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donnant d'ailleurs une tureté fuffifante contre le danger de voir précipiter les voyes, autres que celles de la conciliation, fans avoir au paravant épuisé tous les moyens de n'en point fortir.

VIII. La Cour de Vienne connoit trop fes véritables intérêts, pour ne pas finir, par facrifier à la fureté de fon état préfent les avantages qu'elle fe promet pour l'avenir de l'établissement de la Compagnie d'Oftende. Il ne faut que parcourir les Négociations du fiécle paffé, pour reconnoitre combien cette Cour eft plus qu'une autre capable de s'accommoder au tems. Les Traitez de Weftphalie ne nous montrent pas le plus petit Prince, pas un fimple Comte de l'Empire, fans une pleine reparation de tous les jugemens rendus, ou des difpofitions faites par la Cour de Vienne à leur defavantage, en haine de la part prise par eux à l'Alliance de la France ou de la Suede. Les Traitez fuivans n'ont point montré cette Cour plus inflexible, & le Prince, qui gouverne aujourd'hui l'Empire, eft trop éclairé, pour commettre cette Grandeur, qu'il eft fi occupé d'accroitre, par le refus conftant d'une fatisfaction dont la demande fera apuyée par des Puiffances auffi en état d'en procurer l'effet. Il faura même, fans doute, mettre à profit, pour l'intérêt de fa Dignité, l'occafion de complaire à une Repuplique fon ancienne Alliée, qui compte par centaines de millions les dettes qu'elle a contractées pour fon fervice, & de donner cet exemple que la reconnoiffance n'eft pas une vertu inacceffible au Trône Imperial.

IX. L'Engagement en question n'est donc point

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point de ceux qui annoncent à la République de grands efforts à faire s'il en falloit, ce feroit la caufe feule qu'ils auroient en vûë, mais fi une circonstance a pû jamais les faire envifager comme moins néceffaires qu'en tout autre tems, c'eft affurement celle où d'auffi grandes Puillances fe réuniffent pour nous fai re valoir nos juftes prétenfions; de telles cir conftances ne doivent pas nous faire negliger de pourvoir à ce qui peut nous manquer du côté des forces préfentes, mais au moins elles nous donnent tout lieu d'en convenir à loifir.

X. De tout tems il y a eu de ces Traitez entre les Nations, conclus dans des circonftances & avec des vûes de part & d'autre plus propres à les faire regarder comme des préparatifs à de nouvelles ruptures, que comme des liens de concorde. L'on fait ce qui a été dit de ces fameux Traitez entre Rome & Car thage, où ces deux Rivales ne pofoient les art mes que pour le difpofer mieux à les repren dre; mais ce feroit fe méprendre, de juger par des exemples de cette efpece de la folidité des Unions fondées fur un intérêt naturel? & par confequent durable. En effet c'est par la confideration de cet intérêt, que la Puiffance moindre doit le decider fur les engage. mens à prendre avec une plus puiffante, qu'el le preferat fur tout, dans le choix à faire en ce genre, celle de qui elle a le moins à crain❤ dre & le plus à attendre. En le conduifant par ces principes, la République ne pourra jar mais le méprendre. La France lui montre plus que tout autre une fouled'exemples éclatans de fa politique conftante, de ne laiffer

ja

jamais devenir funette fon Alliance aux Puiffances qui en ont recherché l'apui : Et nous devons la justice à cette Couronne de reconnoitre que les divers fyftêmes auxquels elle s'eft livré far tous les autres points n'ont ja mais aporté de variation à cet égard. La République l'a puiffamment éprouvée elle même jufqu'à la conclufion du Traité de Munter, ou nous fcumes bien montrer qu'en fe liant aux grandes Puillances, la République ne fe prive pas de la faculté de fe conduire felon fes veritables intérêts.

XI. Si la Cour de Vienne n'a que des in tentions pures pour la fatistactiou de la République, pourquoi la lui faire attendre du nouveau Monde & de la poche d'autrui? Pourquoi tant de Prédilection pour une Compagnie qni ne feroit pas fi chere, fi on ne la regardoit comme le fondement d'une Puillance Maritime, dont il s'agit d'accroitre celle que nous avons rendue par tant d'efforts redoutable fur terre?

XII. La Cour de Vienne, fourde à la voix de la République tandis qu'elle n'a eu à lui faire valoir que la Lettre des Traitez, que tant de fang repandu, que tant de millions facrifiez pour la feule querelle, ajoute de nouveaux fujets d'allarmes aux premiers par les ftipulations fur le Commerce dont elle groffit les Traitez de Vienne. C'eft après ces Trairez que cette Cour fe reveille au bruit d'une Alliance, qui affure à la République fa fatisfaction, & fon Miniftre, jufques là fi Glent paroitre, accourt. Qu'aporte t-il? fans doute des élucidations fatisfaifantes fur les Arti cles allarmans des derniers Traitez de VienS 4

ne;

ne, des propofitions fur la Compagnie d'Often

de, tendantes à accorder à l'ancienne amitié & aux éternelles obligations, ce que la République eft aujourd'hui en état de fe procurer par le poids de l'Alliance des Rois, qui lui tendent la main. Non, le Ministre n'arrive avec tant d'empreffement que pour affurer la République que fi la Compagnie d'Oftende étoit à établir, peut-être ne l'établiroit on pas, mais que la Dignité Imperiale ne permet plus de reculer à cet égard, & qu'au point où en font les chofes, il eft plus à propos que la République accede au Traité de Vienne. Pour rendre la chofe plus touchante on a foin de parer ce Traité du merire d'avoir pour fondement les ftipulations de la Quadruple Alliance, à laquelle nous avons refufé conftamment de prendre part. Enfin ou n'oublie point de femer de prélude de menaces les cajoleries dont on cherche à nous repai tre, & l'on pofe pour préalable que la République s'abftiendra religieufement de toute acceffion à une Alliance, dont fa pleine fatisfaction fait une claufe effentielle. Il eft vrai que pour faire gouter de tels paradoxes, on s'annonce feulement précurfeur d'un autre venant de loin, chargé de propofitions qui doivent amplement dédommager la République fur la Compagnie d'Oftende, aux dépens d'une Couronne à qui cette Compagnie eft non feulement étrangere, mais qui pendant le Congrès de Cambray, s'eft montrée la plus difpofée a s'intereffer contre fon établiffement. Qui ne voit l'Illufion?

I. En fupofant pour un moment la République amenée de fe procurer des Conceffions fur

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le Commerce en droiture aux Indes, conviendroient-ils de les accepter ? Comment faire gouter que nous en jouïffions à des voifins auffi puiflans que jaloux de leurs Droits fur la Mer? Ne feroit-ce pas tomber dans le piège tendu que de mordre à cet hameçon, & donner lieu par là aux femblables Conceffions en faveur de la Compagnie d'Oftende à fe produire enfin? Quel avantage en effet à fe promettre des Conceffions communes à une Compagnie dont la République a autant à rédouter la profperité? Chercher à l'amufer par de telles efperances, eft donc vouloir la tenter du fruit défendu, qu'il nous fufit de voir également interdit à tous.

II. Quand il feroit poffible de fupofer, qu'une Couronne voulut tout de bon prendre fur elle l'indemnité d'un établissement qui lui eft étranger, & contre lequel elle s'eft précédemment fi fortement expliquée, pourroit-elle entendre cette indemnité à l'accroiffement des dommages à prévoir? N'eftil pas cependant bien moins queftion de ce que la Compagnie d'Oftende eft aujourd'hui, que de ce qu'elle doit deuenir un jour ?

III. De qui enfin la République attendrat-elle à l'avenir fa fureté pour la fidèle exécution? Sera ce de la Cour de Vienne, qui s'eft montrée fi infenfible aux obligations paffées, & qui aura tant d'intérêts de faire prévaloir le Commerce d'Oftende? Sera-ce de l'Espagne, qui ne pourroit fe prêter à tout ce que l'on fupofe qu'elle doit mettre du fien pour la caufe d'autrui, fans facrifier fes intérêts les plus chers & fes plus conftantes ma

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ximes?

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