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épuifé ce Royaume & Louis XIV. avoit laissé en mourant fes finances dans un tel état, que l'on pouvoit dire que le Regent y avoit trouvé quelques centaines de millions moins que rien. Ce Prince avoit l'Efprit le plus tranfcendant que l'on pût s'imaginer, rien n'échapoit à fa pénétration, c'étoit le meilleur Officier & le plus adroit politique du Royaume; mais joignez enfemble tous les talens imaginables, on ne peut avec cela parvenir à faire quelque chofe de rien. C'est un Atribut de la feule Divinité; cependant c'eft ce qu'il auroit fallu faire pour rétablir les affaires, & c'est ce que le Sr. Law entreprit. L'Homme eft né avec ce penchant qui le porte à s'aprocher autant qu'il peut de la Divinité, à la copier, à lui reffembler, eft il étonnant qu'il fe foit trouvé en tous Païs des Hommes qui ne vouluffent pas le ceder à Law en expédiens pour créer des richeffes immenfes. De là cette foule de Compagnies qui s'établirent de tous cotez fur un grand fond d'impudence, de temerité & d'Efperances, foutenu d'un defir infatiable de s'enrichir aux dépens des plus fous. Prèfque toutes ces Compagnies font rentrées dans le Néant, d'où elles étoient réellement forties, il n'en refte qu'un fouvenir fatal dans quelques familles. Quelques-unes fubfiftent encore dans un état fi languiffant, qu'elles font à tous momens prétes à éxpirer, fans force & fans vigueur interne, il n'y a que quelques remedes exterieurs qui leur donnent une aparence de

vie.

Detoutes ces Compagnies celles qui ont fait le plus de bruit, ce font celles du Miciffipi, du Sud, & d'Oftende les deux prémieres ont cau

fé des fortunes & des Cataftrophes que nos neveux ne voudront pas croire, quoique très véritables, la dernière a mis l'Europe à deux doits d'un Embrafement total.

Le Miniftre de Vienne ayant connu par expérience, pendant la dernière Guerre, les immenfes avantages que les Etats commer. çans ont fur les autres, s'étoit apliqué avec foin depuis la Paix de Bade, aux moyens d'établir le Commerce dans les Païs Héreditaires de l'Empereur, comme l'expedient le plus für d'y attirer des richeffes, dont la circulation porte une utilité réelle au cœur de l'Etat,c'està-dire au Tréfor du Souverain. C'eft pour cet effèt que l'Empereur accorda des privileges aux Villes de Fiume & de Triefte fur le Golfe Adriatique & que fes Miniftres infifterent avec tant de fuccês au Traité de Paffarowitz, fur l'Article du Commerce, qu'ils obtinrent de la Porte des avantages à cet égard qu'au cune Puiflance de l'Europe n'avoit encore pu obtenir de cette Cour. C'eft à ce fifteme que la Compagnie Orientale dût fon origine; & ce font les avantages qu'on retira de ces établiffemens,qui firent naitre à quelques particuliers la penfée de proposer à la Cour de Vienne l'établiffement d'une Compagnie des Indes dans les Païs-Bas. Les premieres propofitions qui en furent faites, rencontrerent de grandes dificultez, qui en acrocherent le fuccès; néanmoins elles donnèrent lieu à la refolution qui fut prife dès lors d'accorder des Lettres de Mer aux Flamans & Brabançons qui voudroient aller négocier aux Indes à leurs rifques & dépens; c'étoit dans le deffein de voir par experience quel avantage on en pourroit tirer, & A 2

com

comment les Puiffances, dont on prevoyoit ou craignoit les oppofitions, prendroient cette nouvelle navigation. Cette entreprise réuffit. Les premiers vaiffeaux que quelques negocians d'Anvers envoyerent aux Indes orientales en revinrent richement chargez, ce fuccès enhardit quelques autres, & le fuccès toûjours égal difpofa favorablement les Miniftres, en forte qu'ils n'objectèrent des difficultez au Projet que leur préfenta le Sr. Calebroek, fous la protection de quelques Seigneurs affez puiffans, qu'autant qu'ils crurent de leur intérêt de n'être pas trop faciles à accorder l'Octroi démandé. Deux Miniftres de l'Empereur s'y opoferent toûjours conftamment, l'un par raifon & par juftice, l'autre par intérêt. Ceux qui font un peu au fait des affaires n'ignorent pas que tout ce que le Prince Eugene objecta alors contre cet établiffement, tout ce qu'il prédit des opofitions des Puiffances maritimes, s'eft trouvé vrai à la Lettre; ce Prince n'étoit animé que par l'équité & par fon zèle pour la gloire de fon Maitre le Marquis de Prié, ne s'opofa pas moins à l'O&troi; contre lequel il allégua les raifons les plus fortes & les plus folides que lui di&térent l'intérêt qu'il trouvoit dans l'expedition des Lettres de Mer, que l'aroi devoit fufpendre, & dans les préfens que lui faifoient les Maitres des Vaiffeaux à leur retour. Voilà ce qui fit trainer fi longtems l'Expedition de cet Octroi qui ne fût figné que le 19. Decembre 1722. tel que le voici.

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Lettres Patentes d'Octroi, accordées par l'Empereur à la Compagnie des Indes dans les Païs-Bas Autrichiens.

CH

HARLES &c. A tous ceux qui ces préfentes verront, SALUT. Etant également attentif à procurer ce qui peut-être de l'avantage de nos Peuples, & à contribuer à la confervation de tous nos Etats, nommément de ceux de nos Païs-Bas, & confiderant qu'il feroit bien difficile de parvenir à ces deux buts fi importants fans le rétabliflement du Commerce & de la Navigation, d'ou depend non feulement le bonheur de nos Sujets, mais auffi le bon ordre, & l'augmentation de nos Finances, de même que la defence de nos PaïsBas, confiderant auffi, que ce Commerce ne peut pas être bien établi, & folidement foutenu par des Particuliers, qui le font depuis quelques années fous notre Pavillon, & fur nos Pafleports, Nous avons jugé néceffaire d'établir & de former une Compagnie générale de Commerce dans nos Païs-Bas, afin que par l'union de tous nos Snjets, & leur correfpondance, ils puiffent le faire avec plus d'ordre & de fuccès, & fe foutenir avec plus de fermeté & de vigueur contre les dangers & difficultés, qui peuvent fe rencontrer dans des voyages de fi long cours: A ces Caufes, de notre propre fcience, pleine puitlance; & de l'Autorité Nous apartenante par le droit de Souveraineté, par celui de la Nature & des

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Gens

Gens, & ayant égard aux très humbles demandes & fupplications de nos Sujèts de nos PaïsBas (oui fur ce l'avis de notre Plénipotentiaire au Gouvernement d'iceux, de notre Lieutenant Gouverneur & Capitaine Général de nofdits Païs, & ouï fur le tout notre Confeil Suprême établi chez Notre Perfonne Royale pour les Affaires du même Païs, & en dernier lieu notre Conference Minifteriale) Nous avons tant pour Nous que pour nos Succeffeurs gracieusement octroyé, permis & concedé, octroyons, permettons & concedons, que ladite Compagnie générale s'établifle, & fe forme, comme Nous l'établiffons & formons par ces préfentes irrévocables pendant le terme de cet Octroi, fous le nom & titre de Compagnie Imperiale & Royale établie dans nos Païs-Bas Autrichiens fous la protection de S. Charles, & fous les Articles, libertez, & conditions fuivantes; à fçavoir.

I. Que cette Compagnie aura la faculté de naviger & negocier aux Indes Orientales & Occidentales, & fur les Côtes d'Afrique tant en déça, qu'au-delà du Cap de Bonne Efperance, dans tous les Ports, Havres, Lieux, & Rivieres, où les autres Nations trafiquent librement, en obfervant les maximes, & coûtumes reçues & aprouvés par le droit des Gens, pour le terme de trente années à comter de l'enterrinement de cet O&roi.

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II. Nous défendons très- expreflement à toutes autres perfonnes nos Sujèts aux PaïsBas, de faire directement ni indirectement ladite Navigation, ou Commerce, de quelque manière que ce puiffe être pendant ledit terme de trente années, a peine de notre indignation,

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