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le montrent quelques misérables tribus de brutes humaines qui végètent au sud de l'Afrique1. C'est qu'en niant l'âme, l'homme nie le droit; le fait seul dans toute sa brutalité subsiste. Lorsque, à Rome, les augures ne pouvaient se regarder sans rire, la société ébranlée croulait sur ses fondements, et cependant, le peuple roi, en reniant ses dieux, croyait encore à l'immortalité de l'âme. Cette dernière croyance qui subsiste alors que toutes les autres ont disparu, vivait au cœur de la France lorsqu'un indigne sacrilége décréta l'existence de l'Étre suprême.

Dieu avait été chassé de la France; la France tomba dans l'agonie; l'ordre renaquit et le principe religieux fut le fondement de l'ère nouvelle.

Il est permis, dans la science du droit, de n'être ni chrétien, ni juif, ni mahométan; il est interdit d'être athée et matérialiste; en rejetant les notions de Dieu et de l'âme, on rejette les fondements du droit.

1. Les Bassoutos, par CASALIS, p. 250.

La sociabilité dirigée par la raison humaine, dit Gro« tius, est la source du droit. » Plus loin, il ajoute : « Tout ce << que nous venons de dire aurait lieu en quelque manière, << quand même on accorderait, ce qui ne se peut sans un crime « horrible, qu'il n'y a point de Dieu, ou, s'il y en a un, qu'il «< ne s'intéresse point aux choses humaines. » (Le droit de la guerre et de la paix, discours préliminaire, 2 VIII et XI). Grotius en établissant ainsi sa pensée, méconnaît la base et l'essence du droit, et M. Lerminier l'a justement réfuté en disant que « la sociabilité n'est que la forme du droit et n'en est pas la racine (Introduction à l'histoire du droit, p. 115). Sa racine est en Dieu, dans l'âme humaine, sans laquelle il n'y aurait aucune intelligence du juste ni de l'injuste; dans l'immortalité de l'âme, qui est la sanction de la justice éternelle.

Leibnitz l'a bien compris lorsqu'il a dit que le droit n'était

IV

PHYSIOLOGIE DU DROIT.

ORGANISME SOCIAL.

Nous venons de le voir; l'âme humaine rayonne dans le droit; l'homme moral se retrouve entier dans ses manifestations sociales; mais plus encore l'organisme physique de l'individu semble empreint sur toutes les sociétés humaines; les organes se correspondent, et le principe vital, l'âme, donne l'unité à l'homme, comme l'esprit national crée le moi politique. Ces notions philosophiques sont aujourd'hui acquises à la science de l'histoire, mais n'ont point encore été appliquées à la science du droit.

La science, ou plus exactement, la physiologie du droit repose sur la connaissance du corps entier des législations civiles et du jeu de leurs organes vivants; il est impossible d'avoir l'intelligence complète de la moindre partie si l'on ignore le corps entier du droit humain. Certes, plusieurs

pas seulement dans la volonté de Dieu, mais dans son essence (Observationes de principio juris).

1. LERMINIER. Histoire des législations comparées, p. 2 et 3.

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générations de savants s'useront à ce labeur herculéen, mais la science est à ce prix.

Le droit est un; la législation d'un peuple n'est jamais isolée; c'est un membre du grand corps qui palpite dans l'humanité; les lois de Rome sont inintelligibles dans leurs sources, dans leur sens intime, sans la profonde connaissance des lois de l'Hindoustan, des coutumes germaniques, etc.

Le droit de chaque peuple, à son tour, forme une unité, une personne, un homme; le mariage, la propriété, les successions, sont des organes qui ne vivent pas isolés, mais vivent d'une vie commune et solidaire; un principe adopté dans le mariage retentit dans les successions et la propriété. La connaissance d'un seul chapitre du droit d'un peuple, révèle l'esprit qui anime le corps entier et peut servir à le reconstituer dans ses principaux éléments.

DE LA VIE SOCIALE.

La vie, principe et manifestation de tout organisme, repose sur deux lois qui paraissent opposées l'unité et la variété; l'unité dans la diversité indéfinie; de cet antagonisme naît l'harmonie vitale.

:

En jetant un regard au plus bas de l'échelle de l'empire organique, sur la plante, sur l'arbre, ces deux lois de l'unité et de la variété saisissent les

intelligences les plus vulgaires; l'arbre est une unité composée d'organes multiples qui se transforment en feuilles, en fleurs, en fruits; cependant, cette unité dans la variété est bien faible encore; une partie du végétal peut être retranchée sans que le tout en souffre; il y a peu de vie dans la plante; l'unité et la variété ne forment point en elle un lien indissoluble, une complète harmonie, et, cependant, cette unité se manifeste évidemment dans le point de départ et le point d'arrivée : la graine.

Élevons-nous au règne animal; les derniers des animaux, les plus vils, ont une organisation supérieure aux végétaux les plus parfaits; la variété des organes est plus grande chez eux et plus tranchée, l'unité commence à montrer un organe distinct; mais cet organe du système nerveux, siége de la vie et de l'unité, est multiple; il n'y a pas encore un seul cerveau, mais des cerveaux, des ganglions. Le polype, la naïde', ne sont pas

1. En 1740, Trembley découvrit la force singulière de reproduction qu'a le polype: « On peut couper un polype en « morceaux chaque morceau reproduit un polype. Ce fut, dit « M. Flourens, la plus étonnante découverte du dix-huitième «< siècle. Quelque temps après (1741), Bonnet découvrit la même force dans la naïde. Cependant le polype et la naïde << sont des animaux très-différents. Le polype n'est composé << que d'un tissu homogène, et n'a presque pas d'organes. La « naïde a déjà un tissu fort compliqué, et des organes très<«< distincts: un système nerveux, un système sanguin, des or« ganes propre à la digestion, etc. En 1765, Spallanzani « découvrit à son tour la force qu'a la salamandre aquatique «< (un animal vertébré), de reproduire ses pattes et sa queue. « La salamandre aquatique reproduit ses pattes et sa queue à

des animaux simples mais des composés d'animaux que l'on peut diviser, couper en un grand nombre de parties et dont chaque tronçon reforme un individu complet, comme le scion ou la greffe de la plante.

L'unité s'élève dans la série animale avec la variété; elle apparaît dans les vertébrés, plus visiblement dans les mammifères; chaque organe devient solidaire de la totalité; l'unité règne et grandit avec la variété des organes; ils se multiplient, se développent et atteignent des limites qui se dérobent aux investigations de la science. L'unité, cependant, n'est pas encore complète, parfaite, dans le règne animal; elle n'apparaît que dans le règne hominal' qui présente l'organisme le plus multiple et le plus développé; l'homme seul entre tous les êtres est UN; lui seul dans la nature a la conscience de son unité : LE MOI.

Si ces principes sont vrais, comme nous les croyons indiscutables, nous devons en induire que, puisque l'unité vitale est en raison directe

« tous les âges. La grenouille et le crapaud ne les reproduisent que dans leur premier âge. D'autre part, ajoute M. Flourens, << j'ai trouvé dans le système nerveux des animaux vertébrés à « sang chaud, un point qui n'a pas plus d'une ligne d'étendue, << et dont la section abolit sur le champ la vie. C'est ce point <que je nomme le nœud vital. —Ainsi, dans le polype, il n'y a pas unité de vie. Au contraire, dans les animaux vertébrés <à sang chaud, l'unité de vie se resserre dans des limites « qu'on n'avait pas encore soupçonnées. » (FLOURENS, de l'Unité de composition, p. 148).

1. Règne hominal. Voy. DE QUATREFAGES, Unité de l'espèce humaine, p. 17.

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