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vapeur que l'essence de térébenthine; son point d'ébullition est le même. Il est formé des mêmes éléments, carbone et hydrogène unis dans le même rapport; mais le térébène n'est plus de l'essence de térébenthine; il n'a plus de pouvoir rotatoire. Ce térébène se combine avec l'acide chlorhydrique et reproduit un camphre solide que l'on prendrait, à ses caractères et à sa composition chimique, pour du camphre de térébenthine; mais, chose remarquable, ce camphre n'a pas le pouvoir de dévier les rayons de lumière polarisée.

» 3o Le camphre liquide de térébenthine, ou le chlorhydrate de peu-` cylène, a la même composition chimique que le camphre solide. On en retire, au moyen de la chaux, une espèce d'huile volatile qui offre la plus grande analogie de caractères avec le térébène et avec l'essence de térébenthine. Cette huile nouvelle, qui sera désignée sous le nom de térébilène, a une identité avec le térébène qui ne se dément que dans un seul point: le térébilène ne donne pas de camphre solide. Il diffère de l'essence de térébenthine par son odeur et parce que son pouvoir de

rotation est nul.

» 3o Le camphène, le térébène, le peucylène et le térébilène, nous offrent la série remarquable de quatre corps chimiquement isomériques, formés des mêmes éléments unis dans le même rapport pondéral, ayant une même capacité de saturation, un poids atomique semblable, et qui cependant ont chacun un état moléculaire particulier. C'est peut-être le cas le plus remarquable d'isomérie que la science possède encore, car pour le chimiste, le térébène est absolument le même corps que le camphène; il trouve la même identité entre le peucylène et le térébilène. La chimie est impuissante à les distinguer. Pourtant, chez ces corps, la constitution intérieure de la molécule n'est pas la même, puisqu'ils n'ont pas la même action sur la lumière polarisée. Qui pourrait dire en quoi consiste la différence?

>> MM. Soubeiran et Capitaine annoncent qu'ils ont étendu leurs recherches sur des huiles volatiles analogues; ils les communiqueront très prochainement à l'Académie. >>

<< Après la lecture de cette communication, M. Bioт ajoute que MM. Soubeiran et Capitaine ont bien voulu le rendre témoin de presque tous les résultats qu'ils viennent d'annoncer, et qu'il a pu se convaincre ainsi de leur exactitude. Il accompagne cette déclaration des réflexions suivantes :

>> En voyant le nombre des corps isomères augmenter tous les jours, on est conduit à se demander si l'analyse chimique n'omettrait pas

quelques uns des éléments essentiels à la constitution moléculaire des corps. Si une telle omission existe, l'extrême précision des procédés de pesage employés aujourd'hui semble devoir nécessairement la restreindre à quelque principe d'une densité assez faible pour échapper à nos balances. Or, comme le principe de la chaleur intervient avec une grande puissance dans la composition et la décomposition des corps formés de matières dissemblables, il devient naturel d'examiner par l'expérience s'il ne laisserait pas dans les substances isomères quelque trace de sa présence et de son action, qui serait dissemblable; d'autant qu'une foule de considérations physiques tendent à faire croire que ce principe est en effet un élément essentiel et important des corps matériels.

» La première épreuve à faire pour arriver à ce but, celle qui semble s'offrir avant toute autre, consisterait à mesurer comparativement, avec beaucoup de soin, les chaleurs spécifiques des substances isomères, pour savoir si elles sont égales ou inégales dans chaque cas d'isomérie donné. Le résultat de cette épreuve, quel qu'il puisse être, serait fructueux pour la science; car l'égalité des chaleurs spécifiques ajouterait encore un nouveau caractère d'identité très intime à celui que ces substances présentent déjà, et leur inégalité révélerait du moins une dissemblance d'action dans un des principes les plus actifs de leur formation. N'ayant ni les moyens ni les forces nécessaires pour entreprendre un tel travail, M. Biot a cru pouvoir avec quelque utilité indiquer les conséquences importantes qu'il pourrait avoir, et en provoquer l'accomplissement. >>

M. DUMAS prend la parole et fait remarquer à cette occasion qu'il est à sa connaissance personnelle que la question soulevée par M. Biot a déjà fait l'objet d'un grand nombre d'expériences de la part de M. Regnault, un de nos jeunes chimistes les plus recommandables par la profondeur de ses vues, comme il l'est par la précision de ses expériences. Cette remarque, qui a pour objet de prendre date en sa faveur, est appuyée par MM. Arago, Gay-Lussac, Thénard, Elie de Beaumont, etc. qui, comme M. Dumas, ont eu connaissance des travaux de M. Regnault. »

M. Robert Kane adresse à M. Dumas (1) la lettre suivante :

(1) Les chimistes savent tous que notre savant confrère M. Robiquet, a démontré depuis longtemps ce fait important, que la matière colorante de l'orseille du commerce préexiste sous la forme d'une matière sucrée

"..... J'avais en vue de reconnaître, par un travail complet sur les matières colorantes, la condition primitive et généralement incolore de ces matières dans les plantes, de déterminer les lois qui régissent leurs altérations successives, enfin de fixer le mode d'action par lequel elles se trouvent détruites par l'oxigène ou le chlore, ce qui donnerait la théorie du blanchiment. Je suis déjà parvenu à quelques résultats.

» Je me suis assuré que, dans l'action blanchissante du chlore sur les matières colorantes, il y a, comme pour les autres corps organiques, soustraction d'hydrogène et formation d'une nouvelle substance qui contient du chlore; c'est un véritable cas de substitution.

» Il en résulte que l'ancienne théorie du blanchîment, qui consistait à dire que le chlore agissait en décomposant l'eau et mettant à nu de l'oxigène est fausse; si le chlore sec n'a qu'une action faible, c'est à cause de

et incolore, qu'on a désignée sous le nom d'orcine, et sur laquelle M. Kane vient de faire de nouvelles et intéressantes observations. Ils se rappelleront aussi les recherches sur le tournesol, que la science doit à nótre illustre président, et que les analyses de M. Kane viendraient compléter.

Je rappellerai encore que, parmi les faits que la lettre de M. Kane renferme, il y en a deux qui sont confirmés d'avance par des recherches qui me sont personnelles. J'ai publié en effet des analyses qui prouvent que l'indigo bleu passe à l'état blanc en s'apropriant de l'hydrogène. De plus, j'ai produit et analysé depuis longtemps la matière dans laquelle l'indigo se transforme sous l'influence du chlore. Loin de se décolorer, comme on le suppose géneralement, l'indigo se convertit en une matière d'une belle couleur rouge de cire à cacheter. Cette conversion se fait par le procédé ordinaire, c'est à dire que le chlore enlève de l'hydrogène à l'indigo et prend sa place de manière à constituer une matière nouvelle chlorée, ou plutôt un corps chloré appartenant au même type que l'indigo.

J'ai montré, décrit et fait connaître cette matière dans mes cours publics depuis plusieurs années, et je serais inexcusable de n'avoir pas publié mes observations, s'il ne m'était resté quelques doutes sur la formule de la matière rouge, et si ces doutes ne tenaient à une cause que je n'ai pu maîtriser jusqu'ici, c'est à dire la présence d'un peu de soufre dans l'indigo préparé par le sulfate de fer et la chaux, comme à l'ordinaire, D'où résultent quelques traces de chlorure de soufre dont la matière rouge este imprégnée et qui affectent toujours un peu le dosage du chlore.

son état gazeux. De même qu'en faisant agir l'oxigène ou le chlore sur l'alcool, nous obtenons deux séries qui se terminent par les acides ácétique et formique; en employant une substance colorée, nous obtenons des résultats à peu près semblables; mais comme les nouvelles matières sont en général incolores, le procédé est nommé blanchîment.

» Je n'ai pu par aucun procédé me procurer l'érythrine de Heeren. J'ai obtenu en grande quantité la substance qu'il a nommée pseudo-érythrine, et j'en ai déterminé la constitution et les propriétés, Ce corps ne se combine pas avec les bases, mais donne en se décomposant deux substances: la première saccharoïde, dont je n'ai pu déterminer l'identité avec l'orcéine; la seconde est l'amer d'érythrine; elles donnent de l'orcéine par le concours de l'oxigène et de l'ammoniaque.

» J'ai analysé beaucoup de composés d'orcéine avec les oxides de cuivre, d'argent et de plomb. L'état de l'azote dans l'orcéine est un point de grand intérêt théorique. Je pense qu'il y existe à l'état d'amidogène, et que les composés d'orcéine avec les bases ressemblent à ces amidures ou amidides métalliques complexes, dont j'ai fait connaître tant d'exemples.

» J'ai été conduit à m'en former cette opinion par la manière dont le chlore agit sur él le réaction a de l'intérêt parce qu'elle rattache le mode général d'action du chlore sur les substances organiques au phénomène du blanchiment. L'orcéine n'est pas décolorée par le chlore. L'àzote est éliminé à l'état de sel ammoniac, et il se forme une substance violette insoluble dans l'eau, à laquelle j'ai donné le nom de chlororcéine. Mais on peut décolorer l'orcéine d'une autre manière : si l'on place un morceau de zinc avec un peu d'acide dans une dissolution d'orcéine, elle est décoloré par l'hydrogène naissant, et il se forme une matière que j'ai nommée leucorcéiné, qui donne des laques blanches.

>>

L'hydrogène sulfuré donne avec l'ortéine un composé incolore qui ne peut s'obtenir à l'état solide; il en est de même du composé pourpre produit par l'ammoniaque.

» Quand l'orcéine est placée dans les conditions qui déterminent la conversion du lichen brut en orseille colorée, et qu'elle se décompose, le résultat est d'enlever tout son azote avec de l'hydrogène, de l'oxigène et du carbone, formant ensemble un sel ammoniacal: il en résulte une substance à laquelle je donne le nom d'acide érithroléique. C'est une substance onctueuse semi-fluide à la température ordinaire. Elle ne contient pas d'azote. Sa dissolution dans l'éther est d'un beau rouge vineux; l'ammoniaque la rend pourpre. Cette substance existe dans l'or seille et le tournesol du commerce.

>> Le tournesol du commerce renferme deux principes: le premier est soluble dans l'alcool et dans l'eau, le second y est insoluble. La partie soluble consiste en un acide que je nomme acide litmique; il est uni à de l'ammoniaque et de la potasse, La partie insoluble se compose d'acide litmique en petite quantité, mais en moyenne partie d'un autre acide que je nomme litmylique et en outre d'acide érythroléique, unis à de la chaux, et mêlés d'une grande quantité de marne, de gypse et d'autres matières étrangères J'ai examiné beaucoup de sels formés par ces nouveaux acides, et j'en ai complètement déterminé le caractère et les formules. L'acide litmylique contient la même quantité de carbone et d'hydrogène que l'aide érythroléique; seulement il contient plus d'oxigène. Mais dans l'acide litmique, la moitié de l'hydrogène de l'acide litmy lique est remplacée par de l'oxigène.

>> Ces acides du tournesol, qui sont rouges à leur état naturel, passent au bleu les alcalis, et forment des sels métalliques bleus ou pourpar pres, mais ils sont singulièrement peu stables. Les composés bleus d'ammoniaque, au lieu d'être des sels bien caractérisés perdent tout leur ammoniaque à la température de 100° c. En effet, je suis disposé à penser que l'oxide métallique dans ces composés remplace de l'eau de constitution et non l'eau basique, et par cette raison on pourrait les enlever par des affinités très faibles.

>> Une propriété très curieuse de l'acide litmique me confirma dans cette manière de voir. Si l'on traite du litmate de plomb par l'hydrogène sulfuré, l'acide litmique reste combiné au sulfure de plomb, et ne peut en être séparé que par le moyen d'une oxi-base soluble avec laquelle il se combine de préférence. Nous avons donc des classes de corps qui, en représentant l'acide litmique par L, se con.posent de L+HO, L + H. AZ, L + HS, L + PBO, L+ PBS, etc. Ceci ressemble davantage à un remplicement d'eau d'hydratation que d'eau basique. S'il en était ainsi, les noms de lithmine et litmyline pourraient être plus cónvenables.

» L'action du chlore sur ces composés produit deux corps auxquels j'ai donné le nom de chloro-litmine et de chloro-litmy line; ils sont d'an brun jaunâtre; mais ce cas est analogue aux phénomènes du blanchîment. J'ai analysé leur combinaison avec les oxides métalliques et j'ai déterminé leur constitution. J'ai obtenu de même la leuco-litmine et la leucolitmyline par l'hydrogène naissant; mais je ne suis pas encore parvenu à les isoler dans un état qui en permette l'analyse. Je n'ai pas trouvé que le procédé de Desfosses, pour obtenir le tournesol décoloré par le protoxide de fer, soit utile.

» Je me suis assuré que dans ces cas de décoloration, l'effet est produit non par une soustraction d'oxigène, mais bien par l'addition d'hydrogène, comme vous l'avez trouvé pour la conversion de l'indigo bleu en indigo blanc. Je regarde l'évidence sur ce point comme parfaitement complète.

» Je nomme atmerythrine un corps très remarquable découvert dans le cours de ces recherches. Il est volatil; sa vapeur est d'un rouge brillant, comme son nom l'indique. Il se condense sous la forme de paillettes brillantes, qui se fondent aisément et qui sont d'un rouge verdâtre. Il est soluble dans l'alcool, insoluble dans l'eau. Il ne se forme que quand on chauffe lentement le litmate ou le litmylate de chaux, ou bien ces acides mêlés avec de la chaux ou du gypse; on n'obtient pas de trace

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