reconstituera plus tard une nouvelle tribu, comme ces singuliers animaux, le polype et la naïde, fragmentés en vingt tronçons, vont créer vingt nouvelles familles.

Dans l'ordre de la création terrestre, les vertébrés succèdent aux invertébrés; dans l'ordre de la création sociale, la cité succède à la tribu; l'unité se constitue, la société a un centre de vie, l'homme n'appartient plus seulement à la famille, mais à

l'état; il est citoyen. La tribu était une agglomération de plusieurs familles, la cité est une seule famille participant aux mêmes droits et aux mêmes devoirs, communauté religieuse, communauté nuptiale, communauté territoriale. La société devient personnelle; elle s'organise dans ce but, et, pour être une, elle se personnifie dans un chef. La monarchie fut partout la forme tutélaire de l'enfance des sociétés, dans l'Inde, en Perse, comme en Grèce et à Rome.

La royauté fonde la cité, et lorsque la société penche vers sa caducité et sa ruine, c'est elle encore qui en est le soutien et la sauvegarde.

La monarchie est le principe le plus énergique de l'unité sociale; elle est d'autant plus puissante que le lien social est plus faible. Quelle que soit la forme gouvernementale, aristocratique ou démocratique, l'action publique doit toujours se résumer dans un chef, ne fût-il élu que pour un jour; c'est le président aux États-Unis, c'était le doge à Venise. L'autorité, la responsabilité ne sauraient s'établir sur plusieurs têtes; l'unité nationale doit se résumer dans l'unité personnelle de l'homme, comme l'unité la plus puissante, celle d'une armée, se résume dans son général. Telle est la règle applicable à toutes les formes sociales; les peuples qui ne la mirent pas en pratique en subirent les fatales conséquences.

Le principe de l'autocratie est que le chef de l'État fasse la loi et l'applique; le principe de la démocratie est que le peuple décrète la loi et dé

lègue le pouvoir exécutif à un ou plusieurs chefs. L'unité gouvernementale exige l'unité personnelle du gouvernant. Lorsque Athènes, Lacédémone, Rome, placèrent plusieurs chefs à leur tête, ce ne fut pas seulement le pouvoir exécutif qui fut amoindri, mais la société qui fut désorganisée, et ne put se maintenir qu'en recourant aux remèdes héroïques la dictature, l'autocratie et le despotisme le plus absolu.

L'énergie du pouvoir exécutif est en raison inverse de l'unité sociale; là où cette unité est puissante, le pouvoir exécutif est enfermé dans d'étroites limites, comme en Angleterre; là où l'unité sociale est faible, là où la société se compose de races diverses ou de castes superposées et isolées, le pouvoir exécutif est fort ou la nation se dissout. Les institutions de la Russie seraient impossibles en Angleterre; les institutions de l'Angleterre seraient fatales à la Russie.

La démence des faiseurs de révolutions est de croire que les peuples se transforment par le seul fait de la transformation de leurs constitutions. En principe général, tous les gouvernements qui durent sont justes et légitimes, en ce sens qu'ils sont la manifestation extérieure de l'état intime de la société. Lorsque d'infâmes et stupides empereurs montaient sur le trône de César, ils étaient légitimes comme Attila, comme les fléaux de Dieu qui châtient les infamies et la stupidité des peuples.

Que les nations ne s'attaquent donc pas à leurs

gouvernements, mais qu'elles se réforment; la réforme gouvernementale suivra toujours la réforme sociale.

La société grave l'empreinte de son image sur sa forme politique et sur ses lois civiles. Les révolutions sociales accusent l'instabilité des bases fondamentales de l'État et de la famille. Les peuples cherchent alors leur équilibre et leur centre de gravité, qui ne peuvent exister que dans l'unité.

Si l'unité est vivante dans la nation, si les croyances religieuses sont puissantes, les mœurs pures, les coutumes respectées; si une même race parle une même langue, s'il n'existe d'antagonisme, ni entre les classes sociales, ni de province à province, si, avant tout, le peuple est animé de cet esprit national, de cet orgueil, qui semblent résumer et personnifier l'État dans chaque citoyen: le Civis Romanus sum, cette société est démocratique en puissance; elle est ou sera gouvernée par le principe républicain. Mais si l'unité ne vit pas au cœur de la société, c'est vainement qu'on décréterait les principes égalitaires; la monarchie serait en puissance dans cette nation; plus la discorde animerait sourdement ou publiquement les factions, plus l'autorité du chef serait sans contrôle et sans entraves, car, je le répète, le salut des peuples n'est qu'à ce prix : l'unité.

Bien aveugle qui ne lirait pas ici l'histoire de Rome et de la France.

DE L'ORGANISATION DE LA FAMILLE.

Dans toute création ou formation de la vie organique, on observe deux mouvements que l'on peut formuler en ces termes :

Loi de concentration.

Loi d'expansion.

Les éléments des organes étant formés, ils se rapprochent, s'unissent et se concentrent; puis apparaît un second phénomène; la vie s'épanche au dehors, rayonne; l'arbre, l'animal, se développent, grandissent; enfin, le sujet acquiert sa forme définitive; la loi d'expansion réalise ainsi le développement dans le sujet isolé, mais la vie doit s'épancher au dehors, l'arbre fleurir, l'animal procréer, les espèces croître et se perpétuer.

L'évolution est achevée; l'être vivant a accom pli sa destinée terrestre; la loi de concentration apparaît de nouveau; la vie se réfugie au centre, et la mort vient atteindre le sujet au point où il reçut la vie.

Les lois de la nature morale correspondent plus qu'on ne le suppose aux lois de la nature physique; l'enfant et le vieillard sont égoïstes parce qu'ils subissent à leur insu la loi physiologique de leur nature matérielle. La jeunesse est l'âge du rayonnement de la vie, de l'expansion, du dévouement, des actes sublimes d'abnégation. Loin de moi la pensée du fatalisme; l'homme est libre; s'il subit les lois de sa nature matérielle, du moins

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