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J'oppofe encor plus de conftance
A cette longue adverfité,
Qu'elle n'a de perfévérance;
Car ma trifte expérience,
En m'apprenant à fouffrir
M'apprend que la patience

Rend plus légers les maux que l'on ne peut guérir.

Au milieu cependant de ces peines cruelles
De notre trifte hyver compagnes trop fidelles,
Je fuis tranquille & gai. Quel bien plus précieux
Puis-je efpérer jamais de la bonté des dieux?
Tel qu'un rocher dont la tête
Egale le mont Athos,

Voit à fes pieds la tempête
Troubler le calme des flots ;'

La mer autour bruit & gronde ;
Malgré les émotions,

Sur fon front élevé regne une paix profonde
Que tant d'agitations,

.Et que les fureurs de l'onde

Refpectent, à l'égal du nid des alcyons,

Heureux qui, fe livrant à la philofophie,
A trouvé dans fon féin un refuge affure
Contre des préjugés dont l'efprit, enivré
De fa propre raifon, lui-même se défie
Et fortant des erreurs où le peuple eft livré
Démêle,autant qu'il peut, les principes des chofes,
Connoit les nœuds fecrets des effets & des caufes,
Regarde avec mépris & la Parque. & Caron
Et rit tranquillement du bruit de l'Achéron
Mais c'eft pouffer trop loin, peut-être, la fageffe;
J'aime.mieux me prêter à l'humaine foibleffe,
Et de l'opinion refpectant le bandeau
Croire voir les enfers, mais ne les voir qu'en beau.
Je laiffe là Minos, & fon urne fatale,
Le rocher de Sifyphe & la foif de Tantale;
Et fans m'inquiéter de cent tourmens divers,

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Tout ce qui s'offre à ma pensée,

Ce ne font que des fleurs, des berceaux toujours verds,

Et les champs fortunés de l'heureux Elysée.

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Là, dans l'inftant fatal que le fort m'aura mis
J'efpere retrouver mes illuftres amis
La Fare avec Ovide, & Catulle & Lesbie
Voulant plaire à Corinne, ou careffer Julie,
Chapelle, au milieu d'eux, ce maître qui m'apprit,
Au fon harmonieux des rimes redoublées
L'art de charmer l'oreille & d'amufer l'efprit,
Par la diverfité de cent nobles idées.

Quel fpectacle à mes yeux,& quel plaifir nouveau! Dans un bois d'orangers, qu'arrofe un clair ruiffeau,

Je revois Seignelay, je rencontre Bethune,
Efprits fupérieurs, en qui la volupté
Ne déroba jamais rien à l'habileté,

Dignes de plus de vie & de plus de fortune.

Avec Gafton de Foix quelle ombre fe promene? Ah! je la reconnois : c'eft le jeune, Turenne ! Préfent rare & précieux

Que l'avare main des dieux Ne fit que montrer à la terre; Digne héritier du nom de ce foudre de guerre, A quel point de gloire & d'honneur Ne t'euffent pas porté tes destinées

Si Mars, jaloux de ta valeur,

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A la fleur de tes ans ne les eût terminées ?
Qui vois-je près de toi ? C'eft ta mere éperdue,
Tout-à-coup, aux enfers, depuis peu defcendue,
Qui confervant pour toi fes tendres fentimens,
De ce fils fi chéri vole aux embrassemens.
Marianne (*), eft-ce vous ? Le ciel impiroyable

(*) Marie-Anne Mancini, duchefe de Bouillen.

A-t-il voulu fitôt dérober aux mortels,
Ce qu'il leur a donné jamais de plus aimable
Et qui pouvoit aux dieux difputer des autels
Si la grace & l'efprit font, comme eux, adorables?
Eh! quoi, je me flattois qu'en fes derniers adieux,
Tu recevrois mon ame à fon heure fatale,
Et que ton amitié, pour moi toujours égale,
Peut-être, en foupirant, me fermeroit les yeux.
C'eft moi qui te furvis ! & ma douleur profonde
N'a, pour me confoler dans l'excès de mon deuil,
Que de porter ton nom jufques au bout du monde,
De jetter tous les jours des fleurs fur ton cercueil,
Chanter tes agrémens, & célébrer tes charmes,
Dans ces vers mille fois arrofés par mes larmes.

Dans une foule de guerriers,
Vendôme, fur une éminence,
Paroît couronné de lauriers ;
Vendôme, de qui la vaillance
Fait avouer aux Scipions

Que le fac de Carthage & celui de Numance
N'obfcurcit pas les actions

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Et laiffe à juger à l'Espagne,

Si fon bras ne fit pas plus en une campagne,
Qu'ils ne firent en dix avec vingt légions.

Dans le fond des jardins de ce féjour tranquille,
J'apperçois un héros iffu du fang des dieux;
C'eft Enghien qui s'offre à mes yeux,
Sur Nerwinde & Steinkerque entretenantAchille.
Je vois ce vainqueur d'Ilion

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Frémir que tout fon courage,

Au bord du Simoïs n'ait pas fait davantage Que dans ces deux combats fit ce jeune lion, Plus loin, dans un fombre bocage,

Je vois Sully, Catinat & Caton,

A tous les gens de bien faisant une leçon.

Ainfi, parmi l'émail de ces douces prairies,

Libre du joug des paniques terreurs
Je promene les erreurs

De mes tendres rêveries;

Et ne pouvant former que d'impuiffans defirs
Je fçais mettre, en dépit de l'âge qui me glace,
Mes fouvenirs à la place

De l'ardeur de mes plaifirs.
Avec quel contentement

Ces fontaines, ces bois, où j'ai vu ma Sylvie
Rappellent à mon cœur fon amoureux tourment!
Bien loin que ce plaifir,

Qui ne peut revenir,

D'inutiles regrets empoifonne ma vie,
J'en favoure à longs traits l'aimable fouvenir.
Que de fois j'ai groffi ce ruiffeau de mes larmes !
C'eft fur ce lit de fleurs que le premier baifer,
Pour gage de fa foi, diffipa mes allarmes,
Et que, bientôt après, vainqueur de tant de char

mes "

Sous 'ce tilleul, au frais, je vins me repofer.
Cet arbre porte encor le tendre caractere
Des vers que j'y gravai pour l'aimable bergere:
Arbre, croiffez, difois-je, où nós chiffres tracés
Confacrent à l'Amour nos noms entrelacés ;
Faites croître avec vous nos ardeurs mutuelles
Et que de fi tendres amours,

Que la rigueur du fort défend d'être éternelles,
N'aient d'autre fin que la fin de nos jours.

Ami, voilà comment, fans chagrin, fans humeurs,
De la fin de mes jours, poifon lent & funefte,
Je feme encor de quelques fleurs

Le peu de chemin qui me refte.

Defcription de nouvelles expériences d'hydrodynamique, adreffée à M. du Coudreau, capitaine en premier au corps royal du génie, en ré.... fidence à Nantes, par M. Dez, profeffeur de mathématiques de l'ancienne école royale mi→ litaire, & penfionnaire du roi.

MONSIEUR,

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Omme vous aimez les fciences, & que vous les cultivez par goût & par état, je pense que vous ferez fort aife que je m'entretienne avec vous fur les expériences d'hydrodynamique qui ont été faites à l'école militaire pendant l'été de 1775, & qui viennent d'être imprimées à Paris, en un vol. in-8°., chez Jombert, rue Dauphine fous ce titre : Nouvelles expériences fur la réfiftance des fluides, par MM. d'Alembert, le marquis de Condorcet, & l'abbé Boffut.

Ces trois célebres académiciens, qui m'honorent de leur eftime & de leur amitié, me choifirent particulierement pour être coopérateur dans le travail de ces expériences; c'eft pourquoi je puis en parler comme témoin oculaire. Jamais peutêtre on n'a mis plus d'exactitude dans de pareilles recherches.

Vous fçavez, Monfieur, qu'il y a plus de 15 ans que M. l'abbé Boffut a commencé à jetter les fondemens d'un corps d'obfervations & d'expériences fur cette matière, dans fon excellent traité d'hydro-dynamique théorique & pratique; ouvrage vraiment neuf & original, qui a eu le plus grand fuccès dans toute l'Europe, & qui a donné, depuis quelques années, au gouvernement, l'idée de porter fes vues fur une branche de l'administration auffi importante que celle de la navigation dans l'intérieur du royaume, & d établir Tom. IV. Part. I. F

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