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» nouard (1), elle réunissait les charmes d'une beauté rare; » son goût exquis l'avait rendue le juge-né des ouvrages de » son frère, qui les soumettait à son examen avant de les publier. >>

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4o. Alexandre-Vincent, surnommé de Bussy, né le 11 décembre 1720, et décédé long-temps après son frère, le 20 septembre 1789. Il occupait la place de directeur des postes à Amiens, et s'était marié, en 1776, à M. de Nampty, dont il eut cinq enfants: deux sont morts en bas âge; le troisième, Alexandre-Joseph-Marie, capitaine d'artillerie, fut enlevé à sa famille à quarante et un ans. Ses frères, Jean-CharlesAlexandre et Louis-Joseph-Alexandre, existent encore, et c'est à leur obligeance que je dois la communication des papiers de leur grand-père et de leur oncle.

Catherine Rohault, épouse de Jean-Baptiste Gresset, était unie par les liens du sang au célèbre physicien Jacques Rohault, qu'Amiens se glorifie d'avoir vu naître en 1620; mais le degré de parenté qu'elle avait avec lui n'est pas parfaitement connu et comme il s'éloigna fort jeune du lieu de sa naissance pour aller à Paris terminer ses études, qu'il y fixa définitivement son séjour à l'époque de son mariage avec la fille de M. Clerselier, grand admirateur de Descartes et éditeur de ses œuvres ; qu'enfin sa mort arriva en 1675, lorsqu'il était à peine âgé de cinquante-cinq ans (2), on doit croire alors que Catherine Rohault ne descendait pas du physicien propagateur de la philosophie de Descartes, et qu'elle faisait seulement partie d'une branche de sa famille.

Si les papiers mis à ma disposition par MM. Gresset se taisent sur la généalogie de leur aïeule, ils ne gardent pas le même silence sur un fait plus glorieux pour Gresset que

(1) Vie de Gresset, page xxxv.

(2) Voyez Biographie Universelle, tome XXXVIII, page 445.

la descendance directe de Jacques Rohault. Ils nous révèlent en effet que Jean-Baptiste Gresset se délassait de l'aridité des travaux judiciaires que son office lui imposait (1), par la culture des Muses. Ainsi l'art des vers a été en quelque sorte pour son fils aîné un véritable héritage de famille, et les manuscrits autographes, qui sont sous mes yeux, prouvent même que Gresset a souvent pris soin de corriger les ouvrages de son père. Je pense que les amateurs de la vieille littérature classique en verront ici avec plaisir quelques extraits; ils indiqueront que ce poète ne doit pas être confondu dans la foule des rimeurs obscurs qui pullulèrent pendant le règne du grand Roi, et dont les noms seraient oubliés de puis long-temps, si Boileau n'avait pas pris soin d'assurer leur immortalité par le ridicule dont il les a couverts.

Et qui saurait sans lui que Cotin a prêché ?... »

Il paraît que le père de Gresset ne resta pas spectateur indifférent dans cette lutte de Boileau contre les mauvais écrivains de son temps, d'après une satire qu'il adressa au législateur du Parnasse, et dans laquelle il lui disait:

(1) Un inventaire complet des archives de la Mairie d'Amiens a été fait par Jean-Baptiste Gresset, et se conserve à l'Hôtel-de-Ville.

(Note de mon ami M. Rigollot, de l'Académie d'Amiens, et l'un des fondateurs de la Société des Antiquaires de Picardie.)

Placé très-haut dans la république des lettres, par ses savants ouvrages sur l'histoire, la numismatique et les arts du dessin, M. le docteur Rigollot est en même temps un critique distingué; aussi ce travail sur Gresset lui a-t-il de très-grandes obligations:

"Faites-vous des amis prompts à vous censurer, »

nous a dit le critique par excellence. M. Rigollot est devenu pour moi l'un dé ces rares amis, et je dois à la justice d'en consigner ici le souvenir, comme un faible gage de ma reconnaissance, pour le temps précieux que l'examen de mon griffonnage l'a obligé de dérober aux travaux historiques dont il s'occupe continuellement.

« C'est en vain, Despréaux, que tes vers au Parnasse, » De tant de froids rimeurs ont gourmandé l'audace,

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Et que les poursuivant loin du sacré vallon,

Tu voulus pour toujours en purger l'Hélicon;

» Tandis qu'en son besoin Apollon mercenaire

» Attendra de ses vers un modique salaire,

» Et que M....., gagé comme un vil artisan,
A quinze sols par jour pourra faire un roman,
» La faim aux plus grossiers tenant lieu de génie,
» Inondera Paris de leur froide manie..... .

Malheureusement le reste de cette satire est perdu. Un discours au Roi, semblable à celui de Boileau, n'a pas éprouvé le même sort; l'auteur avance aussi que pour célébrer la gloire de Louis XIV, il n'imitera pas les ridicules rimeurs qui pullulent sur le Parnasse, et il s'écrie en conséquence:

• Cousant à tout propos quatre ou cinq lieux communs, » Grand Roi, viendrai-je encor dans mes vers importuns, » Douter si dans mille ans ta merveilleuse histoire

» Trouvera nos neveux disposés à la croire;

⚫ T'élever dans le ciel en soleil radieux,

» De l'Olympe à tes pieds mettre les demi-dieux,

» Et dans toi pouvant peindre un héros véritable,
Rabaisser tes exploits aux songes de la fable?

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» Dans ses discours menteurs, n'en crois pas Apollon

Lorsque venant t'offrir un immortel renom,

» Il prétend que lui seul, arbitre de la gloire,

⚫ Peut aux âges futurs transmettre ta mémoire.

» Non, sans qu'il faille en vers voir le Rhin mutinė,
» Cachant sous l'eau l'affront de son chef écorné,
• Ou qu'un moine docteur jusque dans ses poèmes,
Fasse à nos ennemis craindre tes anathemes,
» Du zèle d'un rimeur ton nom indépendant,
Des ans et de l'oubli se verra triomphant ;

■ Vainement sur le marbre on s'empresse à l'écrire

» Nos fils à leurs enfants se plairont à le dire,
» Et par les seuls exploits de ton règne fameux,

» Tu seras l'entretien de nos derniers neveux.

Après avoir cité comme une exagération déplacée la pensée assez belle cependant du flatteur :

Sollicitant Louis, en Hercule nouveau,

» Du monde qui s'écroule à porter le fardeau;

le poète justifie les éloges qu'il donne à son tour au Roi, par les différents actes de son règne ; mais reconnaissant qu'une ardeur indiscrète l'emporte trop loin, il s'écrie:

Grand Roi, permets ici que ma muse s'arrête;

» Bientôt parti trop haut, par un vol si hardi,

D

J'irais sans jugement, d'un transport étourdi,
Foudroyer Philisbourg d'étonnante structure,

» Devant Montméliant insulter la nature,

» Et guidant tes soldats sur ses remparts ouverts,
⚫ Crier que ta vertu triomphe dans les airs. »

Tous les mots que je souligne ici le sont dans le manuscrit autographe, ce qui prouve que l'auteur les donne comme des citations ridicules d'auteurs contemporains.

La satire qui suit le discours au Roi est une heureuse imition de la dixième satire de Juvénal, et le développement de cette pensée :

« C'est un désir commun, chacun veut être heureux;

après laquelle le poète ajoute :

» Toutes nos actions, nos pas, nos soins, nos brigues,
» Les veilles, le sommeil, le repos, les fatigues,

Les hasards de Bellonne, et les cris du barreau,
>> Tout le mal qu'un rimeur souffre dans son cerveau;
> Ce qu'il coûte au marchand de sueur et de peincs,

» À l'avocat d'étude, au docteur de migraines,

. Enfin, tout ce qu'on fait et ce qu'on ne fait point,
⚫ Même sans réfléchir, se rapporte à ce point.

Puis il s'écrie plus loin:

» Le bonheur à trouver est-il donc impossible?

» Serait-ce une chimère, un être de raison,

› Un normand sans procès, un fermier sans blason? >>

L'auteur adresse ensuite au duc de Beauvilliers un Discours sur la Vertu, qui renferme le portrait suivant de l'excellent gouverneur du duc de Bourgogne :

• Beauvilliers, dans tes mœurs ce qui nous édifie,
C'est que de la sagesse austère partisan,

Nous te voyons encor, habile courtisan,

» Joindre à la piété l'aimable politesse,

› Dans l'une sans orgueil, dans l'autre sans mollesse,
• Et que de tant d'éclats paré modestement,
»Tu sois de notre cour l'exemple et l'ornement.

Telle qu'une beauté que pare la nature,
Brille sans ornement d'une grâce plus pure,
» La vertu sans effort, sans fard et sans apprest,
» Vient d'un front ingénu se montrer comme elle est;
» Elle charme toujours sans qu'elle songe à plaire,
Le ciel la fait briller d'un lustre involontaire,
Il répand sur son front un invincible attrait,
⚫ Dès qu'on la voit on l'aime, et d'abord elle plaît;
La modeste pudeur brille sur son visage,

» Son accueil est humain, son entretien est sage,

» On lui trouve un cœur tendre, un esprit bienfaisant,

» Aux faiblesses d'autrui toujours compatissant ».

La dernière satire est adressée à M. L.. S. D. L. P....; le poète tonne contre le culte de l'or; l'ironie est la figure dont il fait constamment usage; voici son début :

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