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N° 11,527.

DÉCRET IMPERIAL sur l'Expropriation pour cause d'utilité publique aux Iles Saint-Pierre et Miquelon.

Du 6 Juin 1863.

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT.

Vu l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854, sur la constitution des colonies;

Vu l'avis du comité consultatif des colonies;

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de la marine et des colonies,

AVONS DÉCRÉTÉ et DÉCRÉTONS ce qui suit :

TITRE I".

DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.

ART. 1. L'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par autorité de justice.

2. Les tribunaux ne peuvent prononcer l'expropriation qu'autant que l'utilité en a été constatée et déclarée dans les formes prescrites par le présent décret.

Ces formes consistent :

1 Dans le décret impérial rendu dans les formes prescrites pour les règlements d'administration publique, ou dans l'arrêté du commandant pris en conseil d'administration, qui autorise l'exécution des travaux pour lesquels l'expropriation est requise, selon que ces travaux sont à la charge de l'Etat ou à la charge de la colonie;

2o Dans l'arrêté du commandant, pris en conseil d'administration, qui désigne les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas du décret impérial ou de l'arrêté mentionné au paragraphe précédent;

3 Dans l'arrêté ultérieur, pris en conseil d'administration, par lequel le commandant détermine les propriétés particulières auxquelles l'expropriation est applicable.

Cette application ne peut être faite à aucune propriété particulière qu'après que les parties intéressées ont été mises en état de fournir leurs contredits, selon les règles exprimées au titre II.

3. Le décret impérial ou l'arrêté du commandant qui autorise des travaux pour l'exécution desquels l'expropriation est requise n'est rendu qu'après une enquête administrative.

L'arrêté du commandant est également précédé d'un avis du conseil d'administration constitué en conseil général.

TITRE II.

des mesures d'ADMINISTRATion relatives À L'EXPROPRIATION.

4. Les ingénieurs ou autres gens de l'art chargés de l'exécution

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des travaux lèvent, pour la partie qui s'étend sur chaque commune, le plan parcellaire des terrains ou des édifices dont la cession leur paraît nécessaire.

5. Le plan desdites propriétés particulières, indicatif des noms de chaque propriétaire tels qu'ils sont inscrits sur la matrice cadastrale, reste déposé, pendant huit jours, au bureau de l'ordonnateur, pour les propriétés situées dans le canton de Saint-Pierre, et au bureau du chargé du service à Miquelon, pour les propriétés situées dans ce canton, afin que chacun puisse en prendre connais

sance.

6. Le délai fixé à l'article précédent ne court qu'à dater de l'avertissement qui est donné collectivement aux parties intéressées de prendre communication du plan déposé dans les bureaux désignés en l'article précédent.

Cet avertissement est publié à son de trompe ou de caisse dans le canton, et affiché tant à la principale porte de l'église du lieu qu'à celle du bureau désigné dans l'article précédent.

llest, en outre, inséré dans l'un des journaux publiés dans la colonie, s'il en existe.

7. L'ordonnateur à Saint-Pierre, ou le chargé du service à Miquelon, certifie ces publications et affiches; il mentionne, sur un procès-verbal qu'il ouvre à cet effet et que les parties qui comparaissent sont requises de signer, les déclarations ou réclamations qui lui ont été faites verbalement, et y annexe celles qui lui sont transmises par

écrit.

8. A l'expiration du délai de huitaine prescrit par l'article 5, une commission se réunit au chef-lieu de canton.

Cette commission, présidée par l'ordonnateur ou par un fonctionnaire que désignera le commandant, sera composée de trois membres choisis par le commandant parmi les principaux propriétaires du canton, et de l'un des ingénieurs chargés de l'exécution des travaux. La commission ne peut délibérer valablement qu'autant que tous ses membres sont présents.

Les propriétaires qu'il s'agit d'exproprier ne peuvent être appelés à faire partie de la commission.

9. La commission reçoit, pendant huit jours, les observations des propriétaires.

Elle les appelle toutes les fois qu'elle le jug convenable. Elle donne son avis.

Les opérations doivent être terminées dans le délai de dix jours; après quoi le procès-verbal est adressé immédiatement par le président de la commission à l'ordonnateur.

Dans le cas où lesdites opérations n'auraient pas été mises à fin dans le délai ci-dessus, le président de la commission devra, dans les trois jours, transmettre à l'ordonnateur son procès-verbal et les documents recueillis.

10. Si la commission propose quelques changements au tracé in diqué par les ingénieurs, le président de la commission devra, dan

la forme indiquée par l'article 6, en donner immédiatement avis aux propriétaires que ces changements pourront intéresser.

Pendant huitaine, à dater de cet avertissement, le procès-verbal et les pièces resteront déposés dans le bureau de l'administration du canton; les parties intéressées pourront en prendre communication sans déplacement et sans frais, et fournir leurs observations écrites.

Dans les trois jours suivants, le président de la commission transmettra toutes les pièces à l'ordonnateur.

11. Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le commandant détermine, par un arrêté motivé, les propriétés qui doivent être cédées, et indique l'époque à laquelle il sera nécessaire d'en prendre possession. Toutefois, dans le cas où il résulterait de l'avis de la commission qu'il y aurait lieu de modifier le tracé des travaux ordonnés, le commandant, en conseil d'administration, pourra, suivant les circonstances, ou statuer définitivement, ou ordonner qu'il soit procédé de nouveau à tout ou partie des formalités prescrites par les articles précédents.

12. Les dispositions des articles 8, 9 et 10 ne sont pas applicables au cas où l'expropriation serait demandée dans un intérêt purement communal, non plus qu'aux travaux d'ouverture ou de redressement des chemins vicinaux.

Dans ce cas, le procès-verbal prescrit par l'article 7 est transmis, par le fonctionnaire qui l'a reçu, à l'ordonnateur.

Le commandant, en conseil d'administration, sur le vu de ce pro cès-verbal, prononcera comme il est dit en l'article précédent.

TITRE III.

DE L'EXPROPRIATION ET DE SES SUITES QUANT AUX PRIVILÉGES,
HYPOTHÈQUES ET AUTRES DROIts réels.

13. Si les biens de mineurs, d'interdits, d'absents ou autres incapables sont compris dans les plans déposés en vertu de l'article 5 ou dans les modifications admises par le commandant aux termes de l'article 11 du présent décret, les tuteurs, ceux qui ont été envoyés en possession provisoire et tous représentants des incapables peuvent, après autorisation du tribunal, donnée sur une simple requête, en la chambre du conseil, consentir amiablement à l'aliénation desdits biens.

Le tribunal ordonne les mesures de conservation ou de remploi qu'il juge nécessaires.

Ces dispositions sont applicables aux immeubles dotaux et aux majorats.

Le commandant pourra, dans le même cas, aliéner les biens de la colonie, après avis du conseil d'administration constitué en conseil général; les administrateurs pourront aliéner les biens des établissements publics, s'ils y sont autorisés par arrêté du commandant en conseil d'administration.

Le commandant peut consentir à l'aliénation des biens de l'État, s'il y est autorisé par le ministre de la marine et des colonies.

A défaut de conventions amiables, soit avec les propriétaires des terrains ou bâtiments dont la cession est reconnue nécessaire, soit avec ceux qui les représentent, l'ordonnateur transmet au juge de première instance le décret impérial ou l'arrêté du commandant qui autorise l'exécution des travaux et l'arrêté mentionné en l'article 11, 14. Dans les trois jours et sur la production des pièces constatant que les formalités prescrites par l'article 11 du titre I" et par le titre II du présent décret ont été remplies, le tribunal prononce l'expropriation, pour cause d'utilité publique, des terrains ou batiments indiqués dans l'arrêté du commandant.

Si, dans l'année de l'arrêté du commandant, l'administration n'a pas poursuivi l'expropriation, tout propriétaire dont les terrains sont compris audit arrêté peut présenter requête au tribunal. Cette requête sera communiquée par le juge de première instance à l'ordonnateur, qui devra, dans le plus bref délai, envoyer les pièces, et le tribunal statuera dans les trois jours.

Le juge de première instance remplira les fonctions attribuées par le titre IV, chapitre 11, au magistrat directeur du jury, chargé de fixer l'indemnité.

En cas d'absence ou d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement conformément à l'article 27 de l'ordonnance du 26 juillet 1833, concernant l'organisation judiciaire de cette colonie.

Dans le cas où les propriétaires à exproprier consentiraient à la cession, mais où il n'y aurait pas accord sur le prix, le tribunal donnera acte du consentement, sans qu'il soit besoin de rendre le jugement d'expropriation ni de s'assurer que les formalités prescrites par le titre II ont été remplies.

15. Le jugement est publié et affiché, par extrait, dans le canton de la situation des biens de la manière indiquée en l'article 6. Il est, en outre, inséré dans l'un des journaux publiés dans la colonie, s'il y en a. Cet extrait, contenant les noms des propriétaires, les motifs et le dispositif du jugement, leur est notifié au domicile qu'ils auront élu dans le canton de la situation des biens par une déclaration faite au bureau de l'ordonnateur à Saint-Pierre ou à celui du chargé du service à Miquelon; et, dans le cas où cette élection de domicile n'aurait pas eu lieu, la notification de l'extrait sera faite en double copie à celui des fonctionnaires ci-dessus désignés qui sera compétent en raison de la situation des biens, et au fermier, locataire, gardien ou régisseur de la propriété.

Toutes les autres notifications prescrites par le présent décret seront faites dans la forme ci-dessus indiquée.

16. Le jugement sera, immédiatement après l'accomplissement des formalités prescrités par l'article 15 du présent décret, transcrit au bureau de la conservation des hypothèques, conformément l'article 2181 du Code Napoléon.

17. Dans la quinzaine de la transcription, les priviléges et les

XI' Série.

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hypothèques conventionnelles, judiciaires ou légales, seront inscrits.

A défaut d'inscription dans ce délai, l'immeuble exproprié sera affranchi de tous priviléges et hypothèques, de quelque nature qu'ils soient, sans préjudice des droits des femmes, mineurs ou interdits sur le montant de l'indemnité, tant qu'elle n'a pas été payée ou que l'ordre n'a pas été réglé définitivement entre les créanciers.

Les créanciers inscrits n'auront, dans aucun cas, la faculté de surenchérir, mais ils pourront exiger que l'indemnité soit fixée conformément au titre IV.

18. Les actions en résolution, en revendication, ou toutes autres actions réelles, ne pourront arrêter l'expropriation ni en empêcher l'effet. Le droit des réclamants sera transporté sur le prix, et l'immeuble en demeurera affranchi.

19. Les règles posées dans le premier paragraphe de l'article 15 et dans les articles 16, 17 et 18, sont applicables dans le cas de conventions amiables passées entre l'administration et les propriétaires.

Cependant l'administration peut, sauf les droits des tiers et sans accomplir les formalités ci-dessus tracées, payer le prix des acquisitions dont la valeur ne s'élèverait pas au-dessus de cinq cents francs. Le défaut d'accomplissement des formalités de la purge des hypothèques n'empêche pas l'expropriation d'avoir son cours, sauf, pour les parties intéressées, à faire valoir leurs droits ultérieurement, dans les formes déterminées par le titre IV du présent dé

cret.

20. Le jugement ne pourra être attaqué que par la voie du recours en annulation devant le conseil d'appel, et seulement pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme du jugement.

Le recours aura lieu, au plus tard, dans les trois jours à dater de la notification du jugement, par déclaration au greffe du tribunal. Il sera notifié dans la huitaine, soit à la partie, au domicile indiqué par l'article 15, soit à l'ordonnateur, le tout à peine de déchéance.

Dans la quinzaine de la notification du recours, les pièces seront adressées au conseil d'appel, qui statuera dans le mois suivant. L'arrêt, s'il est rendu par défaut à l'expiration de ce délai, ne sera pas susceptible d'opposition.

TITRE IV.

DU RÈGLEMENt des indemnités.

CHAPITRE I".

MESURES PRÉPARATOIRES.

21. Dans la huitaine qui suit la notification prescrite par l'article 15, le propriétaire est tenu d'appeler et de faire connaître à l'administration les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'usufruit, d'habitation ou d'usage, tels qu'ils sont réglés par le Code Napoléon, et ceux qui peuvent réclamer des servitudes résultant des

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