Page images
PDF
EPUB

que le roi des Konings francs, Clovis (ou Hlodewig suivant Thierry) s'identifie au roi des rois Agamemnon'.

IX

ARISTOCRATIE.

CLIENTÈLES ET FACTIONS.

La communauté des terres telle qu'elle existait chez les Germains, les Kymris et les Irlandais, maintenait l'égalité de fortune entre les familles et les tribus, mais dès lors que cette communauté fut abolie, dès lors que la propriété personnelle du sol devint la loi générale, l'égalité de fortune fut détruite; il y eut des riches et des pauvres, des puissants et des faibles; l'unité et la solidarité de la famille et de la tribu ne furent plus des protections suffisantes pour sauvegarder la vie et les biens des citoyens. Le faible et le pauvre abritèrent leur faiblesse et leur pauvreté sous la puissance et la richesse des plus habiles et des plus braves. Αριστοκράτεια.

1. Les Grecs et les Germains descendaient des Aryas, mais les Hébreux étaient Sémites et pratiquaient les mêmes coutumes : OEil pour œil, dent pour dent. Lévitique, XXIV, 20.

Une nouvelle ère s'ouvrit pour l'humanité; les tribus de race se transformèrent dans la famille politique, dont le père était le patron, et les clients les enfants. Ce fut un pas de plus vers l'unité sociale, une altération des formes primitives et la création d'un élément nouveau: la hiérarchie. Il y eut des nobles, des hommes libres, des affranchis et des esclaves.

L'humanité, pour s'élever à ses hautes destinées, devait subir cette lente et douloureuse initiation et y puiser cette vertu, sans laquelle il n'est pas de société possible : l'obéissance, la loi du respect.

Rome, la Gaule, les barbares après leurs migrations et leurs établissements fixes, offrent les types de cette organisation sociale.

Jules César, dans ses Commentaires, nous initie à la connaissance de la société gauloise, dans quelques passages remarquables par leur conci

sion et leur clarté :

«< Dans la Gaule, dit-il, ce n'est pas seulement en chaque État et en chaque canton qu'il existe des factions, mais aussi dans presque toutes les familles. Ces factions ont pour chefs ceux qu'on estime les plus puissants; et c'est à la volonté et au jugement de ces chefs qu'on s'en. rapporte pour tout ce qui est à faire ou à mettre en délibération. Cet usage semble avoir anciennement pris sa source dans les besoins qu'ont les petits d'être protégés par les grands; car le patron ne souffre pas qu'on opprime ou circonvienne

son client; et, s'il agissait autrement, il perdrait bientôt son crédit parmi les siens. Cette manière d'être a gagné jusqu'à la nation gauloise en corps, car toutes les cités sont divisées en deux partis'.

« Dans toute la Gaule, il n'y a que deux classes d'hommes qui soient honorées et comptées pour quelque chose; car la multitude n'est guère regardée qu'à l'instar d'esclaves, qui ne peuvent rien par eux-mêmes et ne sont admis dans aucun conseil.

« La plupart de ces misérables, quand ils sont, ou poursuivis pour dettes, ou accablés de trop forts impôts, ou vexés par des hommes puissants, se livrent eux-mêmes en servitude à des nobles qui exercent alors sur eux tous les droits d'un maître sur ses esclaves. Quant aux deux classes honorées, l'une est celle des druides, l'autre, celle des chevaliers. Les premiers, ministres des choses divines, sont chargés des sacrifices publics et particuliers; ils sont les interprètes des doctrines religieuses". >>

« La seconde classe est celle des chevaliers, qui, lorsqu'il en est besoin et qu'une guerre survient, (ce qui avait lieu presque tous les ans avant l'arrivée de César, offensivement ou défensivement) s'arment tous et se font suivre par leurs serviteurs et clients, dont le nombre est d'autant

1. CÆSAR, De bello gall., lib., VI, cap. xi. 2. CÆSAR, De bello gall., lib. VI, cap. xi.

plus grand pour chaque chevalier qu'il l'emporte davantage sur les autres par sa naissance et ses richesses. Les Gaulois ne connaissent pas d'autre mode de graduer le crédit et la puis

sance 1.»

Le système du patronage et de la clientèle chez les Gaulois, tendait à diviser en deux partis les familles, les cités et la nation entière.

L'antagonisme devait créer la dualité pour se résoudre plus tard dans l'unité monarchique. A l'arrivée de César dans la Gaule, les deux factions principales avaient pour chefs, l'une les Éduens, l'autre les Séquanais'; les Éduens, vaincus dans plusieurs batailles, perdent toute leur noblesse et les Séquanais acquièrent une telle supériorité, qu'un grand nombre de nations, jadis attachées au vaincu passent dans le parti des vainqueurs. Les clientèles et les factions de la Gaule, nous instruisent de ce qu'étaient les clientèles italiques à l'époque de la fondation de Rome.

Le noble Sabin Appius Claudius, fuyant Régille, se réfugie à Rome suivi d'une armée de clients. Denys d'Halicarnasse élève à cinq mille environ, en état de porter les armes, le nombre des parents, amis ou clients qui le suivirent avec leurs familles. A l'un des siéges de Véies, les

1. CÆSAR, lib. VI,cap. xv.

2. Ibid., De bello gall., lib. VI, cap. xii.

3. TITE-LIVE, liv. II, § 16; Denys d'Halicarnasse, liv. III, $ 39.

grands de l'Étrurie accourent avec leurs clients au secours de la ville'.

La féodalité fut un système de patronage basé sur le sol. Chez les Gaulois et les peuples italiques, la clientèle était personnelle; elle fut personnelle et réelle dans l'Europe du moyen âge; elle n'était qu'un élément de la société romaine; la vassalité féodale fut la société tout entière.

La féodalité et la clientèle se fondaient sur la mutualité des services et n'avaient rien de commun avec le régime des castes imposé par le droit de la guerre.

La clientèle et la féodalité naquirent au sein de sociétés troublées par des guerres intestines incessantes; elles furent un remède héroïque, mais le libre consentement des deux parties en fut l'origine et la base; il y eut des classes dans la société, mais non des barrières infranchissables entre les descendants d'une même race.

Les castes naquirent de l'oppression d'une race conquérante sur une race conquise. Sans doute le système des clientèles et celui des castes purent se trouver mêlés dans une même société, mais ce n'est pas un motif suffisant pour les confondre.

L'abus de la clientèle et de la féodalité put, il est vrai, conduire à un régime de castes; mais jamais le régime des castes, tel qu'il existe dans l'Hindoustan ne revêtit les formes de la féodalité;

1. Denys d'Halicasse, liv. IX, § 5.

« PreviousContinue »