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pour pénétrer les Raifons de cette Invitation particuliere, de la part des Rois de France de la Grande-Bretagne, & de Pruffe. Supofé qu'ils euflent envie de faire la Guerre, comme il le femble, il feroit de leur intérêt de rendre leur Parti le plus fort qu'ils pourroient, & l'acceffion de Meffieurs les Etats y feroit certainement d'un grand poids. 1's pourroient fournir de l'argent au Roi de Pruffe, & le Voifignage les mettroit en état d'unir leurs forces, & de faire une puiffante & continuelle diverfion aux Païs Bas en faveur de leurs Alliées. Voilà déja de grandes raisons. Celles du Roi de la Grande Bretagne en particulier ne feroient pas moins fortes. Quoique fon credit paroiffe préfentement bien établi en Angleterre & en Irlande, & qu'il femble bien afluré de la pluralité des Voix en fon Parlement, par les mefures qu'il y a prifes, il auroit cependant fujèt de craindre, que la Nation ne fit difficulté de s'engager, uniquement pour lui complaire, dans une Guerre, qui couteroit beaucoup, & où certainement il n'y auroit rien à gagner pour elle. Quand on fait la Guerre fans paffion, ce ne peut être que dans la vûë de fe garantir de quelque grand mal, dont on eft menacé, ou d'ameliorer fa Condition par une Paix avantageufe. Mais rien de tout cela ne fe trouveroit en celle ci. Les Anglois ne font menacez d'aucun danger. Perfonne ne penfe à leur nuire, & il ne tient qu'à eux de jouïr tranquillement des avantages de leur Commerce, ce qui, felon nous, eft le vrai Intérêt de la Nation; fur tout à préfent qu'elle a fi heureufement avancé le grand ouvrage du Payement de fes Det

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es. Il faut donc croire que les Anglois, qui, en général, font gens de beaucoup d'efprit, ne s'engageroient pas volontiers dans une femblable Guerre; à moins que l'on ne trouvât moyen d'y engager auffi Meffieurs les Etats. Leur Ácceffion y pourroit beaucoup contribuer, tant par la raifon du foulagement, qu'ils y envifageroient du côté de la dépense; que par celle de l'habitude, où ils font depuis le tems du Roi Guillaume, d'aller de compagnie avec eux. Sans compter, que leurs Jaloufies de Commerce ne leur permettroient pas de voir d'un ceil content la Nation Hol landoife jouïr heureufement de tout le fien à la faveur de la Paix, pendant que la Guerre, où ils feroient entrez, les priveroit d'une partie du leur. Voilà tout le fecret de l'Affaire, & l'Intérêt, qui obligeroit le Roi de la Grande-Bretagne, fupofé qu'il voulût la ¡Guer

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à ne negliger aucun moyen, pour y engager auffi Meffieurs les Etats, même avant de la propofer aux Anglois.

Les Intérêts du Roi de France, pour le même deffein, feroient affez diferents de ceux-là, & dependroient beaucoup de la maniere dont pourroient les comprendre ceux qui font à la tête des affaires. Il y en auroit un général & ancien; & un autre particulier & moderne. L'Intérêt général & ancien feroit de femer la Divifion entre toutes les Puiffances, qui ont été unies contre Elles avec tant de fuccès; de les exciter les unes contre les autres, & de les aider à s'entre-détruire; car c'eft principalement par là, que le Roi Louïs XIV. avoit fçu monter à ce haut degré de Puiffance, où nous l'avons vû. Mais les tems

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font fort changez depuis trente ou quarante ans; & fi on confidere bien l'état préfent des affaires de France, on conviendra aifément, que les maximes du Regne de Louis de XIV. ne lui conviendroient pas toutes. Quant à l'intérêt particulier & moderne, il confifteroit à renverfer cette Barriere, qui a été érigée au Païs-Bas, pour y être comme une puiflante Digue, qui pût arrêter de ce côté-là, entout tems, l'impetuofité de fes armes, & pour y fervir de Rempart à l'Etat des ProvincesUnies. On ne fçauroit le nier, l'occasion à cet égard eft favorable à la France. Elle voit le Roi de la Grande-Bretagne difpofé à entreprendre quelque chofe de nouveau, & les Hollandois échauffez contre la Compagnie d'Oltende ni plus ni moins que fi elle devoit engloutir les leurs. C'est une pure illufion mais qui ne laiffe pas de faire fon effet fur l'efprit de bien des gens, peu inftruits du vrai état du Commerce des Indes; & qui par là peut fervir également aux Deffeins belliqueux du Roi de la Grande Bretagne, & aux Intérêts du Roi Très Chrétien pour la deftruction de la Barrière. Voilà d'où vient que ces deux Princes uniffent, comme on voit, leurs efforts & leurs perfuafions, pour attirer, s'il eft poffible, Meffieurs les Etats dans cette perilleuse Galere. Déja l'invitation eft faite, & les Miniftres des trois Couronnes, & bien inftruits fur tous les points, ont déclaré d'entrée, qu'il n'y a rien fur quoi on ne foit réfolu de leur donner fatisfaction, pourvû feulement qu'ils faflent le pas qu'on defire d'eux; Qu'ils ne feront point obligez à la Garantie des Traitez de Weftphalie, & d'Oliva en leur entier ;

mais feulement en ce qui regardera les Intérêts des Puiffances contractantes; & qu'en échange on leur garantit à eux, tout ce qui pourroit caufer du préjudice à l'Etat en général & en particulier, tant à l'égard du Commerce d'Oftende, qu'à l'égard des Sommes négociées, & hypothequées fur les Pais Bas, des Subfides pour l'entretien des Garnifons de l'Etat, & des Confequences, & Suites qui pourroient résulter de la Saifie, ou retenue du payement d'iceux : C'est-à-dire en un mot, que la France leur accordera la Garantie, pour le maintien de la Barriere, qui a été formée & conftituée contre elle-même. En peut on defirer une meilleure? Voilà ce qu'ils gagneront par leur acceffion. Car pour la Garantie de l'Angleterre, elle leur étoit déja pleinement acquife par les Traitez d'Anvers des années 1715. & 1718. On verra ce qu'ils auront fait, ou feront làdeffus, & fi leur prudence accoutumée aura pu être éblouïe par les empreffemens des trois Couronnes, jufqu'au point de fe jetter à corps perdu dans une Guerre, dont ils ne fçauroient prevoir, ni les évenemens, ni la durée, ni la fin; de rompre avec l'Empereur, le meilleur ami, & le plus affuré qu'ils ayent au Monde, & de fe priver ainfi eux-mêmes du Droit, & des avantages de cette Barriere, qui leur a tant couté à établir. Et tout cela pour un Intérêt auffi petit, & pour une Prétenfion auffi mal fondée, que celle de leurs Compagnies Orientale & Occidentale, contre la Compagnie d'Oftende. Outre que l'Empereur n'a pas refufé, & ne refuse point encore d'entrer là-deffus dans tous accommodemens raifonnables qu'on voudroit lui propofer, &

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qui pourroient le mieux fervir à leur mettr l'efprit en repos.

I. Art. Separé

ANALYSE.

Quand on veut commencer une Guerre, il faut lui trouver une prétexte. L'affaire d'Oftende, fi l'acceffion fe fait, en pourra fournir un, quoique très-mal fondé. Mais comme elle pourroit ne pas réüffir, les trois hauts Confederez ont eu foin de fonger à quelque autre Grief, dont ils puiffent auffi demander le redreffement. L'affaire de Thorn fe préfentoit fort à propos. Ils ont cru quece Grief feroit plaufible, tant auprès des Puiflances attachées à la Confeffion d'Augsbourg, que de celles qui fuivent les fentimens des Réformez; parce qu'il s'y agiroit de faire rendre. une Eglife, & quelques Ecoles aux Proteftans de Thorn, comme auffi de les rétablir dans le Privilege de la Magiftrature, dont ils ont perdu la moitié, par le Jugement dont on 1e plaint. Veritablement, ceux de la Confeffion d'Augsbourg ne traitent pas chez eux les Réformez d'une maniere à leur perfuader, qu'il n'y a entr'eux qu'un même Inrérêt. Ils ne les confiderent point comme leurs Freres, & même ils ne leur accordent pas la liberté de l'Exercice public, dans les lieux où ils font les Maîtres. Mais il paroit qu'on ne laiffe pas de croire, que fi une fois les Rois de la Grande-Bretagne & de Prufle venoient à tirer l'épée pour l'affaire de Thorn, tous les Reformez y aplaudiroient, de quoi pourtant on peut encore douter. Pour ce qui eft des Prin

ces

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