et des provinces et aux papiers volumineux que la famille de Gresset avait mis à sa disposition avec une extrême bienveillance. Ainsi furent retrouvés de longs fragments de l'Ouvroir, du chant des Pensionnaires et le Gazetin, des variantes nombreuses pour les anciennes poésies et les ébauches des œuvres qui occupèrent la vieillesse du poète. Les fragments de l'Ouvroir, que nous venons de citer, furent assez nombreux pour que M. de Cayrol put reconstruire le chant presque entier, en remplissant les lacunes qui restaient à combler. Le lecteur appréciera le talent dont il a fait preuve dans l'exécution d'un travail aussi difficile. Ce pastiche, complément du poème de Ver-Vert, n'est pas la partie la moins curieuse de l'ouvrage. M. de Cayrol l'a enrichi de notes nombreuses qui, toujours également instructives et agréables, donnent au lecteur l'intelligence de toutes les parties du texte. L'auteur de l'Essai a de plus recueilli des lettres autographes et inédites de Jean-Baptiste Rousseau, du grand Frédéric, Ode adressée par Gresset à ce Prince sur son avènement au trône, ainsi que celle du Roi en réponse à notre poète; une lettre de Voltaire et l'un de ses libelles contre l'auteur de Ver-Vert; enfin beaucoup de morceaux détachés et inédits très-curieux.

C'est ainsi que les recherches de l'auteur lui ont permis de donner une biographie complète de Gresset, biographiq

qui embrasse l'histoire littéraire d'une grande partie du

XVIII. siècle.

Enfin, si M. de Cayrol n'ose se flatter d'avoir élevé à Gresset un monument digne de lui, du moins peut-il espérer que les littérateurs trouveront dans son ouvrage beaucoup à apprendre, et que ce livre, fruit de tant de recherches, deviendra le supplément indispensable de toutes les éditions des œuvres de ce poète célèbre.

AVANT-PROPOS. (1)

De tous les auteurs qui illustrèrent le règne de Louis XV, Gresset est, sans contredit, l'un de ceux dont les biographes se sont le plus occupés; cependant l'histoire de sa vie et de ses ouvrages offre encore une foule de lacunes difficiles à remplir, et qui permettent d'avancer que Gresset est le moins connu des écrivains du XVIII. siècle.

Cette assertion, qu'on pourra trouver hasardée, cessera de le paraître, si l'on veut bien se souvenir que Gresset quitta Paris peu d'années après avoir produit ses principaux ouvrages, et que, jusqu'à sa mort, il ne s'est éloigné des bords de la Somme qu'à de rares intervalles. Concentré dans l'intérieur de sa famille, il n'avait autour de lui qu'un trèspetit nombre d'amis.

Une telle simplicité de mœurs devait offrir peu d'aliments à l'histoire; aussi vit-on les littérateurs chargés de mettre en ordre les éditions de ses œuvres, qui parurent successivement depuis 1777, se traîner tous sur les traces les uns des autres, en rédigeant les Notices qu'ils ne manquèrent jamais de joindre à leur travail bibliographique, comme un complément indispensable des écrits de Gresset.

Le guide suivi par les biographes fut presque toujours l'ouvrage que le Père Daire, ancien bibliothécaire des Céles

(1) Une première ébauche de cet Avant-Propos a déjà paru dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, Agriculture, Commerce, Belles-Lettres et Arts du département de la Somme; Amiens, Machart, 1835, in-8°, pages 343 à 367, sous le titre de Notice sur les travaux biographiques dont Gresset a été l'objet jusqu'à ce jour, et sur les différentes éditions des œuvres de ce poète.

fins, fit paraître deux ans après la mort de Grèsset, sous le voile de l'anonyme (1), et dont il reproduisit ensuite les principaux traits dans l'Histoire littéraire de la Ville d'Amiens (2), qu'il donna plus tard, et à laquelle il mit son nom.

Malheureusement le Père Daire n'est pas toujours un guide sûr pour l'histoire de Gresset, et j'aurai plusieurs fois occasion de le prouver dans le cours de mon travail. Aussi dom Grenier, dans les matériaux nombreux qu'il a rassemblés pour écrire l'Histoire de Picardie (5), ne manque pas de dire, en parlant de l'ouvrage du Père Daire, que la vie de Gresset est encore à faire.

En prononçant cette opinion, dom Grenier n'entendait certainement pas parler des écrivains qui s'étaient occupés de Gresset, et dont les discours, sous la forme d'éloges, ne pouvaient pas se comparer à la compilation du bon Célestin; il faut nécessairement ranger dans cette classe ceux qui furent prononcés à l'Académie Française le 19 janvier 1778, par, l'abbé Millot, successeur de Gresset, et par d'Alembert, qui remplissait les fonctions de directeur (4).

La même exclusion doit être donnée à l'éloge de Gresset, insérée par Palissot, en 1778, dans le Nécrologe des Hommes célèbres de France (5), et qui renferme seulement quelques observations littéraires que Palissot reproduisit, en 1779,

(1) Vie de M. Gresset, par L. D...., anc... B. des C., Paris, Berton, 1779, ? in-12 de 81 pages.

(2) Paris, F. Didot, 1782, in-4o, pages 326 à 352.

(3) Cette histoire, en partie rédigée et dont le prospectus parut vers la fin du siècle dernier, est déposée à la Bibliothèque du Roi, division des manuscrits, et M. Champollion l'aîné m'en a communiqué plusieurs portefeuilles avec la plus grande obligeance.

(4) Je reviendrai plus tard sur ces Discours, en traitant cette partie de l'his toire de Gresset.

(5) Paris, Knapen, in-12, tome XIII, pages 35 à 54.

dans ses Mélanges de littérature (1); mais il est difficile de ne pas faire peser le blâme de dom Grenier sur les écrivains qui, depuis le concours ouvert pour l'éloge de Gresset par l'Académie d'Amiens, en 1781 (2), et fermé définitivement en 1785, se sont occupés spécialement de la biographie de l'auteur du Méchant. Il faut ranger dans cette catégoric ceux que nous indiquons ici :

1. Un anonyme qui donna, en 1787, la Vie de Gresset, pour la Petite Bibliothèque des Théâtres (3); cette Vie reparut avec un nouveau titre en tête des chefs-d'œuvre dramatiques de Gresset, donnés par le même libraire en 1791 (4).

2o. Le rédacteur du Magasin encyclopédique, qui inséra dans son journal, en 1795 (5), une Notice sur Gresset, à propos de la nouvelle édition de ses œuvres, projetée à cette époque par M. D******, qui venait de recevoir en dépôt une assez grande quantité de manuscrits provenant de Gresset (6).

3o. M. Desessaris, auteur d'un article sur Gresset, dans l'ouvrage ayant pour titre les Siècles littéraires, publié en 1800 (7).

4°. M. Fayolle, rédacteur d'une notice historique pour l'édition des OEuvres de Gresset, confiée aux presses de M. Didot

(1) Paris, Bastien, in-12, tome VII, page 206 des OEuvres de Palissot. (2) Ce concours sera l'objet d'un article spécial dans mon Essai.

(5) Paris, Belin, in-18 de 24 pages.

(4) D'après le Dictionnaire des Ouvrages anonymes de M. Barbier, 2o. édition, no. 14085, cette vie de Gresset serait de MM. Baudrais et Le Prince. (5) Tome I, page 108.

(6) Cette édition n'a pas été publiée, et les manuscrits qui devaient en faire la base se sont malheureusement égarés dans les mains de M. D******. (7) Paris, in-8°, tome III, page 354.