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mêmes formes sociales, la même organisation politique, militaire et civile.

Les Grecs de l'âge héroïque, les Chananéens, les Francs et les Kymris, semblent avoir été des tribus fraternelles, issues d'une même race, tant elles ont un air de ressemblance et de famille.

Les rois d'Ithaque sont les mêmes que les Brenins des Kymris, et Augustin Thierry aurait pu dire des Seranim des Philistins et des Basileis des Grecs, ce qu'il dit des Konings des Francs.

Ces rapprochements ne sont point inutiles, même au seul point de vue historique; un passage d'Homère trouve parfois son meilleur commentaire dans un titre de la loi Salique; la bible interprète les lois de Manou, et la Germania de Tacite, dépeint dans un style admirable les mœurs des Hurons et des Iroquois. Les législations sont solidaires; on ne peut en bien connaître une seule qu'en les connaissant toutes.

La bible, ce livre qui serait le plus bel œuvre du génie des hommes, s'il n'était l'œuvre de Dieu, nous fait assister à la transformation de l'état patriarcal en sociétés urbaines et à la naissance de ces premières royautés qui organisèrent les plus anciennes familles humaines.

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Les peuplades de la Syrie étaient des clans vernés par des rois patriarches que la bible nomme Séranim et que les Septante traduisent par Satrapes. Ces tribus étaient souvent confédérées, mais elles ne reconnaissaient pas de chef suprême; il y

avait des rois, il n'y avait pas de monarque, si ce n'est en temps de guerre. Les Philistins, sans cesse menacés dans leur existence, donnèrent à un des Satrapes la direction suprême des affaires et le commandement général de l'armée ; l'Écriture le nomme Akis et lui donne le nom de roi: Melek 1; son autorité comme monarque était nulle. David, fuyant la haine de Saül réclame l'hospitalité de ce roi des rois qui la lui accorde; l'armée s'assemble, les princes des Philistins marchaient avec leurs centaines et leurs milliers, mais David et ses gens suivaient à l'arrière-garde avec Akis. Alors les princes s'indignèrent et dirent à Akis: « Renvoie cet homme; qu'il s'en retourne dans le pays où tu l'as établi, et qu'il ne descende point avec nous dans la bataille, de peur qu'il ne se tourne contre nous dans le combat. »

Akis appela donc David et lui dit: «<Le Seigneur est vivant, tu es certainement un homme droit et ta sortie et ton entrée avec moi au camp, ont été bonnes, car je n'ai point trouvé de mal en toi depuis le jour où tu es venu à moi jusqu'à aujourd'hui, mais tu n'es point agréable aux yeux des chefs. Maintenant donc, retourne-t-en et va en paix, afin que tu ne fasses rien qui déplaise aux chefs'. »

Akis n'était donc qu'un chef de guerre et nullement un monarque puisant en soi son autorité. Il en était ainsi des Germains, qui, en temps de

1. Samuel, XXVII, vers. 2. 2. Samuel, I, xxix.

paix, d'après Jules César, n'avaient pas de magistrature suprême 1. Il en fut de même dans les temps. héroïques de la Grèce ; le roi des rois, Agamemnon était le chef de l'armée, mais son autorité sur les peuples ne s'étendait pas au delà d'Argos et de Mycènes. Toutes les cités de la Grèce étaient alors gouvernées par des rois et les républiques, dit Pausanias, n'étaient pas encore organisées. Les rois, ou Basileis n'étaient que des chefs de clans, qui, dans un moment de danger général, élisaient un chef suprême comme Akis, comme Agamemnon, comme Clovis, le roi des Franks élevé sur le pavois par ses compagnons les Konings des tribus.

Le roi Abraham, car Justin, Nicolas de Damas et Eusèbe, lui donnent ce titre3, était plus puissant qu'aucun des roitelets qui étendaient leur autorité sur la Palestine. Josué vainquit trente-un de ces rois ou Satrapes ; le livre des Juges en mentionne soixante-dix et la vallée de Sodome avant d'être consumée par le feu du ciel, pouvait se glorifier de contenir cinq empires, aujourd'hui au fond du lac Asphaltite".

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Les mœurs et les habitudes des rois dans ces temps héroïques, étaient les mêmes que celles des patriarches hébreux, et les lois civiles de la famille

1. Cæsar, de bello gall. lib. VI, cap. xxш.

2. Pausanias, lib. IX, cap. 1.

3. Justin, XXXVI, § 2. Nicolas de Damas dans Josèphe, I, chap. vii, et Eusèbe, Prép. évangel., IX, chap. xvi.

4. Josué, chap. x et xii.

5. Liber Judicum, cap. 1, vers. 7.

6. Genèse, chap. xiv, v. 2 et 8, et xix, 24.

d'Abraham semblent avoir été transmises à ces peuplades antiques. Sara pétrit le pain destiné aux envoyés du Seigneur; Abraham va chercher pour eux un veau gras et le lait de ses troupeaux ; Jacob fait cuire un plat de lentilles qu'il vend à Esau. Isaac aime la venaison; il envoie son fils aîné à la chasse. Jacob le supplanteur choisit deux chevreaux; sa mère Rebecca les apprête et on les sert au patriarche. Ainsi, ces familles de rois nomades entourées d'une multitude de serviteurs savaient se servir elles-mêmes.

Peu de changements s'opèrent dans les mœurs lorsque les familles se rapprochent et fondent les premières cités agricoles. Les peuples accordent alors à leurs chefs certaines portions de terres qui forment le domaine royal'. Les rois, le sceptre en main et le cœur joyeux, dit Homère, dirigeaient leurs ouvriers dans les travaux des champs'.

Ces pasteurs des peuples étaient aussi pasteurs de troupeaux; Télémaque parcourait la campagne, faisant paître des vaches et des brebis3. Le père d'Ulysse, Laerte roi d'Ithaque, arrachait les mauvaises herbes de son jardin, Augias roi d'Elis, inspectait ses immenses richesses agricoles, et bien mal ses étables. Enfin, lorsque le prudent Ulysse fit naufrage sur les côtes des Phéatiens, la prin

1. Feithii Antiquit. homeric., p. 155.

4. Odyss., XXIV, v. 226.

2. Iliad. XVIII, vers 557 et 550.
3. Odyssée, XI, v. 184.
5. Theocrit. Idyll. XXV, v. 57.

cesse Nausicaa, fille d'Alcinoüs, était occupée à laver le linge de ménage du roi son père'.

Les rois de la Grèce héroïque, étaient de riches fermiers comme les Brenins des Kymris, comme Howel le Bon qui dînait avec son cuisinier et couchait à terre sur de la paille fraîche, ce grand luxe de l'époque'.

Augustin Thierry a bien compris le domaine royal chez les Francs; il se composait de terres appartenant en propre au roi et formant son lot ou alleu.

Ces terres, situées dans les différentes provinces du royaume, étaient partagées entre les enfants, soit d'après la volonté paternelle ou par la voie du sort; le partage des propriétés entraînait le partage de la royauté et le démembrement de la monarchie. Il en fut de même dans l'ancienne Grèce. Acrisius et Protus, fils d'Abas, roi d'Argos, étant jumeaux, le royaume fut partagé, le droit d'aînesse étant incertain. Nous voyons ensuite un certain Adraste, roi d'Argos pour un tiers 3.

La royauté, telle que nous la concevons de nos jours, n'existait ni dans l'ancienne Grèce, ni dans les tribus celtiques et germaniques. Le chef suprême était le chef de l'armée; il n'avait d'auto

1. Odyss., VI, v. 91.

Dda. pages

2. Voy. DUCHATELLIER, Des lois d'Howel. 29 et 34. The ancient laws of Cambria by Probert. 3. CLAVIER, Histoire des premiers temps de la Grèce, tome I, p. 152 et 171.

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